Laurence Gosserez
Université Stendhal-Grenoble III, France
laurence.gosserez@orange.fr
Une figure antique du logos et du mythos : Le labyrinthe
An Ancient Figure of the logos and of the mythos: The Labyrinth
Abstract: In Antiquity, the labyrinth was not always regarded as a symbol of inextricable error. This is often an ordeal, solar and initiatory path. In the voyage of Theseus and the dance of cranes, it extols values of Greek Athenian civilisation. In Rome, during the reign of Augustus, the labyrinthian symbol reappears in the epic of Aeneas in the myth founding the city and is integrated into the ritual of the Play of Troy : this Roman version of the dance of cranes, celebrates civic solidarity and republican system of government, according to a text little studied of Ambrose of Milan (Exameron, dies V, VIII, 50-52). Ariadne’s thread, which reproduces the coils of the labyrinth, is closely related to the symbol of weaving, that is an ancient metaphor of life, of the political art and of creation. In fact, the ancient culture contains labyrinths of the failure and labyrinths of the success: on the one hand the tragedy and on the other hand the epic. In myths of Oedipus, Hercules, Minos, the motif of the crossroads (this metonymy of the labyrinth), is an emblematic example of the choice, and illustrates the philosophical fortune of this symbol. This last does not underlie only one ethical reflection about the use of the knowledge and of the power, about freedom and justice, it includes an epistemological dimension about the methodology of the invention and about the process which governs progress. The labyrinth finally seems a specular archetype of the creative thought. It reflects the dynamic polarity of the logos and the mythos, of which it shows the patterns of renewal inside the Western culture. Recently alone, under the influence of the rationalism and the classicism, the labyrinth was perceived like an exclusively negative image of the error.
Keywords: Greek Mythology; Labyrinth; Logos; Mythos; Dance of cranes; Invention.
En ce début du XXIe siècle, la vieille antinomie qui opposait pensée mythique et raison analytique, mythos et logos, s’est dissoute. La révolution scientifique qui s’est accomplie, et la rupture épistémologique qui l’accompagne, ont réhabilité le symbole et le mythe[1]. Notre propos n’est pas de retracer cette évolution, mais seulement d’en explorer un aspect restreint à partir d’un cas exemplaire, celui du labyrinthe dans la mythologie gréco-romaine. Ce dernier a souvent été étudié[2], mais plus souvent dans le domaine grec. Il est encore fréquemment considéré comme un symbole exclusivement négatif de l’erreur inextricable. De plus, sa dimension épistémologique a rarement été soulignée. À partir d’un bref résumé des interprétations qui en ont été proposées, nous montrerons la réflexivité singulière de la structure, conçue, selon la définition de J. Scheid et J. Svenbro, comme « une proposition simple, génératrice de récits, d’images et de rituels »[3]. Le schème labyrinthique gréco-latin peut en effet être lu comme une représentation de la pensée elle-même, exprimant le lien étroit et la polarité dynamique du logos et du mythos, à l’intérieur de la culture gréco-romaine.
I. Un symbole énigmatique
La forme
La mythologie grecque situe en Crète le premier labyrinthe que Dédale aurait construit pour le roi Minos. Mais ses vestiges n’ont pas été retrouvés. Sur les monnaies, le labyrinthe apparaît d’abord cruciforme, puis rectangulaire, enfin rond. Il compte généralement un seul parcours possible et se réduit à un simple trait enroulé sur lui-même, compliqué parfois de méandres. À l’époque archaïque, l’image orne des vases de céramique[4]. D’après Diodore de Sicile (I, 61), Dédale se serait inspiré d’un monument égyptien. Hérodote (II, 148), Pline (XXXVI, 19, 84-89) et Strabon (XVII, I, 3 & 37) ont effectivement décrit un labyrinthe situé à Héracleopolis, près du lac Moeris (Hawara, non loin de Medinet el-Fayoum), comme une construction rectangulaire aux innombrables salles enchevêtrées, regroupées autour de douze cours, avec des portiques et des péristyles[5]. De l’édifice lui-même, il ne reste que des gravats. Sa destination reste obscure : tombeau du roi Mendès ? palais fortifié ? immense temple, entrepôts ou centrale administrative ? Pline dit que les douze cours correspondaient aux douze nomes du pays d’Égypte, et reproduisent la géographie symbolique du pays. Cependant, d’autres auteurs anciens voient le labyrinthe comme un gouffre ou une caverne (Papyrus d’Oxyrhynchos, fr. 2452 = Sophocle, fragment 730a-g R ; Malalas, Chronographia, L.IV, 108, L. IV, 0, 108 ; Eustate, 1166, 17). On a effectivement retrouvé en Crète des galeries souterraines naturelles qui servaient probablement de lieu de culte, à deux kilomètres au nord-ouest de Skotino, à quatre heures de marche à l’est de Cnossos[6].
Quoi qu’il en soit, les anciens Grecs et Romains se représentaient déjà le labyrinthe de multiples façons : tantôt comme un plan, tantôt comme une construction, tantôt comme une grotte naturelle ou artificielle. Par la suite, sur les mosaïques romaines et les pavements d’Église comme sur les gravures et les peintures modernes, les dessins bidimensionnels se sont perpétués, concurremment avec des représentations à trois dimensions de bâtiments et de palais. Le labyrinthe a donné lieu à des figurations multiples et contradictoires, simples ou complexes, centrées ou décentrées, circulaires ou quadrangulaires, centrifuge ou centripètes, qui mettent en question la notion même d’architecture. La seule constante est sa forme sinueuse. Marcel Brion la définira comme une combinaison de deux motifs universels, la spirale et la tresse, qui résument son ambivalence : la spirale est un motif simple, ouvert, et, par là, optimiste. La tresse est un motif compliqué, fermé, pessimiste[7]. Dès les temps minoens, la représentation spatiale tend à se styliser, à se rapprocher d’un signe abstrait. Elle se réduit alors à un parcours dont l’édifice lui-même n’est qu’une trace. Tout se passe comme si la figure du labyrinthe, déjà conceptualisée, s’était constituée en en une sorte de hiéroglyphe. L’entrelacs n’est-il pas devenu le signe du nombre 8, symbole de l’infini ? Dès l’origine, le labyrinthe a un caractère énigmatique.
Le nom
L’étymologie du nom n’est pas plus claire. Le mot remonte à une époque préhellénique, comme l’indique sa finale –inthos. Au début du XXe siècle, quand le Dr. Evans découvrit le grand palais de Cnossos en Crète (détruit vers 1400 avant notre ère), il crut avoir trouvé le labyrinthe. Et il adopta l’hypothèse selon laquelle laburinthos viendrait du carien, formé sur labrys, « double hache », qui désigne la hache du sacrifice, motif extrêmement fréquent dans le décor de Cnossos. La racine da/ba, base du mot labyrinthe, renverrait au concept de « pierre taillée ». Le labyrinthe serait « le lieu de pierre » ou « le lieu de la pierre » où coule le sang des victimes, étroitement lié à la hache du sacrifice, elle aussi en pierre[8]. Il évoquerait la mort et le tombeau. Ce domaine convient à Minos, l’un des trois juges des Enfers. Mais l’étymologie du mot reste douteuse, et l’identification du labyrinthe au palais minoen de Cnossos, une affirmation moderne[9].
