Piroska Felkai
CEIL/IELT Nouvelle Université De Lisbonne, Portugal
pfelkai@gmail.com
Les aspects neuroscientifiques du film Avatar /
Neuroscientific aspects of the film Avatar
Abstract: Over the past three decades, science fiction has succeeded in articulating several cultural responses regarding narrative technologies. One of the most remarkable technological aspects commanding the attention of expert science fiction critics is the simultaneous treatment of scientific and technological issues in relation to the virtual space of the trans-media realm. The present article aims to analyse the modes of representation of recent neuroscience findings in the context of Avatar, a 2009 production directed by James Cameron.
Keywords: Neurosciences; James Cameron; Avatar; Science-Fiction.
Au cours des trois dernières décades, la fiction scientifique a réussi à crier certaines réponses culturelles relatives aux narrations technologiques. Un des aspects thématiques les plus remarquables pour les analystes qui se penchent sur la hard science-fiction, est le traitement simultané des questions scientifiques et technologiques en relation avec la représentation des espaces virtuels dans les univers transmédiatiques. Cet article a l’intention d´analyser les modes de représentation des récentes découvertes de la neuroscience, dans le contexte du film Avatar, réalisé par James Cameron en 2009.
Premièrement, nous nous proposons d’observer quelques aspects primordiaux sur le fonctionnement du cerveau humain, nous penchant sur la plasticité neuronale qui permet au cerveau de créer, de défaire ou de réorganiser les réseaux neuronaux et ses connexions. Ce sont les processus responsables pour les mécanismes de l’apprentissage et de la mémoire.
Les neurones sont constitués de trois parties : le corps cellulaire, les axones (les prolongements principaux de la cellule qui conduisent le signal électrique du corps) et les dendrites (les terminaisons qui servent à recevoir les signaux nerveux, provenant des autres cellules nerveuses). « Les neurones sont reliés les uns aux autres, formant des circuits dans lesquels on peut reconnaître l’équivalent de fils conducteurs (les fibres axoniques des neurones) et des zones de connexion (des synapses, c’est-à-dire des points où des axones font contact avec les dendrites d’autres neurones). »[1] Les connexions les plus utilisées vont donc se renforcer, tandis que les autres vont disparaître, constituant ainsi des réseaux de neurones, uniques à chaque individu. Selon Gerald Edelman, les circuits sélectionnés forment des cartes neuronales[2]. Ces cartes sont interconnectées et engendrent un processus qui pourrait être la base de nos capacités perceptives qui combineraient l’activité de différentes cartes du cortex. Chaque individu neuronal se construit par les interactions avec l’environnement, d’où viennent les stimulations extérieures. La mémoire repose sur un premier traitement de l’information qui se déroule dans le hippocampe (situé dans le lobe temporal) et puis est reporté sur le néocortex (couche externe des hémisphères cérébraux). L’apprentissage, le résultat d’une interaction entre l’individu et son environnement, repose aussi sur la plasticité cérébrale. Un des schèmes opératoires réalisés au cours de l’apprentissage est le mécanisme de l’assimilation, qui, utilisant les réseaux existants, est responsable de la création de l’intelligence cristallisée. De l’autre côté, il existe un processus distinct, appelé l’accommodation, qui permet la formation de nouveaux réseaux, dont le résultat est l’intelligence fluide. Au cours des processus d’intégration et de fixation de l’information, divers territoires corticaux peuvent être sollicités. Un seul message met en activité différents circuits, donc on peut dire que la mémoire occupe une seule zone cérébrale. Au-delà des deux zones d’activité déjà mentionnées, (l’hippocampe et le néocortex) il est néanmoins possible d’identifier une autre, qui est le système limbique. Il préfigure la dimension affective de notre cerveau et il est responsable des diverses émotions humaines, comme par exemple le plaisir ou la peur. Il joue un rôle significatif dans l’apprentissage et dans la mise en mémoire des expériences acquises.
