Claude-Gilbert Dubois
Université Michel de Montaigne, Bordeaux 3, France
gcdubois@wanadoo.fr
Mythes, fêtes et rites de la déraison dans la Rome antique
Une archéologie du sens : sens perdu, sens recouvert, sens découvert, sens retrouvé
Myths, Feasts and Frenzy Rites in Ancient Rome
Abstract: Daily life, in Rome, during Antiquity, was ponctuated by very numerous feasts and games, which often had a commemorative function. But, as the event which founded the commemorative act had come out of the collective memory, the rite which preserved the recollection appeared as having lost all meaning. So it is necessary to trace back to the founding event of the feast or game, in order to discover, under the apparent nonsense (anoètos) the mythic affabulation (mythos) giving a sense (logos) or restoring a meaning, to incongruous ritual gestures. Three cases are here considered: Lupercalia, Bacchanalia (with their particular prolongation, Matralia) and Saturnalia.
Keywords: Bacchus (Bacchanalia); Dionysos; Ecstasy; Feast; Game; Lupercalia; Rites; Saturnus (Saturnalia); Sense (and Nonsense).
« Faire la fête », suivant une expression courante, est, de nos jours et dans notre type de fonctionnement social, un acte de subversion dans une société fortement cadenassée par une logique de l’utilité, subordonnée au principe économique de rentabilité, soumis à son tour à une finalité de profit matériel et financier. C’est là le logos, la logique de l’univers du capital. Or, la « fête » brise les cadences du travail, par une parenthèse de repos (c’est un jour « chômé »), par une revendication de liberté (elle appartient, comme on dit, au « temps libre »), et éventuellement par une manifestation volontaire d’illogisme, de paradoxe, de déraison et de folie, qui est un pied-de-nez envoyé, pendant un temps déterminé, à la logique oppressive du quotidien.
La question est alors de savoir si la revendication de rupture, qui est la caractéristique du temps festif, doit être récusée ou refusée, au nom du « toujours semblable » qui innerve la vie quotidienne, et du « toujours plus » qui est le moteur de la productivité. L’expérience montre que la nature humaine manifeste, consciemment ou clandestinement, un besoin d’échappatoire à ce « Dieu ! Que la vie est quotidienne », rengaine des jours sans joie (1). Si on interdit cette indispensable fugue hors du commun des jours, la nature se venge, et la folie ou la déraison, dont on supprime les manifestations expressives sous forme ludique, pénètre avec fracas ou insidieusement, dans la logique sociale sous forme de folie réelle et d’actes de déraison réellement, et non symboliquement, déraisonnables. C’est ce que veut signifier, en particulier, la vengeance de Dionysos, quand il est interdit d’entrée dans la cité.
Les Grecs, puis les Romains ont bien connu ce problème de la valeur thérapeutique et cathartique de la fête, dont l’existence est nécessaire au bon fonctionnement de la société. C’est pourquoi, face aux exigences de rupture, ils ont répondu par l’institution de ruptures officialisées, organisées et balisées de jours festifs. Face aux excès introduits dans les fêtes par la confusion entre le substitutif et le subversif, la représentation et ses dérives où les sens abusés prennent le symbolique pour du réel, entraînant des actes réellement dangereux de déraison, ils ont réagi, sauf cas extrêmes, par une régulation et une dérivation vers la représentation symbolique, un déplacement, plutôt que par une interdiction, une censure qui, ne pouvant le neutraliser, stimulerait plutôt le refoulé.
Les sociétés modernes, celles du moins qui sont placées sous l’autorité gouvernementale du capitalisme moderne, ont essayé de réintégrer les fêtes dans le temps rentable de l’économie de profit, en faisant de ce qui est considéré par elles comme une survivance ou un archaïsme, un obstacle injustifié au rendement, des moteurs supplémentaires de consommation et des stimuli d’excédents du marché, sur le principe du « consommer plus pour produire encore plus ». Noël devient la vitrine de vente des enseignes lumineuses, des guirlandes en matière synthétique, des CD et DVD, et des jouets importés de Chine, le jour de l’An celui des SMS par Orange, Bouygue ou Telecom, et des cartes postales en trois dimensions, et le jour de Toussaint a failli être remplacé par un Halloween artificiellement réinventé et exporté, activant le marché des masques en matière plastique colorée. Le problème est qu’il faudrait, pour la réussite de l’entreprise, que les consciences acceptent de se laisser réduire à un rôle de consommatrices d’objets éphémères, qu’elles abandonnent toute propension à cultiver l’ordre des valeurs symboliques, et que le pouvoir d’achat des consommateurs suive les courbes montantes des profits du capital. Il ne semble pas que ce temps soit désormais advenu.
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Notre mot français « La fête », en tant que substantif, s’exprime en latin par un mot rare et généralement employé au pluriel : feriae. Ce substantif à donné feria chez nos voisins, chez nous « frairie » dans certains emplois locaux, et l’adjectif « férié », usité presqu’exclusivement dans « jour férié ». Notre « fête » vient d’un adjectif qui désigne en latin le jour « férié », dies festus. Festus veut dire qu’on ne travaille pas ce jour-là; c’est un jour chômé, qui n’est pas le propre de toutes les fêtes. Un compilateur latin, au nom approprié de Festus, dit que certaines fêtes étaient célébrées un jour chômé, et d’autres sans arrêt du travail quotidien : « aliae feriae erant sine die festo, ut nundinae, aliae cum festo, ut Saturnalia » (2). Les premières sont plutôt des célébrations. Les vraies fêtes supposent une rupture dans la trame de la quotidienneté, un temps d’arrêt dans la chaîne des jours de travail. C’est la première qualité de la fête : la rupture du temps par le repos. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui « le temps libre », et la liberté du temps induit d’autres qualités de cette vie libre en marge de la vie habituelle.
L’adjectif festus dérive d’un autre adjectif, plus ancien, qui en assure son armature: fas, « propice », ou « faste » au sens de « jour faste », dont le contraire est nefas, « qui porte malheur », « néfaste ». Les jours de fête sont des jours fastes, où l’on prie les dieux d’être favorables. Ce sont des jours de cérémonies propitiatoires, de prières faites aux dieux pour leur demander leurs faveurs. Fas est précisément en rapport avec le verbe archaïque et réservé, fari, qui signifie « parler solennellement » quand on est un dieu ou un personnage auguste. La parole des dieux, lorsqu’elle est donnée, devient fatum, le destin, qui est promesse d’accomplissement inéluctable. Les jours de fête sont des jours où les dieux donnent l’autorisation de faire ce qu’ils n’autorisent pas en temps normal, des dérogations au fatum, dans la mesure du moins de leur pouvoir. La fête, c’est, deuxième coupure dans le temps normal, après le repos, une liberté dérogatoire cautionnée par accord divin.
Fas a fourni deux lignées d’adjectifs dérivés. La première est celle de festus (fête, festif, festival, festivité) dont nous venons de parler, qui induit repos et liberté. L’autre est celle de fastus, qui signifie « orgueilleux, présomptueux », avec des sens d’abord négatifs, qui se purifient progressivement en « fastueux », spectaculaire, grandiose, ostensible. La fête, c’est un déploiement de décors somptueux, de dépenses somptuaires. C’est une parade de dépenses et de spectacles : jeux, cirque, théâtre, banquets. Et puis ce sens retombe dans la négativité quand, par une nouvelle dérivation, on passe de fastus à fastidiosus. A la fin, tout cela est fatigant, fastidieux. La fin des jours de fête traîne avec elle une lassitude, une mélancolie. Elle finit par rendre « las comme après de grandes débauches », pour reprendre une expression de Flaubert dans son roman latino-carthaginois de Salammbô.