Le symbolisme
Le labyrinthe apparaît donc comme une énigme immémoriale dont la signification s’enracine dans le domaine religieux. Les historiens des religions y ont d’abord vu le vestige d’un rituel solaire, en se fondant notamment sur son association avec le taureau, père et fécondateur du troupeau, qui symbolise la puissance virile. Le Minotaure descend du Soleil, comme Ariane et Phèdre, ses sœurs. Dévorateur de chair humaine, il a des points communs avec Baal et le Moloch carthaginois, ainsi qu’avec les dieux anthropophages d’Asie Mineure. Initialement, la célébration de l’énergie vitale et sa captation magique pourrait s’être accompagnée de sacrifices sanglants, avec lesquels l’actuelle tauromachie aurait une lointaine parenté. Pour Frazer, des victimes auraient jadis été brûlées vives dans la cavité d’un taureau de bronze. Le labyrinthe serait une arène où le roi et la reine portant les masques d’un taureau et d’une vache, auraient mimé le mariage sacré du soleil et de la lune. La danse d’Ariane aurait symbolisé la course du soleil qui meurt et renaît chaque matin[10]. Ces rituels avaient pour but la remise en ordre du cosmos, au cours d’une sorte de communion extatique avec les puissances de la nature. C’est pourquoi le labyrinthe était à la fois un symbole de l’univers, un micrososme, et une image de l’homme explorant les arcanes du monde.
Le lien du labyrinthe avec la Terre mère et les rites de fécondité est aussi ancien que ses liens avec la mort. Il existe des labyrinthes d’herbe, comme le turf-maze anglais, dont le dessin remonte peut-être à la préhistoire[11]. À l’époque historique, en Grèce, le sanctuaire du Nécromantéion en Épire, porte de l’Achéron qui conduisait au royaume des morts, contenait un labyrinthe[12]. Il était dédié à Perséphone, qui n’est pas sans rapport avec Ariane, sœur du Minotaure souvent honorée elle aussi comme divinité du printemps. De fait, l’architecture du Nécromantéion, restituée par les fouilles archéologiques, montre que les initiés aux mystères suivaient un parcours souterrain reproduisant symboliquement le trajet de Perséphone jusqu’à l’antre d’Hadès, son époux. Le labyrinthe crétois offrait vraisemblablement un itinéraire du même genre, lié au culte de la végétation qui pouvait comporter lui aussi la célébration d’un mariage sacré. Dionysos étant parfois invoqué sous la forme d’un taureau[13], son mariage avec Ariane à Naxos peut être rapproché de l’union du taureau blanc avec Pasiphaé, ainsi que de cet autre mythe crétois qu’est l’union de la nymphe Europe avec le taureau Zeus, à Gortyne. Cette union est généralement interprétée comme le souvenir d’un antique mariage sacré, assurant périodiquement le renouvellement cosmique (hiérogamie).
Dès l’époque la plus ancienne, les labyrinthes étaient donc conçus comme des lieux cultuels ambivalents : symboles chtoniens de la mort, mais aussi de la germination[14]. Ils remplissaient la fonction d’une épreuve initiatique[15] : leurs méandres reproduisaient le cheminement d’une catabase, c’est-à-dire d’un voyage au royaume des morts suivi d’une renaissance mystique, en symbiose avec les forces vitales de la nature.
H. Jeanmaire a développé la conception initiatique du labyrinthe en mettant l’accent sur la fonction probatoire du parcours comme rite de passage de l’adolescence à l’âge adulte[16]. Dans de nombreuses civilisations du pourtour méditerranéen, une épreuve ou une lutte, associée ou non à un rituel hiérogamique, assurait la légitimité du souverain. Que la traversée du labyrinthe aboutisse à un combat contre une bête fauve ou à un mariage sacré, elle remplissait probablement une fonction ordalique, permettant au héros qui la surmontait, non seulement de grandir en force et en sagesse, mais de conquérir son trône, d’en assurer la légitimité ou la perpétuation.
P. Faure, pour sa part, a combiné ces différentes interprétations[17]. Il voit en Dédale à la fois un maître artisan et un mystagogue enseignant aux fidèles la route de l’au-delà, régissant la transmission du pouvoir royal et initiant des différentes classes d’âge. Selon lui, le labyrinthe, instrument de cette initiation, aurait été l’emblème de la corporation dédalique des constructeurs qui auraient joué en Crète le rôle attribué ailleurs aux Cyclopes, pasteurs et éleveurs, ou aux Dactyles métallurges.
La psychanalyse jungienne a fait du labyrinthe l’un des grands archétypes qui structurent la psyché, l’emblème d’une catabase intérieure, où se réalise le « processus d’individuation »[18]. K. Kerenyi analyse également la forme labyrinthique comme la trace d’un parcours vers la lumière dont Ariane est la maîtresse[19]. Ainsi, divers peuples, à différentes époques, auraient pratiqué une sorte de « descente aux enfers » dans les profondeurs de l’inconscient collectif, permettant la réunification de l’être humain, son épanouissement et son ressourcement. La forme ovoïde du motif labyrinthique symboliserait cette régénération psychique elle-même, en évoquant le ventre de la terre, le fœtus lové dans l’utérus primordial, ou encore la chrysalide, symbole de résurrection. Le diagramme labyrinthique apparaît alors comme l’expression symbolique de l’âme et du monde: il signifie l’union des contraires, cette coïncidentia oppositorum qui, au-delà des logiques humaines, régit l’harmonie cosmique et intérieure.
II. Le mythe
Mais ces interprétations ne rendent pas compte de tous les développements narratifs qui dévoilent progressivement les virtualités du mythe ; ceci d’autant plus qu’une partie importante de la tradition orale s’est perdue. À l’époque historique, des labyrinthes ont beau subsister dans les cultes à mystère, la légende qui s’est répandue en Grèce et en Occident, développe d’autres significations. À Rome, les poètes latins Virgile (Énéide, VI, 14-30) et surtout Ovide (Métamorphoses, VIII, 152-236 ; L’art d’aimer, II, 15-96) racontent comment Dédale construisit le labyrinthe, puis y fut enfermé avec son fils et s’en échappa. Résumons brièvement ces récits étiologiques : ils postulent une faute à l’origine de la construction du labyrinthe.
Minos, roi de Crète, avait refusé de sacrifier à Poséidon le magnifique taureau blanc qu’il lui avait promis. Pour l’en punir, le dieu inspira à Pasiphaé, son épouse, une passion pour l’animal. Grâce à la complicité de Dédale qui lui construisit une vache de bois et de cuir, la reine s’unit au taureau. Elle mit au monde un être hybride à tête de taureau sur un corps d’homme, le Minotaure. Pour enfermer ce monstre, l’opprobre de sa maison, Minos demanda à son architecte Dédale de construire à Cnossos une prison dont on ne pouvait ressortir une fois qu’on y était entré : ce fut le labyrinthe.
Tous les neuf ans, les Grecs, que le roi de Crète avait vaincus pour venger le meurtre de son fils Androgée, durent livrer sept garçons et sept filles pour la nourriture du monstre. Le prince d’Athènes, Thésée, triompha cependant du labyrinthe, grâce à l’amour d’Ariane, la fille du roi, qui, sur les conseils de Dédale, lui donna une pelote de fil à dérouler : il put retrouver son chemin, tua le Minotaure et délivra son pays de l’affreux tribut.
