Lucia Dragomir
Peut-on parler de la censure sans se censurer ?
Après 1989, un grand nombre de journaux intimes, mémoires, volumes de correspondance et confessions a été publié en Roumanie au grand jour. Aucune autre époque n’a été aussi riche en témoignages personnels, témoignages d’écrivains sur eux-mêmes et sur une époque. Toutes ces « écritures du moi », pour reprendre les termes de G. Gusdorf, ont été reçues et lues comme des témoignages sur une époque vécue. Le statut de témoignage donné par le public à ces écrits autobiographiques pose la question récurrente portant sur la nature du témoignage et des liens entre littérature et histoire ou, en d’autres termes, des usages de la littérature par l’histoire et les sciences sociales, comme corpus fictionnel ou « vraisemblable ». Les récits autobiographiques des écrivains roumains témoignent, mais de quoi témoignent-ils ? Les écrivains ne sont pas des historiens, ni même des chroniqueurs du communisme : leur témoignage rend compte non de la « réalité » du communisme, mais de l’expérience qu’ils en ont. Dès lors, il s’agit de versions littéraires traduisant la manière dont les écrivains roumains ont ressenti intimement l’expérience communiste.
Le choix des écrits autobiographiques comme source principale dans l’analyse d’un espace littéraire sous surveillance politique n’est pas aléatoire : ces confessions mettent en évidence le comportement des écrivains face au pouvoir à un moment où le politique dominait la vie dans tous les domaines, influençait les représentations et les sentiments les plus intimes des écrivains. De plus, ils constituent une source d’information riche sur des faits et des situations concernant la vie littéraire sous le communisme. Les utiliser comme moyen d’avoir des informations sur l’intérieur de la vie littéraire n’est pas sans risque s je prends donc, dès le début, la précaution de les traiter comme des « versions », comme un discours sur une époque, utiles pour compléter d’autres sources, tels les documents, les archives, les entretiens. Une question qui se pose, c’est le problème du moment de leur écriture. Ils ont été réellement écrits avant 1989, comme leurs auteurs l’affirment, ils ont été écrits en totalité avant cette date ou ils ont été refaits, ré-écrits après 1989, en étant une reconstitution d’une époque et non pas son enregistrement jour après jour ? La valeur de document diminuerait dans ce cas-là. Pourtant, la lecture de ces écrits offre des variantes semblables qui font croire que si reconstitution a existé, elle a été en petite mesure. C’est, en effet, en croisant l’ensemble de ces sources que l’on parviendra à comprendre le fonctionnement d’un espace littéraire sous surveillance.
Le choix de ce sujet a été guidé par une interrogation suscitée par un double phénomène : l’expansion considérable des écrits autobiographiques après 1989, et, notamment, le succès de ces écrits décrivant une « réalité » dont on essaie d’expliquer les mécanismes. Quelles sont les raisons de cet engouement ? Mircea Zaciu expliquait cet intérêt par une soif de vérité du public roumain[1]. Après une époque dominée par la censure, le mensonge, la désinformation, l’occultation de la vérité, la surestimation des « réalisations de l’époque d’or », le public roumain ressent le besoin d’accéder enfin à la vérité, besoin à présent possible puisque l’espace littéraire n’est plus soumis à la censure et au contrôle politiques. Ce qui est perçu comme témoignage a valeur de document social, de document d’époque. Ces récits ont une fonction compensatoire et satisfont « des intérêts publics les plus divers, depuis celui documentaire (des informations sur la prison, sur le système politique communiste ou la vie de la diaspora roumaine), jusqu’à celui littéraire (des portraits, des descriptions, de la psychologie etc.) ».[2] Ils fonctionnent comme une sorte de miroir littéraire tendu à la société roumaine, lui permettant un exercice de réflexivité par écrivains interposés. « Le journal, les mémoires ou la confession offrent au public ce substitut d’histoire universelle et de vie privée exemplaire qu’il a désiré un demi-siècle ».[3]
Précisions méthodologiques
Sous la dénomination des écrits autobiographiques, c’est-à-dire les écrits caractérisés par l’identité auteur-narrateur-personnage, dans lesquels existe un pacte autobiographique, au sens de Philippe Lejeune[4], j’ai rassemblé, pour les besoins de mon analyse, des journaux intimes, mémoires, correspondances, confessions, comportant une déclaration d’intention autobiographique de la part de l’auteur, péritextuelle ou épitextuelle[5], mais également des volumes d’entretiens que l’on peut considérer aussi de vraies mémoires d’auteur.
Par conséquent, le corpus est hétérogène et la sélection a eu comme critère principal le choix des auteurs détenant des positions différentes dans l’espace littéraire. Parmi les 16 écrits[6] sur lesquels porte mon analyse, 11 ont été écrits avant 1989, 5 après cette date s quant à leur parution, un seul a été publié avant 1989, les autres paraissant après cette date et c’est le genre « journal » qui est le plus représenté, indicateur s’il en est de la contrainte du secret de l’écriture. À l’inverse, après 1989, les confessions et les interviews prennent le devant de la scène, substituant ou cumulant l’oral à l’écrit. En dehors des volumes publiés, je me suis servie dans mon analyse, des interviews publiées dans les revues littéraires. Mon étude se propose une analyse de contenu thématique pour voir en quoi différent les versions de chaque auteur ou au contraire si elles expriment une attitude commune face au thème abordé ici : la censure et l’autocensure, mais aussi face aux thèmes liés tels : les problèmes de la vie littéraire sous un régime contraignant, le rapport littérature-politique, le problème de la résistance des écrivains, du compromis ou de la collaboration, la peur, les restrictions.