Ainsi, l’histoire du réseau lexical qui désigne « la fête », dans la Rome antique, dévoile ses degrés divers et hiérarchisés de manifestation. Elle révèle tout ce qu’elle contient en elle de ludique et de festif ( repos et liberté), de risques et de dérives (faste trop fastueux qui entraîne le dégoût comme dans les fêtes du Satiricon de Pétrone), mais aussi ses rapports avec la vie civique et nationale (elle se célèbre sur la place ou dans des lieux publics, en présence des autorités) et, au dessus de la cité, le lien qui l’unit au divin et au sacré (avec ses célébrations d’un dieu ou d’un événement surnaturel, avec ses rites propitiatoires et l’appel à la faveur des dieux).
Les fêtes, qu’elles soient religieuses ou profanes, se centrent autour d’un personnage ou d’un fait mythique. Sous la république romaine, plutôt puritaine en ses débuts, on dénombrait déjà cependant 45 jours de fêtes religieuses et 60 jours de jeux publics. Sous l’empire, comme nous le révèle Ovide dans ses Fastes, il y eut jusqu’à 175 jours de jeux publics. De ce nombre considérable, nous ne retiendrons que ceux qui se signalent par un culte particulier de l’excès et de la dérive, que ce choix soit volontaire et partie constituante de la fête, mais pas toujours bien contrôlé, et appelant par là un contrôle ou une répression des pouvoirs publics, ou qu’il soit le produit d’une dérive elle-même incontrôlable, qui suscite des scandales et des indignations.
Nous retiendrons parmi ces fêtes, pour leur caractère d’illustration exemplaire, les « Lupercales » ordonnées autour d’un génie ancien dénommé Faunus Lupercus, les « Bacchanales » en l’honneur du dieu grec Dionysos importé en Italie sous le nom de Bacchus (avec leur prolongement latéral, les « Matralia »), et les « Saturnales », où se concentrent tous les défoulements de fin d’année astronomique et agraire.
Les Lupercales
C’est sans doute la fête romaine dont les origines sont les plus anciennes et les plus étroitement liées à des traditions indigènes qui se perdent dans la nuit des temps. Cet archaïsme persévérant fait que les rites s’en sont perpétués sous leur forme primitive, mais hors de leur cadre originel, se sont enrichis de sens nouveaux au cours de leur histoire, en sorte qu’à la fin ils n’ont plus de sens clair, en raison de la superposition de sens multiples, sauf celui d’exprimer une tradition liée à l’identité et à l’histoire légendaire de la ville.
La fête a lieu originellement le 15 février, puis elle s’est étendue sur plusieurs jours. Il semble qu’il s’agissait au départ d’une fête de purification: février est le mois des « fièvres » (februarius). Des hommes faisaient en courant le tour du mont Palatin pour préserver le lieu des mauvaises effluves de février (3).
Ce rite élémentaire s’est assez vite enrichi de données d’ordre agricole exprimées par des gestes symboliques : les hommes sont assimilés à des loups (lupi, luperci), armés de fouets à lanières en peau de bouc, avec lesquels ils frappent tous ceux qu’ils trouvent sur leur chemin. Cette flagellation a le pouvoir de rendre fertiles les femmes. Ce rapport entre les hommes armés de fouets et les femmes rendues fertiles renvoie à des données propres aux éleveurs et caractéristiques du phénomène imaginaire de métamorphose par renversement (une apocatastasis) : le loup prédateur, destructeur du troupeau, se transforme, dans ces gestes symboliques, en bouc producteur, qui fertilise les femelles du cheptel. Il s’agit donc d’un « mimodrame apotropaïque », c’est-à-dire d’une représentation qui mime, pour l’annuler, le risque de prédation des troupeaux par les animaux sauvages, et d’un « mimodrame propitiatoire », qui exprime un voeu en mettant en scène la métamorphose des loups en mâles fertilisants.
Pour renforcer ce caractère propitiatoire, on faisait appel à une divinité protectrice dont on s’attachait les faveurs par le sacrifice d’un animal. La divinité est faunus, un faune, génie qui hante les lieux sauvages, bosquets et forêts, mi-humain mi-caprin, affublé parfois de l’adjectif bicornis (à deux cornes), ou lupercalis (lié aux hommes-loups). Une hypothèse étymologique associe le « faune » à la « faveur » (faunus, favere ) qu’est ici la protection des troupeau assurée par cette divinité sauvage, dieu-loup, devenue dieu-bouc, protecteur du troupeau. Cette explication serait confortée par une autre étymologie qui associe faunus au mot grec thèrion, la bête sauvage. Par la suite, le faune va s’enrichir d’une légende qui le rattache aux dieux olympiens, par contamination avec l’histoire d’un autre génie, le « sylvain » (silvanus, génie forestier et bocager) et du dieu grec Pan.
Pan est lui aussi un être chimérique, qui tient de l’humain et du caprin. Il passe pour être le fils d’Hermès et d’une « dryade », la fille de Dryops, le roi des chênes, qui le situe toujours dans le réseau forestier et bocager. Sa laideur le fait rejeter par sa mère. Par contre, son père souhaite le présenter aux dieux de l’Olympe. Mais il n’obtient d’eux qu’un rire irrésistible à la vue de cet enfant grotesque (Victor Hugo reprend l’épisode, en le magnifiant, dans son poème du « Satyre ») (4). Le rire et la joie vont donc être associés à Pan, ainsi que tous les plaisirs sensuels (d’où la signification érotique du « satyre »). Mais ce rire reste à double tranchant: il y a aussi en lui du sauvage et du grotesque. Il fait peur. Il sera intégré plus tard dans le cortège de Bacchus, où il rejoint Silène et d’autres figures grotesques de satyres. Son nom, Pan, qui veut dire « tout », sera associé aux joies collectives (il réjouit le coeur de « tous »), puis à tout sentiment collectif, avec son double aspect de liesse, parce qu’il fait rire, et de terreur, parce qu’il fait peur (c’est de son nom qu’on a tiré la « peur panique » ou simplement la « panique »).
A Rome, le maître du collège des prêtres appelés « Luperques » immolait une chèvre dans la grotte appelée Lupercal, au pied du mont Palatin, puis touchait sur le front les autres prêtres avec le couteau ensanglanté. La tache de sang était alors essuyée avec une touffe de poils ou un flocon de laine imbibés de lait. Les Luperques devaient à ce moment pousser un éclat de rire. On se trouve là dans une apparence d’absurdité. Il faut interpréter pour comprendre. L’éclat de rire peut être celui des Olympiens lorsqu’on leur présente le bébé-faune. Cette scène mythique évoque la naissance d’un petit chevreau, devenant lui-même par déplacement métonymique un enfant humain. Le lait renvoie à l’allaitement maternel, qui remplace le sang menstruel, imprimé d’abord sur le front des prêtres, effacé lors de la période de gestation. Toute cette théâtralité symbolique complexe et ce ritualisme au sens obscur pourrait donc être une cérémonie propitiatoire pour la fertilité des femelles du troupeau et des femmes de la tribu.
