Anne Karakatsouli
Université d’Athènes, Grèce
Anna.Karakatsouli@theatre.uoa.gr
La longue durée d’une entreprise éditoriale grecque :
La maison d’édition Hestia
The Long Story of a Greek Publishing House:
Three Centuries of Hestia Publishers & Booksellers
Abstract: Hestia Publishers & Booksellers is the oldest Greek publishing house in continuous operation since 1885. Nowadays it is a medium-size enterprise keeping a high cultural prestige due to its longevity and the quality of its editorial choices. This paper examines Hestia’s cultural impact, the constitution of its catalogue, its relations to its authors and the reception of its books, as well as the economic history of the book business in Greece during an extended period of 125 years and under various constraints, both market and political ones. Hestia, created by Georgios Kasdonis in 1885, began its activities mainly as a textbook publisher, which gave it a solid financial basis. It flourished under the direction of Ioannis Kollaros, Kasdonis’ nephew, from 1900 onwards, who introduced some literary titles to the catalogue and launched a literary review, the Nea Estia, which is being published till today without interruption. Hestia had to turn to literature when, in 1937, the State, under the Metaxas dictatorship, took over the textbook sector. In 1953, Konstantinos Sarandopoulos, Kollaros’ son-in-law, created an innovative new pocket-size hard-back collection of Modern Greek literature, where it attracted the major writers of the “generation of the ’30s”, like Venezis, Myrivilis, Karagatsis, Theotokas, Terzakis etc. He thus established Hestia as a distinguished high quality publisher. After Sarandopoulos’ death in 1972, his daughter, Marina Karaitidi, assumed the direction. She had then to cope with her inexperience, the hostility of a male-dominated environment and the acute competition of the numerous new dynamic and avant-garde publishing houses created during the Greek dictatorship (1967-1974). For a few years Hestia seemed to be loosing contact with the newer generation of writers but it surmounted these difficulties by creating a new low-cost collection for young talents. In 1998, Hestia has been divided into two distinct branches: the publishing house, directed by Marina’s daughter, Eva Karaitidi, and the library business, run by her son, Yannis. In the 21st century its production is evenly divided between literature and scholarly works while translated books have gained a substantial share in its catalogue.
Keywords: Greek Literature; Hestia publishers; Kollaros; Book history; Intellectual History.
La maison d’édition Hestia est une entreprise familiale de cinquième génération aujourd’hui, qui constitue le plus ancien groupe de production et de vente de livres en Grèce, le seul fonctionnant sans interruption pendant 125 ans. Longtemps spécialisée dans le livre scolaire, qui constituait le fonds principal de la maison et sa base économique solide, Hestia sut se convertir à temps à la littérature grecque moderne de haut niveau[1]. Se qualifiant ainsi d’éditeur de qualité, elle transforma sa marque en signe d’excellence et de distinction intellectuelle. Grâce à ses choix éditoriaux pertinents et à la cohésion de la famille fondatrice, Hestia put assurer une longévité remarquable et un prestige incontestable. Nous examinerons ici sa stratégie éditoriale de ses débuts à la fin du XIXe siècle et les raisons qui expliquent la stabilité de son long parcours et son succès.
Hestia fut fondée à Athènes en 1885, à l’époque où l’imprimeur-éditeur du XIXe siècle commençait à être remplacé par le libraire-éditeur du XXe siècle. Son fondateur, Georgios Kasdonis, originaire de l’île de Tinos dans l’archipel des Cyclades, avait travaillé comme instituteur et journaliste à Bucarest avant de rentrer à Athènes, en 1875, pour collaborer à la direction de la revue Hestia, nouvel hebdomadaire littéraire ouvert aux courants modernes et aux jeunes auteurs. En 1876, des « difficultés financières insurmontables »[2] obligèrent le fondateur de Hestia, Pavlos Diomidis, à vendre sa revue à Kasdonis. Le nouveau directeur fit découvrir Zola, Daudet, Pouchkine et Tourgueniev à son public et augmenta le nombre d’articles d’actualité. Autour de Kasdonis se forma un cercle littéraire auquel participaient des écrivains déjà établis et d’autres de la plus jeune génération. On trouve parmi eux Nikolaos Politis, Georgios Drosinis, Kostes Palamas, Grigorios Xenopoulos, Georgios Vizyinos, Antonios ou Spyridon Miliarakis. Dans le débat alors dominant qui opposait la « grécité » au cosmopolitisme en matière artistique mais aussi idéologique et politique, la revue Hestia encourageait l’expression d’une « littérature nationale » émancipée des modèles étrangers. Afin de contribuer à la création d’une prose nationale et originale, elle organisa quatre concours annuels de nouvelles. Parallèlement, Kasdonis, esprit curieux et actif, avait mis en place la vente de vieux livres aux abonnés de la revue, qu’il annonçait au Deltion [Bulletin] accompagnant chaque numéro, et publiait lui-même des études littéraires en deux collections (les Annexes de l’Hestia et la Bibliothèque de l’Hestia). En 1885, Kasdonis doubla son entreprise d’une vraie maison d’édition nommée Vivliopoleion tis Estias [Librairie de l’Hestia], tout en gardant la direction de la revue dans laquelle il puisait ses auteurs.
