Angelo Mitchievici
Dégénérescence / régénération. Verne vs. Verne
La problématique de la paternité et, indirectement, de l’intégralité de l’œuvre vernienne comporte plusieurs aspects. L’un d’entre eux est lié à son éditeur même, l’infatigable Hertzel, qui aurait d’ailleurs pu trouver une place parmi les personnages de Verne, à côté peut-être du Dr. Paganel, et qui intervient plus d’une fois sur le texte, modifiant souvent l’orientation du roman vers un comme il faut1 convenable. L’autre aspect est lié au fait que, parfois, Jules Verne reprend un projet romanesque abandonné à un moment – c’est le cas des 500 millions de la Begum – pour l’achever. Et plus d’une fois ces projets sont menés à bien par son fils, Michel Verne, aussi talentueux que le père, dont Michel utilise parfois le nom déjà consacré.
Ce fait pourrait conduire à des controverses ; à qui a-t-on affaire : à Jules, à Michel, à Hertzel ou bien encore à Pascal Grousset ? Si l’on exclut les deux derniers, la paternité rentre dans ses droits « familiaux ». Comme pour L’éternel Adam on a clairement démontré qu’il a été intégralement écrit par Michel, sans aucune contribution de la part de Jules Verne, au moins le litige est resté en famille. Et qu’aurait été Michel sans Jules ? Mais Verne : est-il toujours Verne ?
Lucian Boia analyse plusieurs dossiers verniens : celui de l’homosexualité, de l’antisémitisme etc., ces dossiers révélant les manières parfois abusives d’utilisation du romancier. Boia insiste sur un paradoxe intéressant : en apparence superficielle, il existe néanmoins une dimension ludique, de vaudeville, théâtrale de l’auteur. A un regard plus attentif, les certitudes cessent d’être certaines, soit que Jules s’embrouille dans l’immense quantité d’informations qu’il gère, soit qu’il fond ses explorations en histoires archétypales – et c’est la manière que choisit Simone Vierne pour sa lecture de Verne. Quoi qu’il en soit, Jules Verne se montre intéressé par toutes les profondeurs, ainsi que toutes les marges ; rien, a priori, n’est intouchable, même si, parfois, rarement, le héros paie le prix de la folie pour atteindre le centre, comme c’est le cas du capitaine Hateras.
Verne reprend plusieurs vulgates épistémiques de son siècle, si bien que certains de ces discours apparaissent de manière fragmentaire, sous forme de simples réflexions qui forment le cadre du tableau, ou bien parfois même tout un ensemble utopique. Les auteurs Verne manipulent certaines théories, à commencer par la théorie évolutionniste de Darwin jusqu’aux théories plus anciennes de Cuvier ou encore de Lamarck. Le lecteur reconnaît la terminologie de l’époque des discours concernant le déclin, la décadence, appelés scientifiquement dégénérescence. La fin du siècle annonce une apocalypse où le progrès, l’hérédité, les facteurs liés au milieu, le développement urbain etc. forment un cocktail qui peut exploser dans une polysémie déroutante. Nombre de personnages verniens sont des savants, des docteurs, des ingénieurs, des inventeurs, des professeurs qui n’hésitent pas à donner un cours ex cathedra, trouvant aisément leur public parmi les initiés ou les amateurs.
La dégénérescence a une double acception. Premièrement, il y a le sens médical : elle est une maladie, un changement morbide opéré dans la structure de l’organisme, qui consiste dans une désintégration du tissu ou le remplacement d’un tissu d’en haut par un tissu d’en bas, une déviation morbide par rapport au type originel ; cette acception est utilisée par B.A. Morel. La deuxième signification de la dégénérescence est textuelle, il s’agit d’une forme de discours façonné par une certaine idéologie, ainsi que le définit Daniel Pick : « Degeneration is a highly narrative discourse, concerned with the dynamic patterns which underpinned a chain of changing pathologies across generations. »2
Kelly Hurley établit des rapports entre le discours dégénérationniste et le discours darwiniste : la théorie évolutionniste de Darwin garde, en ce qui concerne « the descent with modification », une certaine neutralité d’équilibre, point de départ d’un vaste territoire d’interprétation articulé sur deux directions principales. La direction « optimiste » (dans son développement spencérien, par exemple) prend en considération le phénomène comme évolution progressive visant des stades de plus en plus perfectionnés et performants. Jules Verne semble adhérer à ce développement des théories darwinistes, et la nouvelle La journée d’un journaliste américain en 2889 confirme cela. La direction « pessimiste » (B.A. Morel, Max Nordau, Ernst Haeckel) se constitue autour du discours dégénérationniste, qui relie la perte du capital symbolique de l’humanité suite à sa sortie de la sphère théologique. Cette direction, dans sa manifestation la plus radicale, indique une régression progressive vers l’extinction, investissant la dégénérescence d’une fonction eschatologique.
