Alexandru Matei
Université Spiru Haret, Bucarest, Roumanie
amatei25@yahoo.com
Et l’un et l’autre « ou le moi œcuménique de Vassilis Alexakis »
Suivi d’un Entretien avec l’auteur
The One and the Other or „Vassilis Alexakis’ oecumenical I”
Abstract: In this study we try to find out a structural influence that Vassilis Alexakis’ exile has upon his two major novels, La Langue maternelle and Ap. J.-C. These two novels reveal an indecision which strikes either the style and the literary construction of the self (the main character and, in a certain extent, the author). In-between two alternatives (simple writing and elaborate writing, France and Greece, Ancient Greece and Orthodox Greece, Europe and Africa), Vassilis Alexakis relies always, as a writer, on the possibility to bet on at least two stakes. He never gives up reversibility and he never finds out himself as taking definitive decisions. In the interview, the Greek-French writer talks about his interest for a remote foreign language as the sango, spoken in the Centrafrican Republic. He thinks that it is through learning a foreign language that one can know better his own identity. He talks about the Greek language as his proper mother language and about his mourning period after his mother’s death, consumed in an attempt to rediscover the virtues of his native language. Finally, he states his atheism as a form of fidelity to the ancient Greece, the inventor of philosophy, and his contempt about christianism as the religion which suspended the teaching of philosophy.
Keywords: Greek Literature; French contemporary literature; Vassilis Alexakis; Ap. J.-C.; Balkan French-language writers; Sango language; Christianism.
Sexagénaire aujourd’hui, l’écrivain gréco-français Vassilis Alexakis est né à Santorini, en 1943, et il a eu à subir un tremblement de terre qui a balayé toute la fortune de la famille. Puis, il est parti pour la France, où, à un moment donné, il a commencé à écrire directement en français, au désespoir de son père, dramaturge, comme il se doit pour un artiste grec, qui ne concevait pas qu’on puisse abandonner la langue et la culture nationales.
Prix Médicis en 1995, Vassilis Alexakis n’est pas un romancier français des plus connus ou étudiés en facultés. Cela veut dire qu’il se tient à l’écart de la vogue – authenticité d’une part, l’exotisme ou l’attachement à l’histoire, personnelle ou culturelle, de l’autre – et qu’il aime traverser des expériences d’écriture différentes sans que l’une d’elles l’emporte sur les autres (minimalisme ou « écriture blanche »[1], écriture analytique de type essai, écriture réaliste, représentative). Ce qui semble par-dessus tout appartenir en propre à la littérature de Vassilis Alexakis, c’est la pensée du langage et la passion étymologique. C’est ce qui fait de lui un écrivain tout d’abord français, car c’est la littérature française qui met en œuvre, plus qu’une autre, l’écriture comme sondage de l’impensé. Voici une formulation récente de cette définition française de la littérature : « La littérature est une trans-forme, qui reprend et altère le déjà-dit, montre les points d’arrêts des grandes prétentions épistémiques, sociales, démonstratives, et, de là, s’affirme à même l’œuvre »[2] . La littérature est donc un transcendantal et c’est à ce titre que la culture française la conçoit et que Vassilis Alexakis la pratique. Mais ce n’est pas tout. Un autre topos de la littérature narrative de ce romancier, c’est le voyage, l’en-quête en tant que tels, du moins dans ses romans les plus importants, La Langue maternelle (1995) et Ap. J.-C. (2007). Ce qui se manifeste là, c’est, en revanche, son origine culturelle grecque, mythologique, où l’écrivain est un chercheur et aussi, pour reprendre un titre foucaldien, un « herméneute du sujet »[3] qu’il est. Mais cette investigation présuppose aussi un autre type d’écriture qui n’est plus censée penser le langage (dans sa pratique même), mais représenter et agir comme si le problème de la crise de la représentation n’avait jamais effleuré la pensée moderne de la littérature. Voici où se trouve donc la limite du projet littéraire de Vassilis Alexakis : c’est une limite qui relativise chacune de ses deux quêtes que déploient ses romans, qui en met le héros toujours en état de décider et de réconcilier, mais aussi qui l’empêche de choisir entre l’une ou l’autre. Le choix idéal pour lui, c’est le choix double : tout ou rien.