Au tournant du siècle, le statut de l’éditeur en Grèce évolue. Il dépasse désormais l’étape du simple médiateur entre l’auteur et le lecteur et devient un facteur décisif dans le processus de la production de l’imprimé imposant ses priorités et ses prédilections. Des stratégies éditoriales se dessinent. La partie majeure de l’activité éditoriale se partageait alors traditionnellement entre le livre liturgique et les manuels scolaires tandis que le secteur le plus dynamique était celui des ouvrages utilitaires de tout genre s’adressant au public « petit bourgeois » croissant (guides de savoir vivre, modèles de lettres, livres de cuisine, clefs de songes, jeux de société, etc.). Kasdonis orienta sa production vers le livre scolaire, catégorie qui couvrira plus de la moitié de son catalogue, et recruta des éducateurs de renommée pour ses manuels. Hestia ne publiait pas de traductions de manuels étrangers, comme c’était la pratique de ses concurrents, mais privilégiait des œuvres originales, bien adaptées au système éducatif du pays et à la société grecque et qui étaient toujours approuvées par le Ministère de l’Education[3]. Les collaborateurs de la revue fournissaient le reste des titres couplés de quelques traductions qui complètent le catalogue (par exemple des pièces de théâtre de Shakespeare, Colomba de Prosper Mérimée ou bien L’art du duel d’Adolphe Tavernier).
En 1888, Kasdonis céda la rédaction de la revue au poète Georgios Drosinis pour des raisons de santé et se consacra aux éditions jusqu’à sa mort en 1900. La succession fut assurée par son neveu, Ioannis Kollaros, qui avait quitté son île natale de Tinos à l’adolescence pour venir travailler dans la librairie de son oncle. En 1900, il avait 30 ans et était souvent cité pour son honnêteté et sa rigueur dans les transactions commerciales. Au début du XXe siècle, l’axe de l’activité éditoriale en Grèce tourne autour de la librairie et l’organisation des ventes et, comme chez Hestia, la plupart des éditeurs (Sideris, Eleftheroudakis, Vasileiou, Tzakas, etc.) combinent les deux secteurs. Kollaros reste fidèle à la spécialisation de son prédécesseur dans le livre scolaire, branche qui continue à occuper la moitié de sa production. Ce marché stable, aux tirages très élevés et aux revenus surs, était d’autant plus étendu qu’il dépassait les limites de l’État grec, une grande partie du commerce étant destinée aux communautés grecques de la diaspora en Égypte et en Asie mineure. Ayant à se confronter à une compétition aiguë, Kollaros développa sa stratégie publicitaire. Il offrait des prix spéciaux à ses clients et participait régulièrement à des expositions commerciales en Grèce et à l’étranger où Hestia obtenait des récompenses[4].
Le secteur de l’édition connaît une période de stagnation pendant ce début de siècle marqué par la succession de guerres localisées dans les Balkans d’abord (1912-1913), de la Première Guerre mondiale aussitôt après et finalement de l’expédition en Asie Mineure qui se termina par le débâcle de l’armée grecque en 1922 et l’échange des populations entre la Grèce et la Turquie. Cette situation belliqueuse entrava gravement les importations de livres étrangers, ce qui profita au développement du marché du livre grec. Les éditeurs se replièrent sur les écrivains grecs, comme Papadiamandis et Palamas, tandis que la transition vers l’éditeur moderne, qui organise sa production en séries et s’occupe activement de la promotion de ses livres, prit une décennie de retard.
Pendant les années vingt, plusieurs maisons d’édition publiaient des revues qui leur offraient un espace publicitaire et un accès privilégié à de nouveaux lecteurs[5]. Kollaros suivit la pratique courante de l’époque et créa sa propre revue, la Nea Hestia [Nouvelle Hestia], en 1927, dont il confia la direction à Grigorios Xenopoulos, auteur à succès et de talent. La nouvelle revue bimensuelle, « fidèle à la tradition et moderne à la fois »[6], couvrait l’actualité littéraire et artistique et publiait des œuvres littéraires grecques ou traduites (poèmes, romans en feuilleton, nouvelles, pièces de théâtre), des critiques littéraires, théâtrales et artistiques, des essais de philosophie, d’histoire ou de linguistique, des nouvelles de l’Académie d’Athènes et un courrier des lecteurs. Dès son début, le directeur de la revue adopta une version modérée de la langue parlée (la demotiké) pour les rubriques de la Nea Hestia mais il acceptait des articles scientifiques rédigés en katharevousa, la version archaïsante de la langue. D’après ses rédacteurs, la nouvelle revue, pendant les sept premières années de son existence, survécut uniquement grâce au soutien financier de la maison d’édition et mit une décennie environ à se constituer un public et surtout des abonnés fidèles lui assurant sa survie économique[7]. Ayant ainsi établi ses assises dans le paysage intellectuel grec de l’entre-deux-guerres, la Nea Hestia devint la revue de la bourgeoisie cultivée et modérée[8]. La revue reprit la tradition des concours littéraires et en organisa deux, un pour des nouvelles en 1927 (qui donna un volume publié par le Vivliopoleion tis Estias composé des récits qui avaient remporté les premiers prix et les distinctions) et un deuxième l’année suivante pour des pièces de théâtre (la pièce gagnante était censée être montée mais cela n’a pas été possible car la troupe de Kyveli, qui collaborait avec la revue dans cette entreprise, n’avait pas d’actrice à l’âge approprié pour jouer le rôle principal)[9].