Ces rites, comportant des hommes-loups, ont une autre illustration avec les Hirpi sorani, les « loups du mont Soracte », au nord de Rome. Ces prêtres célébraient des cérémonies au cours desquelles ils dansaient, pieds nus, sur des charbons ardents. Le mythe originel d’explication de cette coutume incongrue est le suivant. Alors que les habitants de Soracte célébraient un hommage à Dis Pater (dieu du monde souterrain assimilé à Pluton, mais également dieu des bonnes récoltes dont il favorise la germination en terre), des loups étaient survenus et avaient dévoré les morceaux de viande placés sur le feu pour le sacrifice. Les hommes avaient poursuivi la meute et avaient vu les loups disparaître dans une cavité, d’où étaient sorties des vapeurs qui asphyxièrent les poursuivants et provoquèrent une épidémie dans la région. L’oracle, consulté pour mettre fin au fléau, dit que pour apaiser les dieux, il fallait se transformer en loups et vivre de rapines. La cérémonie, qui mime un retour à l’âge où l’humanité vivait de prédation, revêt donc un caractère apotropaïque : les hommes qui dansent sur les braises se transforment symboliquement en loups qui viennent piller la viande sur les brasiers. L’oracle veut dire que, si les hommes ne passent pas par cette phase de prédation, fondée sur la chasse, ils ne pourront accéder à la phase d’économie de production agricole, fondée sur le travail de la terre, donnée par le dieu qui fait germer les plantes. Il s’agit donc d’un rappel, qui amène les hommes à revenir symboliquement, à une situation antérieure, s’ils veulent obtenir effectivement et pour le présent les faveurs du dieu de l’agriculture pour de bonnes récoltes, dans une économie de production.
Sur ce fond pastoral, à caractère général, viennent se greffer, dans les fêtes des Lupercales romaines, des données propres à la légende d’origine de Rome. La grotte du Lupercal, au pied du mont Palatin, était identifiée comme celle où se trouvait la louve qui avait recueilli et élevé Romulus et Rémus. Le tour fait en courant du mont Palatin mimerait dans ce cas la prise de possession du lieu sacré par Romulus. Il est un fait que cette fête du Lupercal, sans doute en raison des données historiques qu’elle symbolisait, a longtemps survécu à la mort de la Rome antique. Un décret des papes Gélase ou Félix l’aurait abolie, pour y substituer la fête de la Saint-Valentin, qui rejoint d’une certaine manière les fêtes de la fertilité.
Les Lupercales peuvent paraître comme des vestiges, au sens aboli, de croyances primitives, accompagnées de rites à l’apparence absurde. Ces hommes hirsutes, qui courent par les rues, un fouet en main pour fustiger les passants peut paraître comme un déchaînement de folie. En réalité tous les ingrédients d’une célébration festive s’y trouvent réunis pour énoncer un message très cohérent: on y trouve des éléments ludiques et érotiques, des jeux à faire peur aux enfants, comme en a relevé l’ethnologue Julio Caro Baroja, à propos de coutumes de Carnaval dans un village de Navarre. Là-derrière se jouent des actes en rapport avec la vie économique, pour faire fuir les fléaux et les prédateurs et obtenir de bons rendements. Au-delà, ou plutôt au-dessus, se trouvent évoquées les racines mêmes de la vie collective romaine, l’origine de la ville, ses jumeaux fondateurs, et les dieux qui, par un fatum , une volonté énoncée, ont voulu que Rome fût Rome. C’est presque toute l’Énéide de Virgile qui est contenue dans ces gestes primaires, qui n’apparaissent comme des délires que pour ceux qui n’ont pas les clés de déchiffrage de cette langue archaïque et cryptée.
Les Bacchanales
Le nom de ces fêtes vient du dieu grec Dionysos, importé en Italie sous le nom de Bacchos (un de ses hétéronymes, qui évoque la danse), et latinisé en Bacchus. Le nom de Dionysos a reçu deux explications. L’une est généalogique et géographique: Dios (« de Zeus ») est le nom de son père, et Nysos viendrait du mont Nysa, où il a passé son enfance. L’autre est biographique et symbolique : dios serait une altération de dissos , « deux fois », en raison du caractère très particulier de sa naissance, et nysos du verbe nissô, « couler », qui renvoie à ses nombreux naufrages et disparitions en mer. Cette deuxième explication reçoit un sens dérivé : Dionysos est le dieu du dédoublement de personnalité (dios). Il est le modèle symbolique de toutes les formes de schizes ou de fractures psychologiques, et le verbe plonger (nissô) évoque le naufrage de la conscience qui sombre dans la folie. Dionysos est en effet une divinité très inquiétante, dont l’arme principale est de provoquer délires, hallucinations et crises de folie, que confirment ses autres noms, Bacchos (la danse ou la gesticulation) et Iacchos (le cri). Pourtant il est aussi le dieu de la gaîté, de la liesse, de la joie collective que donne l’ivresse.
En 1982, le sociologue Michel Maffesoli, spécialisé dans l’imaginaire de la vie quotidienne, a fait paraître un livre intitulé L’Ombre de Dionysos (5). Il s’agit là d’une analyse de l’imaginaire qui inspire les réunions du vendredi soir, entre jeunes gens, qui s’enivrent à mort et se livrent à des jeux, souvent dangereux, dont on ne peut départager la part du ludique, de la violence et des défis contre la mort. Ces réunions, qui étaient alors encore peu répandues en France, se sont développées et ont donné lieu à de nouvelles analyses.
Il apparaît, d’après ces études, que l’objectif recherché par les participants est double (dissos) : c’est d’une part une recherche de « dépersonnalisation »; de sortie hors de soi, ou d’ ek-stasis, de « déstabilisation » vécue comme extatique, et d’autre part une effort de réintégration dans une personnalité « autre » (un « enstase » ou reconstruction). C’est le principe, ramené à une démarche psychologique, de la « nouvelle naissance » des born again, qui ont pour modèle l’extase de saint Paul et le « dépouillement du vieil homme », obtenu non par un processus spirituel, mais corporel et d’ingurgitation de substances chimiques.
L’autre objectif poursuivi est la « fusion »: fusion avec la communauté (n’être rien, qu’un membre de la bande ou du clan), et fusion dans l’environnement. C’est le rêve de réintégration dans le Grand Tout (Pan) qui inspire aussi les mystiques dérivées de l’Orient qui s’expriment, par Schopenhauer interposé, chez Wagner (la « mort d’amour », Liebestodt d’Isolde) et le décadentisme fin de siècle (les expériences sophistiquées de Des Essseintes, et le « sentiment océanique » évoqué par André Gide). En arrière-plan de ce défi qui consiste à aller jusqu’à la ligne de démarcation entre la vie et la mort, dans un entre-deux imaginé où vivre avec intensité se confondrait avec mourir avec éclat, se situe sans doute le vieux fantasme selon lequel il n’ y a pas de plus grande jouissance que de frôler le contact avec la mort. Sade en avait donné un modèle avec ses strangulations et pendaisons à finalité érotique (6), que semblent reprendre les jeux dangereux, en vogue dans les collèges, du « foulard » ou de la « tomate ».
On remarquera que ces deux objectifs, qui ont une apparence fort ambitieuse, « devenir autre » ( comme le disait Rimbaud) et « fusionner dans le tout » (à la manière des rêveries de Rousseau et de « la philosophie de la nature » du XVIIIe siècle allemand, reprises dans le romantisme) peuvent être considérés sous un angle très critique, au nom de la santé de la conscience. Devenir autre, c’est « s’aliéner ». L’aliénation est l’autre manière, réaliste, positive et critique, de voir l’extase. Quant à fusionner, c’est se dissoudre dans un état où fusion peut être confusion. Le prétendu itinéraire de surhumanisation y apparaît, par renversement d’image, comme une descente aux enfers, c’est-à-dire, une tentative suicidaire par attirance de la mort.