Dans cette zone se situent cinq organes principaux : l’hippocampe, l’amygdale, la circonvolution cingulaire, le fornix et l’hypothalamus.
Après cette courte introduction, nous allons explorer quelques idées, sur les manières dont ces conceptions scientifiques influent les représentations artistiques de l’Avatar.
Le film de James Cameron se déroule sur Pandora, une planète située à 4, 37 années lumières de la Terre, couverte d’une forêt tropicale extrêmement riche en végétaux exotiques. Le livre de James Cameron’s Avatar: An Activist Survival Guide écrit par Maria Wilhelm et Dirk Mathison[3] nous explique divers phénomènes scientifiques mentionnés dans le film, par exemple les aspects spéciaux de la géologie de la planète, notamment la présence d´un minerai (Unobtanium) qui est considéré comme un supraconducteur apprécié, ou la composition de l´atmosphère qui ne peut pas être respirée par les humains à cause de la présence de divers composés chimiques nocives (p.ex. ammoniac, dioxyde de carbone, méthane).
Pour échapper à l’atmosphère nocive de la Pandora, les scientistes ont crié corps clonés (les avatars) des personnages, qui ainsi sont capables de survivre aux conditions ambiantes de la planète en question. Le protagoniste, Jake Sully, ancien marin paraplégique, est recruté pour se rendre au Programme Avatar, élaboré alors par les scientistes afin de lier les esprits des humains aux avatars. Cette idée, autrement dit, de projeter des individus, à travers des avatars digitaux, permet aux chercheurs d’étudier le cerveau humain et ses mécanismes[4]. Avec ces précisions conceptuelles et techniques, ils peuvent arriver plus tard à examiner comment le cerveau produit le discours ou même à décoder les pensées.
Dans le contexte du film, les nouvelles créatures hybrides sont les résultats du croisement de l’ADN humain avec celui des Na’vi, les autochtones de Pandora. L’ADN humain introduit assure une liaison mentale entre le pilote et l’avatar, qui se réalise grâce à un équipement technologique spécifique, appelé unité de liaison. Le corps de Jake est colloqué dans une capsule, d’où, à l’aide de l’interface neuronale, c’est á dire avec des petites électrodes posées autour de son crâne, sera scannée en 3D l’intégralité des cellules ou neurones de son cerveau. Ce processus permet de faire la cartographie des milliards de neurone au nanomètre[5]. La capsule de lien surveille également sans interruption les signes essentiels du pilote (Jake) et les paramètres opérationnels de son avatar. Une fois que la qualité de raccordement entre Jake et son avatar est établi au-dessus de 99%, le lien est placé en actif. Jake immédiatement « se réveille » à l’intérieur du corps de son hybride.
Le programme scientifique, représenté dans le film, travaille avec des interfaces des écrans tactiles des ordinateurs futuristes, où les graphiques sont faites en 3D. Les images captées visualisent en permanence les activités cérébrales de Jake et de son avatar, notamment, les interactions entre les différentes zones du cerveau. Les parties plus connectées entre elles sont le système limbique, l’hypothalamus et plusieurs zones du néocortex.
Comme il a été déjà mentionné, le système limbique, et plus particulièrement l’hippocampe situé dans la partie interne du lobe temporal, sont les structures responsables des phénomènes d’apprentissage et de récupération des informations stockées en mémoire. L’apprentissage et mémoire sont les deux fonctionnalités plus importantes pour Jake pour commencer une nouvelle vie à Pandora. Une fois que sa conscience a été téléportée, son hybride se réveille et commence son activité, à partir de laquelle la réalité sera étendue. Cette extension dans une seconde réalité, en même temps, peut être considérée comme une entrée dans un monde fictif ou imaginaire. Le virtuel et le réel sont interconnectés dans la même dimension. La représentation symbolique des phénomènes scientifiques réalisés au cours des processus mentaux, à mon avis, démontre bien la complexité de la conception du film.