L’identité culturelle interstitielle de Vassili Alexakis est donc un couteau à double tranchant. Elle est pour lui une limite et aussi, pour employer un mot de Heidegger, un « dé-loignement »[4]. Car, d’une part, la co-appartenance culturelle met toujours en perspective l’appartenance de chacun de ses gestes à l’un ou l’autre des deux paradigmes, et l’écrivain arrive ainsi à se livrer à soi-même toujours comme un autre. Il est un autre dans La Langue maternelle pour autant qu’il assume le point de vue d’un Grec revenu à Athènes après un long exil pour retrouver un territoire qui n’est plus son terroir et qui se donne ainsi plus facilement à connaître. De retour chez soi, il se rend compte qu’il n’y a pas de retour au même, et c’est ainsi que, dans ce roman tout comme dans le dernier qu’il a publié, Ap. J.-C., il met en scène une enquête, un processus qui suppose une régression qui aboutirait à une origine censée cachée : les significations de la lettre epsilon pour le livre de 1995, la vie des moines du mont Athos pour le dernier. En d’autres mots, il fait une descente vers l’identité antique et une autre vers l’identité orthodoxe de son pays, toutes les deux lointaines pour un exilé dans le pays de la laïcité, de la révolution – la France, mais aussi riches en connaissances, car les articulations entre les passés antique et orthodoxe de son pays natal, d’une part, et la modernité désenchantée où il vient de s’installer comme à distance de soi-même, de l’autre, rend possible une circulation d’idées et d’affects qui promet de rapporter.
C’est dire que pour Alexakis tout va toujours par deux, mais qu’il y a plusieurs dualités : la Grèce, c’est le pays de la philosophie, de la langue-ancêtre de tout ce qu’on appelle aujourd’hui pensée occidentale, mais aussi un pays orthodoxe, levantin, assis au milieu du tonneau à poudre des Balkans, où la différence est source de guerre, de mort et d’assujettissement et non de pensée libre, où le dogme et le préjugé règnent – l’écrivain va en rendre compte durant l’entretien suivant. C’est déchiré entre deux histoires, deux identités d’un même territoire qui a connu deux régimes historiques distincts, voire opposés, que Vassilis Alexakis est parti en France, et de là en Afrique, pour opérer d’autres partages et essayer de les accorder dans et par la littérature : le français, langue de la modernité, et le grec, langue ancienne, originaire ; la France, pays de la révolution, donc de la rupture, et la Grèce, pays de la stase, qu’il s’agisse de la première ou de la seconde Grèce, de la Grèce antique et de la Grèce orthodoxe ; et encore plus loin : l’Afrique noire, l’autre absolu (en termes géo-culturels) de l’Europe blanche (car Alexakis ne se rend pas dans une ancienne colonie française d’Afrique, mais au cœur des ténèbres, en République Centrafricaine).
Cette balance a néanmoins ses limites : elle lui permet de poursuivre des aventures, et même, si l’on pense à l’échappée africaine, une aventure à relents rimbaldiens[5]. Mais du fait de son caractère transitoire et transitionnel, l’écriture de Vassilis Alexakis ne va pas au bout d’une direction ou d’une autre. Il ne s’aliène pas jusqu’au bout, il ne quitte pas la Grèce ou l’Europe pour de bon ; de surcroît, il ne pratique pas une écriture particulière, qui rompe avec une certaine manière d’écrire dominante pour en imposer une autre. Il n’est ni styliste ni possesseur d’une « écriture blanche », ni un grand raconteur ni un écrivain éminemment réflexif. Il est à la croisée des registres. Il est un écrivain interstitiel, œcuménique et partant pour connaître toujours le versant différent de tout phénomène donné sans jamais abandonner le versant qu’il vient de quitter. Mais, à passer de face à pile, de droite à gauche pour se mettre toujours dans l’entre-deux, il ne mise jamais sur une seule carte. Sa passion étymologique est elle-aussi double. D’une part, il s’agit de l’approfondissement de sa langue maternelle, thème central de son roman homonyme. Cela est évident dans un aveu comme celui du protagoniste, Pavlos, qui était en train de chercher ce que le E de l’entrée à Delphes veut dire : « L’idée que le verbe trouver, eurisko, commence par epsilon – j’ai naturellement pensé au célèbre eurêka d’Archimède – m’a rendu encore plus joyeux »[6].