Les théories dégénérationnistes mettent en évidence un fait autrement grave, la vitesse – relativement importante – d’avancement du processus régressif et le caractère mutagène spectaculaire, dans un sens maléfique, du corps humain, assimilé au corps social. Bénédictin Augustin Morel illustre cette thèse dans Traité des dégénérescences physiques, intellectuelles et morales de l’espèce humaine (1857). Il est le premier en France à articuler l’idée de la dégénérescence biologique humaine dans une théorie cohérente de l’hérédité. Infectés par la pollution du milieu urbain et en accumulant les effets d’autres facteurs nuisibles, les individus épuisent leur stock héréditaire en quatre étapes : après l’infection de la première génération, la deuxième est sujette à l’épilepsie, la neurasthénie et l’hystérie, la troisième frôle la folie et la quatrième est frappée d’idiotie et de stérilité.
Une autre définition de la dégénérescence serait celle d’une évolution inversée et comprimée, accélérée dans le temps. La dégénérescence se transmet facilement et s’auto-génère, substituant au progrès une régression terrible à caractère épidémique. William Greenslade souligne l’ambiguďté et l’instabilité du terme, qui a une double ouverture sémantique : « ‘Degeneration’ represented the boundless capacity of a society to ‘generate’ regression: on the one hand, generation and reproduction, on the other, decline, degradation, waste. The remarkable grip which the idea secured suggests a sense of a permanent secularised ‘fall’ from grace, a structure for feelings of extreme disappointment with the state of things for which the traditional religious sanctities offered little help. Instead degeneration installed an alternative myth which spoke to this ‘dark side of progress’ ».3
L’analogie entre le corps individuel et le corps social régira les conclusions, résultat du fait de rapporter la partie, l’individu, aux raisons de la société entière, du corps social. Les criminologues, les anthropologues, les médecins de cette époque constatent que l’organisme individuel est sensible aux maladies dégénératives, et donc l’organisme – corps social doit nécessairement manifester les mêmes sensibilités. Prise dans le cercle vicieux de la chaîne causale, la société empoisonnée infecte l’individu qui transmet héréditairement l’infection à ses descendants dégénérés qui infectent, à leur tour, la société.
Pour Michel Foucault le corps social devient un groupe de discours ; dans le même sens, Kelly Hurley propose également une taxonomie illustrative des approches spécifiques : « The zoologist, who dissected to find the internal structural similarities between human and animal bone, the embryologist, who posited that ontogeny recapitulated phylogeny – that human being passed through his whole history of species evolution during gestation, the microbiologist who demonstrated that like all other organisms, humans were, in their most basic components, nothing more that globs of protoplasm. »4 Dans sa tentative de trouver une solution au problème de l’origine, Sofr, dans L’éternel Adam, corrobore dans sa démarche archéologique plusieurs discours de ce type.
La théorie darwiniste de la sélection naturelle entraîne une déstabilisation importante de ce qui assurait auparavant les frontières entre l’humain et l’animal. Cela, selon Kelly Hurley, génère deux raisons d’anxiété. La première est liée au fait que l’homme, descendant de l’animal, pourrait garder d’importants résidus d’animalité, « abhuman entities » (ou, en termes de la théorie de Lombroso, des atavismes), qui n’auraient pas encore été stabilisés sur l’échelle de l’évolution. La deuxième est liée au fait que le processus d’évolution pourrait être réversible, et l’espèce humaine pourrait régresser vers l’animalité la plus sordide. L’antithèse de l’évolution est la dégénérescence. Herbert Spencer reformule la théorie évolutionniste de Darwin dans une sorte de théorie du progrès naturel, « Natural progressivism », où aussi bien la matière vivante que l’organisme social évolueraient inévitablement du simple au complexe, du barbarisme à la civilisation.
Quoi qu’il en soit, le dégénérationnisme devient une forme de discours privilégié et amplement popularisé sur le fond des millénarismes fin-de-siècle, tels que les théories catastrophistes de Camille Flamarion.
Dans le contexte de la vulgate dégénérationniste, mon intérêt s’est porté vers la manière dont Verne met doublement en scène et en conflit cette vulgate pour la réconcilier à la fin. Il ne s’agit de contradiction qu’en apparence : au plan structural, Verne retrouve la globalité et un calme de patriarche, y compris dans les écrits du fils signés par le père. J’ai choisi de chercher l’illustration de ce double jeu dans trois textes : un fragment du Villageaérien, Les 500 millions de la Begum et L’éternel Adam. Les trois épisodes s’articulent autour de l’utilisation de la vulgate dégénérationniste.
