Corin Braga
Babeş-Bolyai University, Cluj, Romania
Le « mythe noir » des Amériques : du « bon sauvage » à la « beste effarable »
The “Black Myth” of the Americas: From the “Good Savage” to the “Ferocious Savage”
Abstract: The first explorers of the Americas – Columbus, Vespucci, Verrazano or Cartier – created a paradisiacal and messianic image of the New World and its inhabitants. But this heavenly imaginary is only the positive side of a more complicated and labile vision. In the period before the religious wars, what can be noticed is that, at least in some cases, the European explorers, historians, geographers and scholars changed their perception on the New World. America became a negative mirror of Europe. If American natives had previously been seen as Adamic and heavenly creatures, they now turned into a demonic population, worshipping idols. Their paradisiacal innocence was replaced by the condition of eternally damned humans. The counterpart of the “good savage”, or the “gentle native” in Numa Broc’s terms, was the “ferocious savage”. Whereas the New World had previously been a garden of God, it now appeared as a world possessed by the devil. The first ideological purpose of this evolution is obvious: under these circumstances, colonization becomes a crusade, a work of mercy and salvation, and the conquistadors see themselves as Messiahs who bring Satan’s peoples on Jesus Christ’s side. The goal of my present paper is to describe the change America underwent in the European imagination largely due to the experience of colonization.
Keywords: New World, discovery, imagology, good savage, the black myth of the Americas
Les premiers explorateurs des Amériques, Colomb, Vespucci, Verrazano ou Cartier, ont imposé une image paradisiaque et messianique du Nouveau Monde et de ses habitants. Mais cet imaginaire édénique n’est que la face positive d’une vision plus compliquée et labile. Dans la période qui prépare les guerres de religion, nous assistons, du moins chez une partie des explorateurs, des historiens, des géographes et des érudits européens, à un renversement de position imaginaire envers le Nouveau Monde. L’Amérique se transforme en un miroir négatif de l’Europe. D’une humanité adamique et paradisiaque, les Amérindiens deviennent une population idolâtre et démoniaque. Leur innocence prélapsaire est remplacée par la condition de damnés éternels. Le « bon sauvage », l’« indigène doux » comme dit Numa Broc, trouve sa contrepartie dans le « sauvage féroce ». D’un jardin de Dieu, le Nouveau Monde apparaît comme un monde possédé par le diable. Le but idéologique liminaire de cette évolution est patent : dans ces conditions, la colonisation devient une croisade, une œuvre de miséricorde et de salut, et les conquistadors posent en des messies qui rachètent pour Jésus-Christ des peuples en proie à Satan. Mon travail se propose de mettre en lumière le renversement imagologique que l’expérience de la colonisation a imposé à l’imaginaire européen des Amériques.
A partir de la deuxième moitié du XVIe siècle, surtout après la proclamation de la Contre-Réforme, l’anthropologie du « bon sauvage » esquissée par Colomb et les premiers explorateurs fait place à la conception du « mauvais sauvage ». Parallèlement à cette évolution idéologique, la perspective des explorateurs change à son tour. Si les explorateurs de la première génération, émerveillés par leurs découvertes, avaient tendance à imaginer les indigènes comme des hommes adamiques, les observateurs appartenant aux générations suivantes, même quand ils n’étaient pas menés par des intérêts coloniaux, sont devenus plus critiques et malveillants. Aux yeux de Hans Staden, d’André Thévet ou de Jean de Léry, les Amérindiens sont des sauvages « nus, féroces et anthropophages ».
La raison de ce changement d’attitude est à chercher au moins dans deux directions. D’un côté, il s’agit de l’impact de la vie empirique sur la fantaisie des Européens. Si les découvreurs de l’Amérique et surtout leurs correspondants de cabinet de l’Ancien Monde pouvaient rêver librement et imaginer des paradis retrouvés et des utopies dans le Nouveau Monde, les colonisateurs se heurtaient aux réalités moins complaisantes de la vie pratique. Menacés littéralement d’extinction ethnique, les « Indios de paz » se transformaient souvent en « Indios de guerra »[1]. La sympathie messianique avec laquelle ils avaient accueilli les visiteurs (Colomb rapporte que les Indiens « croyaient que nous descendions du ciel »[2]) s’était inévitablement métamorphosée en hostilité. Le désir d’appropriation des colons était ainsi obligé de passer de la première phase mise en évidence par Friedrich Wolfzettel, l’illusion, à la deuxième, la désillusion[3].