La nouvelle vie du Jake commence par l’initiation à un autre univers, au Na’vi, à l’aide de Neytiri, la fille du chef du clan des Omaticayas. C’est elle qui découvre Jake quand il a été attaqué par des loups dans la forêt de Pandora. Jake, commence à connaître son nouvel habitat en parcourant la forêt sur les troncs des arbres qui forment un réseau ample, pareil à un réseau neuronal. Sur le plan symbolique, nous pourrions interpréter ces images comme la métaphore de l’apprentissage du protagoniste. Comme si nous voyions une visualisation symbolique de l’activité de son cerveau pendant le processus de cet apprentissage. Être inséré dans un réseau n’appartient qu’à l’état ontologique des humains. Docteur Grace Augustine, qui mène le programme Avatar, explicite cette reconnaissance. « C’est la transduction du signal de cette racine à celle de l’arbre voisin. ( …) C’est sûrement électrique à en juger par la vitesse de réaction. » Cette observation évoque l’hypothèse Gaïa, appelée également hypothèse biogéochimique initialement introduite par James Lovelock en 1970, proposant que l’ensemble des êtres vivants et leur environnement se comportent comme un organisme régulant ses propres conditions de survie[6]. Plus tard Grace, au cours d’une discussion avec Parker Selfridge, l’administrateur en chef de la RDA sur Pandora, déclare ce qui suit :
Nous pensons qu’il y a une sorte de communication électrochimique entres les arbres. Comme les synapses entre les neurones. Et chaque arbre a cent milles connexions avec les arbres voisins. Et il y a dix mille milliards d’arbres sur Pandora. (…) Ça fait plus de connexions que le cerveau humain. D’accord ? C’est un réseau. Un immense réseau auquel les Na’vis ont accès. Ils peuvent télécharger les données, des souvenirs sur des sites, comme celui que vous avez détruit.
Ce réseau anime et lie la Nature aux êtres de Pandora. Le film introduit divers sous réseaux de symbole à son réseau global. Un réseau de ceux-ci nous conduit au monde mythique de la Planète. Le centre de ces lieux mythiques se trouve l’Arbre des Âmes, autour duquel toute la vie des Na’vis s’organise. Neyriti tente d’expliquer son importance à Jake, en lui parlant de ce sanctuaire comme extension de leur âme et du savoir. Ce qui détient cette sagesse c’est Eywa, la personnification non-matérielle du bio-réseau Pandorien. C’est une espèce de déesse, comparée à Gaïa qui agit de façon subtile en voyant des « signes » qu’il faut apprendre à interpréter.
La connexion avec Eywa est établie en branchant une prise que les Na’vis possèdent au bout de leur crinière sur l’Arbre des Âmes. Cette même prise qui leur permet, à eux aussi, de domestiquer les Ikran et monter le Toruk Makto. Pour un Na’vi, établir un lien avec un Ikran fait partie d’un rite de passage du chasseur pour être reconnu parmi son clan. Le Toruk Makto, le « cavalier de la dernière ombre » est un grand prédateur aérien, semblable à l’Ikran, mais de dimension plus importante. Cet animal est légendaire, considéré pour les Na’vis comme une prouesse majeure. Celui qui est capable de s’y lier et de le monter pendant des périodes troublées serait alors appelé le « Choisi d’Eywa », le futur chef de la tribu. La file d’attente neurale externe qui serve à former le tsaheylu, un raccordement au niveau neural avec les autres êtres vivants nous invoque les connexions synaptiques entre les neurones. Elle est une réceptrice et, en même temps, émettrice “nanotechnique“. Au cours de l’initiation de Jake, Neytiri lui explique la importance du tsaheylu : « C’est le tsaheylu. Le lien. Sens-le! Sens son cœur qui bat! Sa respiration. Sens les forces de ses jambes! Tu peux