Pour le punir de sa trahison, Minos condamna Dédale et son fils, Icare, à mourir à leur tour enfermés dans le labyrinthe. Mais l’ingénieur fabriqua des ailes de plumes et de cire qui lui permirent, à lui et à son fils, de s’échapper par la voie des airs. Selon une autre version, il construisit un bateau à voile et s’enfuit par mer (Diodore, IV, 77). Bien que prévenu par son père, Icare s’approcha trop du soleil, ses ailes fondirent, il tomba et périt noyé, au grand désespoir de Dédale. On dit qu’ensuite ce dernier se réfugia en Sicile, où il se cacha pour échapper à la vengeance de Minos.
Un mythe étiologique de la civilisation grecque classique
Dans les versions littéraires élaborées du mythe, le souvenir du culte archaïque s’efface. Le monstre n’apparaît plus comme un dieu tout puissant sur les rythmes de la nature, mais comme un fléau. C’est une bête féroce avide de chair humaine, l’image même de la violence. Il pourrait représenter une sauvagerie latente qu’il faut cacher, enfermer ou détruire, parce qu’elle menace l’ordre social et moral. Si nous suivons les thèses de René Girard[20], ce mythe pourrait même garder la trace d’un crime ancien, peut-être un meurtre collectif, sous l’aspect d’un sacrifice rituel qui légitimerait la souveraineté de Minos. Paul Faure, pour sa part, propose l’explication inverse[21]. Le rituel pacifique d’initiation, détaché de son contexte social, n’aurait plus été compris à l’époque historique ; il aurait alors été interprété comme un crime absurde. L’éducation tribale d’autrefois, qui consistait « à tuer l’enfant » en chaque être, afin de donner naissance à l’adulte, aurait été interprétée comme un meurtre ; et le prêtre à masque de taureau serait apparu comme un monstre sanguinaire. Ainsi se serait constitué le mythe du Minotaure anthropophage. Les deux processus pourraient aussi s’être succédé, au cours d’une évolution de plusieurs siècles.
Quoi qu’il en soit, à l’aube de l’âge classique, la conscience morale et le sens civique apparaissent. De nouveaux personnages occupent le devant de la scène : le roi Minos et le héros Thésée, figures de souverains, ainsi que l’architecte Dédale, dont le nom même signifie « l’artisan » ou « l’artiste ». L’enseignement du labyrinthe n’est plus seulement cultuel, il sous-tend une réflexion morale, politique, esthétique, épistémologique. Dès lors, c’est le récit lui-même qui est initiatique : l’entrelacement du texte devient le labyrinthe même où s’engage le lecteur. Le fil de la narration tient lieu de fil d’Ariane. Ainsi, les représentations redondantes du labyrinthe à l’intérieur du récit en constituent pour ainsi dire, le miroir « en abyme » et « la matrice ». Un double cycle narratif met en parallèle Minos et Thésée, à qui Dédale apporte successivement les moyens de conserver et de conquérir leur pouvoir. Le premier cycle est centré sur la transgression et l’échec, le second, sur la victoire.
Parcours antithétiques
La première partie de la légende révèle en effet la face sombre de Dédale, et présente Minos comme un tyran. La réalisation du labyrinthe est une commande qui scelle la compromission de son inventeur avec le vice, ainsi que sa duplicité envers le roi. Dédale a aidé la reine à tromper son époux et à satisfaire sa passion bestiale. L’accouplement de Pasiphae, elle-même fille du soleil, avec le taureau solaire, est une sorte d’inceste. Le labyrinthe sert donc à cacher la monstruosité d’un crime contre-nature, lui-même châtiment de la démesure sacrilège du roi (hybris), tout en organisant le « massacre des innocents », les jeunes Athéniens que dévore périodiquement le Minotaure. La structure sophistiquée de l’édifice extériorise le vice, mais aussi la ruse et la violence d’un pouvoir arbitraire qui opprime les Athéniens. Elle connote à la fois la bestialité de la reine qui, transgressant les lois de la nature, a accouché du monstre, et l’esprit retors, la métis de Dédale qui, lui-même meurtrier de son neveu Perdix (Talos, Kalos ou Circinus)[22], a servi les passions des souverains chez qui il s’était réfugié. D’ailleurs, la vie tout entière de Dédale est une fuite. Il erre d’Athènes à Cnossos, puis en Sicile, et suit un parcours pour ainsi dire labyrinthique, d’abord pour échapper à la justice, ensuite pour échapper à la vengeance de Minos qu’il a trahi une seconde fois en aidant les prisonniers à s’échapper.
Par ailleurs, inventeur génial et pédagogue efficace, Dédale échoue complètement comme éducateur. Il a commencé par tuer son neveu par jalousie, pour s’approprier les inventions de son trop brillant élève, en le précipitant du haut de l’Acropole (Apollodore, III, 65, 8 ) ; il finit par provoquer involontairement la mort de son fils Icare. Lors de son envol, l’enfant désobéissant plus encore qu’imprudent, s’approche trop du soleil qui fait fondre ses ailes de cire (Virgile, Aen., VI, 30-34 ; Ovide, Mét.VIII, 225-235). Cette fois, la courbe labyrinthique se referme sur la mort. Dédale a péché par action et par omission, par volonté de puissance et par manque d’autorité. Il est cruellement châtié dans son amour paternel.
Le second cycle narratif lié au labyrinthe, celui de Thésée, est l’antithèse du premier. Il reprend le motif de l’initiation labyrinthique sur le mode du succès.
Thésée s’oppose à Minos comme le bon roi au tyran, et apparaît en libérateur de sa cité. Il imite Dédale sur certains points. Instruit par l’habile ingénieur et pourvu du fil d’Ariane, il pénètre au fond du labyrinthe et en ressort. Par rapport au symbolisme funéraire du labyrinthe, image de l’Hadès, cette descente aux enfers apparaît comme une réduplication de la nékuïa d’Ulysse et de celle d’Orphée. Mais Thésée incarne l’aspect collectif de la réussite labyrinthique, l’exploit fructueux sous l’angle politique. C’est une figure d’initié, de héros et de roi qui entraîne avec lui la jeunesse ; alors que Dédale, dont le nom même signifie « l’Artiste » remplit la fonction de l’initiateur et du mage ou du chaman, et possède une face ambivalente à la fois plus énigmatique et plus sombre. Dans les catégories ternaires des Indo-Européens, telles que les a définies Claude Lévi-Strauss, ces deux groupes de personnages Minos-Dédale et Thésée-Dédale, incarnent le double aspect de la première fonction souveraine et sacerdotale. La structure gémellaire du récit reproduit à différents niveaux l’ambivalence primordiale du symbole cosmique. Elle relève de la redondance générative caractéristique du « système » mythique. Mais elle y ajoute des éléments liés à la situation historique.
Dédale et Thésée sont tous deux présentés comme athéniens, fait illustrant « l’efficacité du travail d’annexion réalisé par les Athéniens sur cette légende »[23]. Claude Calame a montré comment le mythe de Thésée opère la transposition symbolique des valeurs nouvelles de la cité démocratique, lorsqu’à partir de la fin du VIe siècle, ses intérêts économiques et politiques la tournent vers la mer[24]. Thésée apparaît en champion de la liberté et du droit, lorsqu’Athènes affirme son hégémonie en Méditerranée ainsi que sa primauté dans la ligue de Délos. Vers 478-477, les Athéniens honorent le héros qui les a libérés de la domination de Minos, et rapatrient ses ossements supposés pour organiser son culte tutélaire dans le temple du Théséion. C’est probablement aussi à ce moment là que le rôle de Minos a été noirci, assimilé aux excès des tyrans d’Asie[25].