La décision d’assumer l’édition de la Nea Hestia marque aussi le déplacement progressif du centre de gravité du Vivliopoleion tis Estias vers la littérature, sans toutefois abandonner le livre scolaire. En règle générale, la maison d’édition reprend les auteurs paraissant dans la revue et publie systématiquement sous forme de livres les œuvres qui y sont publiées en feuilleton. C’est notamment le cas pour Chimaira (qui paraît dans la revue en 1936 et sous forme de livre la même année) et Jungerman de M. Karagatsis (1938), Anthropini Peripeteia [Aventure humaine] de Thanassis Petsalis-Diomidis (1937), etc. Les éditions d’Hestia diversifient ainsi leur production mais sans se rapprocher pour autant de l’avant-garde littéraire. Parmi les œuvres emblématiques de la littérature néohellénique qui circulent avant la guerre, telles les Numéro 31328 de Elias Venezis, Argo de Giorgos Theotokas ou I Daskala me ta chryssa matia [L’Institutrice aux yeux d’or] de Strates Myrivilis, aucune ne paraît alors chez Hestia qui préfère des titres plus conventionnels du cercle de Xenopoulos et de Nea Hestia. Les auteurs de la fameuse « génération des années trente » seront, en effet, plus tard identifiés à Hestia mais, pour l’instant, ils font leur première apparition ailleurs. La pratique courante pendant l’entre-deux-guerres reste toujours la publication à compte d’auteur, très en retard sur le reste de l’Europe : l’auteur participe aux frais de l’édition tandis que l’éditeur prend en charge la partie technique de l’édition et la diffusion. La crise du livre des années trente, contrecoup de la crise économique mondiale, détériora gravement la condition des écrivains. Le prix du livre est considéré comme trop élevé. Le marché souffre de la compétition des quotidiens qui impriment leurs propres éditions sur du papier journal à coût faible et les distribuent à leurs lecteurs. La pauvre qualité du livre en tant qu’objet imprimé (qualité inférieure de papier, mauvais brochage, fautes d’impression, couverture peu soignée, etc.) et la préférence attestée du public pour des romans à sensation, conduisent à un manque aigu de lecteurs pour les livres de qualité. Le tirage moyen pour les titres en prose ne dépasse pas les 500 exemplaires et ce chiffre est encore moindre concernant la poésie[10]. Pour pallier la crise, les éditeurs organisent les premiers salons du livre[11] et ils vendent à des prix soldés qui vexent autant l’orgueil des auteurs que leurs revenus. Hestia put résister et, à la grande reconnaissance de ses écrivains, continua à vendre à des prix normaux grâce à la stabilité du marché du livre scolaire qui lui assurait sa solidité économique[12]. En 1935, Kollaros, transforma son entreprise en société anonyme à l’unisson de la tendance générale. Les actionnaires principaux de la nouvelle société étaient les membres de la famille Kollaros, Ioannis et son gendre, Konstantinos Sarandopoulos, qui participait à la direction de l’entreprise depuis 1925, détenteurs de 4.850 actions chacun sur un total de 10.000, et trois amis de la famille possédant 100 actions chacun, ce qui n’altérait pas le caractère familial de la maison. À partir de cette date, sont disponibles les rapports annuels de la société qui nous permettent de suivre les fluctuations de sa situation financière et de connaître l’appréciation des éditeurs sur le marché du livre[13].