le diriger en dedans. » Selon António Damásio, les sentiments et les pensées sont adaptés à la situation où se trouve l’organisme. La conscience se construit sur la base d’émotions transformées en sentiments. La conscience mobilise et regroupe un certain nombre d’informations nécessaires pour définir les stratégies de survie et prendre de décision. « La mémoire est indispensable à la conscience (…) Elle résulte de modifications dans l’efficacité synaptique de différents groupes neuronaux, modifications qui incitent de façon dégénérée certains circuits à recommencer. »[7] En ce qui concerne la question de la mémoire individuelle, il est important de souligner qu’au cours de l’initiation au monde écologique et mythique des Na’vis, Jake est constamment confronté à la perte de mémoire de sa vie antérieure. Il l’avoue lui-même : « Je me souviens à peine de mon ancienne vie. Je ne sais plus qui je suis. » Quant à la mémoire collective, les arbres ont un rôle important. Ils sont des « serveurs », qui stockent les informations et à partir desquels les Na’vis peuvent accéder ou télécharger des souvenirs en utilisant leurs crinières et ils peuvent même être utilisés pour les transferts d’esprit dans certains cas. L’Arbre des Âmes garantit un accès aux essences psychiques de leurs défunts, qui sont leur moyen de communication avec leurs ancêtres.
Ces observations nous permettent de refléchir, d’une perspective technologique, sur les conséquences de ce type de accès à la mémoire. L’impact des nouvelles pratiques de communication interfacées pose en clair la question de la perception de soi et de la représentation de l’entourage social. Il sera de plus en plus possible, en combinant des techniques des sciences cognitives et les technologies informationnelles avec ceux de la réalité virtuelle et l’imagerie du cerveau de partager rapidement les savoirs, les souvenirs entre les membres d’une société. Cette accessibilité pourra certainement influencer notre concept sur l’identité.
Bibliographie
António Damásio, L’erreur de Descartes, La raison des émotions, Paris, Odile Jacob, 2006.
Gerard Edelman & Gulio Tononi, Comment la matière devient conscience, Paris, Odile Jacob, 2000.
James Lovelock, La Terre est un être vivant, L’hypothèse Gaïa, Flammarion, coll. «Champs», 1999.
Jean-Paul Baquiart : Pour un principe matérialiste fort. Ed. Jean Paul Bayol, coll. «Décoherences», 2007.
Maria Wilhelm, Dirk Mathison, Avatar: A Confidential Report on the Biological and Social History of Pandora (James Cameron’s Avatar),New York, Itbooks, 2009.
Pages Internet sur l’Avatar consultées :
http://www.maxisciences.com/cerveau/avatar-du-film-de-science-fiction-a-la-realite_art12649.html, consulté en 19/02/ 2014
http://avatar-universe.wifeo.com/ordinateur-neuronale.php, consulté en 10/01/2014
http://avatar-message-du-futur.blogspot.pt/p/4-la-construction-dramatique.html consulté en 10/01/2014
http://avatar-message-du-futur.blogspot.pt/p/4-la-construction-dramatique.html
Notes
[1] Antonio Damásio: L’erreur de Descartes. La raison des émotio,. Paris, Odile Jacob, 2006, p. 50
[2] Gerard Edelman et Giulio Tononi: Comment la matière devient conscience. Paris, Odile Jacob, 2000.
[3] Maria Wilhelm et Dirk Mathison : Avatar: A Confidential Report on the Biological and Social History of Pandora (James Cameron’s Avatar),New York, Itbooks, 2009.
[4] http://www.maxisciences.com/cerveau/avatar-du-film-de-science-fiction-a-la-realite_art12649.html,
consulté le 19/02/ 2014
[5] http://avatar-universe.wifeo.com/ordinateur-neuronale.php, consulté le 10/01/2014
[6] James Lovelock: La Terre est un être vivant, l’hypothèse Gaïa. Flammarion, coll. «Champs», 1999.