Dans l’intimité de l’écriture secrète
Les écrits autobiographiques représentent, comme Béatrice Didier le souligne[7], en parlant des journaux intimes, une véritable mémoire, un exercice moral, un examen de conscience, un confident muet, le lieu où l’on peut tout dire, un témoignage sur soi et sur l’époque à la fois. Ils mettent en évidence en même temps l’homme public et l’homme privé et cette double identité est d’autant plus évidente dans un régime contraignant, qui s’est constitué pour beaucoup d’écrivains comme une sorte d’exil dans leur propre pays. Béatrice Didier affirme que le « journal naît aisément d’une situation carcérales il la suscite aussi. L’auteur se crée une prison en s’isolant facilement de son entourage, en se réfugiant dans son écrit qui devient une sorte de geôle ».[8] Dans la situation des auteurs roumains, il s’agit, en réalité, d’une situation contraignante, de prison réelle ou de « prison extérieure ». Aussi, les récits autobiographiques ont-ils accompli, pendant la période communiste, plusieurs fonctions. Tout d’abord, ils ont constitué, pour leurs auteurs un espace de liberté : « La liberté, elle serait finalement surtout ressentie par l’auteur : il est libre de tout dire, selon la forme et le rythme qui lui conviennent »[9]. Dans le cas étudié, l’espace de la liberté est plus complexe : d’un côté, la liberté de parole, la liberté de tout (ou presque tout) dire, interdite dans l’espace public, et également une liberté artistique, un affranchissement des contraintes « esthétiques » imposées par l’immixtion du politique dans l’espace littéraire.
Les auteurs expriment eux-mêmes l’importance des récits autobiographiques. Leurs affirmations sont significatives et répondent à une des questions que je me suis posées au début de cette analyse : pourquoi cette richesse des écrits autobiographiques parlant de la période communiste ? Dans une époque où l’espace public est soumis à la censure, ils permettent d’abord l’exercice de la lucidité dans l’intimité de l’écriture secrète:
« Nous avons déménagé dans un autre siècle, dans une autre religion ? Ou nous vivons une fièvre et un délire hallucinatoire, de typhus, de lèpre ou de peste ? Serons-nous jamais vivants, serons-nous nous-mêmes, après que ces fanfares et chœurs qui nous assourdissent et nous rendent honte à mourir seront devenus muets ? Je n’en sais rien. J’écoute et j’essaie de ne pas avoir le vertige. Je ne peux ni rire, ni pleurer. La lucidité critique de ces cahiers est le seul remède contre cette barbarie qui nous rend sombres, nous humilie et nous rend fous ».[10]
Cette lucidité a une double fonction, celle de vouloir comprendre et celle d’échapper, le temps d’un écrit, à la folie destructrice :
« Nous avons imprimé ici les notations par lesquelles, les dernières deux années de l’Ancien Régime, j’essayais de m’expliquer quelque chose de ce qui se passait autour de moi. Les événements avaient commencé à évoluer d’une manière si aberrante, de sorte qu’il était devenu presque impossible de les suivre avec le détachement d’un simple observateur. C’est pourquoi, le soir surtout, dans le silence relatif de mon bureau de travail, j’essayais de déchiffrer tel ou tel événement, un fait social ou parfois, personnel. (…) Et je voulais comprendre, je voulais me rendre compte de quoi il s’agissait, comme si, de cette manière, je pouvais exorciser le mal, comme si je pouvais rationaliser l’absurde. (…) J’étais intéressé, c’est vrai, à la « logique » du système où ma vie était enfermée ».[11]
Ces écrits sont pour d’autres une manière d’ «organiser le désastre»[12], d’analyser «les causes, la profondeur et les conséquences de cet état généralisé de léthargie (aboulie, soumission, résignation, de personnes en train de mourir) qui a saisi tout le peuple».[13] Contre cet état de désespoir, contre l’annihilation de la liberté extérieure, les écrivains luttent par l’intermédiaire des écrits autobiographiques, en gardant de cette manière leur liberté intérieure, mais aussi, pour certains leur envie de continuer à vivre :
« … toutes ces notices, si disparates et chaotiques comme elles le sont (soucis, effrois, pensées) pourraient se transformer dans un livre. Avec le titre « Le journal d’un journaliste sans journal ». En les écrivant, j’ai éduqué ma raison, en les obligeant à s’exprimer d’une manière claire, concise et précise, en communiquant à ceux qui viendraient après moi, tout ce que – après une vie insipide et des lectures en désordre – on m’a offert comme idée, mot ou histoire. J’ai conservé et renforcé ma liberté intérieure, en découvrant mes obsessions, en combattant la léthargie, le désespoir et les très fréquentes invitations au suicide. »[14]
Les cahiers secrets représentent la seule soupape de liberté. Dans une époque vécue dans un pays retranché, dominée par la misère morale et physique, le besoin de communication est rempli par l’écriture :
« Je dois t’avouer que moi, je n’écris pas seulement grâce à un excès de bonté et de mémoire: j’écris aussi parce que cette forme de communication avec le monde, même dans une seule direction, dissout ma grotte de solitude et de désespoir où je vis, comme Robinson avec Vendredi (Liz) dans une île d’Olténie, maudite, misérable et vilaine ».[15]