De l’autre côté, le changement d’attitude a été suscité par le durcissement de positions idéologiques dû aux guerres de religion. Aux yeux de l’Eglise catholique, mais aussi des principales confessions réformées, les projets millénaristes formulés par diverses sectes hétérodoxes étaient devenus suspects. Les utopies sociales des franciscains au Mexique perpétrées par Gerónimo de Mendieta, Toribio Motolinia, Andrés de Olmos, Francisco de Las Navas ou Vasco de Quiroga ont trouvé leur fin en 1570, avec l’arrivée de l’Inquisition dans le Nouveau Monde. Après le Concile de Trente, le mythe renaissant du « bon sauvage », en tant qu’hypostase d’un homme adamique, commence à être vu comme hérétique. Le dogme réconforté affirmait que l’humanité est déchue en sa totalité et que les tentatives pour refaire un état prélapsaire sont des apostasies de la croyance chrétienne du rachat par Jésus-Christ.
Nous retrouvons ainsi le noyau même du conflit qui, dans la religion judéo-chrétienne, avait déterminé la fermeture du jardin d’Eden : ceux qui se proposent de refaire le Paradis sur terre contreviennent aux arrêts divins. Les explorateurs apparaissent comme des avatars modernes des quêteurs du centre sacré. Et, de même que les héros médiévaux étaient obligés, par respect du dogme, d’abandonner leurs tentatives pour obtenir la condition adamique, de même les rêveurs de la Renaissance ont été forcés, sous menace d’anathème, à renoncer à la vision d’une humanité exempte de péché.
Le processus de censure religieuse de l’imaginaire du « bon sauvage » de la Renaissance peut être mis en évidence dans les travaux de deux auteurs français qui ont participé aux tentatives d’installation de colonies huguenotes dans le Nouveau Monde[4]. Pendant la deuxième moitié du XVIe siècle, l’amiral Gaspard de Coligny, futur chef du parti protestant, a organisé plusieurs expéditions au Brésil (entre 1555-1560) et en Floride (entre 1562-1565). Les entreprises ont échoué à cause des ripostes des Portugais (la colonie brésilienne a été détruite par l’armada du gouverneur Mem de Sà) et des Espagnols (les colons de la baie de Matanzas ont été massacrés par les troupes de Pedro Menéndez de Avila), mais au moins elles ont procuré aux Français quelques expériences ethnologiques de première main.
A la mission en « France Antarctique » ont participé deux érudits qui ont livré des relations fort symptomatiques de leurs contacts avec les peuples aborigènes. Le premier est André Thevet, géographe du roi (plus précisément de quatre rois consécutifs) et explorateur occasionnel du Nouveau Monde. Eduqué dans un couvent de cordeliers, Thevet avait commencé sa carrière dans la période d’avant les guerres de religion et de la Nuit de la saint Barthélemy. Indécis entre catholicisme et protestantisme, il s’est laissé entraîner dans les projets de l’amiral de Coligny. En 1555, il embarque en tant que géographe et ethnographe sur les bâtiments conduits par le chevalier Nicolas Durand de Villegagnon qui font cap vers l’embouchure du Rio de Janeiro. Sa mission au Brésil est de courte durée, Thevet retournant en France après dix semaines de fièvre continue. Cependant il rapporte avec lui un dossier avec des enquêtes sur les mœurs des aborigènes, recueillies par les colons à l’instigation de Villegagnon. Thevet publie ce recueil en 1557 sous le titre Les singularitez de la France Antarctique et sous son nom, quoique le texte ait été stylisé sinon rédigé par quelqu’un d’autre, le lettré Mathurin Héret (qui ne tardera pas à intenter un procès de paternité littéraire).
Le travail de l’« équipe » Thevet-Héret dans la préparation du matériel est multiple. Premièrement, les informations sur les natifs du Brésil sont mises dans la trame d’une narration de voyage. Thevet rassemble plusieurs relations (de Colomb, de Vespucci, de Ponce de Leon, de Pizarro, d’Orellana, de Cartier, etc.) et les enchaîne dans un exposé géographique qui lui permet de couvrir d’une seule ligne tout ce que la France savait sur les nouveaux mondes, de l’est à l’ouest et du sud au nord. Le périple narratif commence par la descente vers le sud de l’Afrique et son contournement jusqu’à Madagascar, puis par la volte-face vers l’Amérique du Sud, avec deux stations sur Rio de Janeiro et sur l’Amazone, par la remontée vers les Antilles (englobées avec le Pérou), puis vers la Floride et l’Amérique du Nord jusqu’au Canada.
Deuxièmement, les informations sont doublées d’un commentaire érudit, avec des renvois à la mythologie et à la science classiques. Cet « emballage » était destiné, comme le montre Frank Lestringant[5], à réduire l’inconnu ethnographique au savoir traditionnel ou, comme le dit Jean-Michel Racault, à « gloser l’inconnu par le connu »[6]. Evidemment, bien qu’elle ait le mérite de mieux orienter des lecteurs qui autrement se seraient senti totalement dépaysés, cette procédure introduit de faux effets de perspective. Troisièmement, et plus important de notre point de vue, les deux auteurs imposent aux autochtones américains une perspective axiologique conforme aux valeurs du Concile de Trente, ce qui conduit à une dépréciation et à une satanisation de leur image.