Depuis 1933, la revue Nea Estia était dirigée par Petros Charis, écrivain et critique littéraire conservateur et aussi l’ex-gendre de Xenopoulos. Charis, maintenant sa revue à distance égale des débats littéraires de son temps, évita de l’identifier avec un des nombreux clans d’intellectuels et réussit à la faire reconnaître comme une tribune honorable et universellement respectée. Charis sut également escamoter toute provocation politique et promouvoir les bonnes relations de la revue avec les autorités nonobstant le régime en place[14]. À partir de 1936, le Ministère de l’Éducation recommande la lecture de la Nea Estia dans les collèges et lycées du pays et, en 1937, il lui décerna son prix littéraire[15]. Malgré sa nature circonspecte, Charis adopta une attitude courageuse en défendant la liberté intellectuelle à plusieurs occasions et notamment en ce qui concernait la question linguistique, débat capital pendant la formation de l’État grec qui divisa profondément le pays et ne prit fin que très tardivement dans les années 1970. Ainsi, en 1937, il soutint son collaborateur et professeur de l’Université d’Athènes, Ioannis Sykoutris, attaqué de manière infâme pour sa traduction du Banquet de Platon – attaque qui l’amena au suicide – tandis qu’en 1942, il prit le parti du professeur de l’Université de Salonique, Ioannis Kakrides, qui fut traduit en justice à la demande de ses collègues pour avoir osé publier en demotiké simplifiée ; Hestia publia par la suite le livre qui résulta de ce procès[16].
Le moment de crise pour la maison d’édition Hestia sonna véritablement en 1937, lorsque le régime dictatorial de Ioannis Metaxas, instauré en août 1936, décida de créer l’Organisme d’Édition des Livres Scolaires qui monopolisa désormais ce secteur si profitable de l’édition[17]. Hestia fut du coup obligée de réviser de fond en comble l’organisation de sa production et sa position même au sein du marché du livre. L’effet immédiat fut la chute brutale du nombre de nouveaux titres et la réduction des profits de l’entreprise à la vente des manuels d’État. À la fin de 1939, pour se renflouer, Hestia s’associa avec deux des plus grandes maisons d’édition d’Athènes, Eleftheroudakis et Tzakas-Delagrammatikas, dans la création d’une entreprise éditoriale commune, la Elliniki Ekdotiki Etaireia [Société Éditoriale Grecque], avec ses propres installations d’imprimerie[18].
Bien que pendant la guerre, le marché du livre connût un développement exceptionnel, de nouvelles maisons d’édition notables furent créées[19] et les ventes grimpèrent à des milliers d’exemplaires avec pour seule limite le manque de papier[20], Hestia, elle, en cette période de restructuration forcée se replie sur un minimum de titres[21] et survit uniquement grâce au commerce des manuels scolaires. En effet, son activité éditoriale se concentre autour du maintien de la parution plus ou moins régulière de la Nea Hestia, la seule revue littéraire qui continue à circuler sous l’Occupation, devenant ainsi une manifestation intellectuelle nationale de haute valeur symbolique[22].
Le bilan au moment de la Libération est que Hestia était une entreprise certes profitable grâce à l’activité de sa librairie mais sans avenir pour le secteur de l’édition. En 1951, Hestia réorganisa la composition de la société anonyme de 1935 et limita la participation au strict cercle familial : Ioannis Kollaros (1.500 actions), sa fille unique, Eftychia (7.000 actions) et le mari de celle-ci, Konstantinos Sarandopoulos (1.500 actions). Un an plus tard, Hestia se mit à publier une édition mensuelle, le Vivliographikon Deltion [Bulletin Bibliographique], où étaient enregistrés les titres publiés par Hestia ainsi que tous ceux vendus dans sa librairie.[23]
Le tournant décisif qui changea les pronostics moroses de l’immédiat après-guerre fut effectué par le gendre de Kollaros, Konstantinos Sarandopoulos. Ce dernier, né en 1895, était un brillant ex-officier de l’artillerie qui prit part aux guerres balkaniques de 1912-1913 et à l’expédition en Asie Mineure en 1922. Les rapports des ses supérieurs dressent le portrait d’un officier intelligent, sérieux, efficace, de caractère aimable, connaissant le français et l’allemand. Il fut obligé de quitter l’armée à la suite de sa participation au coup d’état militaire raté mené par les généraux Leonardopoulos et Gargalidis en 1923. En 1925, il vint travailler dans l’entreprise de son beau-père et assuma la direction de la librairie et les choix éditoriaux tandis que Kollaros garda sous son contrôle personnel les finances et les transactions avec les imprimeurs. Se rendant compte du besoin impérieux de fixer une identité éditoriale à Hestia en remplacement de celle du secteur scolaire, Sarandopoulos inaugura en 1953 la série de « Neoelliniki Logotechnia » [Littérature Néohellénique], une collection en petit format, 12 x 17, de volumes brochés, à couverture blanche standardisée sous jaquette illustrée dont les rabats portaient les titres les plus récents de la collection, numérotés et à prix modéré, où il réunit les meilleurs écrivains de son temps. Cette collection contenait surtout des rééditions de livres déjà connus. Elias Venezis, Stratis Myrivilis, M. Karagatsis, Giorgos Theotokas, Angelos Terzakis – pratiquement tous les principaux représentants de la « génération des années trente » – confièrent leurs œuvres à Hestia, appréciant la qualité de l’édition, les garanties économiques et la distribution satisfaisante de leurs livres qu’elle leur offrait. Sarandopoulos lança ainsi sur le marché le livre de poche de qualité, inspiré peut-être, grâce à sa culture francophone, par la « Bibliothèque de la Pléiade » de Gallimard, et gagna un public important. La série connut rapidement le succès en librairie et ses titres de nombreuses réimpressions[24]. La collection de la « Neoelliniki Logotechnia » constitue le quart de la production de Hestia jusqu’à la mort de Sarandopoulos en 1972. Parallèlement, Sarandopoulos lança une collection de livres de jeunesse, grecs ou traduits[25], toujours en petit format, avec des couvertures souples de couleurs vives, et ne négligea pas le secteur de l’éducation, que la maison connaissait si bien, publiant plusieurs manuels parascolaires qui connurent une longue carrière chez les élèves. Hestia réussit ainsi la transition difficile d’un éditeur scolaire vers le livre littéraire de qualité et créa un espace de consécration intellectuelle qui forgea son profil pour les années à venir.