Pour en revenir à l’Antiquité, c’est sous ce double aspect, exaltant et aliénant, qu’ont été vues les cérémonies et manifestations bachiques, en l’honneur du dieu du dédoublement Dionysos. Vues de l’intérieur, extatiques et mystiques, elles suscitent la recherche d’un état qui se veut supérieur à la conscience commune; vues avec distance, délirantes et confusionnelles, elles donnent lieu à des excès et à des troubles de la conscience individuelle et de l’ordre public.
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C’est bien ainsi, dans une dangereuse ambiguïté, que ces fêtes ont été perçues à Rome, où elles furent interdites, puis restaurées. Elles avaient fait leur apparition, importées de Grèce, au 3e siècle avant notre ère. Il s’agissait au départ de pratiques de purification et d’exorcisme: apaiser la fureur des Bacchantes (appelées aussi « Ménades », les folles), sortes de démons féminins qui semaient le désordre dans la nature en se livrant à des excès incontrôlés. Pour pallier le désordre de ces créatures imaginaires, on utilisait une méthode homéopathique : des femmes se réunissaient, et parodiant dans un mime la furie des génies maléfiques, détournaient des lieux leur fureur. C’est une technique « apotropaïque » (de détournement) très répandue. C’est pourquoi, dans cette méthode de détournement par moyens mimétiques, le culte de Bacchus était surtout célébré par des femmes, et avait de ce fait – par sa sélectivité – un caractère ésotérique. Au début en effet, seules les femmes étaient admises et se réunissaient la nuit dans un bois appelé stimula. Puis, sur décision d’une prêtresse nommée Paculia Annia, les hommes furent admis. Le caractère nocturne et protégé des célébrations, leur aspect ésotérique et leur caractère initiatique, attisa les rumeurs et les soupçons des autorités. On parlait d’orgies nocturnes, et même de meurtres rituels, accusations répandues spécifiquement sur les groupes qui se séparent de la communauté civile (on trouvera les mêmes rumeurs appliquées aux groupes des premiers chrétiens).
Un scandale éclata dans l’année -186, qui ressemble à certaines affaires récentes concernant des groupes sectaires. Une femme, mère de famille, qui participait à ces cérémonies, voulut y introduire son fils, un jeune homme appelé Publius Aebutius, pour le détourner de l’influence qu’exerçait sur lui une jeune femme, du nom d’Hispala Fecenia ( nous connaissons tous ces détails par la relation qu’en a faite l’ historien Tite-Live) (7). Celle-ci, une « repentie », (dirions-nous aujourd’hui) lui raconte ce qui se passe dans le groupe. Le jeune homme le rapporte au consul Postumius. Celui-ci fait mener une enquête, qui conclut à l’existence dans le groupe d’éléments subversifs qui fomenteraient des projets de complots contre l’État. Le groupement fut dissous, le culte interdit; il y eut quelques exécutions. On ne parla plus du culte de Bacchus jusqu’à son rétablissement par César.
Rome ne plaisantait pas avec tout ce qui concernait la sécurité de l’État. On était, après la fin des guerres puniques, en conflit avec la Macédoine, alliée à Antiochus III, le séleucide qui avait rétabli son pouvoir de la Syrie à la Bactriane. Or c’est de ces terres qu’était venu en Italie le culte de Dionysos, qui jouissait dans toute la Grèce, et notamment à Athènes, d’une popularité liée aux célébrations des jeux et représentations dramatiques organisées en cérémonies publiques à caractère patriotique. Les anthestéries, ou « fêtes du renouveau » célébraient le dieu en février-mars. On promenait sa statue sur un char recouvert de plantes vertes, lierre et myrte, qui lui étaient dédiées. Le char avait la forme d’un navire (par allusion à ses nombreux naufrages, et à son retour sur terre, après son sauvetage par les Néréides). La basilissa, épouse de l’archonte-roi, se rendait dans son temple, appelé le boukolion, pour mimer avec lui une union symbolique, qui devait assurer la fécondité des récoltes.
Dionysos était également célébré sur scène par des pièces de théâtre ou des spectacles féeriques, au cours de fêtes appelées les Dionysies. On distinguait les Dionysies « rurales » (en décembre-janvier) et les « Lénéennes » (de Lénaï, autre nom des Bacchantes), qui se célébraient en ville (en janvier-février), comme prémices aux « Grandes Dionysies », elles aussi urbaines, de mars-avril. On se rendait en un lieu de la montagne appelé Éleuthères (« Libreville ») pour chercher le dieu dit « Dionysos Eleutheros » (le Libérateur). On introduisait sa statue dans son temple, près du théâtre qui portait son nom, sur le flanc de l’Acropole. En l’honneur de Dionysos avaient été institués des concours de tragédies, de dithyrambes (hymnes consacrés au dieu), ainsi que des drames satyriques. Ces représentations avaient lieu en présence de toute la population, qui restait plusieurs jours en ville en participant aux festivités organisées par les autorités. À la fin de ces journées, des prix étaient remis aux lauréats, sous la garde du dieu.
Parallèlement à ces célébrations publiques, existaient des célébrations à caractère secret, des cérémonies à « mystères » appelées teletaï. L’office s’effectuait par mise en transe et figuration de possession par le dieu. C’est ce mode de célébration qui avait été introduit, puis interdit, à Rome.
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Toutes ces manifestations, les plus officielles comme les plus secrètes, amènent à s’interroger sur leur signification, et par là sur la situation du mythe dionysien dans la religion gréco-latine. Cette signification se révèle, entre autres, à partir de la manière dont est constitué le cortège du dieu, et d’après les épisodes mythifiés de sa légende, et les effets attendus par les fêtes constituées en son honneur.
Le cortège de Dionysos fait apparaître des personnages symboliques, qui représentent sous une forme apprivoisée, domestiquée, socialisée, l’ensemble des pulsions qui, sans contrôle, mettraient en danger l’équilibre psychologique de la vie individuelle et l’ordre établi dans la vie sociale et l’organisation politique. On y trouve en effet des bêtes sauvages (théria), comme des panthères et des tigres (qui ont fait penser à une origine orientale du mythe). Mais elles sont domestiquées et tirent le char du dieu. Il y a également un âne, symbole de l’ignorance, de la sottise et de l’entêtement (c’est ainsi qu’il est vu par Aristophane dans sa comédie satirique des Grenouilles). Mais il représente aussi les qualités contraires : le sens de l’écoute (à cause de ses grandes oreilles) et de la patience. On disait que l’âne avait appris à Dionysos la taille de la vigne car, contrairement aux chèvres, qui broutent sans discernement, lui ne mange que ce qui ne nuit pas au développement de la plante. L’âne est aussi le symbole du novice à initier: grossier, ignorant, lubrique, il reste néanmoins plein de ressources, lorsqu’on a réussi à éduquer ses pulsions primaires. L’âne (onos) allégorise un degré de l’initiation dionysiaque. Apulée, dans son roman initiatique de l’Âne d’or, donne à l’animal un rôle essentiel pour l’introduction aux mystères d’Isis, et Lucien de Samosate en fait un porteur de bonne nouvelle (evangelion). Dans le cortège de Dionysos, l’âne est la monture du vieillard Silène.
Silène est un satyre âgé, représenté de manière dérisoire comme un homme ivre, tenant une coupe à la main; et chevauchant cette monture. Les silènes sont des personnages grotesques et débraillés: mais à celui-ci l’âge a fait perdre les folies de jeunesse. Il a acquis expérience et sagesse. Il passe pour avoir été le précepteur de Dionysos, après avoir donné de bons conseils au roi Midas (celui qui avait des oreilles d’âne).