Cette passion de la profondeur est une preuve de fidélité envers une culture aujourd’hui immergée sous le sol des langues européennes vernaculaires, et ce sol n’est qu’une strate épidermique dont le soubassement immédiat est le latin. Le grec, c’est une racine sans tige et feuilles, c’est, plus que tout autre idiome, la fondation qui n’a que peu de ressemblances avec la construction visible qu’elle supporte. Mais le geste d’entamer une recherche du sens dans les mots, le plaisir d’étaler des lexèmes et de trouver à la fin un vide fertile, le lieu d’où l’être procède, c’est un geste français, car c’est le geste transcendantal par excellence. Il n’est pas anodin de remarquer que le dernier mot grec qui figure dans La Langue maternelle, c’est ellipsi, le manque : il s’agit du manque de la lettre E dans le nom de l’auteur et dans celui de sa mère, mais il s’agit évidemment d’une origine (qui vient d’être) perdue :
J’ai songé une fois encore à l’epsilon. Le nom de ma mère, Marika Nicolaidis, ne comporte pas cette lettre. Ni le mien, d’ailleurs. J’étais certain pourtant que le mot qui me manquait pour compléter mon cahier était là, quelque part. J’ai regardé le gravier qui forme une mince bordure autour des géraniums. Deux oiseaux picoraient un peu plus loin. J’ai soudain pensé au mot ellipsi, le manque.
Cette recherche originaire n’est pas grecque. Elle est française. Puisqu’il ne s’agit pas de partir dans un voyage destinal, qui peut apporter des expériences inouies, mais de procéder à une quête méthodique, volontaire qui insiste à ne rien manquer de ce qu’elle vise : « le mot qui me manquait pour compléter mon cahier », c’est moi qui souligne. Il s’agit justement d’avancer jusqu’au bout, tout en sachant que le bout n’existe pas, que cette quête est une confrontation à l’impossible. Laurent Dubreuil explicite et illustre « ce jusqu’auboutisme » français vers la fin de son livre :
Ces derniers temps, j’opte pour le jusqu’auboutisme, et je le trouve cité ici, différemment (par Artaud, Bataille, Sartre par exemple). Je ne puis aller jusqu’au bout, il n’y en a pas, je puis toutefois le vouloir, et c’est ce que je veux[7].
Les deux cultures se retrouvent dans ce roman, une méthodique et l’autre confirmant la méthode par sa constitution en objet idéal de cette recherche: la culture française et la culture grecque. Mais chacune des voies peut être abandonnée à tout moment pour emprunter l’autre: l’histoire peut se muer en entreprise étymologique pure, en réflexion sur la langue et intégrer ainsi a part entière une dimension littéraire typiquement française. Mais l’auteur ne fait pas ce pas irréversible. L’autre voie serait celle du drame qui, métaphorisant la recherche, pourrait se dispenser du geste étymologique explicite. Mais, impossible de s’abstraire à la modernité où il pense et au moderne qu’il est, Vassili Alexakis ne peut ni reprendre à frais nouveaux drame sans s’en distancer et s’arrêter pour le penser, comme l’avait fait magistralement mais sans ambages James Joyce dans Ulysses. Il lui reste donc à concilier deux directions qui n’arrivent jamais à se séparer à perte de vue, qui peuvent fonctionner toujours comme l’alibi l’une pour l’autre. C’est pourquoi, juste après citer le mot « ellipsi », à la dernière page de La Langue maternelle, il abandonne le mot et passe à la représentation : « – Tu nous a manqué, Marika, ai-je pensé » (la mère du personnage mais, nous allons le voir en lisant l’entretien avec l’auteur, la mère de l’auteur aussi). La pensée du langage, manifestée dans la citation de l’ellipsi, se dissout vite et le mot grec est mis sur les rails du sens strict à l’intérieur de l’histoire racontée. On a l’impression d’assister en effet à une réconciliation entre deux écritures, mais aussi à une indécision : est-ce la mort de la mère de l’auteur qui ouvre son enquête littérale et le déploiement d’une pensée du langage, ou bien c’est à partir de cette pensée que l’auteur peut, via le narrateur, référer précisément à l’expérience individuelle de la mort de sa mère ? On l’ignore. Ou bien on le devine : les deux dans le même temps. Est-ce possible ? Ca, c’est au lecteur d’en décider.