Le défi à relever fut différent pour la fille de Sarandopoulos, Marina Karaitidi, qui prit la direction de l’entreprise après la mort de son père en 1972. Marina avait à l’époque 44 ans et jusqu’alors, elle n’avait pas pris part activement aux activités éditoriales ou commerciales de la maison familiale. De plus, le monde de l’édition étant encore une affaire d’hommes, elle avait à faire face à l’hostilité des employés ; hostilité due à la fois à son sexe et à son inexpérience (qui l’exposa à des cas de mauvaise gestion remarqués en ce moment de transition). En 1977, Hestia fut obligée de se reloger car l’immeuble de la rue Stadiou où elle était installée allait être démoli. Marina Karaitidi choisit alors un espace encore en construction de la rue Solonos, non loin de l’ancienne librairie et près de la Faculté de Droit mais éloigné du centre traditionnel du commerce du livre qu’était la rue Stadiou. Cette décision osée et perspicace rencontra les objections de son entourage mais eut le double effet d’apporter à la librairie de l’Hestia un nouveau public d’étudiants et de déplacer progressivement le marché du livre autour du nouveau siège de Hestia.
Marina Karaitidi se montra plus réservée dans ses choix éditoriaux. Elle continua la série réussie de la « Neoelliniki Logotechnia » en réimprimant les anciens titres épuisés et en y introduisant de nouveaux auteurs qui ne possédaient pourtant pas l’envergure de leurs prédécesseurs. Ceci n’excluait pas le succès en librairie : dans les années soixante-dix, Hestia publie peut-être le titre le plus réussi de son histoire, Loxandra de Maria Iordanidou, qui s’avéra un best-seller imbattable[26]. Néanmoins, en ces années difficiles de dictature et d’effervescence des esprits, Hestia ne sut pas suivre l’air du temps. Retranchée derrière ses auteurs traditionnels, dont la plupart maintenant étaient devenus membres de l’Académie d’Athènes, elle perdit le contact avec la nouvelle génération littéraire et ne prit aucune part à la floraison du livre politique qui accompagna le retour du pays à la normalité démocratique, en 1974. De surcroît, il lui fallut alors faire face, dans une conjoncture économique de stagnation, à une multitude de petites maisons d’édition nées sous la dictature, dynamiques et avant-gardistes, qui ébranlèrent l’establishment littéraire et revendiquaient une part considérable du marché.
Face à ce défi multiple, Hestia confia, en 1980, ses choix éditoriaux à un jeune cadre, Giorgos Thalassis, extérieur à la famille fondatrice, qui orienta la maison vers la recherche de nouveaux talents, avec une nouvelle série spéciale à coût modéré où il pouvait prendre des risques. Cette stratégie permit à Hestia de renouer à temps avec les jeunes auteurs qui allaient constituer le catalogue de demain. La deuxième décision cardinale qui modifia le profil de la maison était l’inauguration, en 1985, à occasion de la célébration de son centenaire, de la série de littérature étrangère, avec des couvertures de style similaire et des traductions soignées[27]. Notons dans cette série la nette prépondérance, attribuée à la culture française des éditrices, des titres francophones qui constituent environ la moitié de l’ensemble[28]. Enfin, à partir de 1986, Hestia organisa sa production en collections de manière plus systématique, ce qui permettait aux lecteurs de s’y retrouver plus facilement et aux directeurs de collection de mieux suivre la production de leurs titres[29].
Grâce à ces innovations, Hestia, en 1992, figurait en huitième position parmi les maisons d’éditions grecques et mettait en circulation environ cinquante nouveaux titres par an. En pleine période de développement, elle étendit ses activités en lançant, en 1993, une nouvelle librairie à Nicosie (Chypre)[30]. L’entreprise, qui jusqu’alors réunissait les activités de l’édition et de la vente des livres sous le même sigle et le même toit, fut divisée en 1998 en deux branches séparées : la fille de Marina Karaitidi, Eva, assuma la direction de la maison d’édition et son frère aîné, Yannis, prit la direction de la librairie.