I. Dans Le Village aérien, l’expédition organisée ad hoc par l’Américain John Cort, le Français Max Huber et le Camerounais Khamis, accompagnés par un enfant du pays, Llanga, traverse la forêt congolaise en longeant la rivière Oubangui et s’achemine vers la capitale de la colonie française, Libreville. Comme tous les autres voyages verniens, celui-ci aussi offre un forum aux débats sur des thèmes scientifiques. On discute tant de la théorie évolutionniste de Darwin que d’expériences beaucoup plus osées, comme celle de l’Américain Garner. Celui-ci avait essayé de démontrer que les singes utilisent un langage articulé et, par conséquent, la langue des simiens, une fois assemblée et rendue accessible, pourrait constituer une sorte de proto-langue. Le savant allemand Johausen, le personnage de Verne, continue le projet abandonné par Garner et devient ni plus ni moins que chef de tribu, vivant dans un village suspendu, construit dans les arbres. Les considérations des deux amis, bons connaisseurs des les théories du moment, mènent à une expertise savante sur le positionnement des Wagddis sur l’échelle de l’évolution.
« Une chose certaine, en somme, c’est que les Wagddis parlaient. Non bornés aux seuls instincts, ils avaient des idées, – ce que suppose l’emploi de la parole, – et des mots dont la réunion formait le langage. Mieux que des cris éclairés par le regard et le geste, ils employaient une parole articulée, ayant pour base une série de sons et de figures conventionnels qui devaient avoir été légués par atavisme. »5
S’insèrent dans le débat des éléments nouveaux, qui intéressent les deux amis, prisonniers des Wagddis, complétés par les théories et la terminologie spécifique des naturalistes français. Parmi ceux derniers, Linné occupe une place à part, avec sa théorie des Troglodytes, mais Armans de Quatrefages de Bréau, anthropologue et naturaliste moins connu, y est présent aussi. John Cort aborde la relation entre le milieu et le développement des anthropoïdes supérieurs, relation qui, transposée en milieu urbain, modèle le discours dégénérationniste d’un B.A. Morel. L’hygiénisme de Morel est ainsi transposé, positivement, dans la jungle congolaise.
« Dans tous les cas, fit remarquer John Cort, la nature, qui ne se trompe jamais, a eu ses raisons pour porter ces Wagddis a adopter l’existence aérienne. Au lieu de ramper sur un sol malsain que le soleil ne pénètre jamais de ses rayons, ils vivent dans le milieu salutaire des cimes de cette forêt. »6
Les deux détectent tour à tour des éléments ressemblant à la constitution d’une société humaine, avec des institutions similaires mutatis mutandis. Le ton ironique de certaines de leurs considérations procède du ludique assumé de l’écriture vernienne, du caractère de vaudeville de celle-ci. L’anthropologue allemand, le docteur Johausen, fou et chef de tribu sous le nom de Msélo-Tala-Tala, c’est-à-dire Père Miroir, semble être le seul réellement « dégénéré ». Vu que l’un des critères essentiels qui permet de différencier la nature humaine de celle du primat est le langage, l’on peut affirmer qu’en assumant pleinement un nom indigène, le docteur recule de quelques marches sur l’échelle de l’évolution, vers la zone des atavismes, et, dans le geste banal de se gratter, le narrateur décèle le signe carié d’une amnésie atavique. De toute manière, l’histoire se termine dans l’esprit d’une fraternisation paternelle, tout en préservant décemment la différence des êtres réellement civilisés, les Américains et les Français, suivis respectueusement par les colonisés, représentés par le Camerounais Khamis.
II. Il est difficile de déceler ce que Jules Verne a gardé du projet romanesque initial, intitulé L’héritage de Langévol et conçu par Pascal Grousset, alias André Laurie. Il est possible que Jules Verne ait trouvé convenables aussi bien les parti pris7 historiques assez appuyés que le fait de mettre en conflit les deux projets utopiques. Sous le titre Les cinq cents millions de la Begum, le livre paraît en 1879, dix ans avant la nouvelle La journée d’un journaliste américain en 28898, chez le même éditeur J. Hetzel, par l’intermédiaire duquel Jules Verne obtient le manuscrit.
Il existe un dénominateur commun essentiel du roman et de la nouvelle, qui nous permet d’affirmer qu’il s’agit d’une prolongation de l’intérêt de Michel Verne pour certaines théories, à la suite de Pascal Grousset. De toute manière il est difficile de statuer que les préoccupations pour le discours dégénérationniste d’A.B. Morel appartiennent à Jules Verne et non à Pascal Grousset, d’autant plus que Jules Verne se réserve un ton ironique dans Le Village aérien vis-à-vis des expériences de l’anthropologue allemand, le docteur Johausen, qui allaient dans le sens de la théorie darwiniste.
Ce discours est repris tant par la partie allemande, représentée par l’Alsacien – pas exactement pur sang – Schultze que par la partie française, dignement représentée par le docteur Sarrasin9. Au-delà de la lecture ironique poussée vers la caricature que le narrateur en fait, Schultze n’est pas seulement un ingénieur chimiste spécialiste en balistique mais possède également des compétences en pathologie raciale, étant l’auteur de l’article Pourquoi tous les Français sont-ils atteints à des degrés différents de dégénérescence héréditaire ?10, publié dans la revue Annalen fur Physiologie.