L’entretien suivant nous éclaircira davantage, car nous allons découvrir un écrivain marqué avant tout par le poids d’un double – au moins – exil : géographique et culturel.
Entretien avec Vassilis Alexakis. Bucarest – juin 2009
Vassilis Alexakis a lancé en avril 2009, à Bucarest, la traduction en roumain d’un roman controversé Ap. J.-C., aux éditions Trei. Je ne l’ai pas écouté lisant de son roman face à face, mais via YouTube. Après quoi je l’ai rencontré dans une loggia des éditions Trei, fatigué, avec une chemise déboutonnée sur la poitrine. Circonspect au début, il est devenu petit à petit plus disert et méditatif dans le même temps. Nous avons eu une discussion sur la littérature, christianisme et antiquité. Mais, avant tout, sur l’Afrique.
Alexandru Matei : Je ne peux pas m’empêcher de commencer par votre passion pour les langues étrangères. Une idée bizarre vous est passée par la tête: apprendre la langue africaine sango, de l’Afrique centrale. Vous pensez qu’en apprenant une langue étrangère vous accédez tout de suite à la compréhension de la culture qui l’a donnée ?
Vassilis Alexakis : Il faut savoir que mon intérêt pour les langues était purement romanesque. Je voulais voir si je pouvais faire d’une langue étrangère un personnage de roman. Il s’agit de mon livre Les Mots étrangers, de 2002. Vous savez, je n’écris pas de livres pour un public ciblé. Non, je pense tout d’abord à qui pourrait raconter ce que je veux faire raconter.
Et puis chacun est libre de s’identifier au locuteur. C’est pourquoi je n’ai pas écrit le roman sur la langue sango pour les érudits ou pour ceux qui sont fascinés par l’Afrique, mais pour n’importe qui veut découvrir quelque chose de nouveau, peut-être sur lui-même. Puis, il est aussi vrai qu’un dictionnaire, lu de la manière dont j’ai lu le dictionnaire français-sango, t’apprend beaucoup sur la culture d’un pays, des paysages aux coutumes des habitants. Et cette langue c’est comme une sorte de Tarzan. À l’étudier, j’ai essayé d’apprendre moi-aussi plus sur ma propre culture.
A. M : Vous avez voyagé en République Centrafricaine. C’était comment ?
V. A : C’est une atmosphère très oppressante là. Tout le monde redoute par exemple les sorciers. À Bangui, la capitale, chaque rue a son sorcier. N’importe quel malheur arrive, le responsable en est le sorcier. Et il ne s’agit pas seulement des gens simples qui croient aux sorciers, car les élites ne pensent guère différemment à ce sujet. En sango, il y a un seul mot grec, “politique”. Mais vous savez ce qu’il signifie ? Escroc. Seulement “escroc”, il n’a aucune autre signification, il ne signifie pas par exemple “politicien”. Enfin, autre chose d’étonnant dans cette langue : le verbe avoir n’y figure pas. Vous savez comment on demande “Vous avez une aspirine ? ” : “Vous êtes avec une aspirine ? ” Être remplace avoir. Cela me semble formidable.
A. M : Avant Les Mots étrangers, vous avez écrit La Langue maternelle, en 1995, roman que vous avez écrit après la mort de votre mère. Il s’agit bien d’un travail de deuil et, puis, d’une échappée ?
V. A : Oui, je crois que c’est comme ça. Dans ce roman je parle en effet de la disparition de ma mère, ma mère qui signifie aussi les premiers mots grecs que je connais. Avec ma mère, c’est aussi ma langue maternelle qui s’est envolée. Oui, dans un premier temps, je voulais me consoler de la mort de la ma mère par le retour, régressif si vous voulez, vers la langue maternelle. Quand je me suis mis à l’apprentissage de la langue sango, oui, c’est alors que le travail de deuil a pris fin. Je me suis dit alors que je devrais me jeter dans une autre aventure, et ce fut l’apprentissage de la langue sango et le séjour africain. D’ordinaire, mes romans sont écrits à la première personne. Mais je ne le fais pas pour authentifier des aveux et je laisse mes lecteurs croire ce que bon leur semblent. Ce “moi”, c’est toujours un essai de rentrer dans la peau de quelqu’un d’autre, dans la peau d’un narrateur qui n’est pas moi. J’écris à la première personne aussi pour revivifier la tradition orale de la littérature. Je voudrais que mes romans soient récités, et non lus.