Eva Karaitidi représente aujourd’hui la cinquième génération de la famille Kollaros à la tête de l’entreprise. Au début du vingt et unième siècle, Hestia est une maison de taille moyenne et sa production s’est stabilisée autour de cinquante nouveaux titres par an, et un nombre beaucoup plus élevé de réimpressions, auxquels il faut rajouter les onze numéros de la Nea Hestia qui paraît toujours, rénovée et rajeunie sous la direction de Stavros Zoumboulakis à partir de 1998. Eva Karaitidi mit l’accent sur la présentation impeccable des éditions de la maison, leur révision soignée aussi bien que leur qualité typographique, avec des couvertures sobres et élégantes[31]. Elle partagea encore la production de Hestia à part égale entre la littérature et les sciences humaines. Les séries scientifiques couvrent l’histoire et la politique, la philosophie et la psychanalyse tandis que les témoignages personnels et les expériences vécues, qui constituent une série à part, présentent aussi un grand intérêt.
Actuellement, le nombre des maisons d’édition en Grèce approche les huit cent et celui des nouveaux titres dépasse les 9.600 par an pour une population qui dépasse de peu les 11 millions d’habitants[32]. La plupart d’entre elles sont des entreprises familiales indépendantes selon le modèle traditionnel, dépassé peut-être aux États-Unis et en Europe occidentale mais toujours en vigueur dans notre cas. D’après des études économiques, les pressions du marché s’exercent surtout sur les maisons moyennes comme Hestia qui constituent 43% de l’ensemble. Gardant sa production stable, Hestia a cessé de figurer parmi les plus grands éditeurs grecs, qui l’ont dépassé depuis le tournant de ce siècle. Ses compétiteurs publient actuellement des centaines de titres et contrôlent le marché[33]. Même si Hestia a perdu sa place dominante dans le commerce du livre, son capital intellectuel résiste. Elle représente aujourd’hui une maison d’édition de grande qualité à laquelle ses clients fidèles font confiance pour le choix de ses titres. Elle constitue surtout le fonds culturel de référence pour tout lecteur assidu, et cela vaut également pour le public de droite comme pour celui de gauche. Car Hestia possède aussi la réputation d’une maison conservatrice, label qu’elle doit très probablement à sa prise de distance par rapport au livre politique pendant les années soixante-dix et à ses écrivains académiques éloignés des recherches littéraires contemporaines. Son catalogue constitue un dépôt précieux de la mémoire et du patrimoine littéraire grec, vénéré certes, et qui la réconforte peut-être économiquement en cette période d’antagonisme aiguë, mais qui ne peut pas suffire pour soutenir une maison d’édition vivante, se voulant acteur principal du champ culturel grec moderne. Hestia s’est depuis longtemps retirée du marché du livre scolaire, laissé à des maisons d’édition spécialisées. Ceci est le cas également pour le livre de jeunesse. En quête d’identité, Hestia semble se situer désormais dans le secteur du livre scientifique plutôt que littéraire auquel le haut niveau des œuvres proposées lui assure une image de marque de distinction. C’est cette direction qu’indique aussi le renouvellement de sa collaboration avec l’Académie d’Athènes pour certaines de ses éditions[34]. Hestia serait-elle donc devenue une maison d’édition spécialisée au lieu d’un éditeur généraliste ? Elle n’a d’ailleurs jamais été un chasseur de best-sellers. Hestia a toujours investi sur la longue durée de ses titres et ceci est un facteur décisif de sa longévité à combiner avec sa capacité d’adaptation aux adversités du moment sans reculer sur ses principes. En outre, elle jouit d’une grande appréciation parmi les gens du livre pour la rigueur de ses transactions, pour le respect jamais transgressé envers les écuries d’écrivains des autres éditeurs, pour le fait enfin, qu’Hestia a, depuis ses débuts, fourni le monde de l’édition avec des membres de qualité et de talent formés dans ses rangs[35]. Hestia, huitième par ordre d’ancienneté parmi les vingt-cinq entreprises les plus anciennes en Grèce toujours en activité et la seule maison d’édition de la liste[36], fête cette année ses 125 ans. Pôle de distinction intellectuelle, repère stable de tradition, de qualité et d’intégrité, Hestia est aujourd’hui aussi et surtout une maison d’édition vivante qui a su montrer ses capacités d’adaptation et d’anticipation, prompte à saisir les signaux des temps pour le plus grand bien du livre grec.
Notes
[1] On pourrait considérer la transition du livre scolaire vers un catalogue généraliste comme typique de l’édition européenne moderne. Citons par exemple les cas de Thomas Nelson, maison fondée en écosse en 1789, de Hachette en France, fondée en 1826, ou de Payot en Suisse romande depuis 1875.