Pourtant, Minos n’a pas toujours été perçu ainsi. Il apparaît parfois aussi, comme un souverain très juste. Un dialogue apocryphe de Platon présente le roi comme une figure idéale de juge exemplaire, fils et interprète de Zeus (Ps. Platon, Minos, 318c et s.). Cette version de la légende remonte à Homère (Od. XI, 569). Dans le prologue des Lois et le Gorgias (523 a et 526b), Platon fait de Minos un législateur inspiré directement par Zeus dont il consulte l’oracle tous les neuf ans dans une caverne de Crète. Ces indices témoignent de l’existence d’une conception positive de Minos — conception que la version « attique » de la légende a faussée.
Le cycle héroïque de Thésée l’Athénien a été manifestement remodelé à un moment donné pour exalter les valeurs de la civilisation grecque attique.
Dans la version « athénienne » de la légende, l’aspect sotériologique domine. L’espérance l’emporte, symbolisée par les dons offerts à Thésée : la fameuse pelote de fil, et, de plus, une couronne lumineuse. Ces objets sont des outils, les produits merveilleux d’une technique supérieure. Le fil est une invention de Dédale, une image de sa métis et un avatar de la figure labyrinthique dont il épouse les nœuds. D’autre part, le Pseudo-Eratosthène dit que Thésée aurait reçu d’Ariane (selon certaines représentations figurées, d’Amphitrite), une couronne en or et en pierres précieuses venues de l’Inde, confectionnée par Héphaïstos, le dieu forgeron (Catastérismes, V, 16-19 ; Hygin, Astronomie, II, 5, 1 et 5, 3). Cette couronne correspondrait dans la culture grecque au point lumineux qui indique aux navigateurs le terme du parcours (tekmôr)[26]. La victoire du prince Athénien serait d’abord due à ce talisman d’origine métallurgique et divine, ensuite à l’ingéniosité de Dédale qu’Ariane avait, par amour, sollicité pour lui. Par ailleurs, Ariane est un nom d’astre évoquant la clarté. Elle éclaire le chemin, à la manière des constellations qui guident les navires. Ainsi, le mythe n’aboutit pas à la condamnation de la technique et de la science : car c’est aussi la science, la métis, qui, guidée par l’amour et secondée par les dieux, fait finalement triompher le bonheur et la vie. Le mythe ne jette pas non plus l’anathème sur le pouvoir en général : il valorise l’autorité favorable au démos, par opposition à la tyrannie qui l’opprime. Thésée, bon prince habile et courageux, tue le monstre, libère les prisonniers, et triomphe du tyran. Sa générosité et son courage lui permettent d’utiliser à bon escient les dons dédaliques, et s’opposent à l’appétit de puissance de Minos comme à la jalousie de Dédale. L’amour de la princesse Ariane qui lui apporte son aide, contrebalance la haine de Minos. Mais l’amour et le courage resteraient impuissants sans l’ingéniosité de Dédale et le talisman d’Héphaïstos, le dieu forgeron. Non seulement le récit valorise les capacités techniques et l’intelligence attique, mais il sous-tend une réflexion philosophique. Le labyrinthe est un objet ambivalent. Image de la prouesse technique, il peut certes devenir l’instrument de la bestialité ou de la férocité, mais il peut aussi les vaincre. Le mythe est le miroir de cette conscience. Il offre une double réflexion morale sur le pouvoir et le savoir, dont les effets peuvent être maléfiques ou bénéfiques selon l’usage qui en est fait…
Le retour de Thésée
L’épisode qui suit la mort du Minotaure, celui du retour de Thésée à Athènes, déploie la signification positive du mythe. Ce voyage réitère en l’amplifiant le schéma du labyrinthe. Plutarque raconte que Thésée, sur le chemin du retour, fit escale à Délos (Thésée, 21). Or Délos n’est pas tout à fait la route directe de Cnossos à Athènes : le trajet décrit une courbe. Thésée met le cap vers l’Est, vers le lever du soleil, puis il retourne vers l’Ouest, vers le soleil couchant. Il suit en quelque sorte une trajectoire solaire. Son détour redouble pour ainsi dire la courbe labyrinthique, mais, cette fois, au grand jour, dans une lumière apollinienne.
Car Délos est le sanctuaire d’Apollon, dieu qui, comme Thésée, a vaincu un monstre, le serpent Pytho dont les anneaux ne sont pas sans rappeler les entrelacs du labyrinthe. Apollon est la divinité de la lumière et de la pensée, de l’ordre mathématique et de l’harmonie, il conduit le chœur des Muses. Nous voici donc revenus à notre point de départ, mais à un autre niveau : si la boucle de la navigation de Thésée est labyrinthique, c’est, contrairement à la fuite de Dédale, au sens positif. Elle inaugure la conquête d’un ordre moral, social, intellectuel. La loi naturelle, perçue comme organisation rationnelle et beauté, n’a plus rien de la sombre horreur du sacrifice monstrueux. La science est désormais sublimée par l’art dont les mesures et les proportions se calquent sur celles du cosmos. Le temple rectiligne va succéder à la grotte sinueuse, la ligne droite au parcours ondulé. Dans l’univers mythologique, le créateur de ces nouvelles formes est encore Dédale, inventeur du fil à plomb comme du fil d’Ariane (Pline, H. N., VII, 198).
C’est pourquoi la vision exclusive du labyrinthe comme lieu de perdition semble relativement récente. C’est abusivement que le labyrinthe crétois a été entièrement assimilé à l’époque moderne, à une figure de tromperie : cette signification négative n’est qu’un aspect du mythe qui, sous formes d’exemples et de contre-exemples, développe une réflexion sur la loi, sur le savoir et sur le pouvoir. Si la valorisation des circuits labyrinthiques de Thésée coïncide avec l’essor de la cité démocratique et de ses conquêtes politiques et intellectuelles, elle illustre également un moment de formation de la conscience morale et civique où le libre-arbitre est au centre de la réflexion philosophique aussi bien que des débats démocratiques.
Du point de vue moral, l’aventure de Thésée doit en effet être mise en parallèle avec deux autres épisodes mythologiques qui correspondent à deux types extrêmes de labyrinthe, et schématisent les deux situations antithétiques virtuellement présentes dans la structure. Ce sont deux scènes de carrefour : celle d’Œdipe et celle d’Hercule. Œdipe au carrefour ne reconnaît pas Laïos qui lui refuse le passage, il se laisse emporter par la colère et tue son père : son aveuglement et sa passion en font un criminel (Sophocle, Œdipe roi, 800-830). Parricide, et bientôt incestueux, il attire sur lui le châtiment des dieux. Hercule au carrefour effectue au contraire un choix conscient entre le vice et la vertu : il se rend maître de son destin et connaîtra l’apothéose (Cicéron, De officiis, I, XXXII, 118 et III, V, 25)
D’autre part, lorsque Platon représente Minos en maître du jugement dernier, il le décrit siégeant dans la Prairie, au carrefour de la route conduisant vers les îles des Bienheureux et de celles se dirigeant vers le Tartare. Ainsi, le mythe, relayant et complétant le logos platonicien, est-il transformé en apologue : il modélise et dramatise le motif du choix à l’embranchement et celui de la bifurcation que l’on peut considérer comme une figure métonymique du labyrinthe. Au-delà des variations historiques et philosophiques de perspective, la structure rémanente du labyrinthe englobe donc deux situations limites et leurs différentes combinaisons dans une catégorie générale. Il y a des labyrinthes du succès et des labyrinthes de l’échec. Nous pouvons le constater au niveau individuel et collectif, au niveau politique et artistique, ainsi que d’un point de vue épistémologique.