[7] Jean-Paul Baquiart : Pour un principe materialiste fort. Ed. Jean Paul Bayol, coll. «Décoherences» http://www.editions-bayol.com/PMF/chapitre_3_annexes.pdf, consulté le 27/02/2014
Piroska Felkai
CEIL/IELT Nouvelle Université De Lisbonne, Portugal
pfelkai@gmail.com
Les aspects neuroscientifiques du film Avatar /
Neuroscientific aspects of the film Avatar
Abstract: Over the past three decades, science fiction has succeeded in articulating several cultural responses regarding narrative technologies. One of the most remarkable technological aspects commanding the attention of expert science fiction critics is the simultaneous treatment of scientific and technological issues in relation to the virtual space of the trans-media realm. The present article aims to analyse the modes of representation of recent neuroscience findings in the context of Avatar, a 2009 production directed by James Cameron.
Keywords: Neurosciences; James Cameron; Avatar; Science-Fiction.
Au cours des trois dernières décades, la fiction scientifique a réussi à crier certaines réponses culturelles relatives aux narrations technologiques. Un des aspects thématiques les plus remarquables pour les analystes qui se penchent sur la hard science-fiction, est le traitement simultané des questions scientifiques et technologiques en relation avec la représentation des espaces virtuels dans les univers transmédiatiques. Cet article a l’intention d´analyser les modes de représentation des récentes découvertes de la neuroscience, dans le contexte du film Avatar, réalisé par James Cameron en 2009.
Premièrement, nous nous proposons d’observer quelques aspects primordiaux sur le fonctionnement du cerveau humain, nous penchant sur la plasticité neuronale qui permet au cerveau de créer, de défaire ou de réorganiser les réseaux neuronaux et ses connexions. Ce sont les processus responsables pour les mécanismes de l’apprentissage et de la mémoire.
Les neurones sont constitués de trois parties : le corps cellulaire, les axones (les prolongements principaux de la cellule qui conduisent le signal électrique du corps) et les dendrites (les terminaisons qui servent à recevoir les signaux nerveux, provenant des autres cellules nerveuses). « Les neurones sont reliés les uns aux autres, formant des circuits dans lesquels on peut reconnaître l’équivalent de fils conducteurs (les fibres axoniques des neurones) et des zones de connexion (des synapses, c’est-à-dire des points où des axones font contact avec les dendrites d’autres neurones). »[1] Les connexions les plus utilisées vont donc se renforcer, tandis que les autres vont disparaître, constituant ainsi des réseaux de neurones, uniques à chaque individu. Selon Gerald Edelman, les circuits sélectionnés forment des cartes neuronales[2]. Ces cartes sont interconnectées et engendrent un processus qui pourrait être la base de nos capacités perceptives qui combineraient l’activité de différentes cartes du cortex. Chaque individu neuronal se construit par les interactions avec l’environnement, d’où viennent les stimulations extérieures. La mémoire repose sur un premier traitement de l’information qui se déroule dans le hippocampe (situé dans le lobe temporal) et puis est reporté sur le néocortex (couche externe des hémisphères cérébraux). L’apprentissage, le résultat d’une interaction entre l’individu et son environnement, repose aussi sur la plasticité cérébrale. Un des schèmes opératoires réalisés au cours de l’apprentissage est le mécanisme de l’assimilation, qui, utilisant les réseaux existants, est responsable de la création de l’intelligence cristallisée. De l’autre côté, il existe un processus distinct, appelé l’accommodation, qui permet la formation de nouveaux réseaux, dont le résultat est l’intelligence fluide. Au cours des processus d’intégration et de fixation de l’information, divers territoires corticaux peuvent être sollicités. Un seul message met en activité différents circuits, donc on peut dire que la mémoire occupe une seule zone cérébrale. Au-delà des deux zones d’activité déjà mentionnées, (l’hippocampe et le néocortex) il est néanmoins possible d’identifier une autre, qui est le système limbique. Il préfigure la dimension affective de notre cerveau et il est responsable des diverses émotions humaines, comme par exemple le plaisir ou la peur. Il joue un rôle significatif dans l’apprentissage et dans la mise en mémoire des expériences acquises.