[2] Antonios Miliarakis, « Georgios Kasdonis » (nécrologie), Ethniki Agogi, vol. III, 1900, p. 357-358 [en grec].
[3] Jusqu’en 1907, le système en application permettait aux enseignants de choisir leur manuel pourvu que celui-ci ait reçu la ratification du ministère. À partir de cette date, est impose le livre unique, choisi par le ministère pour une période de quatre ans.
[4] En dehors de ses distinctions grecques, Hestia prit part en 1907 a l’Exposition Maritime Internationale de Bordeaux et obtint la médaille de bronze dans le groupe XV : Arts décoratifs et mobilier, habillement et tissus, industrie chimiques, arts graphiques.
[5] G. Vasileiou publiait l’Arxeion Oikonomikon kai Koinonikon Epistimon [Archives de Sciences Economiques et Sociales] depuis 1921 (repris par Kollaros a partir de 1933), Eleftheroudakis les Neoellinika Grammata [Lettres Néohelléniques], les éditions Govostis etaient plus ou moins impliquées dans la parution de six revues différentes, Dimitrakos faisait paraître la Foni tou Vivliou [Voix du livre], etc. La Nea Hestia paraîtra jusqu’ a aujourd’hui sans interruption.
[6] Gr. Xenopoulos, « Prin eikosi chronia [Vingt ans auparavant] », Nea Hestia, vol. 39, n. 444, 1er janvier 1946, p. 3-5.
[7] Gr. Xenopoulos, « Etos ogdoon [Huitieme annee] », Nea Hestia, vol. 15, n. 169, 1er janvier 1934, p. 37-38.
[8] Parmi les articles de qualité de ses débuts citons ici le La Soirée avec Monsieur Teste de Paul Valery publie dans la traduction du poète Giorgos Seferis, futur lauréat du prix Nobel (Nea Hestia, vol. 2, n. 37, 1er juillet 1928, pp. 600-603 et vol. 2, n. 38, 15 juillet 1928, p. 652-655). Seferis employait encore son vrai nom (Seferiadis) et cette traduction constitue sa première apparition dans les lettres grecques.
[9] Un troisième concours fut annonce en janvier 1930 concernant des essais, nouvelles, récits, etc. relatifs à la guerre de l’indépendance grecque et à l’occasion de la célébration du centenaire de la proclamation de la Révolution de 1821. Apparemment, ce dernier concours n’a pas abouti car il n’est plus mentionné à partir de février 1930.
[10] Takis Kagialis, I epithymia gia to monderno. Desmefseis kai axioseis tis logotechinis dianoisis stin Ellada tou 1930 [À la recherche du moderne. Engagements et prétentions de l’intelligence littéraire en Grèce en 1930], Vivliorama, Athènes, 2007, p. 62-64.
[11] La première « Semaine du Livre Grec » fut une initiative privée organisée en 1932 au Zappeion et offrait des remises importantes sur les prix de vente des livres proposes par les éditeurs. L’expérience était plutôt réussie et fut répétée les années suivantes.
[12] Grigorios Xenopoulos, I Zoi mou san mythistorima. Aftoviografia [Ma vie comme un roman. Autobiographie], Frères Vlassi, Athènes, 1984, p. 445-446.
[13] Au moins jusqu’aux années soixante car depuis, les minutes de réunion du Conseil d’administration ne sont tenus que sommairement.
[14] Il annula par exemple, au dernier moment, un numéro spécial consacré à Eleftherios Venizelos le lendemain de la mort du grand homme politique grec en 1936, pour lequel il avait déjà rassemblé des contributions, par crainte de paraître prendre position au milieu de passions politiques trop violentes. Voir la lettre de Petros Charis à Giorgos Theotokas du 30 mars 1936, Archives G. Theotokas, (429) 5/217.
[15] En décembre 1950, l’accord entre la revue et la maison d’édition fut renégocié et Charis reprit non seulement la direction de la revue mais aussi son entière gestion financière. Le Vivliopoleion tis Estias se retira des profits et pertes de la revue mais garda la propriété du titre. Petros Charis fut élu à l’Académie d’Athènes en 1969.
[18] Le déclenchement de la guerre ne permit pas à cette association unique dans l’histoire de l’édition grecque de durer. L’imprimerie fut réquisitionnée par les autorités allemandes pendant l’Occupation et après la guerre, elle fut vendue car déficitaire.
[19]Comme par exemple celle de Notis Karavias en 1942, Glaros en 1943, K. Anagnostidis en 1944 et en 1943 les Filoi tou Vivliou [Amis du Livre], Alpha et surtout Ikaros.