Chacun des deux aspects antithétiques de ce symbole culturel, s’est développé à travers des genres littéraires différents. C’est ainsi qu’on peut retrouver l’archétype sous-jacent dans les métaphores spatiales qui jalonnent la définition aristotélicienne des deux grands genres que sont la tragédie et l’épopée (Aristote, Poétique). La tragédie peut être analysée comme un labyrinthe de l’échec d’où le protagoniste, enfermé par son aveuglement, ne peut sortir. La spirale labyrinthique devient invisible pour lui : sa cécité la transforme en cercle vicieux (Sophocle, Œdipe roi, 412-415). Le fil d’Ariane est toujours le symbole de la vie qui s’enroule et se déroule, mais il s’identifie au fil des Parques, à la destinée implacable, à la fatalité dont l’enchaînement s’avère inexorable. D’ailleurs, le Pseudo Platon déclare que le portrait péjoratif de Minos relève de la « fable attique propre à la tragédie » (Ps. Platon, Minos, 318c et s.), et les quelques fragments qui nous restent des tragédies perdues de Sophocle et d’Euripide sur ce thème, confirment ce jugement. Au contraire, l’épopée est un labyrinthe du succès où le héros conquiert sa liberté, son royaume, sa reine, en dépit des obstacles et grâce à ses qualités personnelles, c’est-à-dire en raison de sa valeur, mais également grâce à la protection d’un dieu ou d’une déesse qui joue le rôle inverse de la fatalité.
Dans la tragédie, les mouvements du chœur dans l’orchestra sont en rapport direct avec l’errance des prisonniers dans le labyrinthe (Sophocle, Œdipe roi, 487-488). Réduplication amplifiée des allées et retours du héros enfermé dans le cercle tragique, ils participent d’un mouvement de réflexion qui se résout en lamentation. Cependant, le caractère spectaculaire de la tragédie rouvre la spirale au niveau du public qui, instruit ou purifié par le théâtre, parviendra, quant à lui, échapper à l’aveuglement des protagonistes, à leur impiété et à leur immoralité. On pourra dès lors envisager différents types de catharsis suivant les différents niveaux de signification du mythe : une catharsis individuelle, la purgation des passions, mais aussi, en temps de crise, une purgation collective, par laquelle le corps social se libère de ses tensions internes et reconquiert son unité.
La danse
La danse délienne
Cette relation analogique et antithétique permet de justifier l’appellation de « chœur d’Ariane » , qui désigne le labyrinthe de Cnossos au chant XVIII de l’Iliade avec une triple signification : place de danse, groupe de danseurs et chorégraphie (Il., XVIII, 590-592). On peut dès lors le rapprocher d’une orchestra. La danse rituelle d’Ariane apparaît comme l’envers positif du chœur tragique. Cette danse consistait initialement en évolutions collectives, simulant peut-être un combat, car les danseurs homériques portent des épées. La « danse de Délos » exécutée par Thésée et ses compagnons est devenue pacifique. De nombreuses céramiques historiées en témoignent. Sur le « Vase François », le héros, représenté une lyre à la main, apparaît dans une fonction de chorège[27]. On raconte en effet que Thésée, près avoir tué le monstre et guidé vers la sortie du labyrinthe toute la troupe des jeunes prisonniers, fit avec eux escale sur l’île de Délos. Plutarque précise que, lors de cette escale, Thésée sacrifia au dieu, consacra une statue d’Aphrodite qu’Ariane lui avait donnée, puis, au cours de la nuit, exécuta avec les jeunes gens, garçons et filles, qu’il avait sauvés, une danse que lui avait enseigné Dédale. Cette danse, appelée geranos, « danse de la grue », « imitait les tours et les détours du labyrinthe », (Plutarque, Thésée, 21 ; Bacchylide, Dithyrambe III). D’après Pollux (IV, 20, 101) et Hésychius[28], les danseurs en file, se tenant par la taille ou par la main, formaient des cercles, menés par un maître de danse, nommé geranoulkos « celui qui tire la grue ». Peut-être ce dernier tenait-il une corde, comme le laissent supposer la mention de cordages destinés aux fêtes d’Aphrodite et d’Artémis Britomartis sur des inscriptions de Délos (B.C.H., VI, 1882, 23, 189 ; XXVII, 1903, 70, 56)[29]. En tout cas, il est certain que cette danse sacrée, qui s’est perpétuée dans les rites, mimait le parcours de Thésée dans le labyrinthe. Elle avait vraisemblablement pour fonction d’actualiser le sauvetage en célébrant la victoire de la vie. La chaîne que « tissent » les danseurs, selon les métaphores utilisées par Virgile (Aen. V, 580 sqq.), est une réduplication vivante du fil d’Ariane. On a rapproché les figures de la danse nuptiale du mâle de la grue, sans arriver à des conclusions très probantes. Dans le contexte printanier de la fête délienne, cette danse pourrait figurer les nœuds du mariage entre les jeunes gens, ou la chaîne des générations qui se succèdent, la vie sortant de la mort, ou encore la cohésion du corps social, et les différents liens qui relient la communauté des citoyens entraînés par leur chef. Elle a en tout cas un caractère initiatique marqué. Le tressage de la danse rejoint le champ sémantique du tissage. Or, Mircea Eliade situe le labyrinthe au sein d’un complexe magico-religieux plus vaste, celui du liage. Chez les Indo-Européens, cet archétype est en relation avec les symboles du « fil de la vie et du « tissage » de l’univers : il « se trouve organiquement intégré dans la souveraineté terrible divine ou humaine »[30]. Les observations de J. Scheid et Svenbro sur la métaphore gréco-latine du tissage confirment cette analyse. Le fil d’Ariane est en relation avec la fabrication des liens, des filets et des toiles, métaphore fréquente du tissu social que le souverain a pour fonction de nouer[31]. Ainsi Thésée, jouant le rôle du geranoulkos, mime son futur métier de roi, le métier de Zeus. La danse n’est pas seulement commémoration et actualisation, elle anticipe le» tressage » de la cité, métaphore de sa fondation. Claude Calame a montré que cette danse, exécutée d’abord en Crète, selon les scholies d’Homère[32], a été déplacée à l’époque classique dans l’île de Délos, lorsque le mythe de Thésée est devenu l’expression de l’idéologie impérialiste d’Athènes. Son sens initiatique s’enrichit alors d’une réflexion politique sur les limites du royaume, La circularité de la navigation de Thésée, redoublée par la danse délienne, figure une exploration mythique de l’empire maritime athénien dont Délos est le centre[33].