Dans cette zone se situent cinq organes principaux : l’hippocampe, l’amygdale, la circonvolution cingulaire, le fornix et l’hypothalamus.
Après cette courte introduction, nous allons explorer quelques idées, sur les manières dont ces conceptions scientifiques influent les représentations artistiques de l’Avatar.
Le film de James Cameron se déroule sur Pandora, une planète située à 4, 37 années lumières de la Terre, couverte d’une forêt tropicale extrêmement riche en végétaux exotiques. Le livre de James Cameron’s Avatar: An Activist Survival Guide écrit par Maria Wilhelm et Dirk Mathison[3] nous explique divers phénomènes scientifiques mentionnés dans le film, par exemple les aspects spéciaux de la géologie de la planète, notamment la présence d´un minerai (Unobtanium) qui est considéré comme un supraconducteur apprécié, ou la composition de l´atmosphère qui ne peut pas être respirée par les humains à cause de la présence de divers composés chimiques nocives (p.ex. ammoniac, dioxyde de carbone, méthane).
Pour échapper à l’atmosphère nocive de la Pandora, les scientistes ont crié corps clonés (les avatars) des personnages, qui ainsi sont capables de survivre aux conditions ambiantes de la planète en question. Le protagoniste, Jake Sully, ancien marin paraplégique, est recruté pour se rendre au Programme Avatar, élaboré alors par les scientistes afin de lier les esprits des humains aux avatars. Cette idée, autrement dit, de projeter des individus, à travers des avatars digitaux, permet aux chercheurs d’étudier le cerveau humain et ses mécanismes[4]. Avec ces précisions conceptuelles et techniques, ils peuvent arriver plus tard à examiner comment le cerveau produit le discours ou même à décoder les pensées.
Dans le contexte du film, les nouvelles créatures hybrides sont les résultats du croisement de l’ADN humain avec celui des Na’vi, les autochtones de Pandora. L’ADN humain introduit assure une liaison mentale entre le pilote et l’avatar, qui se réalise grâce à un équipement technologique spécifique, appelé unité de liaison. Le corps de Jake est colloqué dans une capsule, d’où, à l’aide de l’interface neuronale, c’est á dire avec des petites électrodes posées autour de son crâne, sera scannée en 3D l’intégralité des cellules ou neurones de son cerveau. Ce processus permet de faire la cartographie des milliards de neurone au nanomètre[5]. La capsule de lien surveille également sans interruption les signes essentiels du pilote (Jake) et les paramètres opérationnels de son avatar. Une fois que la qualité de raccordement entre Jake et son avatar est établi au-dessus de 99%, le lien est placé en actif. Jake immédiatement « se réveille » à l’intérieur du corps de son hybride.
Le programme scientifique, représenté dans le film, travaille avec des interfaces des écrans tactiles des ordinateurs futuristes, où les graphiques sont faites en 3D. Les images captées visualisent en permanence les activités cérébrales de Jake et de son avatar, notamment, les interactions entre les différentes zones du cerveau. Les parties plus connectées entre elles sont le système limbique, l’hypothalamus et plusieurs zones du néocortex.
Comme il a été déjà mentionné, le système limbique, et plus particulièrement l’hippocampe situé dans la partie interne du lobe temporal, sont les structures responsables des phénomènes d’apprentissage et de récupération des informations stockées en mémoire. L’apprentissage et mémoire sont les deux fonctionnalités plus importantes pour Jake pour commencer une nouvelle vie à Pandora. Une fois que sa conscience a été téléportée, son hybride se réveille et commence son activité, à partir de laquelle la réalité sera étendue. Cette extension dans une seconde réalité, en même temps, peut être considérée comme une entrée dans un monde fictif ou imaginaire. Le virtuel et le réel sont interconnectés dans la même dimension. La représentation symbolique des phénomènes scientifiques réalisés au cours des processus mentaux, à mon avis, démontre bien la complexité de la conception du film.