Les Ménades ( Maïnades , les créatures de la Folie, mania), appelées aussi Bacchantes, se divisent en deux groupes : les Bacchantes célestes dansent et jouent de la cithare et du tambourin, pour exprimer le rythme de la vie à l’état brut (à la manière des apsara hindoues, associées aux nuages), celle des sens en liberté, hors de tout encadrement législatif ou rationnel. Les Bacchantes terrestres, femme réelles, les imitent dans les processions en l’honneur du dieu. Là encore on trouve la démonstration d’une volonté de régulation de l’irrationnel, par l’intégration dans le cortège du dieu.
En somme le cortège de Dionysos est une sorte de procession de cirque ambulant, avec sa ménagerie de passions enchaînées, dont l’existence doit être reconnue et honorée, à défaut de quoi elles se vengent. Elles doivent avoir droit de cité, mais avec des précautions pour éviter leurs débordements. Le cortège de Dionysos est une parade de monstres qu’il faut maîtriser, et pour les maîtriser il faut leur donner en pâture un ersatz des passions humaines, dans des mimodrames et des psychodrames, dont la scène théâtrale est la meilleure porteuse. Cette monstration est par là même une démonstration, qui a sa logique: en montrant ce qu’ils sont, on montre aussi comment s’en servir pour éviter qu’ils ne se servent tout seuls, faisant de l’usage un abus. Ce fait permet de rappeler que Dionysos, dieu de l’ivresse et des fureurs en tout genre, est aussi le petit fils d’Harmonia, la dernière née de l’union discordante, mais qui peut être concordante, de l’Amour et de la Guerre, du couple d’Aphrodite et d’Arès. La fille d’Harmonia, Sémélè, a rompu les amarres de l’harmonie maternelle: elle a voulu jouer à un jeu extrême, en demandant à Zeus de se montrer à elle dans toute sa gloire. Zeus s’est montré à elle comme maître de la foudre, et elle a été foudroyée. Harmonia n’avait pour frères que des jumeaux aux vertus antithétiques, comme chaque particule de matière porte en elle son antimatière ou son négatif (Éros et Antéros, Deïmos et Phobos). Harmonia n’a pas d’antithétique visible: elle a pourtant une jumelle qu’elle ne fait pas voir, c’est Hybris, l’Excès. Lorsque Dionysos ira rechercher sa mère Sémélè aux Enfers, il ressuscite Hybris, car il convient de ne pas ignorer son existence, mais de la conduire par la main, de la ménager, si on ne veut pas « déménager », comme on dit, pour « déraisonner », de la maîtriser, si on ne veut pas qu’elle nous maîtrise, de la conduire si on ne veut pas sombrer dans l’inconduite.
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Cette leçon – n’ignorez pas qu’il y a en l’homme une part d’inhumanité, mais sachez vous servir d’elle pour l’humaniser –, qui rappelle le dialogue entre Macbeth et son épouse, ces deux être humains aux frontières de l’inhumanité, sur le seuil à ne pas franchir si l’on veut rester humain, ressort également de la vie du dieu, telle qu’elle est racontée dans la mythologie grecque, qui renvoie constamment aux rapports complexes de la raison et de la déraison.
La folie est un leit-motiv intermittent et récurrent de la vie du dieu. Sémélè, prise d’un accès d’orgueil, se fait foudroyer par Zeus, son père, lors du sixième mois de gestation. Le père, obéissant à des sentiments plus raisonnables, le garde enfermé trois mois dans sa cuisse avant de le mettre, contre toute loi naturelle, au monde (on remarquera qu’il en sera de même, pour sa fille, la déesse de la raison, Athéna, née de sa tête). Dès sa naissance, le jeune Dionysos est en proie à la jalousie et à la vengeance d’Héra, l’épouse frustrée de Zeus. Pour le protéger, Zeus donne l’enfant à Hermès qui le donne à Athamas, roi de Béotie, qui le donne en nourrice à sa deuxième épouse, Ino. Hermès demande à Ino de l’habiller en fille (pour déjouer la quête d’Héra): ce vêtement féminin pourrait être l’indice d’une origine phrygienne de la légende. Toujours pour le faire échapper à la vengeance d’Héra, Zeus conduit son fils dans la montagne de Nysa. Il échappe ainsi, pour un temps, à la poursuite d’Héra. A défaut de trouver sa victime, Héra frappe de folie, en raison de leur complicité, Ino, soeur de Sémélè, et Athamas, qui tuent, dans une crise de fureur hallucinatoire provoquée, leurs propres enfants en les prenant pour des animaux sauvages. Ino se précipite dans la mer avec son fils, mais elle est sauvée, et devient, sous le nom de Leucothée ((la déesse blanche) avec son fils, qui prend le nom de Polémon, le secours des marins perdus en mer. On retrouve là la thématique de l’apocatastasis, la métamorphose par renversement.
Dans le pays montagneux de Nysa (situé en Afrique ou en Asie,en tout cas loin de portée) Zeus transforme son fils en chevreau et le fait élever par des génies féminins, des nymphes qui deviendront les Hyades, constellation céleste. Dionysos, devenu adulte, découvre l’usage du vin, mais sans en connaître les effets. Héra, qui l’a enfin trouvé, le frappe de folie. Il vient en Phrygie, participe aux mystères de Cybèle et d’Attis, et guérit de son mal. Dionysos est reçu en Thrace. Le roi de Thrace, Lycurgue, essaie de le capturer sans succès, mais il capture des Bacchantes. Celles-ci se délivrent et rendent le roi fou. Dans un accès de démence, il se coupe la jambe et démembre son fils, croyant voir en eux des ennemis. Lorsqu’il revient à la raison, l’oracle lui révèle que son pays, où les habitants sont frappés de stérilité, ne retrouvera sa fécondité que par sa mort. Ses sujets l’exécutent en le démembrant. Dionysos passe en Inde et ramène de ce pays le principe de son escorte. Revenu en Grèce, en Béotie, il introduit à Thèbes la fête des Bacchanales, que le roi Penthée veut interdire. Dionysos rend folle sa mère, Agavé (soeur de Sémélè et d’Ino) qui tue son fils en croyant avoir affaire à un lion (c’est le thème de la tragédie d’Euripide, les Bacchantes). II rend folles les filles du roi d’Argos, qui se croient transformées en vaches Devenues carnivores, elles dévorent leurs propres enfants. Voulant se rendre à Naxos, il loue les services de pirates qui veulent le revendre comme esclave en Asie. Il rend fous les pirates qui se précipitent dans la mer. Mais métamorphosés en dauphins, ils comprennent leur faute et se font les sauveteurs des marins.
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Quel enseignement peut-on retirer de ce monceau d’informations hétéroclites, d’où se dégagent pourtant quelques constantes.
On notera d’abord l’importance de l’instabilité, dans l’ensemble des légendes. L’élément marin, fluide, est très présent; les vêtements les plus divers sont portés, qui changent l’identité; les métamorphoses (le chevreau, les dauphins, la déesse blanche) participent communément à la vie. Dans les accès de folie, qui sont renversement d’identité, on note l’importance du leurre : on prend un objet pour un autre; l’ambiguïté des perceptions modifie les formes, les altère, pour créer une confusion. Les moteurs principaux de l’histoire sont : instabilité, altération, aliénation, confusion.