Le jeu de Troie latin et le « labyrinthe » d’Enée
Une danse du même genre est attestée à Rome sous le nom de Ludus Troiae, « jeu de Troie ». Il s’agissait d’une danse équestre. Sa représentation sur le vase étrusque du VIIe siècle, l’oinochoe de Tragliatella, montre sept cavaliers, et deux cavaliers sortant d’un labyrinthe à sept cercles portant l’inscription Truia. Une remarque de Pline associant le labyrinthe aux terrains de jeu des enfants (H. N. XXXVI, 19, 85), a fait supposer que les danseurs, à pied ou à cheval, suivaient le dessin de figures tracées sur le sol, comme aujourd’hui, dans le jeu du pallet, ou de la marelle, son lointain dérivé. La relation de la danse de Délos avec la ville de Troie a été jugée obscure. Certains estiment que le nom de Troie provient d’un mot étrusque qui signifie « arène ». Le mot désignerait donc « le terrain où se déroulaient les jeux ». Il est possible que des analogies entre les légendes de Troie et les légendes crétoises aient par la suite entraîné la localisation fautive du labyrinthe à Troie. Mais il est préférable de chercher l’explication de cette assimilation dans la légende des origines troyennes de Rome. La conception de Rome comme une « nouvelle Troie », très présente dans la propagande augustéenne, est liée au thème de la renaissance de la cité qui, précisément, était célébré par la danse du labyrinthe.
Le périple d’énée, d’Est en Ouest, suit en effet une courbe solaire et labyrinthique analogue à celui de Dédale et de Thésée. À un moment donné, le prince troyen pensait s’établir en Crète, croyant, sur la foi d’Anchise, y retrouver la terre de ses ancêtres que l’oracle d’Apollon lui avait dit de chercher (Énéide, III, 102-191). Mais il est averti en rêve par les dieux. Anchise s’est trompé et il faut reprendre la mer. L’escale crétoise d’énée résulte donc d’une erreur d’interprétation. Cette errance causée par une défaillance de la mémoire d’Anchise, constitue la seconde tentative ratée de fondation d’une nouvelle Troie, le premier échec ayant eu lieu en Thrace. Dans le parcours labyrinthique d’Énée, la fondation crétoise est une impasse qui se conclut par un retour et un nouveau départ. La dénomination romaine du « jeu de Troie », peut fort bien se comprendre par allusion à ce parcours labyrinthique où le héros fondateur de Rome, Énée, passant par La Crète avant d’aller en Italie, joue un rôle analogue à celui du héros fondateur d’Athènes, Thésée. Dès lors, la danse des grues, danse délienne, vaut pour Énée aussi bien que pour Thésée.
Marcel Détienne a expliqué l’appellation énigmatique de « danse des grues » par le fait que ces oiseaux étaient en Grèce un symbole de sagesse, notamment en raison de la diversité de leurs formations de vol adaptées à la direction du vent (Platon, Politique, 263d ; Aristote, Histoire des animaux, 8, 12, 597 a 4-32 ; élien, Nature des animaux, III, 13). À l’époque chrétienne, un passage de l’Exameron d’Ambroise de Milan, permet de préciser cette interprétation (Exameron, Dies V, sermo VIII, XV, 50-52). Les grues y sont considérées comme un modèle de l’État parfait, parce que, dans leur formation en vol, elles se relaient en tête pour guider la file. L’évêque y voit le modèle de la solidarité dans une démocratie où les magistratures sont partagées entre les citoyens. Il est probable que cet exemple, réutilisé par Ambroise pour décrire l’Église idéale, était, à Rome aussi, une figure traditionnelle, à valeur proverbiale, de la cohésion civique. Dans ce cas, il n’y aurait rien d’étonnant à ce qu’un tel modèle se soit perpétué, depuis l’époque archaïque, dans le cadre des cultes communs aux confédérations latines, par la danse sacrée du jeu de Troie, version romaine de « la danse des grues », commémorant la seconde fondation de la cité par le troyen Énée, et sa renaissance sur le sol italien. Héritier d’Énée, Auguste voulait apparaître comme le restaurateur de l’ancienne république, et comme un sauveur, tel un nouveau Thésée. C’est sans doute pourquoi ce rite archaïque resurgit au premier siècle.
Si la tradition n’a généralement retenu que le sens péjoratif du labyrinthe, synonyme de complication et de piège, c’est dû en partie au triomphe des valeurs classiques. Dans l’Athènes de Périclès comme dans la Rome d’Auguste, la mesure et la proportion règlent l’éthique et l’esthétique. Les lignes sinueuses et surabondantes sont bannies. Virgile décrit le labyrinthe comme une inextricable erreur et met l’accent sur la douleur de Dédale, (Aen., VI, 28). Dans la lumière apollinienne de la raison, le créateur du labyrinthe devient le prototype de l’Artiste maudit, criminel et désespéré. Gravé sur les portes du temple d’Apollon à Cumes son chef-d’œuvre, le labyrinthe, devient l’emblème d’un art compliqué, maléfique et stérile. Sa virtuosité funeste est ainsi moralement condamnée. À travers l’ekphrasis miniature du bas-relief ciselé dans l’or massif, Virgile définit, « en abyme » et en contrepoint, l’esthétique alexandrine baroque, maniériste ou précieuse, à laquelle il s’oppose. L’éloge de l’art augustéen s’y inscrit en creux, fondée sur l’équilibre, la grandeur, l’utilité, en accord avec l’ordre politique qui s’installe, et en réaction contre la profusion décorative et vaine de l’art hellénistique incarné par Dédale. Plus tard, en France, à l’âge classique, le triomphe de la mesure et de la raison cartésienne pérennisera cette lecture virgilienne. Certes, Montaigne avait déjà retrouvé les vertus de la démarche sinueuse, « à sauts et à gambades » ; et Leibniz, valorisera à son tour l’esthétique labyrinthique, y décelant la forme paradigmatique d’un baroquisme qui sous-tend sa vision du monde[34]. Mais l’inflexion péjorative était donnée. Au XIXe et XXe siècles, le règne du scientisme et du positivisme n’ont fait que l’accentuer. L’aspect fondateur bénéfique du labyrinthe a eu tendance à se perdre, et l’ambivalence constitutive du mythe s’est progressivement effacée : un seul épisode, le périple victorieux de Thésée, en a gardé la trace.
Sens épistémologique du mythe
Ces différents niveaux de signification morale, politique et artistique, n’épuisent cependant pas la richesse du mythe dont la dimension épistémologique s’affirme dans les derniers épisodes, comme Françoise Frontisi-Ducroux le précise dans sa postface[35]. On se souvient en effet que Minos avait voulu punir la complaisance coupable de l’ingénieur qui avait favorisé l’adultère monstrueux de son épouse, ou, selon une autre version, qui avait indiqué à Ariane et à Thésée la manière de s’échapper de la prison dédalique. Il avait fait jeter Dédale et son jeune fils Icare dans le labyrinthe. Dédale avait donc fini par être victime de sa propre ingéniosité. Mais les deux prisonniers avaient réussi à s’échapper par les airs en se fabriquant des ailes avec des plumes d’oiseau et de la cire. Cet envol constitue une figure nouvelle du labyrinthe. L’épisode peut être lu comme un récit paradigmatique illustrant les divers procédés de l’invention.