Schultze est délibérément présenté, dans un esprit vernien très proche du vaudeville11, comme la caricature d’une attitude et d’un discours qu’il incarne. Finalement, ce que l’on peut retenir – parce que facilement reconnaissable – est la vulgate du discours dégénérationniste. Max Nordau, dans sa Dégénérescence traduite en France en 1894 quintessenciera les théories existantes. D’ailleurs, le prestige dont jouit le docteur Morel est révélé également par le fait que Max Nordau le cite comme une autorité pour ce qui de la définition de la dégénérescence :
« L’idée la plus claire que nous puissions nous former de la dégénérescence de l’espèce humaine, est de nous la représenter comme une déviation maladive d’un type primitif. Cette déviation, si simple qu’on la suppose à son origine, renferme néanmoins des éléments de transmissibilité d’une telle nature que celui qui en porte le germe devient de plus en plus incapable de remplir sa fonction dans l’humanité, et que le progrès intellectuel déjà enrayé dans sa personne se trouve encore menacé dans celle de ses descendants. »
Schultze construit une ville, Stahlstadt, complètement industrialisée et militarisée, excepté le parc où il habite et qui, bien que situé dans le centre de la ville, semble isolé de la pollution environnante. La France-Ville de Sarrasin est, à son tour, la matérialisation d’un projet utopique mis sous le signe de l’hygiénisme d’A.B. Morel, avec son célèbre Traité des dégénérescences de 1857. Morel recommande l’hygiène la plus stricte et le contrôle le plus rigoureux possible de la reproduction des dégénérés. Le modèle par excellence du dégénéré est l’idiot. Les coïncidences sont frappantes : Sarrasin participe à un congrès d’hygiène et un certain docteur Stevenson de Glasgow fait une intervention sur l’ouvrage L’Education des jeunes idiots. Qui plus est, son propre discours est calqué sur celui de Morel.
« Messieurs, parmi les causes de maladie, de misère et de mort qui nous entourent, il faut en compter une à laquelle je crois rationnel d’attacher une grande importance : ce sont les conditions hygiéniques déplorables dans lesquelles la plupart des hommes sont placés. Ils s’entassent dans des villes, dans des demeures souvent privées d’air et de lumière, ces deux agents indispensables de la vie. Ces agglomérations humaines deviennent parfois de véritables foyers d’infection. Ceux qui n’y trouve pas la mort sont au moins atteints dans leur santé […] »12
France-Ville est construite sur ce premier principe, l’ordre, la quantification de l’espace et le contrôle du milieu, son écologisation sont en mesure d’assurer des garde-fous sanitaires à même de prévenir l’apparition et la propagation d’une possible infection. Ce fait est illustré aussi par le décalogue – qui est, en même temps, un programme de fonctionnement – publié dans Unsere Centurie, revue allemande, et qui rend possible l’édification de la communauté parfaite. Rien n’est laissé au hasard, surtout l’éducation qui vise une constitution physico-mentale optimale pour pouvoir préserver la santé de l’organisme social. Les effets bénéfiques ne tardent pas à apparaître, la diminution de la mortalité étant mise en évidence. Des termes comme symptôme, poison, infection reviennent dans ce discours qui tient d’une médicalisation quasi-totale de cette société où la pureté raciale a été remplacée par l’hygiène collective. Le projet de Sarrasin n’est pas amendé ironiquement, c’est une expérience réussie, les statistiques fournissent l’argument en faveur du succès de l’entreprise. L’utopie s’est cristallisée. Schultze meurt dans son laboratoire, suite à un accident, avant de déclencher une attaque soutenue contre la ville et la nation rivale. Il s’agit de l’explosion d’une bombe à bioxyde de carbone liquide qu’il congèle, si bien que celle-ci se trouve, telle un mammouth, conservée dans un bloc de glace, un objet monstrueux, de condition subalterne, ultime ironie adressée au personnage, car Schultze prétendait être un produit exceptionnel sur l’échelle de l’évolution, supérieur du point de vue racial. D’ailleurs Schultze et Sarrasin, tous deux des scientifiques, partagent un double héritage, l’un lié à l’hérédité et l’autre pécuniaire, et chacun d’entre eux matérialise sa propre utopie inspirée par le même ordre stricte et lucratif.