Une fonction importante de ces écrits est remplie par le devoir de mémoire. A l’encontre d’une histoire officielle menteuse, falsifiée par la censure, les écrits autobiographiques affirment la nécessité de témoigner sur une époque, sur une expérience terrible, dont les écrivains sont conscients, et qu’ils doivent transmettre à ceux qui viendront après. Leurs écrits intimes seraient une sorte de « boîte noire » que « des successeurs possibles pourront récupérer et déchiffrer ».[16] Le journal, est selon I . D. Sârbu, « un témoignage. Ajourné. Enterré ».[17] Aujourd’hui la sphère publique n’est plus soumise à des contraintes politiques et la vérité peut être dite et, notamment, elle doit être dite. Dans une époque trouble, lorsque la Roumanie se détache difficilement d’anciennes habitudes communistes, le rappel de ce qui a été est particulièrement important :
« Churchill nous rappelait, il y a presque un demi-siècle, un mot de Emerson : « Celui qui oublie son passé est obligé de le répéter ». C’est cette raison qui m’a poussé à publier ces notes et non pas de vains orgueils d’auteur. (…) La revenue en force des coryphées de la propagande de Ceausescu qui intoxiquent la vie publique, les personnes plus ou moins malheureuses qui déposent des fleurs et des bougies sur les tombeaux de « l’odieux et de la sinistre » , (…) tout cela prouve que la mémoire des gens est courte et sélective. Pour aider cette mémoire à obtenir une certaine fermeté et cohérence, je me suis décidé à publier ces petits exercices de mémoire faits alors même, dans ce passé vers lequel certains regardent avec une horreur normale, et d’autres avec une aveugle nostalgie ».[18]
Pour d’autres, le journal compense l’absence de l’œuvre que l’on n’a pas pu publier dans une époque de censure communiste. C’est ce que le poète Ion Caraion affirmait en 1971: « Peut-être sera-t-il impossible pour longtemps ou à jamais que je publie dans mon pays. C’est pourquoi je commence ce journal…»[19]
Espace de liberté intérieure, bouée de sauvetage dans une société en proie au désespoir, devoir de mémoire ou aveu de responsabilité, les récits autobiographiques détiennent, tous, ces fonctions à la fois, avec une tonalité singulière selon les auteurs. Pris collectivement, ils apparaissent comme un même livre présentant l’envers du décor, c’est-à-dire, la souffrance du moment ou la souffrance de la honte, véritables « mémorial » de la douleur.
Le journal comme danger
Ces écrits, issus d’une nécessité de porter témoignage sur une époque trouble, qui peuvent différer par le ton, par la manière de rapporter les faits, offrent une information très riche sur l’époque communiste et constituent des éléments très importants et des matériaux extrêmement utiles pour celui qui veut connaître ou analyser cette période. Ils sont d’autant plus intéressants si l’on pense au risque que supposait une telle activité à l’époque communiste. C’est déjà un fait connu que la censure et la police communiste n’acceptaient pas et punissaient tout ce qui contrevenait à leurs principes, tout ce qui osait décrire la réalité en d’autres termes que ceux « des grandes réalisations de la société socialiste ». De plus, les écrits « intimes », qui redonnent place à l’individu, à l’introspection, au repli sur soi-même, sont très mal vus dans une période où l’on met l’accent sur la classe, sur la collectivité, sur « la lutte commune du peuple pour le progrès ». Tout comme Alain Girard le dit :
« On entrevoit aisément ce que pourrait être une critique marxiste à l’égard du journal intime, si elle prenait la peine de se manifester. L’individu étant un produit de son milieu, ceux qui ont le loisir d’écouter en eux le frémissement de leurs émotions les plus secrètes et de les consigner au lieu d’agir, sont le produit d’une classe possédante, coupée des réalités sociales, et qui profite du travail d’autrui. Leur inquiétude résulte de leur oisiveté. Leur journal et leur intimité protégée sont un des attributs de leur luxe. » [20]
Les écrivains sont conscients que la censure frappe leurs écrits secrets et ils n’osent même pas penser à une publication de leurs pensées intimes dans un avenir proche. Si l’espoir de la publication existe pourtant, celle-ci est imaginée seulement comme posthume :
« »J’ai donc toujours écrit avec l’espoir que ces feuilles „intimes” seraient publiées une fois. Cela même à l’époque où j’écrivais pour „le tiroir”, où je ne pouvais même pas penser à la possibilité d’une publication immédiate. „Le cahier bleu” a été écrit pendant une telle époque difficile, que je nommais alors temps mort. Mais, même lorsque, après avoir été libéré de la prison et être rentré du domicile obligatoire, dans les conditions où il était possible de publier certains textes de critique, théorie ou histoire littéraire, certains essais et quand j’ai commencé moi-même à publier de tels écrits, même là donc, je n’ai presque rien sorti de tout ce que j’avais travaillé et ramassé dans le „tiroir”, au fil des années de clandestinité (…) Ni la réflexion philosophique, ni la méditation théologique n’avaient pas de place dans l’espace étroit , ouvert à la publication. La même interdiction frappait aussi les cahiers du Journal, qui, de plus, étaient pleins de références, allusions et réflexions sur des situations et événements actuels, politiques ou impliquant, d’une manière ou d’une autre, des personnes qui m’étaient proches. Si je pensais à une publication future de ces cahiers, je ne la prévoyais qu’après ma mort ».[21]