La solution utilisée par Dédale est en effet inverse de la précédente : au lieu de se couler dans le piège pour le traverser, il s’en écarte d’une manière imprévue et s’envole. À l’imitation analogique succède la substitution d’un moyen de transport à un autre et la translation de la trajectoire qui passe désormais, non par la terre, mais par le ciel, ou encore, selon certaines versions par la mer. L’envol ou la navigation se substituent à la marche, l’invention des voiles à la fabrication des ailes. La verticalité de l’abîme et des hauteurs célestes introduit la troisième dimension, riche de nouvelles possibilités de transpositions, donc de métaphorisations et de sens. Les deux solutions antithétiques, par le même et par l’autre, donnent deux paradigmes symétriques de l’invention, mais le déplacement fait, pour ainsi dire surgir « une interface » différente.
Ce n’est donc pas un hasard si le labyrinthe est simultanément conçu dans différentes perspectives et dans différentes dimensions. Le point de vue limité du prisonnier enfermé dans ses méandres, point de vue qui est également celui de la bête monstrueuse, s’oppose à la vision panoramique des hommes oiseaux que sont devenus Dédale et Icare : ils ont acquis la vision surplombante du savant ou du dieu. Le labyrinthe, vu d’en haut, fait apparaître la solution. Le chef-d’œuvre offre alors, en quelque sorte la projection plane de l’intelligence dédalique. C’est un diagramme qui reflète la virtuosité du concepteur. L’architecture visualise la complexité, elle en donne une vision sublime, synthétique et abstraite. La dénomination du « dédale », qui désigne l’invention du nom même de l’inventeur, traduit cette spécularité.
La signification de l’envol dédalique est peut-être dans ce recul qui symbolise la force d’abstraction caractéristique du créateur. Ceci justifie la façon dont Virgile décrit le labyrinthe à la manière d’un problème à résoudre, en des termes qui l’assimilent à un raisonnement mathématique.
Une réduplication supplémentaire du motif le confirme dans la suite du récit. On dit en effet que, poursuivi par la haine de Minos, Dédale alla se cacher en Sicile chez le roi Cocalos (Hyg., Fab. ,40). Minos, pour le débusquer, mit Cocalos au défi de faire passer un fil à travers une coquille d’escargot. Le roi de Sicile se fait fort d’y parvenir et va porter le coquillage à Dédale. Le savant attache le fil à une fourmi, perce le sommet de la coquille et y introduit l’animal. Il est ainsi démasqué par sa propre subtilité : Minos réclame alors le fugitif (Apollod., Ep. I, 14). Cette anecdote n’est qu’un redoublement miniaturisé de l’épisode du fil d’Ariane, car le coquillage est une autre figure du labyrinthe en spirale (Anthologie Palatine, VI, 224).
Le jeu spéculaire de ces épisodes successifs, donne à la chaîne du récit l’aspect d’un enroulement, du labyrinthe le plus vaste, le monument, figure du monde, au plus petit, le labyrinthe coquillage. Le mythe lui-même procède par inclusion de séquences répétitives : il est lui-même structuré comme un labyrinthe en anneaux qui tournent et retournent sur eux-mêmes. Si, de plus, l’on remarque que le moyen infaillible d’identifier l’ingénieur est son mode de raisonnement, on voit ce que le mythe, sous une apparence simple, apporte à la réflexion épistémologique. En montrant les ressorts, la trajectoire et les conséquences, il est une mise en abîme de la pensée elle-même. Quant au labyrinthe, figure matricielle du récit (mythos) comme du raisonnement (logos), il en extériorise la structure, soit enchâssée, en abîme, dans l’histoire, soit au contraire englobée, concentrée, et comme enroulée dans l’image. Le dessin du labyrinthe est la figure programmatique de l’invention, symbole épistémologique s’il en est. Bref, conformément aux conclusions de Claude Lévi-Strauss, le mythe se définit lui-même comme un mode de pensée[36].
Vu ainsi, le mythe contient à la fois une image du chef-d’œuvre et une analyse du fonctionnement de l’esprit. Pour employer une terminologie linguistique, le schème du labyrinthe synthétise l’axe syntagmatique du mythe, qui se situe dans la durée, et l’axe paradigmatique du symbole atemporel.
Dans la durée, il montre que ce sont les obstacles qui stimulent l’imagination de l’ingénieur, comme l’a remarqué Françoise Frontisi-Ducroux[37]. La virtuosité de Dédale se fait de plus en plus subtile à mesure que la difficulté s’accroît. L’architecture du monument est déjà brillante, mais l’idée du fil conducteur est encore plus ingénieuse que la précédente. L’enroulement du fil dans la petite pelote reproduit celui du labyrinthe, il en est le double positif, suggérant que tout problème recèle en lui-même sa solution. Mais l’évasion par les airs surpasse encore les idées précédentes, en mettant en œuvre un concept hardi tout autant qu’une dextérité hors pair dans la fabrication des ailes. Le mythe modélise ainsi successivement différentes sortes de raisonnements : l’analogie, la transposition, l’induction et la déduction. D’ailleurs, on utilise encore aujourd’hui la métaphore spatiale, « le fil du raisonnement », calquée sur celle de « fil d’Ariane ». Le parcours labyrinthique n’est donc pas seulement un récit initiatique ou étiologique de la civilisation, il schématise avec précision la démarche de la pensée et le processus même qui régit le progrès scientifique et technique.
Cependant, on réduirait singulièrement la portée du symbole labyrinthique en le limitant à une projection matérielle des circonvolutions du cerveau. Le processus de l’invention n’est pas un éternel retour, un recommencement cyclique facile à prévoir et à dessiner. Il suppose un mouvement imprévisible et un renouvellement infini. Selon la formule de Marcel Detienne, le labyrinthe gréco-romain est « un espace mouvant où l’intelligence de celui qui connaît le droit et le courbe, le début et la fin, se donne à lire dans le vol d’une grue et dans la spirale d’une vis sans fin »[38]. La redondance et la variation continues, éléments générateurs du récit, sont déclenchées par des points de rupture, les bifurcations qui se situent chacune à un instant mystérieux et insaisissable. L’irrationnel et le discontinu s’introduisent dans le processus. Le mythe figure donc à la fois l’avènement de la pensée rationnelle, au mécanisme prévisible, et l’irruption de l’intuition qui dévoile des virtualités jusque-là insoupçonnées. C’est pourquoi l’on peut y reconnaître un archétype, au sens bachelardien du terme. Il « explique » et « traduit » pour ainsi dire « en images », le développement de la civilisation comme un déroulement des virtualités enroulées dans sa structure, à travers les inventions scientifiques, artistiques, littéraires, que sont la musique, le chant, la danse et l’architecture. Les tours et les retours labyrinthiques, ses plis et ses méandres, se définissent comme une démarche intrinsèque à toute pensée créatrice.
De plus, en figurant le côté positif de l’errance, le parcours labyrinthique dévoile à sa manière un principe que le philosophe Gaston Bachelard a formulé, à savoir que la science progresse « d’erreurs en erreurs »[39]. Elle n’avance en effet que par destruction successive des hypothèses précédentes qu’informe successivement l’imaginaire de chaque époque et de chaque peuple. C’est de détours en détours, d’errances en erreurs, comme dans un labyrinthe, que les savants se rapprochent de la lumière, c’est-à-dire de la vérité, sans jamais l’atteindre définitivement. Sous cet angle, la dialectique du labyrinthe recouvre le cercle herméneutique. Platon avait déjà utilisé l’image labyrinthique pour définir le caractère insaisissable de la vérité scientifique que la raison critique et l’intuition, sans relâche, remettent en jeu, entraînant sans cesse de nouveaux parcours apparemment aporétiques (Platon, Euthydème, 291b). L’épistémologie moderne, non-cartésienne, lui rend sa pertinence.