De fait, dans le docteur Schultze il y a quelque chose de Sarrasin – la place centrale accordée à la science par exemple – de la même manière que dans l’œuvre de Sarrasin on retrouve quelque chose de l’élément germanique, de la discipline de Schultze. En fait, chacun des deux représente les deux côtés d’une même médaille qui réunit l’utopie et la dystopie. Cette dernière pourrait être interprétée comme une pathologie de l’utopie mais non sur le fond, non d’un point de vue structural. Jules Verne, comme le docteur Sarrasin, plaide pour une réconciliation. Finalement, l’usine et la ville des jardins, France-Ville, fonctionneront ensemble (mais n’étaient-elles pas, depuis le début, ensemble, l’oasis de Schultze se trouvant au milieu de la Cité de l’acier, Stahlstadt ?). Nous assistons ainsi à un mariage efficace entre l’esprit germanique, constructif, d’application technologique, et l’esprit français, plus raffiné, mais sans frivolités et extrêmement hygiénique. Le contrôle de l’usine est pourtant confié au fils adoptif Marcel13 dont le caractère plus proche du climat allemand se révèle aussi dans un contexte héréditaire.
Tout en gardant comme source d’amusement ce discours manifestement raciste, en reprenant et en conférant un corps à la dimension utopique de la vulgate de Morel, Jules Verne se présente comme un pacifiste idyllique, couronnant le progrès par l’élimination de tout facteur de dégénérescence par une formidable hygiène humaine. En apparence, Jules Verne oppose à la possible dystopie, vue comme une utopie gérée défectueusement (et celle-ci se retrouve à côté des propos typiquement racistes-dégénérationnistes chez l’allemand Schultze), l’utopie basée sur un discours dégénérationniste positif, celui d’A.B. Morel qui introduit ce concept en France. En fait, la confrontation n’est que partielle puisqu’à la fin l’ancêtre commun est identifié.
III. La troisième partie de mon intervention oppose, pour les réconcilier, Jules et Michel Verne. Nous nous trouvons cette fois-ci devant une société avancée, confrontée à un état de crise. Le Zartog Sofr-Ai-sr – c’est-à-dire « le docteur, troisième représentant mâle de la cent et unième génération de la lignée des Sofr » est l’un des savants de ce monde. La démarche archéologique de Sofr concernant l’origine de sa propre espèce est fondée sur une triple épistémologie : la science géologique, les sciences naturelles et – sans qu’elle soit formulée directement – l’anthropologie, ayant comme point de départ l’analyse du strate de sédiment marin. Toute la nouvelle de Michel Verne est un excursus épistémologique et une démonstration légèrement romancée basée sur l’épistémè du XIXe siècle, centrée sur l’évolutionnisme darwiniste. Elle est également influencée par les théories tout aussi populaires à l’époque de l’école italienne de criminologie, connue pour les recherches d’un Cesare Lombroso, d’un Ferrero et d’un Sighelle.
La première démarche de Sofr, qui s’ajoute aux trois méthodes scientifiques d’exploration de l’abyssal humain révélé par celui marin, est historique, mais le résultat spécifique à l’épistémè du XIXe siècle est anthropologique et met en équation le destin de l’espèce. L’histoire connaît plusieurs périodes, celle où se situe Sofr est marquée par de fortes convulsions sociales, c’est une période de crise. Les savants de la fin du XIXe siècle aussi en parlaient comme d’un moment de dissolutions de toutes sortes, annonçant une apocalypse irrépressible, où le progrès technologique avec ses conséquences au plan social est assimilé à une pulsion régressive liée à la dégénérescence de l’humanité située sous l’anathème des contraintes de l’espèce.
« […] l’humanité s’était trouvée prête pour les vastes convulsions. A ce moment, les armes, le feu, la violence ayant déjà accompli un partie de leur œuvre nécessaire, les faibles ayant succombé devant les forts, les hommes peuplant la Mahart-Iten-Schu formaient trois nations homogènes, dans chacune desquelles le temps avait atténué les différences entre les vainqueurs et les vaincus d’autrefois. »14
C’est dans les termes de l’évolution des espèces que Sofr situe le déroulement des événements qui configurent le discours historique. Il est intéressant de remarquer que ces nations portent des noms dans lesquels l’on peut reconnaître plutôt un décalque d’une appellation tribale, comme dans les romans de Karl May ou Fenimore Cooper, que le signe de la modernité. Ces noms appartenant à une langue du futur, qui requièrent une traduction sont : Andarti-Ha-Sammgor, c’est-à-dire Hommes-à-Face-de-Bronze, Andarti-Mahart-Horis ou Les Hommes-du-Pays-de-la-Neige et Les Andarti-Mitra-Psul, Les Hommes-de-l’Etoile-Immobile. Les conflits, les guerres n’opposent pas des nations mais des races, les théories raciales servant d’ailleurs comme thèse à la configuration des nations à la fin du XIXe siècle. Cette guerre d’argument épistémique natonaliste-racial se termine glorieusement par la fonte de toutes les nations et des races en un peuple unique, les Andart’-Iten-Schu, les Hommes-des-Quatre-Mers, par une sorte de globalisation soporifique et pacifiste des nations réunies. La période de crise que traverse ce conglomérat procède d’un retour freudien du refoulé exprimé par tout un corpus terminologique au plan du discours épistémologique, où l’on peut reconnaître les préoccupations sévères de la criminologie développée par l’école italienne de Cesare Lombroso.