Le second processus, la déformation de l’image des Amérindiens dans le sens de la mythologie classique et médiévale, peut être mis en évidence dans la figure des Amazones. Bien qu’il n’ait pas rencontré personnellement un tel peuple, Thevet part des vagues informations ébruitées déjà par Colomb et amplifiées par la relation de Francisco de Orellana. Orellana avait été un compagnon de Pizzaro dans la conquête du Pérou et le premier explorateur du grand fleuve sud-américain. Durant son expédition de 1540-1541, au cours de laquelle il descendit le fleuve depuis les Andes jusqu’à l’Atlantique, Orellana crut à un certain moment être attaqué par une population qui lui sembla entièrement féminine. Le mythe antique des Amazones émergea aussitôt dans son imagination, ce qui valut à l’Amazone son nom actuel.
Bien que des doutes planassent déjà sur la validité de l’identification faite par le conquistador espagnol, Thevet décide de prendre le parti du mythe. « Quelques-uns, commente-t-il, pourraient dire que ce ne sont Amazones, mais quant à moi, je les estime telles, attendu qu’elles vivent tout ainsi que nous trouvons avoir vécu les Amazones de l’Asie ». Et le géographe continue en collant sur une information ethnographique des plus vagues et douteuses la description standard des Amazones : « Elles sont séparées d’avec les hommes et ne les fréquentent que bien rarement, comme quelquefois en secret la nuit ou à quelque autre moment déterminé. Ce peuple habite en petites logettes et cavernes contre les roches [contamination par la figure du troglodyte], vivent de poisson ou de quelques sauvagines, de racines et quelques bons fruits que porte ce terroir. Elles tuent leurs enfants mâles, incontinent après les avoir mis sur terre ; ou bien les remettent entre les mains de celui auquel elles les pensent appartenir. Si c’est une femelle, elles la retiennent à soi, tout ainsi que faisaient les premières Amazones »[7].
Pour prévenir les possibles doutes sur l’origine de ces femmes guerrières américaines, Thevet, ou plutôt Héret, n’hésite pas à leur fabriquer de toutes pièces une généalogie classique. L’auteur invoque quatre nations d’Amazones : celles d’Afrique, les plus anciennes, entre lesquelles figurent les Gorgones qui avaient Méduse pour reine ; celles de Scythie, près du fleuve Tanaïs [le Don], dont parle Hérodote ; celles d’Asie, près du fleuve Thermodon, visitées par Alexandre ; et celles d’Amérique, émigrées dans ce continent sous leur reine Penthésilée, après la chute de Troie. Tout compte fait, si selon les divers érudits de l’époque les Amérindiens étaient des descendants des dix tribus d’Israël, des Mongols, des Tatars, de Gog et Magog et d’autres peuples de Scythie, pourquoi la très connue race des Amazones aurait-elle été privée d’avoir des représentants dans le Nouveau Monde ?
L’adaptation de la « matière d’Asie » au continent américain devient ouvertement malveillante quand il s’agit des Tupi-Guarani, population pratiquant le cannibalisme. Bien sûr, il n’est pas question de s’attendre à ce que les érudits de la Renaissance comprissent quoi que ce soit aux rites chamanistes de prélèvement du pouvoir (la force de vie) des ennemis (ou même d’un parent mort) et de purification après la mise à mort du prisonnier. Alors, l’équipe Thevet-Héret, imprégnés comme l’étaient tous les deux des traditions sur les anthropophages scythes et indiens, traduit les rites de consommation de la chair humaine dans le « langage » européen de l’élevage, la mise à mort et le dépècement du bétail (de préférence le porc). « Le prisonnier […] sera fort bien traité quatre ou cinq jours, après on lui baillera une femme, par aventure la fille de celui auquel il sera le prisonnier, pour entièrement lui administrer ses nécessités à la couchette ou autrement ; cependant est traité des meilleures viandes que l’on pourra trouver, s’étudiant à l’engraisser comme un chapon en mue jusques au temps de le faire mourir. […] Le corps, ainsi mis par pièces et cuit à leur mode, sera distribué à tous, quelque nombre qu’il y ait, à chacun son morceau. Quant aux entrailles, les femmes communément les mangent, et la tête, ils la réservent à pendre au bout d’une perche sur leurs logettes, en signe de triomphe et victoire ; et spécialement prennent plaisir à y mettre celles des Portugais »[8].
Par ce procédé d’imagologie hostile, les Amérindiens sont assimilés aux races bestiales du Moyen Age. Thevet cite plusieurs comportements et coutumes destinés à démontrer que ses sujets d’étude ne participent pas des critères qui, selon des érudits comme Pierre d’Avity, garantissent la condition humaine. « Ce pauvre peuple est si mal appris que pour le vol d’une mouche ils se mettront en effort. Si une épine les pique, une pierre les blesse, ils la mettront de colère en cent mille pièces, comme si la chose était sensible ; ce qui ne leur provient que par faute de bon jugement. Davantage, ce que je dois dire pour la vérité, mais je ne puis sans vergogne, pour se venger des poux et puces, ils les prennent à belles dents, chose plus brutale que raisonnable »[9]. Par « faute de bon jugement », le commentaire malveillant de Thevet entend rien moins que l’absence de la raison, c’est-à-dire du don réservé par Dieu aux hommes.