Plus d’un écrivain confesse ces risques : ils se sentent épiés, ils cachent leurs notices. Mircea Zaciu avoue à ce propos :
« J’aurais voulu avoir le temps de relire les notes que j’avais écrites cette année, mais je n’ai chez moi que la dernière moitié et, puis, peut-être m’auraient-elles trop bouleversé. Il est mieux que celles-ci partent aussi vers leur destination, près des autres dossiers… »
et il ajoute dans une note faite lors de la publication de son journal: « Ayant peur d’une perquisition, je gardais mon journal dans la maison des parents d’un ami dévoué ».[22] La peur accompagne toujours l’écriture secrète : la peur de ne pas être découvert, de pas faire du mal aux autres :
« Ma peur s’était fixée obsessionnellement sur ce cahier gros aux couvertures bleues, où j’avais mes notices quotidiennes depuis que j’avais déménagé à Bucarest, il y a une année et quelques mois. Le journal était plein de réflexions critiques, d’imprécations à l’adresse du communisme ».[23]
A la découverte du journal on préfère parfois sa perte, sa disparition, sa destruction :
« J’avais laissé sciemment dans le filet du compartiment le grand sac, bourré de livres, où se trouvaient aussi mon Journal et le manuscrit du Commentaire aux Psaumes d’Arghezi. Je préférais qu’il se perde, qu’il disparaisse que de tomber dans les mains des fonctionnaires de la Securitate».[24]
Parfois, les autorités roumaines réussissaient à connaître l’existence d’un tel journal secret s les conséquences pouvaient être la confiscation, – tel le Journal de la Félicité de N. Steinhardt – les enquêtes, les perquisitions, et même la liquidation de l’auteur. Ce fut le cas du poète Gheorghe Ursu, dénoncé au motif qu’il tenait un journal. Après les perquisitions, la confiscation des cahiers et les enquêtes (entre 1984-1985) et en raison d’”affirmations ennemies” contenues dans son journal, Gheorghe Ursu a été torturé et tué dans les caves de la Securitate Roumaine.[25] On peut remarquer que le journal était un document dangereux à la fois pour son auteur que pour les autorités. Pour le pouvoir communiste, les écrits intimes dévoilaient, dans ses détails les plus affreux, la face cachée du régime en place. C’est pourquoi toute variante qui contredisait la version officielle sur la réalité roumaine était durement sanctionnée. On comprend ainsi l’affirmation de Bujor Nedelcovici : « La dernière explication du fait que je n’ai pas eu un journal a été LA PEUR ». [26]
Le fait que les auteurs étaient conscients qu’un oeil étranger pouvait voir le journal soulève le problème de l’autocensure existant même dans les écrits intimes. C’est ainsi que parfois même dans les récits autobiographiques la vérité est dite à moitié :
« La peur allait faire du Monsieur Buzila un témoin aussi incommode qu’incomplet. Celui qui a noté certains des désastres « mineurs » qui ont bouleversé la rédaction (de la revue Romania libera, m.n.) les dernières années avant la révolution de 1989 a complètement évité le grand désastre de 1989 auquel, purement et simplement, il n’a pas osé toucher. C’est compréhensible. Probablement aucune personne de la rédaction n’a eu le courage, pendant les journées de l’arrestation du groupe Bacanu-Uncu-Creanga (…), d’en noter quoi que ce soit dans quelque journal. (…) L’absence de cet épisode n’est certainement pas un lapsus calami pour Monsieur Boris Buzila, mais, purement et simplement, un “lapsus” existentiel qu’il partageait avec la plupart de nous. Nous avions peur de penser notre existence dans le plan d’un renversement total, car notre courage était habitué à quelques corrections au plus. Quelques ersatz. On avait du courage pour ce qui était des ersatz – en aucun cas pour des changements fondamentaux, dont on ne savait même pas de quoi ils avaient l’air ».[27]
L’autocensure, consciente ou inconsciente, fonctionne. Elle est ressentie d’une manière plus évidente dans la correspondance de l’époque. Comme l’affirme V. Nemoianu, l’un des correspondants de I. D. Sârbu :
« Il s’agit, donc, d’une conversation épistolaire d’un type spécial, placée dès le début sous le signe d’une tierce personne (…) Les interlocuteurs de I. D. Sârbu évitent les sujets délicats et les expressions tranchantes, peut-être pour ne pas bloquer définitivement un réseau déjà faible de communication et pour ne pas nuire à l’ami resté derrière les barbelés ».[28]
Les informations sur les liens entre littérature et politique
Étant donné que les auteurs des récits étudiés sont des écrivains, il est normal qu’ils accordent une attention particulière à la vie littéraire et à ses problèmes dans une époque de contraintes, d’immixtion abusive du politique dans l’espace littéraire. La censure des oeuvres, les interdictions sont minutieusement notées dans les journaux : le journal de Mircea Zaciu est un vrai document dans ce sens, car il note tous les obstacles que son Dictionnaire des Écrivains a rencontrés pour être publié (chose qui n’a pas été possible avant 1989). On retrouve souvent les notations suivantes :