« Des bruits fâcheux, venus on ne savait d’où, circulaient depuis quelque temps. Il s’était révélé des penseurs pour réveiller dans les âmes des souvenirs ancestraux qu’on eût pu croire abolis. L’ancien sentiment de la race ressuscitait sous une forme nouvelle, caractérisée par des mots nouveaux. On parlait couramment d’”atavisme”, d’”affinités”, de “nationalités”, etc., – tous vocables de création récente, qui, répondant à un besoin, avaient aussitôt conquis droit de cité. – Suivant les communautés d’origine, d’aspect physique, de tendances morales, d’intérêts ou simplement de région et de climats, des groupements apparaissaient qu’on voyait grandir peu à peu et qui commençaient à s’agiter. Comment cette évolution naissante tournerait-elle ? L’empire allait-il se désagréger à peine formé ? »15
Dans ce petit fragment probant pour ce qui est des anxiétés de Sofr se trouve condensée presque toute la vulgate évolutionniste complétée par ses développements ultérieurs. Jules et Michel étaient familiarisés avec la terminologie du discours évolutionniste et cela se traduit tant dans leur préoccupation pour la science popularisée, les documents et les excursus encyclopédiques que le père utilise dans se romans, que dans la note pédagogique qu’il y ajoute. Seulement ce type de discours dépasse le niveau de l’usage didactique et la momification des connaissances enseignées par les très nombreux professeurs-savants de ses romans, comme le jovial Paganel ou le très savant et sévère Capitaine Nemo, pour faire place à des réflexions beaucoup plus graves.16
En abordant l’atavisme, terme appartenant à la terminologie courante du moment, l’époque de Sofr reconstitue un discours dégénérationniste. Michel Verne ou Sofr accèdent à une double composante de ce discours, l’influence des éléments raciaux codifiés au niveau idéologique et transformés en facteurs nationaux en lien avec des facteurs de milieu. Néanmoins, je ne pense pas que Jules ou Michel ait crédité les conséquences de la radicalisation de ce discours et son utilisation à l’appui des solutions finales. Mais le simple fait que les tensions existaient déjà à l’époque avec une nuance d’apocalypse profane d’un parfait œcuménisme pouvait engendrait cette utilisation.17 M. Verne est un bon utilisateur de la vulgate épistémique dégénérationniste. La question fondamentale pour Sofr est la démarche scientifique qui ne vise pas la recherche de l’origine des espèces mais de sa propre espèce. Dans cette perspective aussi, comme dans beaucoup de romans verniens, le trajet des personnages comporte, à côté de son aspect géographique, un autre, initiatique. C’est à la science qu’incombe le rôle de guide principal dans ce voyage ; les informations essentielles ne sont pas fournies seulement par les sciences humaines mas également par un document à valeur testamentaire.
Dans le sens de la théorie darwiniste, la démarche géologique-naturaliste révèle un trajet régressif et linéaire vers l’origine, soutenu aussi par la craniométrie. Plus on descend dans le strate de sédiment, plus l’inversion présuppose un déplacement de l’origine, vers le niveau des primats. Seulement la théorie darwiniste semble être infirmée car, à des profondeurs plus importantes, des restes humains sont découverts, parmi lesquels des crânes dont la circonférence atteste une race supérieure. Ce fait est doublé par la découverte des traces d’une civilisation extrêmement évoluée jadis. Les document que Sofr obtient et qu’il parvient à traduire expliquent, d’une certaine façon, le mystère. Il ne s’agit que d’un journal lacunaire, détérioré, qui enregistre toutes les étapes d’une eschatologie, effet de l’engloutissement du continent par l’océan. Les quelques survivants embarqués à bord d’un navire aussi solitaire qu’eux trouvent une terra icognita, une île sortie de la mer, qu’ils colonisent. Ils seront les nouveaux Adamites, car le manque de moyens et la perte des acquêts modernes qui définissent une civilisation avancée provoquent une régression vers l’animalité. Les savants ne sont plus capables de transmettre des connaissances, d’éduquer la nouvelle génération, mais sont, à leur tour, pris dans le mécanisme régressif, qui réduit le groupe à une masse amorphe. Les préoccupations pour la survie et l’adaptation, reprises à la vulgate darwiniste, provoquent la démission de la civilisation et semble accaparer, dans le récit du dernier homme, toute l’énergie des colons. Ils renoncent progressivement aux codes sociaux fondateurs de la civilisation, comme aux habits – la pudeur disparaît en même temps que la civilisation – pour atteindre la condition adamique d’une simplicité et d’une candeur animales. Cet auteur, solitaire au milieu de la sauvagerie de plus en plus appuyée de ses semblables, décrit le processus régressif, dégénérationniste. Sofr trouve ici les arguments pour une théorie cyclique de l’humanité, don il exclut pourtant, comme chaînon manquant, les primats ; Francois Gaillard, dans L’éternel Adam ou l’évolution à l’heure de la Thermodynamique, arrive à la même conclusion :