Conclusion
Le mythe du labyrinthe n’est donc pas aussi négatif qu’il peut sembler à première vue. Si nous récapitulons : nous sommes passés successivement du culte archaïque à la conscience politique et à la philosophie morale, puis de la fabrication technique à la science spéculative et à l’épistémologie. Nous sommes passés du labyrinthe caverne ou monument, objet matériel, au symbole cosmique, miroir de la psyché, parcours initiatique ordalique et moral, jusqu’à une figure abstraite : la simple trace d’une pensée en mouvement. Cette trace est un parcours bien plus qu’un espace et se matérialise dans la danse plus encore que dans le dessin. Le labyrinthe n’est pas seulement le prototype du chef-d’œuvre, il donne en même temps la méthodologie et la problématique de l’invention. Figure ambivalente, performative et paradigmatique, génératrice de structures multiples, il n’est pas seulement un symbole, ni même un archétype parmi d’autres : il est l’archétype même du symbolisme. Non seulement il traverse toutes les catégories du réel, mais il figure également la chaîne ou le fil qui les relie, c’est-à-dire la médiation elle-même. Il apparaît ainsi comme un opérateur métapoétique du sens. Le schème du labyrinthe recouvre le cercle ou plutôt la spirale herméneutique. Représentation énigmatique des invariants universaux qui sous-tendent la pluralité infinie des systèmes, il pointe vers la transcendance. Ces courbures mobiles selon lesquelles se déplient les formes de l’univers, ces fils complexes de la pensée et de l’existence humaine, tous ces réseaux enchevêtrés d’interfaces différentes que nous donne à penser l’épistémè moderne, apparaissent comme la projection élaborée du labyrinthe immémorial. Image de la Création de la nature, mais aussi formule matricielle de la culture qui en est le couronnement, cet emblème épistémologique n’est pas invalidé par la science actuelle. Il permet de représenter la spéculation rationnelle, le logos, dans sa polarité dynamique avec le mythe, c’est-à-dire avec l’imaginaire qui, tour à tour, lui fait obstacle et le stimule. Le labyrinthe définit un processus de création. Il en exprime déjà avec force l’enjeu éthique. Cet antique miroir de notre pensée est donc toujours d’actualité. C’est pour cela peut-être que le schème du labyrinthe est à nouveau si présent dans notre culture.
Notes
[1] Gilbert Durand, « L’homme religieux et ses symboles », Traité d’anthropologie du sacré, sous la direction de Julien Ries, vol. 1. Les origines et le problème de l’homo religiosus (première éd. Jaca Book SpA, Milano, 1989), Desclée, Paris, 1992, 73-119 ; Jean-Pierre Vernant, « Raisons du mythe », Mythe et société en Grèce ancienne (première édition 1974), Paris, La Découverte, 2004, p. 195-250 ; Marcel Detienne, L’invention de la mythologie, Paris, Gallimard,1981.
[2] Paolo Santarcangeli, Le livre des labyrinthes. Histoire d’un mythe et d’un symbole (= Il libro dei Labirinthi, Florence, 1967), Paris, Gallimard, 1974 ; Herman Kern, Labyrinthe. Erscheinungsformen und Deutungen, 5000 Jahre Gegewart eines Urbilds, Münschen, Prestel, 1982 ; Ernst Léonardy, « Le signe du labyrinthe dans le miroir de ses lectures successives », Bruxelles, Publication des fac. Univ. St Louis, 1986 ; Pierre Rosenstiel, « Le dodécapole ou l’éloge de l’heuristique », Cartes et figures de la terre, Paris, Centre Pompidou, 1980, p. 94-103 ; Penelope Dood Reed, The Idea of the Labyrinth from Classical Antiquity through the Middle Ages, Cornell Univerity Press, Ithaca and London, 1990 ; Michèle Dancourt, Dédale et Icare : situation du mythe dans la culture européenne, thèse de doctorat, Université de Paris-III, 1994 ; C. Calame, Thésée et l’imaginaire athénien, Payot, Lausanne, 1996 ; J. Attali, Chemins de sagesse : traité du labyrinthe, Paris, Fayard, 1996 ; F. Frontisi-Ducroux, Dédale. Mythologie de l’artisan en Grèce ancienne (1975). Postface inédite de l’auteur, Paris, La découverte / poche, 2000.
[3] John Scheid, Jesper Svenbro, Le métier de Zeus: mythe du tissage et du tissu dans le monde gréco-romain, Paris, La Découverte, 1994, p. 11.
[4] Timoty Gantz, Mythes de la Grèce archaïque, (= Early Greek Myth. A guide to Literary and Artistic Sources, Baltimore, 1993), traduit par Danièle Auger et Bernadette Leclercq-Neveu, Paris, Belin, 2004, p. 462-465.
[5] Strabon, Le voyage en égypte. Un regard romain. Préface de Jean Yoyotte, trad. de Pascal Charvet, commentaires de J. Yoyotte et P. Charvet, postface de Stéphane Gompertz, éd. Nil, Paris, 1997, p. 67 & 147-148.
[8] Pline l’Ancien, Histoire naturelle, XXXVI, texte établi par J. André, traduit par R. Bloch, commenté par A. Bouveret, Paris, Les Belles Lettres, 1981, note 1 § 85, p. 191.
[9] Pierre Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Paris, Klincksieck, 1984, p. 610 ; Paul Faure, op. cit., p. 166-167.
[10] James George Frazer, Le Rameaud’or ( = Golden bough, 1931) Préface de Nicole Belmont, Michel Izard, trad. de Pierre Sayn, Lilly Grove Frazer, Henri Peyre, éd. M. Laffont, Paris, 1983, p. 63-67.
[15] Mircea Eliade, Initiations, rites et sociétés. Naissances mystiques, Paris, Gallimard, 1959, p. 236.
[18] C. G. Jung, Psychologie et alchimie (= Psychologie und Alchemie, Zürich, 1944), § 122-126 et 325-331, traduit de l’allemand et annoté par Henry Pernet et le docteur Roland Cahen, éd. Buchet Chastel, Paris, 1970, p. 125-134 et 285-292; K. Ferenyi, op. cit., p. 124-125.
[19] Karl Kerenyi, Labyrinth studien, Zürich, Rhein-Verlag, 1950; Dionysos, Archetypal image of indestructible Life, translated from the German of the author’s manuscript by Ralph Manheim, Bollingen series LXV. 2, Princeton University Press, 1976, p. 89-125.
[26] F. Frontisi-Ducroux, op. cit., p. 135-150 et M. Detienne, La grue et le labyrinthe, op. cit., p. 22.
[31] John Scheid, Jesper Svenbro, Le métier de Zeus: mythe du tissage et du tissu dans le monde gréco-romain, Paris, La Découverte, 1994, p. 172-177.
[36] Claude Lévi-Strauss, La pensée sauvage, Paris, Plon, 1962 ; Mythologiques I, II, III, IV (Paris, Plon, 1964-1971.