« J’apprends que mon roman ne paraîtra ni en 1989, bien que j’aie deux manuscrits à la maison d’édition (déposés en 1983 et en 1986). Mon mémoire du 4 juillet n’a reçu aucune réponse. Je cherche une solution. Ils veulent que je me taise, que je n’écrive plus, que je ne vois plus ».[29]
ou:
« On m’a interdit quatre livres. On m’a interdit quarante articles. On m’a interdit maintenant l’essai sur Marin Preda ».[30]
La censure, cet instrument de contrôle et de répression contre l’œuvre et l’auteur, a provoqué nombre de réflexions de la part des écrivains. Ils mettent surtout en évidence son rôle dans la création d’une image fausse de la société communiste :
« La censure n’est pas que l’instauration du mensonge, mais surtout de la fiction et de l’irréalité dans la société civile et dans l’État. Tout n’est qu’un mensonge. Mais on crée aussi un autre niveau, une para-réalité. La censure ne se contente plus d’interdire, de couper quelques passages etc. Elle prétend la création de quelques mythes, thèmes etc., qu’elle projette (comme sur un écran) sur la réalité. On vit dans cette fiction depuis un demi-siècle. Dans une réalité falsifiée où la vérité et le faux ne peuvent pas être distingués ».[31]
Contre toutes les pratiques de contrôle et d’immixtion de l’appareil d’État, l’écriture aurait été une forme possible de résistance:
« Écrire aujourd’hui, c’est résister, rester lorsque les autres se retirent, capitulent. Je ne comprends l’écriture que comme une résistance jusqu’au bout contre le mensonge et la répression, contre le silence imposé. Or, lorsque je n’écris pas, lorsque je perds mon temps, cela signifie que j’ai rendu les armes, que je suis entré dans la larve du compromis, du renoncement, que j’ai cédé devant l’imposture, la terreur, la confusion organisée. Mais on a besoin d’une croyance forte pour résister (passivement, en n’écrivant pas ou activement, en écrivant) ».[32]
L’écriture, le livre qu’elle devient serait une manière de vaincre, mais reste toujours la frustration quand le livre n’arrive pas au lecteur :
« … aujourd’hui, la maladie dont je souffre, c’est la maladie de tout le peuple, elle me paraît sans remède et létale: les livres que j’écris, ne sont que de simples analgésiques (ou de la morphine) par lesquels j’éteins pour un temps les douleurs et les tourments… Parce que le livre aussi est devenu une souffrance: je suis heureux et soulagé seulement quand je me donne la peine de l’écrire: mais au moment où je le remets à la maison d’édition et la longue agonie de l’attente commence (la lutte avec la censure, l’amputation sur vif de quelques passages, pages, expressions ou mots), au moment où je le mets de côté dans le tiroir (devenant pour ma conscience un furoncle qui fait mal, humilie et me rend infirme – plus la peur qu’à la première perquisition, on peut me prendre tout, à jamais), un livre écrit et qui n’est pas publié encore peut être un calcul au cœur ou au foie, un petit cancer ou même un commencement de syndrome immunodéficitaire. Un livre est une maladie vaincue seulement si elle arrive à ses lecteurs. »[33]
En tant qu’écrivains, les auteurs de ces récits se posent le problème de résister ou de consentir à de petites concessions qu’ils doivent faire dans leurs oeuvres ou en dehors de l’œuvre. Pour eux, l’acte de l’écriture dans une époque de contraintes soulève des problèmes moraux :
« Jusqu’à quelle limite ai-je la permission de mentir, de faire semblant, de jouer le théâtre ? Jusqu’à quelle limite, ai-je la permission de trahir, de salir, de pécher (envers moi-même, envers mon peuple, envers l’histoire, les valeurs, envers Dieu) ? Jusqu’à quelle limite ai-je la permission de m’abaisser dans mes écrits, dans mon discours, dans mon style de vie publique (ou particulière) ? »[34]
Certains s’analysent et préfèrent même ne plus publier que d’accepter un compromis :
« Si on continue de vouloir mystifier le passé, d’interdire de dire la vérité (…), moi, je n’accepte pas de me soumettre à une telle positions c’est aux autres d’écrire, moi je préfère ne rien publier ».[35]
Dans tous les cas, le problème de la limite à ne pas dépasser se pose et la frontière est tenue entre ceux qui acceptent certains compromis et ceux qui les refusent. Le manque de solidarité des écrivains entre eux joue et il est perçu après coup comme un manque de lucidité du moment grave historique et culturel, comme une culpabilité, elle aussi historique, par Nicolae Breban :
« …on est coupables ceux qui avons participé au Congrès des Écrivains de mai 1977, et surtout ceux qui avons pris la parole – j’ai été un de ceux-ci ! – et nous n’avons pas rappelé le nom de notre collègue qui se trouvait ces jours-là en prison! »[36]
On rencontre dans les pages des récits beaucoup de portraits d’écrivains, beaucoup de scènes de l’intérieur de l’Union des Écrivainss le manque de solidarité de la corporation des écrivains, la corruption de ses membres, l’acceptation de la soumission aux directives du parti sont durement critiqués. Les prix littéraires accordés par l’Union des Écrivains mettent en évidence les inimités et les envies des écrivains, mais aussi leur subordination politique:
« A l’Union nous rencontrons Dere[37]. (…) il nous avertit très directement que si nous ne votons pas “comme il fallait”, on ne donnerait jamais les prix de l’Union, les écrivains perdraient tout. Cela, il nous l’a communiqué sur l’escalier intérieur, où il s’est arrêté, signe qu’il ne nous invitait pas dans son bureau, où il mimait toujours la peur des microphones. » [38]
L’immixtion du politique dans l’espace littéraire, et dans tous les domaines de la vie, est un autre thème récurrent des récits autobiographiques : « Un monde d’exilés où la surveillance, les mouchards sont une réalité continue ».[39] Les auteurs avouent être totalement obsédés par cela qu’ils avaient l’impression « qu’on savait même ce qui se passe dans le for intérieur de chacun, ce que chacun de nous chuchote dans son sommeil ».[40] Tout savoir, c’est se donner les moyens techniques de surveiller :
« Aujourd’hui j’ai eu la surprise terrible d’apprendre que j’ai des microphones dans l’appartement. Je suis troublé et un peu effrayé. Je m’attends à toutes sortes de maux, que je sois enquêté, arrêté (…) si je trouvais ces microphones ! Celui qui n’a pas vécu cette sensation paralysante n’a rien vécu ! La peur passe de ton extérieur dans ton intérieur. On ne peut plus y échapper ».[41]
Les auteurs parlent des perquisitions à domicile en ajoutant les procès-verbaux de celles-ci, comme « documents sur la manière d’agir de la Securitate et la mentalité des gens de cet appareil répressif »[42], des enquêtes et tracasseries auxquelles ils ont été soumis, à cause des dénonciations :
« … mes amis étaient questionnés sur nos discussions, mon téléphone était surveillés la correspondance contrôlées moi photographié dans la rue et souvent “invité” à déclarer qui était venu chez moi, à qui j’avais rendu visite, quand, avec qui et où j’avais pris le déjeuner, quand et dans quel but je m’étais promené dans le parc X accompagnant Y, ce qu’on avait discuté ».[43]
Face à ces pratiques de contrôle, une grande part des écrivains, ceux qui n’assument pas la protestation ouverte, ou ceux qui ne s’auto-exilent pas, après le refus de publication, aurait joué sur la double identité : ils acceptent des compromis ou de petites concessions en cachant leurs convictions personnelles, vivant avec l’espoir que cela ne durera pas pour longtemps. Aurel Baranga dont les pièces de théâtre ont répondu dans la plupart des cas à des commandes politiques avoue avoir créé «des mannequins manipulés » et «des personnages minutieusement maquillés », en déformant la réalité conformément à une « conception esthétique aberrante ». Il se rend compte du « caractère artificiel » de ses pièces d’où « toute conviction et toute émotion ont été exclues ».[44] Une réalité déformée, conforme aux indications officielles présente aussi Titus Popovici dans ses romans, preuve que la censure ne fait pas seulement de couper, mais aussi d’imposer une manière d’écrire : « …j’avais honte de rencontrer ces gens décrits dans mon roman par une lunette déformée… »[45] Ainsi, les récits des compagnons de route sont dominés par le regret, par la révolte envers soi-même, par la honte. Titus Popovici, Aurel Baranga, Dan Desliu sont parmi ceux qui ont osé témoigner, même si cela ne les met pas dans une lumière favorable:
« Les jeunes hommes ne doivent jamais suivre mon exemple. Il ne faut pas accepter ce qu’on sent qu’on ne doit pas accepter. Il y a des choses qu’on ne doit pas accepter de faire quel que soit le prix. Et, il y a, au contraire, des choses, que, quoi que tu perdes, tu dois faire absolument ».[46]
La double identité pouvait sauver l’œuvre, selon Nicolae Breban : l’acceptation d’une fonction au Comité Central du PCR, le petit compromis et les concessions dans des articles suivant la ligne du parti aurait sauvé le corpus de l’œuvre littéraire qui restait intacte:
« Si l’on doit faire des compromis avec le pouvoir (…) que nous le fassions, nous nous sommes dits, en dehors du corps de l’œuvre, qu’il soit une annexe, un collage, un article de presse, une préface ou mieux une postface, peut-être une interview, mais que nous gardions intacte, esthétique, propre le cri de notre création! »[47]
Certains refusent le compromis dans toutes ses formes et alors le thème de leurs récits devient l’exil intérieur. Ils se sentent exclus et marginalisés:
« Il y a des écrivains préférés, promus, propulsés. Et d’autres suspectés, isolés, tolérés. Si je faisais partie de la première catégorie, peut-être aujourd’hui j’aurais été comme beaucoup d’autres, un homme avec des livres écrits mais sans œuvre. (…) Mais, comme je suis une nature entêtée et fière, j’ai refusé tout contact avec Iuda ou avec le Diable. J’ai perdu 15 années de ma vie, mais je n’ai pas perdu le respect envers moi-même, envers le mot que j’écris ».[48]
La prison constitue un autre thème des récits de type autobiographique. Ce qui unit tous ces témoignages de prison est le fait que, au-delà des horreurs qu’on peut y connaître, tous parlent de la merveilleuse « expérience intellectuelle »[49] que cela leur a apporté, de la liberté spirituelle qui «dehors» était plus difficile à garder :