« Conclusion provisoire : l’énigme des crânes plaide contre Darwin en faveur de l’origine hominienne de l’homme, et dénonce l’une des deux propositions essentielles de son travail, à savoir que l’espèce humaine n’a pas été créée séparément. L’homme ne naît que de l’homme : telle est la leçon de génétique que la légende de l’Atlantide oppose au scandale idéologique des théories évolutionnistes : le scandale de l’ancêtre commun. »18
A la différence du fléau qui menace sa société, la destruction de la civilisation antérieure n’est pas le résultat de la dégénérescence et d’un cataclysme provoqué par l’homme, d’une hécatombe, mais est similaire d’un effacement sanitaire, presque non-violent de la civilisation, assimilable à une amnésie. Le document peut être lu dans le sens freudien comme une anamnèse. Dans l’histoire de ce dernier chroniqueur il y a deux savants, le docteur Moreno, darwiniste fervent, et le docteur Bathurst, chimiste comme Schultze mais esprit religieux. Les deux récupèrent des vulgates évolutionnistes-dégénérationnistes, en inscrivant leur discours dans l’évolution catastrophique des événements. Un dénominateur commun les relie, le fait qu’ils créditent le mythe du progrès et ce qui le rendait emblématique à la fin du siècle, l’électricité. Avant tout, l’humanité se prévaut de sa capacité de progresser d’un point de vue technologique. Le fonds commun des deux savants est le même que celui que le père et le fils, Jules et Michel, partagent. La dispute est une mise en scène fondée sur un accord tacite concernant le rôle déterminant du progrès et de la technologie dans l’édification de l’humanité. Où se situe Michel Verne et en quoi consiste l’éternité projective d’Adam ? Dans le fait de s’inscrire dans la cyclicité éternelle du progrès et de la régression ? En même temps, le progrès ne semble pas avoir, dans cette équation, d’autre rôle que celui d’un repère. La disparition des moyens, de l’infrastructure d’acquêts technologiques déclenche automatiquement le phénomène de régression, dynamise les atavismes, les connecteurs à une vie primaire, élémentaire. Le support de la civilisation et de l’humanité seraient, du moins de ce qui ressort de cette nouvelle, les acquêts matériels-technologiques, l’infrastructure. Michel Verne ne contredit pas l’attachement de son père au progrès et à la technologie. Dans les romans du premier, le savant-professeur-docteur-ingénieur joue un rôle essentiel, utilisant les épistémès à effet calorico-pédagogiques.
Le Adamites doivent refaire tout le cycle évolutif, inscrit dans le développement, dans la dynamique technologique. Le progrès semble connecter cet Adam à l’humanité, avec les risques qui découlent de sa radicalisation.19
Notes
1. En français dans le texte (N.d.T.).
2. Kelly Hurley, The Gothic Body. Sexuality, Materialism and Degeneration at the Fin de Siècle, Cambridge University press, 1996, p. 65.
3. Greenslade William, Degeneration, Culture and the Novel, Cambridge University Press, 1994, p. 16.
4. Ibid., p. 45.
5. Chapitre XIV, La tribu Wagddi, http://jv.gilead.org.il/zydorczak/village04.htm
6. Chapitre XIV, La tribu Wagddi, http://jv.gilead.org.il/zydorczak/village04.htm
7. En français dans le texte (N.d.T.)
8. D’un point de vue évolutif-évolutioniste, il existe pourtant, dans la nouvelle La journée d’un journaliste américain en 2889, une perspective parfaitement équilibrée. Cette nouvelle a été publiée pour la première fois en anglais, en février 1889 dans la revue américaine The Forum. Dans la société hyper-technologique de l’an 2889 et partiellement globalisée au plan du contrôle de l’information, l’accord progrès/technologie de pointe – humanité s’est réalisé dans un esprit par définition utopique. Comme dans toute utopie, il ne reste pas de place pour autre chose, tout résidu semble avoir été éliminé. L’homme doit correspondre à l’ordre de l’évolution technologique par un saut évolutionniste similaire. L’utopie vernienne du monde futur ultra-technologique est plutôt en accord avec les interprétations spencériennes de la théorie darwiniste, qui suppose des sauts effectifs au niveau de l’espèce par la (co)modification des conditions de milieu. Sauf que ce relancement technologique de la civilisation sollicite un effort d’adaptation à la hauteur de sa complexité.