Les autres caractéristiques de l’homme sauvage américain deviennent les prétextes d’une série d’accusations tout aussi graves. Si une lignée entière d’explorateurs, de Colomb à Bougainville, voyait la nudité des indigènes comme un symptôme d’innocence adamique, comme la preuve d’un état sans connaissance du péché originel, André Thevet adopte l’attitude contraire. Son commentaire témoigne moins d’une morale personnelle excessivement pudibonde, que de la politique – en cours de formulation à Trente – de persécution des visions occultes, millénaristes et humanistes qui escamotaient la doctrine du péché originel et formulaient des projets de restauration de l’homme ici et maintenant. Ainsi, les « Amériques » (les Amérindiens) ne connaissant pas l’habit sont bannis dans la catégorie des sectes gnostiques antiques et hérétiques médiévales, comme les Adamites : « Quant à cette nudité, il ne se trouve aucunement qu’elle soit du vouloir et commandement de Dieu. Je sais bien que quelques hérétiques appelés Adamians, maintenaient faussement cette nudité, et les sectateurs vivaient tous nus, ainsi que nos Amériques dont nous parlons, et assistaient aux synagogues pour prier à leur temples tout nus. Et par ce l’on peut connaître leur opinion évidemment fausse ; car avant le péché d’Adam et Eve, l’Ecriture sainte nous témoigne qu’ils étaient nus, et après se couvraient de peaux, comme pourriez estimer de présent en Canada. Laquelle erreur ont imité plusieurs, comme les Turlupins et les philosophes appelés cyniques, lesquels alléguaient pour leurs raisons, et enseignaient publiquement l’homme ne devoir cacher ce que nature lui a donné. Ainsi sont montrés en hérétiques plus impertinents après avoir eu la connaissance des choses, que nos Amériques »[10].
Mais l’animalité et ses séquelles, la nudité, l’anthropophagie, l’absence d’institution (dans le sens européen du terme), sont la moindre des accusations que l’équipe Thevet-Héret formule contre les Amérindiens. La pauvreté d’esprit les rend, pensent les auteurs, vulnérables à des erreurs qui touchent à l’hérésie et à l’idolâtrie, comme par exemple l’oniromancie et autres formes de divination : « Davantage, nos sauvages, ainsi dépourvus de raison et de la moindre connaissance de vérité, sont fort faciles à tomber en plusieurs folies et erreurs. Ils notent et observent les songes diligemment, estimant que tout ce qu’ils ont songé doit incontinent ainsi devenir. […] Les sauvages ont encore une autre opinion étrange et abusive de quelques-uns d’entre eux qu’ils estiment vrais prophètes, et les nomment en leur langue pagés, auxquels ils déclarent leurs songes, et les autres les interprètent ; et ont cette opinion qu’ils disent la vérité »[11]. Les pagés, chamans, prophètes, médecins et guérisseurs, sont appelés aussi charaïbes (« qui vaut autant à dire demi-dieux »), ce qui met d’emblée un point d’interrogation sur les capacités réceptive et compréhensive des explorateurs européens. En effet, par quels étranges mécanismes imagologiques le terme qui, selon ce témoignage de Thevet, désigne les « clercs », les religieux, les responsables de la communication avec la surnature et le sacré, le charibe, est-il devenu un synonyme de la plus répugnante race monstrueuse, le cannibale ?
Les pratiques chamaniques de divination donnent à Thevet, ou plutôt à Héret, l’opportunité de passer en revue les techniques mantiques de l’Antiquité, que la Renaissance redécouvrait avec la philosophie mystique du néoplatonisme, de l’hermétisme et de la Kabbale. Ainsi, l’érudit auteur devient à l’occasion un historien des religions comparées, qui invoque les religions des Lacédémoniens, des Persans et les figures de Philo, Trogus Pompeius, Pline, Macrobe et autres maîtres de l’ésotérisme.
Thevet et Héret montrent incontestablement un certain intérêt, innocent ou pervers, pour ces sujets sulfureux. Mais il faut se souvenir que, après sa jeunesse pré-tridentine assez instable idéologiquement, à mesure que l’Eglise devenait de plus en plus intolérante, Thevet est devenu un catholique fervent, même rigide. Cette conversion, symptomatique de toute une génération, se ressent dans son attitude envers le chamanisme amérindien. Parlant de ces croyances, le texte fait la distinction entre la magie blanche et la magie noire (« D’icelle magie nous trouvons deux espèces principales, l’une par laquelle l’on communique avec les esprits malins, [l’autre] qui donne intelligence des choses les plus secrètes de nature »), que les philosophes-mages de la Renaissance invoquaient fréquemment pour différencier leurs recherches théoriques de la sorcellerie. Or, Thevet assimile le chamanisme à la magie noire, à la sorcellerie, que toutes les instances religieuses de l’époque s’empressaient de faire monter sur le bûcher.