« En prison, la liberté était plus grande que dehors. Nous pensions chacun comme nous voulions et nous discutions, comme je crois que dehors, dans la dernière partie de notre détention, on ne pouvait plus parler. C’est grâce à la solidarité et à la confiance qui s’était créée entre nous, ceux qui étions là, que nous nous sentions libres. “Dehors” la confiance dont je parle avait disparu peu à peu, les cercles d’amis d’autrefois étaient devenus de plus en plus petits, jusqu’à ce que chacun eût compris se retirer, solitaire, par peur que l’un des autres puisse le dénoncer. Cela n’était pas possible en prison ».[50]
Ainsi, une série d’informations nous renseignent tant sur les procédés de surveillance et de contrainte mis en place par le régime, que sur les différentes manières de répondre des écrivains, pris en tenaille entre la peur, le compromis et la fierté de ne pas consentir. Ces écrits autobiographiques mettent en évidence le rôle de soutien individuel de l’écriture intime, dans cette période de contraintes. Ce soutien prend des modalités diverses, allant de la conservation de l’esprit de lucidité, à la conscience de soi et des événements qui, toutes permettent de forger des armes contre l’aliénation. Pour d’autres, le récit autobiographique a posteriori permet de créer un espace d’aveu et de repentir visant à la restauration du moi et de l’écriture. Dans un régime des contraintes, ces écrits ont aidé à la préservation de la liberté personnelle et de la liberté esthétique. Leurs fonctions, décrites ci-dessous, se réunissent toutes dans celle de compensation. Il s’agit, d’un côté, d’une double fonction de compensation, par le rôle de salut qu’ils ont eu, avant 1989 : le salut individuel – allant de l’espace d’analyse lucide de soi-même et de l’époque que ces récits ont offert aux écrivains, jusqu’à la lutte contre la léthargie, contre l’abandon spirituel devant un pouvoir absurde, passant par un salut esthétique, ces récits compensant l’absence de l’œuvre, offrant un espace de liberté esthétique dans le contexte de l’immixtion du politique dans l’espace littéraire. De l’autre côté, par l’aveu, par le témoignage offert, ces récits sont, dans leur manière, de documents sur une époque, ils remplissent, après 1989, une fonction sociale, en comblant une absence d’information ressentie encore en Roumanie. En attendant les analyses systématiques et les recherches scientifiques sur le communisme, le croisement de ces récits surtout offre au public roumain et étranger le commencement de la connaissance de la période communiste en Roumanie. Ils attestent que, même sous un régime totalitaire, la vie littéraire continue, même si c’est dans le secret, cachée, intime, et qu’il est faux de penser les gens des pays communistes seulement dans les catégories de la contrainte, de la terreur et de l’aliénation. Ces écrits prouvent, au contraire que l’esprit s’acharne à exister d’autant plus dans un régime de contraintes. Cette analyse partielle peut conduire à formuler une hypothèse qui devra faire l’objet d’un travail plus approfondi : l’aveu de la résistance ou de la collaboration dans l’espace littéraire, à travers les journaux intimes, n’occupe-t-il pas la place d’un vide historique de réexamen de la période communiste ? En d’autres termes, les écrivains ne sont-ils pas obligés de s’instaurer en scripteurs de cette période, tant que l’analyse historique n’est pas commencée ? Si tel était le cas, on aurait là une nouvelle articulation problématique entre littérature, histoire et société.
La liste des écrits autobiographiques utilisés dans cette analyse :
Liviu Antonesei, Jurnal din anii ciumei: 1987-1989, Polirom, Iasi, 1995
Nicolae Balota, Caietul albastru, 2 vol, Editura Universal Dalsi, 2000, editia a doua adaugita
Aurel Baranga, Jurnal de atelier, Editura Eminescu, Bucuresti, 1978
Nicolae Breban, Riscul în cultura, Polirom, Iasi, 1997
Boris Buzila, In prezenta stapânilor. Treizeci de ani de jurnal secret la România libera, Buc, 2000
Ion Caraion, Ultima Bolgie. Jurnal 3, Editura Nemira, Bucuresti, 1998
Bujor Nedelcovici, Jurnal infidel, Editura Eminescu, 1998
Daniel Nicolescu, Vremuri de tinichea. Convorbiri cu Dan Desliu, Editura Eminescu, Bucuresti, 1998
Alexandru Paleologu, Minunatele amintiri ale unui ambasador al golanilor, Editura Humanitas, Bucuresti, 1991
Titus Popovici, Disciplina dezordinii, Editura Dacia, Cluj-Napoca, 1994
I. D. Sârbu, Jurnalul unui jurnalist fara jurnal, 2 vol., Editura Scrisul Românesc, Craiova, 1991, 1993
I. D. Sârbu, Iarna bolnava de cancer, Editura Curtea-Veche, Bucuresti, 1998 – corespondenta
I. D. Sârbu, Traversarea cortinei. Corespondenta cu Ion Negoitescu, Virgil Nemoianu, Mariana :ora, Ed. De Vest, Timisoara, 1994
Nicolae Steinhardt, Jurnalul fericirii, Editura Dacia, Cluj-Napoca, 1994
Stelian Tanase, Ora oficiala de iarna, Institul European, Iasi, 1995
Mircea Zaciu, Jurnal, 3, Ed. Albatros, Bucuresti, 1996
[2] Ion Manolescu, Literatura memorialistica, Humanitas, Bucuresti, 1996, p. 8
[3] Ibid., p.8
[4] Philippe Lejeune, Le pacte autobiographique, Editions du Seuil, Paris, 1975. Voir aussi Phiplippe Lejeune, L’autobiographie en France, Librairie Armand Colin, Paris, 1971
[5] Cf. Gérard Genette, Seuils, Editions du Seuil, 1987
[6] Voir, à la fin de cet article, la liste des écrits autobiographiques qui ont servi à cette analyse.