La nouvelle vie du Jake commence par l’initiation à un autre univers, au Na’vi, à l’aide de Neytiri, la fille du chef du clan des Omaticayas. C’est elle qui découvre Jake quand il a été attaqué par des loups dans la forêt de Pandora. Jake, commence à connaître son nouvel habitat en parcourant la forêt sur les troncs des arbres qui forment un réseau ample, pareil à un réseau neuronal. Sur le plan symbolique, nous pourrions interpréter ces images comme la métaphore de l’apprentissage du protagoniste. Comme si nous voyions une visualisation symbolique de l’activité de son cerveau pendant le processus de cet apprentissage. Être inséré dans un réseau n’appartient qu’à l’état ontologique des humains. Docteur Grace Augustine, qui mène le programme Avatar, explicite cette reconnaissance. « C’est la transduction du signal de cette racine à celle de l’arbre voisin. ( …) C’est sûrement électrique à en juger par la vitesse de réaction. » Cette observation évoque l’hypothèse Gaïa, appelée également hypothèse biogéochimique initialement introduite par James Lovelock en 1970, proposant que l’ensemble des êtres vivants et leur environnement se comportent comme un organisme régulant ses propres conditions de survie[6]. Plus tard Grace, au cours d’une discussion avec Parker Selfridge, l’administrateur en chef de la RDA sur Pandora, déclare ce qui suit :
Nous pensons qu’il y a une sorte de communication électrochimique entres les arbres. Comme les synapses entre les neurones. Et chaque arbre a cent milles connexions avec les arbres voisins. Et il y a dix mille milliards d’arbres sur Pandora. (…) Ça fait plus de connexions que le cerveau humain. D’accord ? C’est un réseau. Un immense réseau auquel les Na’vis ont accès. Ils peuvent télécharger les données, des souvenirs sur des sites, comme celui que vous avez détruit.
Ce réseau anime et lie la Nature aux êtres de Pandora. Le film introduit divers sous réseaux de symbole à son réseau global. Un réseau de ceux-ci nous conduit au monde mythique de la Planète. Le centre de ces lieux mythiques se trouve l’Arbre des Âmes, autour duquel toute la vie des Na’vis s’organise. Neyriti tente d’expliquer son importance à Jake, en lui parlant de ce sanctuaire comme extension de leur âme et du savoir. Ce qui détient cette sagesse c’est Eywa, la personnification non-matérielle du bio-réseau Pandorien. C’est une espèce de déesse, comparée à Gaïa qui agit de façon subtile en voyant des « signes » qu’il faut apprendre à interpréter.