La religion des Amérindiens retombe ainsi dans la même catégorie d’hérésie que les religions païennes antiques : « Les Amériques ne sont les premiers qui ont pratiqué la magie abusive ; mais avant eux elle a été familière à plusieurs nations, jusques au temps de Notre-Seigneur, qui a effacé et aboli la puissance de Satan, laquelle il exerçait sur le genre humain »[12]. Voilà donc que l’accusation de bestialité, et son corollaire, le manque de discernement rationnel, sont la cause d’une bien plus grande perversion, l’idolâtrie et le démonisme. Les rituels chamaniques sont interprétés comme des formes de possession ou de pacte avec le diable, Thevet remarquant que « ces pauvres gens, encore qu’ils ne soient raisonnables pour être privés de l’usage de la vraie raison et de la connaissance de Dieu, sont sujets à plusieurs illusions fantastiques et persécutions de l’esprit malin. […] Car l’esprit malin ne s’étudie qu’à séduire et débaucher la créature qui est hors de la connaissance de Dieu. Ainsi ces pauvres Amériques voient souvent un mauvais esprit tantôt en une forme, tantôt en une autre, lequel ils nomment en leur langue Agnan [Anhanga], et les persécute bien souvent jour et nuit, non seulement l’âme, mais aussi le corps, les battant et outrageant excessivement »[13].
Il est possible qu’André Thevet (avec le concours de Mathurin Héret) ait adopté cette position très orthodoxe parce que, comme il arrive souvent dans des atmosphères sociales tendues, il se sentait lui-même vulnérable aux dénonciations d’hétérodoxie. En effet, deux décades plus tard, François de Belleforest, dans sa Cosmographie universelle de tout le monde (1575), l’accusera d’impiété. Il reste cependant que le processus de satanisation des Amérindiens que Thevet met en marche n’est pas singulier, mais devient emblématique pour toute l’époque post-tridentine. Et ce processus vaut non seulement pour les catholiques, mais aussi pour les protestants, comme le montre le cas en quelque sorte symétrique de Jean de Léry.
Jean de Léry avait été envoyé en 1556 par Calvin en mission auprès de Villegagnon, le chef nommé par l’amiral de Coligny à la tête de l’éphémère colonie huguenote de la bouche de Rio de Janeiro. Léry participe donc avec Thevet à l’expédition en « France Antarctique » mais, à la différence de son collègue qui retourne vite en Europe, il y reste plus longtemps. Bien plus, entre 1557-1558, à la suite d’un conflit portant sur l’Eucharistie avec Villegagnon, reconverti au catholicisme, Léry et les autres huguenots de la colonie sont obligés de se réfugier dans une tribu des Tupinikin. De retour à Genève, vers 1561, il publie un pamphlet où il esquisse une image négative et injuste des Amérindiens, L’histoire des choses mémorables advenues en la terre du Brésil, partie de l’Amérique australe, sous le gouvernement de Villeg. Depuis l’an 1555 jusques à l’an 1558. Ce n’est que deux décennies plus tard, en 1578, qu’il reconsidère son humeur publiant un texte beaucoup plus serein, l’Histoire d’un voyage faict en la terre du Brésil.
La prise de distance paraît en effet avoir bénéficié à l’attitude de Léry face à ses sujets d’étude. Michel Jeanneret a mis en évidence la complémentarité des positions de Thevet et de Léry, le premier gardant un regard occidental, extérieur, dédaigneux, alors que le deuxième adopte un regard du dedans, compréhensif et éclairé, qui ouvre la voie aux approches ethnologiques modernes[14]. Par l’empathie qu’il développe face aux Amérindiens, Léry réussit, comme le montre Friedrich Wolfzettel, à intérioriser la perspective sur le « sauvage » et à transformer ainsi l’ailleurs en ici, les « singularitez » et les « choses monstrueuses et prodigieuses » en faits observables, normaux, presque familiers. En d’autres mots, il opère le saut de la « pensée enchantée », fascinée et égarée par les mirabilia, à la pensée lucide, qui permet l’observation empirique et « transforme les faits exotiques en observations anthropologiques universelles » [15].