[7] Béatrice Didier, Le journal intime, P.U.F, Paris, 1976
[8] Ibid., p.12
[9] Ibid., p.19
[10] I. D. Sârbu, Jurnalul unui jurnalist fara jurnal, I , Ed. Scrisul Românesc, Craiova, 1991, p.188
[11]Liviu Antonesei, Jurnal din anii ciumei: 1987-1989, Polirom, Iasi, 1995, p.7
[12] Mircea Zaciu, Jurnal, 3, Ed. Albatros, Bucuresti, 1996
[13] I. D. Sârbu, Jurnalul…, II, p. 136
[14] Ibid., p.143
[15] I. D. Sârbu, Iarna bolnava de cancer, Ed. Curtea-Veche, Bucuresti, 1998 – correspondance, lettre adressée à Delia Cotrus, le 14 avril 1988
[16] I. D. Sârbu, Jurnalul.., II, p.198
[17] Ibid., p.179
[18] Liviu Antonesei, op. cit., p.9
[19] Ion Caraion, Ultima Bolgie Jurnal 3, Ed .Nemira, Bucuresti, 1998, p.17
[20] Alain Girard, Le journal intime, P.U.F, Paris, 1968, p.581
[21] Nicoale Balota, Caietul albastru, Editura Universal Dalsi, 2000, editia a doua adaugita, vol. I, p 29
[22] Mircea Zaciu ,op. cit., p.205
[23] Nicolae Balota, op. cit., vol. I, p 20
[24] Ibid.,p. 30
[25] Après 1989, on a ouvert un procès pour la condamnation des coupables de crime envers Gheorghe Ursu.
[26] Bujor Nedelcovici, Jurnal infidel, Ed. Eminescu, 1998
[27] Tia Serbanescu, Préface à Boris Buzila, In prezenta stapânilor. Treizeci de ani de jurnal secret la România libera, Buc, 2000, pp. 7-8
[28] Virgil Nemoinu, Préface à I. D. Sârbu, Traversarea cortinei. Corespondenta cu Ion Negoitescu, Virgil Nemoianu, Mariana :ora, Ed. De Vest, Timisoara, 1994, p.10
[29] Stelian Tanase, Ora oficiala de iarna, Institutul European, Iasi, 1995, p.99
[30] Ion Caraion , op. cit., p.17
[31] Stelian Tanase, op. cit., p.164
[32] Ibid., p. 37
[33] I. D. Sârbu, Jurnalul…, II, p. 221
[34] Ibid., pp. 142-143
[35] Mircea Zaciu, Jurnal, p. 56
[36] Le collègue en prison, dont Nicolae Breban parle, était Paul Goma. N. Breban, Riscul în cultura, Polirom, Iasi, 1997, pp. 95-96
[37] D. R. Popescu, président de l’Union des Écrivains à l’époque, dans les années 1980
[38] Mircea Zaciu, op. cit., p.534
[39] Stelian Tanase, op. cit., p.127
[40] Dan Desliu in Daniel Nicolescu, Vremuri de tinichea. Convorbiri cu Dan Desliu, Editura Eminescu, Bucuresti, 1998, p.15
[41] Stelian Tanase, op. cit., p.53
[42] Liviu Antonesei, op. cit., p.40
[43] Ion Caraion, op. cit., p.32
[44] Aurel Baranga, Jurnal de atelier, Ed. Eminescu, Bucuresti, 1978, p. 20 et Lettre adressée au Colloque National de Littérature Dramaturgique en 1978, in Dictionarul Scriitorilor, I, Ed. Fundatiei Culturale Române, coord. Mircea Zaciu, Buc., 1995, p. 177
[45] Titus Popovici, Disciplina dezordinii, Editura Dacia, Cluj-Napoca, 1994, p. 133
[46] Dan Desliu, op. cit., p. 27
[47] Nicolae Breban, op. cit., p. 128
[48] I. D. Sârbu, Jurnalul…, II, p. 248
[49] Alexandru Paleologu, Minunatele amintiri ale unui ambasador al golanilor, Ed. Humanitas, Bucuresti, 1991
[50] Ion Ioanid, “In închisoare libertatea era mai mare decât afara”, România literara, nr. 25, 23-29 iunie 1999, anul XXXII, pp.12-13 ; cette interview porte sur la série de livres de mémoires de prison de Ion Ioanid, Inchisoarea noastra cea de toate zilele, Ed. Albatros, I-V, 1991-1996