L’automatisation de l’homme nouveau, aménagée en évolution, et le milieu parfaitement sécurisé/sécurisant assurent au premier une efficience accrue grâce à certaines technologies de purification mais également à un programme disciplinaire. Bien évidemment cet épisode utopique ouvre la perspective des lectures conjuguées Michel Foucault/Michel de Certeau, tant en ce qui concerne l’archéologie d’une société proto-totalitaire que le discours des pratiques spatiales de Certeau, visant plutôt ce qui se soustrait au contrôle. Quoi qu’il en soit, l’utopie vernienne rejoint plutôt le premier niveau d’approche – la systématisation de la vie abordée indirectement dans les termes d’une évolution mise sous le signe des performances de l’homme nouveau – et est en accord parfait et nécessaire avec l’évolution technologique. Cette utopie débouche sur un paradoxe que Michel/Jules Verne ne semble pas vouloir explorer jusqu’à ses conséquences ultimes. Malgré le fait qu’il est évolué et efficace, l’homme nouveau est le roi–esclave de la technologie qu’il manipule.
9. Son nom a une connotation ironique qui découle du racisme de Schultze, le docteur est horibile dictu un Sarrasin, nom donné aux musulmans, considérés comme une race inférieure, ainsi que la race noire. En même temps, le terme est utilisé également avec le sens de porte de la cité France-Ville, que le docteur construit et défend.
10. D’ailleurs, Michel Foucault, dans Les anormaux. Cours au Collège de France. 1974-1975 (Seuil/ Gallimard, 1999) met en évidence le point d’articulation que crée l’introduction du concept de dégénérescence, élément essentiel de la médicalisation de l’anormal. Sauf que Schultze fait la liaison entre un racisme psychiatrique contre l’anormal et un racisme ethnique, les deux aspects étant à leur tour disputés.
11. Voir Lucian Boia.
12. p. 36
13. Marcel/Michel est ici un rapprochement qui permet des spéculations. Le fils légitime Octave joue le rôle du fils prodigue, qui, après une période de frivolité, revient à la discipline paternelle. Son mentor est peut-être ce fils idéal, incarné dans Marcel, celui qui sauve France-Ville.
14. Jules Verne, La journée d’un journaliste américain en 2889 suivi de L’éternel Adam, Gallimard, 1988, p. 51.
15. Ibid., p. 53.
16. Il est intéressant de remarquer que, à la différence de la majorité des romans de Jules Verne, qui se terminent par un brillant happy-end, cette nouvelle n’est pas aussi vaporeuse. Le cataclysme majeur dont il est question, le déluge, laisse seulement quelques survivants qui ne réussissent pas, comme dans les robinsonnades verniennes de Deux ans de vacances ou Un capitaine de quinze ans, à reconstruire le monde à partir de zéro, car les moyens leur manquent, et ils sont destinés à une involution constante dans un milieu hostile. Par conséquent, l’apport pédagogique est très friable.
17. Je rejoins Lucian Boia, qui reprend des dossiers herméneutiques concernant l’œuvre de Jules Verne, dans son idée qu’il est forcé, voire abusif, de lire les romans de Jules Verne comme des romans d’anticipation ou d’y voir une capacité aiguë de prédiction chez les deux auteurs. Jules et Michel Verne sont d’excellents utilisateurs d’une vulgate.
18. Jules Verne et les sciences humaines, in Colloque de Cerisy, Direction François Raymond et Simone Vierne, Union Générale d’éditions, 1979, p. 312.
19. Les voyages dans l’abîme sont extrêmement éloquents en ce sens pour l’histoire des civilisations et l’origine des espèces. Les deux romans significatifs de ce point de vue et dont l’auteur est certainement Jules Verne sont 20000 lieues sous les mers et Voyage au centre de la terre. Le capitaine Némo découvre l’histoire engloutie par les mers, tectonique de la disparition d’un continent et d’une civilisation considérée supérieure à son époque, plus avancée que tout ce qui se situait sous le signe de la civilisation, l’Atlantide. Le professeur Lidenbrock et ses amis découvrent au fond de la Terre l’ancêtre de l’homme, leur démarche pouvant être considérée comme appartenant à la fois à la géologie et l’anthropologie/paléontologie. Celui-ci n’est qu’une ombre qui traverse le décor, avant d’être présenté comme une fossile. Les voyages dans l’abîme sont des voyages épistémiques pour Jules Verne. Du moins de ce point de vue, le fils suit le programme de plongées dans l’histoire des civilisations du père dans une sorte de dystopie romancée. Le fait de continuer le programme du père, de s’inscrire dans un cycle de l’éternel retour, où l’hérédité joue son rôle, représente une réconciliation ultime du fils avec le père. L’engloutissement du continent n’est pas brutal, la réapparition du nouveau continent suppose la reprise de l’effort de civilisation. D’une certaine manière, c’est peut-être la façon dont Michel Verne assume une hérédité de mission symbolique, complétant la géographie de l’œuvre vernien.