Il est possible que, outre la distanciation temporelle, un rôle important dans l’attitude envers les Amérindiens ait été joué par l’expérience de persécuté religieux vécue par Jean de Léry lui-même. Comme le montre Frank Lestringant, le « singulier sauvage » de Thevet est chez Léry, à la vision plus libertine annonçant le déisme, un « bon sauvage ». Plus riche en informations et plus exact que Thevet, Léry est disposé à reconnaître dans les mœurs des Tupinambas le règne de la Nature, l’égalité primitive et la liberté oisive de l’Age d’or ovidien[16]. Le portrait qu’il dresse des Amérindiens retrouve la tonalité lumineuse des descriptions de Colomb et des autres obsédés du jardin de Dieu : « Les sauvages de l’Amérique habitant en la terre du Brésil, nommés Toüoupinambaoults, avec lesquels j’ai demeuré et fréquenté familièrement environ un an, n’étant point plus grands, plus gros ou plus petits de stature que nous ne sommes en l’Europe, n’ont le corps ni monstrueux ni prodigieux à notre égard, bien sont-ils plus forts, plus robustes et replets, plus dispos, moins sujets à maladie et même il n’y a presque point de boiteux, de borgnes, contrefaits ni maleficiés entre eux. Davantage, combien que plusieurs parviennent jusques à l’âge de cent ou six vingt ans (car ils savent bien ainsi retenir et compter leurs âges par lunes), peu y en a qui en leur vieillesse aient les cheveux ni blancs ni gris. Choses qui pour certains montrent non seulement le bon air et bonne température de leur pays, auquel, comme j’ai dit ailleurs, sans gelées ni grandes froidures, les bois, herbes et champs sont toujours verdoyantes, mais aussi (eux tous buvant vraiment à la fontaine de Jouvence) le peu de soin et de souci qu’ils ont des choses de ce monde »[17].
Jean de Léry aurait donc dû être le mieux placé, de par son expérience directe, pour produire une image ethnologique correcte des Tupinambas. En effet, en rapprochant le « sauvage » du « civilisé », il réussit à infirmer indirectement le diagnostic de race monstrueuse que les érudits de la Renaissance n’étaient pas encore prêts à retirer aux peuples des antipodes. Cependant, ces fulgurations d’attitude scientifique et pragmatique ne sont pas vraiment fiables. En ce sens, Frédéric Tinguely nous prévient que la pensée de Léry continue de se mouvoir dans le système d’analogies spécifique de la Renaissance. Le passage de la ligne pour rejoindre les « antichtones » de la « France antarctique » avait toujours pour lui la valeur d’une inversion imaginaire, « la ligne équinoxiale fonctionn[ait] en effet comme une sorte d’axe de symétrie autour duquel vient s’articuler une nouvelle structure spéculaire »[18].
Dans cette situation il n’est pas surprenant que le schéma du mundus inversus continue de produire des effets de perspective. Or, si Léry parvient à redresser l’anamorphose physique appliquée par les Européens à l’image des Amérindiens, en échange il contribue à en fixer l’anamorphose morale. Dans la « matière d’Asie » de la littérature du Moyen Age apparaissent deux types de monstruosité : corporelle, chez les races des Indes, et morale, chez les races de la Tartarie. Ce que fait Léry est de commuter le regard hostile du premier au deuxième type de bestialité : il ne voit plus dans les aborigènes américains les races difformes du Sud, mais les peuples impurs de Gog et Magog du Nord.
A la différence de la première génération d’explorateurs, mais comme tous les érudits d’après le Concile de Trente, Jean de Léry ne peut plus envisager les « sauvages » en termes d’innocence adamique. En résonance avec son époque, il ne se permet plus d’ignorer l’accusation de satanisme jetée aux Amérindiens. Dans son exposé, il va donc confirmer les accusations de Thevet envers les chamans sud-américains et le verdict de possession démoniaque. Le chapitre XVI de l’Histoire d’un Voyage fait en la Terre du Brésil traite de « Ce qu’on peut appeler religion entre les sauvages Américains ; des erreurs où certains abuseurs qu’ils ont entre eux, nommés Caraïbes, les détiennent ; & de la grande ignorance de Dieu où ils sont plongés ». Les descriptions des scènes de possession collective, patronnées par les « diables » Aygnan et Kaagerre, sont anthologiques.
La malformation morale des Tupinambas est, selon Léry, profonde et incurable. Le dogme catholique aurait accepté au moins la possibilité de rachat du péché, mais dans le cadre de la doctrine calviniste de la prédestination le verdict de damnation devient définitif. « D’autant donc que quant à ce qui concerne la béatitude et félicité éternelle (laquelle nous croyons et espérons par un seul Jésus-Christ), nonobstant les rayons et le sentiment que j’ai dit qu’ils en ont, c’est un peuple maudit et délaissé de Dieu »[19]. Et pour donner une réalité physique et un support héréditaire à la malédiction divine, Léry spécule que les Amérindiens sont les descendants de Cham, le fils maudit de Noé. Historiquement, ces peuples impurs auraient migré en Amérique pendant la réforme du roi Josué, qui avait chassé les hérétiques du Canaan. Le Nouveau Monde devient ainsi une contre-Terre de promesse, abritant les mécréants bannis de la Terre sainte. Bien qu’opposés sur beaucoup de points dans leur attitude envers les « sauvages », Thevet et Léry se complètent toutefois, l’hostilité de l’un touchant aux aspects physiques (les pratiques alimentaires), celle de l’autre aux aspects moraux (les rites religieux) de leurs sujets ethnologiques.