La connexion avec Eywa est établie en branchant une prise que les Na’vis possèdent au bout de leur crinière sur l’Arbre des Âmes. Cette même prise qui leur permet, à eux aussi, de domestiquer les Ikran et monter le Toruk Makto. Pour un Na’vi, établir un lien avec un Ikran fait partie d’un rite de passage du chasseur pour être reconnu parmi son clan. Le Toruk Makto, le « cavalier de la dernière ombre » est un grand prédateur aérien, semblable à l’Ikran, mais de dimension plus importante. Cet animal est légendaire, considéré pour les Na’vis comme une prouesse majeure. Celui qui est capable de s’y lier et de le monter pendant des périodes troublées serait alors appelé le « Choisi d’Eywa », le futur chef de la tribu. La file d’attente neurale externe qui serve à former le tsaheylu, un raccordement au niveau neural avec les autres êtres vivants nous invoque les connexions synaptiques entre les neurones. Elle est une réceptrice et, en même temps, émettrice “nanotechnique“. Au cours de l’initiation de Jake, Neytiri lui explique la importance du tsaheylu : « C’est le tsaheylu. Le lien. Sens-le! Sens son cœur qui bat! Sa respiration. Sens les forces de ses jambes! Tu peux le diriger en dedans. » Selon António Damásio, les sentiments et les pensées sont adaptés à la situation où se trouve l’organisme. La conscience se construit sur la base d’émotions transformées en sentiments. La conscience mobilise et regroupe un certain nombre d’informations nécessaires pour définir les stratégies de survie et prendre de décision. « La mémoire est indispensable à la conscience (…) Elle résulte de modifications dans l’efficacité synaptique de différents groupes neuronaux, modifications qui incitent de façon dégénérée certains circuits à recommencer. »[7] En ce qui concerne la question de la mémoire individuelle, il est important de souligner qu’au cours de l’initiation au monde écologique et mythique des Na’vis, Jake est constamment confronté à la perte de mémoire de sa vie antérieure. Il l’avoue lui-même : « Je me souviens à peine de mon ancienne vie. Je ne sais plus qui je suis. » Quant à la mémoire collective, les arbres ont un rôle important. Ils sont des « serveurs », qui stockent les informations et à partir desquels les Na’vis peuvent accéder ou télécharger des souvenirs en utilisant leurs crinières et ils peuvent même être utilisés pour les transferts d’esprit dans certains cas. L’Arbre des Âmes garantit un accès aux essences psychiques de leurs défunts, qui sont leur moyen de communication avec leurs ancêtres.
Ces observations nous permettent de refléchir, d’une perspective technologique, sur les conséquences de ce type de accès à la mémoire. L’impact des nouvelles pratiques de communication interfacées pose en clair la question de la perception de soi et de la représentation de l’entourage social. Il sera de plus en plus possible, en combinant des techniques des sciences cognitives et les technologies informationnelles avec ceux de la réalité virtuelle et l’imagerie du cerveau de partager rapidement les savoirs, les souvenirs entre les membres d’une société. Cette accessibilité pourra certainement influencer notre concept sur l’identité.
Bibliographie
António Damásio, L’erreur de Descartes, La raison des émotions, Paris, Odile Jacob, 2006.
Gerard Edelman & Gulio Tononi, Comment la matière devient conscience, Paris, Odile Jacob, 2000.
James Lovelock, La Terre est un être vivant, L’hypothèse Gaïa, Flammarion, coll. «Champs», 1999.
Jean-Paul Baquiart : Pour un principe matérialiste fort. Ed. Jean Paul Bayol, coll. «Décoherences», 2007.
Maria Wilhelm, Dirk Mathison, Avatar: A Confidential Report on the Biological and Social History of Pandora (James Cameron’s Avatar),New York, Itbooks, 2009.
Pages Internet sur l’Avatar consultées :
http://www.maxisciences.com/cerveau/avatar-du-film-de-science-fiction-a-la-realite_art12649.html, consulté en 19/02/ 2014
http://avatar-universe.wifeo.com/ordinateur-neuronale.php, consulté en 10/01/2014
http://avatar-message-du-futur.blogspot.pt/p/4-la-construction-dramatique.html consulté en 10/01/2014
http://avatar-message-du-futur.blogspot.pt/p/4-la-construction-dramatique.html
Notes
[2] Gerard Edelman et Giulio Tononi: Comment la matière devient conscience. Paris, Odile Jacob, 2000.
[3] Maria Wilhelm et Dirk Mathison : Avatar: A Confidential Report on the Biological and Social History of Pandora (James Cameron’s Avatar),New York, Itbooks, 2009.
[4] http://www.maxisciences.com/cerveau/avatar-du-film-de-science-fiction-a-la-realite_art12649.html,
consulté le 19/02/ 2014