Parmi ces altérations, la folie, récurrente comme punition, apparaît soit comme le châtiment des complices de la soustraction de l’enfant au regard d’Héra, déesse de la stabilité et de la fidélité, soit comme le châtiment de personnalités arrogantes, trop sûres d’elles-mêmes, comme le furent Sémélè, Lycurgue ou Penthée. La moralité qui en ressort est : « Prenez garde, vous qui faites les fanfarons de la lucidité; la folie est en attente comme une mendiante aux portes de la raison. Si vous ne lui accordez pas une aumône, si vous ne faites pas attention à sa présence, elle va bondir et vous saisir ». La nuit est blanche et noire : « Ténèbres, ma lumière », dit l’Ajax de Sophocle devenu fou. Toute conscience est blanche et noire, comme la terre a son temps diurne et nocturne, comme tout objet a son ombre, comme tout endroit a son envers, comme tout être a son non-être existant en lui et actif. On ne peut pas, par acte de raison, évacuer la folie : elle se venge. Il faut l’apprivoiser et lui donner sa place par des concessions raisonnées.
Il est toutefois un autre principe de précaution, c’est de ne pas laisser les forces dionysiaques agir en liberté et prendre le dessus des règles et des lois. Dionysos, le dieu dispensateur de folie, se venge en ouvrant les vannes si on veut le réprimer. Il faut l’admettre, lui reconnaître des droits, et par là éviter ses débordements. Son rôle est négatif s’il engendre des fêtes, non contrôlées, qui entraînent le désordre et la répression. Son rôle est positif, s’il est apprivoisé et honoré, et donne lieu à des représentations tragiques ou comiques, des mimes de la folie humaine, qui racontent en images et en paroles ses faits et ses méfaits, comme si la cité se regardait dans un miroir par son activité culturelle de représentation d’elle-même, et par là prenait ses distances avec elle (ce sont les fonctions mimétiques et cathartiques du drame représenté).
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En définitive, Dionysos, fils aimé de son père, mais non reconnu par ses frères (Il est le seul dieu, fils de Zeus, qui n’entre pas dans le groupe des Olympiens), est une représentation de l’Autre, de l’altérité, de tout ce qui est en nous et n’est pas reconnu comme tel. Il exprime la demande que soit reconnu, dans la vie psychique individuelle, tout ce qui est en moi et n’est pas reconnu comme moi. Il demande à être intégré dans la vie collective de la cité, en elle, ce qu’elle récuse au premier abord. L’attitude à l’égard de ce moi qui n’est pas reconnu comme moi, de ce nous qui n’est pas reconnu de nous, de cet alter ego, dont la reconnaissance crée une altération de l’ego, mais dont la non-reconnaissance condamne l’ego à l’aliénation, ne peut être reçu que très précautionneusement. Si je le récuse et refuse sa reconnaissance, il se venge en se faisant reconnaître, en me faisant révéler malgré moi cet autre en moi que je ne veux pas accepter. Il me fait devenir autre par altération. Mais si je le laisse pénétrer librement en moi et s’exprimer en toute liberté, si je lui lâche la bride, il prend possession de moi. Cette possession est une autre forme d’aliénation.
La théorisation de ce phénomène, et la recherche d’une thérapeutique est présente dès l’Antiquité: c’est la théorie des maniaï ou furores, de nature érotique, bachique, poétique ou prophétique. L’âme est possédée par un dieu extérieur, transportée hors de son siège, et inspirée pour procéder à des actes relatifs à la nature du dieu qui s’installe en elle. La mythologie germanique y ajoute la possession par la fureur guerrière : le wüten, qui met les combattants hors d’eux pour alimenter leur énergie dans le combat. La mythologie chrétienne a repris ce thème de la possession, en insistant sur son ambiguïté : l’âme est saisie par l’esprit saint, et dans des transes qui manifestent son état de grâce, exprime la présence de Dieu qui a pris possession d’elle. Mais l’inverse est possible: l’âme est transportée par un démon, qui l’habite et lui fait proférer des paroles et accomplir des actes contre-nature. C’est pourquoi les institutions ont utilisé le principe de précaution à l’égard de ces manifestations du sacré qui peuvent se révéler des stratagèmes du démon. Le montanisme, qui a attiré quelques esprits prédisposés au 2e siècle, a fini par être condamné. Les manifestations de l’Esprit, dans des transes collectives, qui s’expriment par exemple dans les groupes religieux afro-américains, sont regardées avec méfiance, ainsi que les mouvements dits « charismatiques », retours plus ou moins édulcorés du « chamanisme », qui affectent régulièrement toutes les Églises. Pourtant ces manifestations revêtent un caractère révélateur et cathartique, lorsque le sens de la représentation est bien vécu comme tel et non confondu avec une présence réelle: c’est ce qu’expriment les études ethnologiques consacrées à ces phénomènes apparentées au chamanisme par des disciples de Marcel Mauss, Marcel Griaule ou Jean Rouch, le réalisateur des Maîtres fous.
L’histoire posthume du dionysisme, sous des formes variées selon les cultures, a démontré sa permanence et son universalité. Ses manifestations peuvent prendre un caractère ésotérique et réservé. Un encadrement s’impose alors dans les règles initiatiques d’intronisation et de progression, comme ce fut le cas à Athènes pour les « mystes » initiés aux mystères d’Éleusis, dédiées à la Grande Déesse Démèter, qui en retiraient un respect accru. Les manifestations exotériques, officialisées et intégrées dans la vie de la cité, constituent un moyen de se protéger de la folie. En la mimant, en la représentant dans des tragédies, en en faisant des psychodrames cathartiques, on désamorce ses effets nocifs. C’est ce qu’a voulu signifier l’introduction des jeux et des fêtes en faveur de Dionysos. Les Romains, qui ont récusé le mimodrame dionysiaque, ont institué plus tard des jeux du cirque où la folie meurtrière, le furor qui rejoint le wüten des peuples barbares, se donne à voir littéralement, dans des mises à mort réelles, combats de gladiateurs, exposition aux fauves, et autres supplices spectaculaires qui sont passés à côté du sens, en exploitant la littéralité des pulsions de mort, et ont ignoré la fonction du symbolique, dont est porteur le mythe dionysien. Les effets de la non-reconnaissance de la part dévolue au dionysiaque ont été pires.
Appendice aux Bacchanales : les Matralia
En marge des manifestations festives ou religieuses en rapport avec Bacchus, la fête des matralia célébrée à Rome le II juin, revêtait un caractère étrange (8). Les matrones romaines apportaient au temple de Mater matuta (la déesse-mère du matin, première étrangeté, car l’Aurore est plutôt jeune fille que mère) des enfants, pour qu’elle leur donne sa bénédiction et assure leur bonheur. Rien que de très banal, certes, dans cette demande de protection divine. Mais une nouvelle étrangeté vient de ce que les enfants ne pouvaient pas être ceux des mères qui les apportaient, mais ceux de leurs soeurs, leurs nièces et neveux. En outre, les femmes faisaient entrer dans le temple une servante qu’elles battaient de verges, puis renvoyaient hors du lieu, en dehors de toute raison visible
Ovide, dans ses Fastes, a fourni une explication de ces rites étranges. Il s’agirait d’une fête de dévotion à l’égard d’Ino, soeur de Sémélè, et nourrice de Bacchus. Ino s’est vue confier la garde de l’enfant de sa soeur, caché dans sa famille et poursuivi par la vengeance d’Héra. La colère d’Héra, ne pouvant s’exercer sur l’enfant recherché, qui lui échappe, lui fait maltraiter les enfants de ceux qui le protègent. Mettant les deux époux du couple protecteur en état de confusion mentale, elle leur fait tuer leurs propres enfants. Ino tue, dans une crise de folie, son fils Mélicerte, et se jette avec son cadavre dans la mer. Les divinités marines, prises de pitié, sauvent la mère et ressuscitent l’enfant. Ino devient alors Leucothée, la déesse blanche, que l’on peut assimiler à l’Aube, et son fils, sous le nom de Polémon, devient le protecteur des marins, auquel sont dédiés les « jeux isthmiques » de Corinthe. On assiste une nouvelle fois à une métamorphose par renversement.