En 1557, la même année que Les singularités de la France Antarctique de Thevet, un autre explorateur de l’Amérique du Sud publie un témoignage qui, bien qu’il reflète une expérience antérieure à celle des deux français, est de loin le plus violent. Il s’agit de Hans Staden, arquebusier de Hombourg en Hesse, qui, en 1547, s’était engagé comme mercenaire dans les compagnies commerciales des Portugais au Brésil. Capturé par une tribu Tupinamba, il réussit à ne pas se laisser cannibaliser en prétendant qu’il est sorcier. Il reste prisonnier jusqu’en 1554, quand il est finalement racheté par ses compatriotes. De retour en Europe, Staden publie une Véritable histoire et description d’un pays habité par des hommes sauvages nus féroces et anthropophages situé dans le nouveau monde nommé Amérique inconnu dans le pays de Hesse avant et depuis la naissance de Jésus-Christ jusqu’à l’année dernière. Au récit de ses péripéties, Hans Staden adjoint une Relation véridique et précise des mœurs et coutumes des Tuppinambas chez lesquels j’ai été prisonnier et dont le pays est situé à 24 degrés au-delà de la ligne equinoxiale, près d’une rivière nommée Rio-de-Janeiro.
Bien qu’il faille tenir compte des circonstances personnelles de l’aventure de Hans Staden, du traumatisme de la captivité, aussi bien que des exagérations rhétoriques exigées par le public de ce genre de récits, le texte constitue néanmoins un exemple parfait d’interprétation hostile des observations ethnographiques faites sur le terrain. Les relations de Staden ne manquent pas de précision et d’une certaine ingénuité, cependant les mœurs, les pratiques, les institutions des Tupinambas sont dépréciées et satanisées une à une. La communauté des biens, la polygamie et la liberté sexuelle, que plusieurs philosophes et utopistes seront disposés à offrir comme modèle à leurs compatriotes, sont décrites d’un œil critique. Mais ce sont surtout les rituels chamaniques qui incitent Staden à formuler l’imputation de démonisme. Les esprits de la surnature, les Inanga, sont identifiés à des diables. Les tammaraka, des calebasses en forme de tête avec des pierres qui font du bruit à l’intérieur (une sorte de capteurs d’esprits), sont traitées comme des idoles. Les pagés, chamans ou hommes médecine, sont des prophètes noirs et des sorciers[20].
Le comble de l’imagination violente est atteint par la description des techniques anthropophages. Hans Staden produit un témoignage de première main sur des rituels chamaniques concernant la paralysie du pouvoir de l’ennemi dans la bataille, le traitement du prisonnier, son sacrifice et sa consommation, le transfert du pouvoir du mort à son exécuteur, les purifications que celui-ci doit observer, etc. Mais sa fantaisie manifeste un plaisir sadique à décrire les étapes de la procédure cannibale dans les termes de la cuisine européenne : « L’exécuteur lui assène sur la tête un coup qui fait jaillir la cervelle. Les femmes s’emparent alors du corps, le traînent auprès du feu, lui grattent la peau pour la blanchir, et lui mettent un bâton dans le derrière pour que rien ne s’en échappe. Lorsque la peau est bien grattée, un homme coupe les bras, et les jambes au-dessus du genou. Quatre femmes s’emparent de ses membres, et se mettent à courir autour des cabanes, en poussant de grands cris de joie. On l’ouvre ensuite par le dos, et on se partage les morceaux. Les femmes prennent les entrailles, les font cuire, et en préparent une espèce de bouillon, nommé mingan, qu’elles partagent avec les enfants : elles dévorent aussi les entrailles, la chair de la tête, la cervelle, et la langue : les enfants mangent le reste. Aussitôt que tout est terminé, chacun prend son morceau pour retourner chez lui »[21].
Catholiques ou protestants, hommes du Sud ou du Nord, vers la moitié du XVIe siècle, les témoins des Amériques changent d’attitude envers les indigènes. D’une humanité adamique et paradisiaque, les Amérindiens deviennent une population idolâtre et démoniaque. Leur innocence prélapsaire est remplacée par la condition de damnés en éternité. Le « bon sauvage », l’« indigène doux » comme dit Numa Broc, trouve sa contrepartie dans le « sauvage féroce »[22]. D’un jardin de Dieu, le Nouveau Monde apparaît comme un monde possédé par le diable. Le but idéologique liminaire de cette évolution est patent : dans ces conditions, la colonisation devient une croisade, une œuvre de miséricorde et de salut, et les conquistadors passent pour des messies qui rachètent pour Jésus-Christ les peuples en proie à Satan.