A. M. : Vous avez déclaré que, bien qu’ayant le métier de journaliste, vous pouvez ignorer tout ce qui se passe autour de vous. Vous avez alors un caractère de philosophe et non de romancier. Vous êtes devenu tout de même romancier. Est-ce que vous vous en sentez un peu coupable, coupable d’avoir trahi la culture philosophique de votre pays ?
V. A : Mon père ignorait parfaitement toute l’actualité, il ne savait même pas le nom du premier ministre. Je peux me concentrer à tel point quand j’écris, qu’en effet je peux m’abstraire à tout ce qui se passe autour de moi. Mais j’aime l’actualité, vous savez, j’aime le cirque politique. Et c’est pourquoi je préfère le roman, puisque dans un roman on a l’occasion de connaître beaucoup de monde, de tant voyager. Les romans existent parce qu’il y a des gares. Dans une société rurale, il n’y pas de gares, et personne n’y a besoin de romans. Mais c’est le roman qui dit le mieux notre monde dynamique, urbain, en permanente transition.
A. M. : Dans Ap. J.-C., il y a un personnage qui porte le nom d’un être mythologique, de l’Odysée, Nausicaa. Vous l’avez rendue vieille, elle a dans votre livre 89 ans, elle est aveugle mais, comme dans le poème d’Homère, elle pousse un jeune homme (un étudiant qu’elle loge dans sa maison à faire des recherches sur la vie des moines athonites. Qu’est-ce que vous préférez, la Grèce antique ou celle orthodoxe ?
V. A : Je crois que j’ai écrit sur le Mont Athos avant tout parce que je me suis rendu compte que si je n’arrive pas à comprendre le rôle de la religion dans la Grèce de nos jours, je ne pourrai pas comprendre ce que veut dire aujourd’hui être Grec. J’ai parlé avec une cinquantaine de spécialistes en iconographie, architecture, doctrine, coutumes religieuses. J’ai appris combien violent a été le christianisme dans son essai de s’imposer comme religion officielle et comment la Grèce s’y est opposée pendant à peu près un millénaire. Le christianisme a contribué à retarder le dévéloppement du pays. Figurez-vous que, entre 520 et 1820 après J.-C., l’Église levantine a interdit l’enseignement de la philosophie dans le pays même qui l’a vue apparaître. Rien de cet ancien esprit grec, antique, ne se retrouve plus dans la Grèce orthodoxe. Les Grecs aimaient voyager, connaître le monde. À tel point qu’on puisse dire que l’identité des Grecs est le voyage. La liberté de penser, telle qu’elle a été pratiquée par les anciens Grecs, a disparu avec l’arrivée du christianisme. C’est pourquoi je ne suis pas croyant et je m’efforce, dans ce roman, à redécouvrir, pour le faire passer au lecteur, l’esprit de la véritable Grèce.
Bibliographie
Alexakis, Vassili, La Langue maternelle, Paris, Fayard, 1995.
Alexakis, Vassili, Ap. J.-C., Paris, Fayard, 2007.
Dubreuil, Laurent, L’État critique de la littérature, Paris, Hermann, 2009.
Notes
[3] Michel Foucault, L’Herméneutique du sujet. Cours au Collège de France, 1981-1982, Paris, Gallimard-Seuil, 2001.
[4] Le dé-loignement est la traduction française du concept de Ent-fernung, que Martin Heidegger définit ainsi : « Par dé-loignement en tant qu’il s’agit d’un genre d’être du Dasein au regard de son être-au-monde, nous n’entendons ni quelque chose comme l’être-éloigné (proximité), ni même la distance. (…) Dé-loigner veut dire abolir le lointain, c’est-à-dire l’être-éloigné de quelque chose, rapprocher (…) ». Voir Martin Heidegger, Être et Temps, Paris, Gallimard, 1986, p. 146