Ovide explique le fait que les enfants soient des neveux, comme le fut Dionysos, et qu’Ino, en tant que Leucothée, peut être assimilée à Mater matuta, la déesse du matin. Il n’explique pas la maltraitance apparente de la servante ni le fait que l’Aube, perçue traditionnellement comme jeune fille, soit ici mère allaitant un enfant. Ce rituel a donné lieu, dans les temps modernes, à une nouvelle analyse effectuée par Georges Dumézil, spécialiste du comparatisme dans l’univers des mythologies indo-européennes. Dans le Rig-véda des Hindous, la déesse Aurore est représentée allaitant et léchant un petit enfant. Cet enfant est celui de sa soeur, la Nuit (on trouve le même type de parenté dans la deuxième énigme posée à Oedipe par le Sphinx de Thèbes), qu’elle élève en commun avec elle. Cela permet d’expliquer que l’Aube, représentée généralement comme une jeune fille vierge depuis Homère chez les Grecs, peut être « mère » substitutive et mériter son nom de Mater matuta. D’autre part, l’Aurore est représentée comme gradiva, en marche, et foulant de son pied des personnages incarnant les forces de la nuit, ignorance, danger, ténèbres. C’est cette identification aux forces négatives de la Nuit que représenterait la scène de la servante battue et chassée par l’Aube et le dieu-enfant, que les deux soeurs se repassent pour exprimer la continuité dans leurs effets positifs de préservation de la vie. Pour Dumézil, la fête romaine répondrait au maintien d’un rite, avec occultation du mythe archaïque qui le sous-tend.
Les Saturnales
Le dieu Saturnus est un dieu italique très ancien (9). Son nom est en rapport avec le verbe « sero, satum », qui veut dire « semer, ensemencer ». Le dieu des semailles est par là celui des richesses agricoles et alimentaires (satur, repu, saturé, satura , potée, d’où pot-pourri ou rhapsodie littéraire). Il est représenté avec une serpe à la main, instrument de récolte, qui est l’acte dernier résultant de l’ensemencement. Ce dieu agraire était honoré par des jours de fête, après la rentrée des moissons, quand on commençait à utiliser les réserves, en fin décembre.
Ce dieu local vit sa légende s’enrichir par contamination avec le Titan du panthéon grec Kronos (écrit avec un K initial). La légende remodelée de Saturne dit que Kronos, ayant été chassé de Grèce, lors de la prise de pouvoir par son fils Zeus l’Olympien, était venu se réfugier en Italie, sur le site du Capitole romain. Il fonda là une colonie appelée Saturnia , où il fut reçu par un dieu encore plus ancien, Janus, le Portier. Le dieu Kronos, devenu Saturnus, apprit aux hommes l’usage de la serpe ou de la faucille qui est son attribut emblématique de représentation.
L’assimilation de Saturne à Kronos, père de Zeus, renvoyé après avoir été détrôné, fait de lui un deus otiosus, dieu mis en retraite, non belliqueux, qui se livre dans sa retraite à la culture de la terre qu’il apprend aux hommes en ces temps reculés appelés « l’âge d’or ». Kronos ayant été lui-même assimilé, par ressemblance phonétique, à Chronos, le Temps, Saturne, dieu du temps qui ravage, change alors la serpe pour la faux, et redevient destructeur et mélancolique, perdant, au profit d’une conception destructrice du Temps, les qualités du Saturnus primitif d’Italie. Il passe de l’état de fastus, prodigue de richesses, à celui de fastidiosus, pénible à supporter.
Les Saturnales, fêtes dédiées au dieu Saturne, se déroulaient du 17 au 21 décembre. Elles furent prolongées jusqu’au 24. Elles s’accompagnaient d’une célébration de la libertas, l’acte d’affranchissement des esclaves, qui entraient dans la caste des « hommes libres », liberi. Il est possible que cette fête de la liberté renvoie aussi au dieu Liber, qui avait ses propres fêtes, les Liberalia. Liber en effet à été assimilé à Dionysos, ou à Silène, le satyre âgé (Pater Liber) qui l’accompagne.
Ces fêtes de la liberté (libertas decembris) s’accompagnaient de rites célébrés à l’intérieur des gentes, les familles dans leur plus large acception. On élisait un esclave, qui recevait le titre de saturnalis princeps (« le roi des Saturnales ») et avait le droit de jouer au maître et de donner des ordres.
Ces fêtes de décembre, précédant immédiatement le solstice d’hiver ( placé le 25 décembre suivant le calendrier julien) apparaissent comme un défoulement ordonné, destiné à libérer, pendant un temps déterminé, les règles de vie en vigueur tout au long de l’année astronomique qui s’achève, juste avant le renouveau des jours. On admet un moment (qui resté déterminé en durée et en extension des droits) où on se libère de la rigueur habituelle de la vie. Cette libération est signifiée par un geste rituel : la statue du dieu Saturne, entourée de bandelettes, est déliée et installée à l’extérieur, à la porte de son temple, pendant tout le temps des fêtes. Dans la ville, des rites et offrandes propitiatoires au dieu, pour l’obtention de bonnes récoltes, précédaient un banquet général offert par l’État.
Ces manifestations de liberté s’exprimaient par d’autres gestes symboliques, de la part des participants. On abandonnait le port de la toge, tenue de rigueur, pour la synthesis, un vêtement bariolé de diverses couleurs. On portait le pileus libertatis, le « chapeau de liberté », bonnet phrygien dont on coiffait les esclaves lors de leur affranchissement. On se barbouillait le visage de suie en se livrant à des facéties.
En raison de leur nature libérale, ces fêtes donnèrent lieu à des débordements, dont rendent compte des auteurs comme Sénèque (Ier siècle), Lucien (2e siècle) et Macrobe (4e siècle), ces deux derniers ayant écrit des dialogues intitulés Saturnales, dont l’action se déroule au cours de ces fêtes.
Les Saturnales s’achevaient la veille du solstice d’hiver, jour où les soldats, adeptes de la religion de Mithra, importée du front d’Orient, célébraient, par le sacrifice d’un taureau, la naissance du dieu. Cette fête fut officialisée sous Aurélien, comme jour de sol invictus, du « soleil renaissant », divinité protectrice de l’Empire qui synthétisait la croyance mithriaque et le culte de Jupiter-Apollon, ou Jupiter-Hercule, le dieu Père et Fils, censé guider par son messager ailé, le genius , les décisions de l’Empereur. Venaient ensuite les Sigillaires (les « sceaux d’argile ») , où l’on offrait des bougies (cerei) ou de petits objets de terre cuite (sigillaria) aux enfants.