[20] Cette constatation vaut aussi bien pour la France que pour la Grèce sous occupation nazie. Voir Pierre Assouline, Gaston Gallimard. Un demi-siècle d’édition française, Balland, Paris, 1984, p. 290-293 et Marios Ploritis, « Genesis », in Ikaros. Ta peninda prota chronia, 1943-1993 [Ikaros. Les cinquante premières années, 1943-1993], Ikaros, 1993, p. 16.
[21] Vingt-deux livres en tout pour les années 1940 a 1945. Titre surprenant de cette période, le Partage de midi de Paul Claudel paru en traduction du poète Takis Papatsonis (1943).
[22] Lorsque parut le numéro spécial consacre a Alexandros Papadiamandis en janvier 1942, la foule envahit la librairie des tôt le matin « comme si on y vendait du pain chaud » et épuisa le stock. Voir Petros Charis, « Apodesmefsis kefalaion [Désengagement de fonds] », Nea Hestia, vol. 31, n. 356, 1er janvier 1942, p. 3. A la fin de la guerre, en 1946, la Nea Hestia reçut le prix de l’Académie d’Athènes pour l’ensemble de sa contribution a la vie intellectuelle du pays pendant vingt ans et pour avoir continuer a paraître sous l’Occupation.
[23] Ce Deltion dura jusqu’en 1974, date a laquelle il fut remplace par le trimestriel Nea Vivlia [Nouveaux Livres] sur le même concept. Assez exhaustif et assidu, il fut pendant longtemps notre source principale sur les livres publies annuellement en Grèce.
[24] Soixante et une pour un des titres les plus réussis de la série, le Aioliki Gi [Terre Eolienne] de Venezis, cinquante pour le Noumero 31328 [Numéro 31328] toujours de Venezis, trente-neuf pour le I Zoi en tafo [De Profundis] de Myrivilis etc.
[25] Parmi les titres étrangers, signalons ici les livres de Jules Verne (L’Île mystérieuse et Michel Strogoff) et de Hector Malot (Sans famille et En famille) qui parurent en bloc en 1969 et furent surtout remarques pour la qualité de leur traduction.
[26] Le livre raconte la vie de la grande mère de l’écrivain (qui elle-même avait soixante-six ans lorsqu’elle l’écrivit), Loxandra, et de sa famille en Istanbul avant la Grande Guerre. Il fit cinquante cinq éditions à ce jour et vendit plus de deux cent mille exemplaires.
[28] La moyenne nationale des titres en français traduits en grec en 2007 était 12,5% de l’ensemble des traductions. En 1994 fut accordée à Marina Karaitidi la Médaille de l’Ordre du Mérite de la République Française pour sa contribution à la diffusion des lettres françaises a l’étranger.
[29] Parmi ces collections les plus suivies furent la « Vivliothiki tou filologou [Bibliothèque du philologue] », la « Elliniki Poiisi » [Poésie grecque], « Trivium », la « Sygchroni Elliniki Pezografia » [Prose néohellénique contemporaine] et surtout la « Nea Elliniki Vivliothiki » [Nouvelle Bibliothèque Grecque] créée par le professeur Alkis Angelou réunissant des textes fondateurs de la tradition intellectuelle néohellénique depuis 1453.
[30] Cette librairie, qui créa de nouvelles données dans le marche du livre grec a Chypre et connut un grand succès, fut contrainte a la liquidation après la mort soudaine de son actionnaire principal, Yannos Kranidiotis, dans un accident d’avion en 1999.
[31] Hestia, comme c’est la règle pour les maisons d’édition grecques, ne possède pas sa propre imprimerie et la partie technique de l’édition est réglée en sous-traitance.
[32] EKEBI [Centre National du Livre], I vivlioparagogi 2007 [La production du livre en 2007], Septembre 2008, pp. 39-45 (également disponible sur le site http://www.ekebi.gr/appdata/documents/pdfs/ereuna1b.pdf). Bien que les deux marchés soient de taille très différente et loin d’être comparables, nous signalons que pour la même année 2007, la production du livre en France s’élevait à 63.760 titres (http://www.centrenationaldulivre.fr/ IMG/pdf/Chiffres-cle_2007-2008.pdf) pour un nombre total d’éditeurs ayant au moins un titre sur leur catalogue estime a 7.000, dont 800 seulement ont une activité régulière.
[33] La maison la plus productive pour 2007, Patakis, publia 365 titres en cette année et le deuxième de la liste, Ellinika Grammata, 265 (EKEBI, op. cit., p. 43).
[35] Parmi les éditeurs aujourd’hui en activité qui ont débute comme employés de Hestia, soit de la maison d’édition soit de la librairie, citons Stratis Philippotis (Editions Philippotis), Evangelos Lazos (Éditions Dodoni, 10e éditeur de littérature par ordre de nombre de titres parus en 2007), Dionyssis Kapsalis (directeur de la maison d’édition de la Fondation Culturelle de la Banque Nationale de Grèce) et Popi Gkana (Editions Melani (en 14e position en ce qui concerne l’édition littéraire pour 2007).