Dans la période qui prépare les guerres de religion, nous assistons, du moins chez une partie des explorateurs, des historiens, des géographes et des érudits européens, à un renversement de l’attitude imaginaire envers le Nouveau Monde. L’Amérique devient un miroir négatif de l’Europe. Comme le remarque Frank Lestringant à propos d’André Thevet, « la France Antarctique est à cet égard une France à l’envers. Cette France des antipodes, image retournée de son homologue, dont les citoyens vont nus et apparaissent au regard de l’observateur sans foi, sans loi, sans Roi, se définit d’emblée comme une figure du monde renversé. L’Occident chrétien trouve sa contre-épreuve parmi les plus féroces de l’univers, chez qui le cannibalisme se pratique au quotidien, et où l’impératif de continence sexuelle est ouvertement bafoué »[23].
Le Nouveau Monde, et bientôt la Terre Australe Inconnue, deviennent ainsi le support du thème du monde renversé. Situés aux antipodes de l’Europe, ces mondes héritent des fonctions de l’Ailleurs que les hommes du Moyen Age reléguaient aux marges de la mappemonde. Ce ne sont plus les Indes traditionnelles qui symbolisent l’inconnu, l’inconscient de l’Europe, mais les Indes nouvelles, transocéaniques. Les rêves monstrueux, les tératologies humaines, les pratiques abominables, tout ce qui constitue le contenu de l’ombre dans le sens jungien, est refoulé aux Amériques. Les « antipodes monstrueux », comme les nomme David Fausett, recueillent toutes les images de malformation et de dégénérescence redoutées par les Européens : inversion physique, inversion des sexes, abomination morale[24].
Notes
[1] Voir Bernard GRUNBERG, L’univers des Conquistadores. Les hommes et leur conquête dans le Mexique du XVIe siècle, Préface de Pierre Chaunu, Paris, L’Harmattan, 1993, pp. 205 sqq.
[2] Christophe COLOMB, Œuvres, Présentées, traduites de l’espagnol et annotées par Alexandre CIORANESCU, Paris, Gallimard, 1961, p. 60.
[3] Friedrich Wolfzettel, Le discours du voyageur. Pour une histoire littéraire du récit de voyage en France, du Moyen Age au XVIIIe siècle, Paris, PUF, 1996, p. 88.
[4] Voir les volumes, âgés maintenant, de Gilbert CHINARD, L’exotisme américain dans la littérature française au XVIe siècle d’après Rabelais, Ronsard, Montaigne, etc., Genève, Slatkine Reprints, 1978 (Réimpression de l’édition de Paris, Hachette, 1911), L’Amérique et le rêve exotique dans la littérature française au XVIIe et au XVIIIe siècle, Genève, Slatkine Reprints, 2000 (Réimpression de l’édition de Paris, 1913) et Les réfugiés Huguénots en Amérique, Avec une Introduction sur Le mirage américain, Paris, Les Belles Lettres, 1925, ainsi que les beaux travaux de Frank LESTRINGANT, Le huguenot et le sauvage. L’Amérique et la controverse coloniale, en France, au temps des Guerres de Religion (1555-1589), Paris, Aux Amateurs de Livres, 1990 et L’expérience huguenote au Nouveau Monde (XVIe siècle), Genève, Librairie Droz, 1996.
[5] Frank Lestringant, Introduction, in André Thevet, Les singularités de la France Antarctique (1557), Edition intégrale établie, présentée et annotée par Frank Lestringant, Paris, Editions Chandeigne, 1997, p. 25.
[6] Jean-Michel Racault, Nulle part et ses environs. Voyages aux confins de l’utopie littéraire classique (1657-1802), Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2003, p. 367.
[14] Michel JEANNERET, « Léry et Thevet : comment parler d’un monde nouveau ? », in Mélanges à la mémoire de Franco Simone, Genève, Slatkine, 1983, pp. 227-245.
[15] Friedrich WOLFZETTEL, Le discours du voyageur. Pour une histoire littéraire du récit de voyage en France, du Moyen Age au XVIIIe siècle, Paris, PUF, 1996, p. 104.
[17] Jean de LERY, Histoire d’un Voyage fait en la Terre du Brésil, Edition de Frank Lestringant, Presses du Languedoc, Max Chaleil Editeur, 1992, pp. 85-86.
[18] Frédéric TINGUELY, « Jean de Léry et les vestiges de la pensée analogique », in Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, Tome LVII, n°1, 1995, pp. 25-44.
[20] Hans STADEN, Nus, féroces et anthropophages, Traduction Henri TERNAUX COMPANS, Paris, Editions A. M. Métailié, 1979, pp. 158, 175-179.
[22] Numa BROC, La géographie de la Renaissance, Paris, Les Editions du Comité des Travaux historiques et scientifiques, 1986, pp. 35-36.
[23] Frank LESTRINGANT, Introduction, in André Thevet, Les singularités de la France Antarctique, p. 29.
[24] David FAUSETT, Images of the Antipodes in the Eighteenth Century. A Study in Stereotyping, Amsterdam, Rodopi, 1995, pp. 8 sqq.