Les Saturnales furent abolies lorsque la religion chrétienne prit possession de l’Empire (en 380). Comme elles résistaient, elles furent décrétées cérémonies diaboliques et passibles de sanctions très fortes (édit de Constantinople, 392). Pour compenser leur effacement, elles furent remplacées par la fête des Innocents, qui dévia en « fête des fous » (10), au cours du Moyen Age, accompagnée d’actes de permissivité ou d’extravagance, reprenant ainsi la thématique des Saturnales, et par les parodies carnavalesques, avant le Carême. qui ouvre une période d’austérité (11). Cette reviviscence, sous d’autres noms, à l’intérieur d’une autre mythologie, montre la nécessité qu’éprouve toute société, organisée et encadrée par des règles, d’avoir des moments d’échappement libre, eux-mêmes protégés par ces parapets qu’on appelle des « garde-fous ». Lorsque le limes, la frontière de régulation est franchie, les représentants de l’ordre civil interviennenent pour maintenir la subversion à l’intérieur des limites permises. Mais le droit de rire et de jouer, sous cette forme contrôlée, reste une nécessité pour toute société qui veut respecter la vie en tous ses états.
Conclusion
Nietzsche a dit, selon Jean Duvignaud, qui le cite : « Autour du héros tout se fait tragédie: autour du demi-dieu, tout se fait satyrique. Et autour du dieu, tout se fait, comment dire ?, peut-être monde » (12). Dans l’échelle montante des identités que reconnaît Nietzsche à Dionysos – héros, demi-dieu et dieu –, on peut lire les strates diverses du décor où évolue la fête, sur la scène du monde. Elle exprime, en des temps où l’agriculture est la première des activités, le cycle des saisons associé aux diverses étapes de l’ensemencement, de la moisson et des récoltes. C’est ce qu’expriment ses dates et ses gestes symboliques de fertilisation. Introduite dans la ville, elle en célèbre l’histoire et les grandes dates de sa croissance et de son évolution. Elle emprunte alors sa matière à la mythologie nationale qu’elle veut célébrer en images vivantes et en tableaux animés. Plus haut encore et dans un degré d’universalité plus marqué, elle ponctue la marche de la vie organisée comme un discours en prose dans ses jours ordinaires, auquel elle apporte, par intermittences rythmées, son grain de poésie. Si nous avons retenu surtout de Dionysos sa part d’ombre, c’est parce que, comme dans la question posée à Oedipe par le Sphinx (13), les deux soeurs, le jour et la nuit, sont inséparables. Il n’est pas vrai qu’elles ne se voient jamais; elles procèdent l’une de l’autre. Qui veut enlever à la nuit sa part de créativité – l’enfant d’une nuit d’Idumée – risque fort, par aveuglement, de s’interdire l’accès à la lumière. Le mode d’expression de l’oracle constitue par ailleurs une parfaite illustration du parcours qui fait passer de l’incompréhensible (l’ anoètos) à l’affabulation symbolique (le mythos), pour dévoiler, en fin d’enquête, sa cohérence de sens (sa logique, son logos). Il se présente comme une énigme, à première vue indéchiffrable (deux soeurs énigmatiques, anonymes et inconnues). Il se dévoile en une narration symbolique, où les mots de l’énigme recouvrent d’autres noms plus appropriés (le Jour et la Nuit), et donne un sens cohérent à la formulation première, en réintégrant le lecteur dans un univers qu’il connaît. Il en est de même pour ces rites et fêtes au sens énigmatique qui ne dévoile sa cohérence qu’après une enquête archéologique et herméneutique. Au symbole imagé de la vérité qui sort toute nue du puits, on peut opposer l’idée, développée par Mallarmé dans sa poétique, selon laquelle « toute vérité aime à se recouvrir d’arcanes ». C’est le cas dans les exemples cités, qui ne dévoilent leur cohérence de sens que par un parcours de l’illogisme à la logique, de la littéralité au symbolisme caché, à travers le gué d’une « mytho-logique ».
Bibliographie :
Ouvrages généraux
1. Yves Bonnefoy (sous la direction d’ ), Dictionnaire des mythologies, Paris, Flammarion, 1981, 2 vol.
2. Mircea Eliade, Histoire des croyances et des idées religieuses , trad. franc., Paris, Payot, 1976-1983, 3 vol., chap. I, XV et II, XX.
3. Pierre Grimal, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Paris, P.U.F., 1951
Études particulières
4. Jean Duvignaud, Fêtes et Civilisations, Genève, Weber, 1973.
5. François-André Isambert, Le Sens du sacré : fête et religion populaire, Paris, Éd. de Minuit, 1982 (2e éd., 1988).
6. Michel Maffesoli, L’Ombre de Dionysos : contribution à une sociologie de l’orgie, Paris, Méridiens (Anthropos), 1982.
7. Danièle Porte et Michèle Teysseyre, Fêtes romaines antiques, Clairsud, 2001.
8. Jean Rouch, Les Maîtres fous, documentaire cinématographique d’ethnologie, 1954.
9. Paul Sauzeau (sous la direction de), Bacchanales , actes des colloques « Dionysos » de Montpellier (1996-1998), Montpellier, P. U. Paul Valéry, coll. « Cahiers du Gita », n° 13.
10. Charles-Marie Ternes et André Motte, Dieux, fêtes, sacré dans la Grèce et la Rome antique (actes du colloque de Luxembourg, 24-28 octobre 1999), Brepols, 2003.
Notes
(1) Il s’agit d’un vers de Jules Laforgue, remis à la mode en son temps par le général De Gaulle, qui le prononçait, dit-on, les jours où il n’y avait pas de grand problème, digne de sa stature, à régler.
(2) Citation fournie par Ernout (A.) et Meillet (A.), Dictionnaire étymologique de la langue latine. Histoire des mots, Paris, Klincksieck, 1951, article « feriae », p. 403. C’est à cet ouvrage que nous empruntons la plupart de nos informations sur l’étymologie des mots grecs et latins.
(3) Sources d’informations : Grimal, p. 265 (art. « Luperques »), 213 (« Hirpi sorani ») et 362 (« Pan ») ; Bonnefoy, I, 400-401, (art. « Faunus »).
(4) La Légende des siècles, XXII.
(5) Voir bibliographie, n° 6.
(6) Sade, Justine ou les malheurs de la vertu, Paris, J. J. Pauvert, 1957, chap. « Roland », p. 320-323.
(7) Tite-Live détaille l’affaire dans la quatrième « décade » (livre XXXIX) de son Histoire romaine. La décision du sénat (sénatusconsulte) mettant fin aux réunions bachiques a été retrouvée en 1640.
(8) Principale source d’information : Bonnefoy, II, 344-345, qui donne toutes précisions sur les sources (Ovide, Fastes, et Dumézil, La Religion romaine archaïque, 1974).
(9) Grimal, p.415; Bonnefoy, I, 89 (art. « Frères Arvales »).
(10) Harvey Cox, The Feast of Fools. A Theological Essay on Festivity and Fantasy, Cambridge (USA), Harvard University Press, 1969.
(11) Claude-Gilbert Dubois (sous la direction de), Carnavalesques, Bordeaux, LAPRIL-Bordeaux-III, 1980 , coll. « Eidôlon », n°I3.
(12) Duvignaud, p. 7.
(13) Il s’agit de la deuxième énigme posée à Oedipe : « Ce sont deux soeurs; elles sont filles l’une de l’autre, et elles ne se voient jamais. Qui sont-elles ? ». La réponse est : « le Jour (Hémèra, féminin en grec) et la Nuit ». Cf. Claude-Gilbert Dubois, « Nox / Lux , l’épreuve de force entre l’ombre et la lumière », Paris, Phréatique, n° 78-79, automne 1996, p. 31-41.