Bako Alina
Université Lucian Blaga Sibiu, Roumanie
alinabako@gmail.com
Les illusions mathématiquement surveillées
dans Les tablettes du Pays de Kuty de Tudor Arghezi /
Mathematically Supervised Illusions
in Novels of the Land of Kuty by Tudor Arghezi
Abstract: The illusions that Tudor Arghezi creates are born within the text, one that changes permanently according to the interest of the reader. From this point of view, Tablets from the Land of Kuty experiments with pamphlet, combining the social with the lack of rules and withsatire. The text becomes the illusion of a ruled society that is devoid of principles. Set free from any constraint, the pamphlet offers its readers the monstrous and trivial element, requesting ex negativo the respect of vital structures. In the Land of Kuty the universe wavers between the impossible and the irregular. The automatisms invade everything. The city where the three arrive is weird; the inhabitants change everything at regular time intervals. The absurd situations define a space of constraints, in which the social element becomes a starting point for a possible construction of a negative utopia.
Keywords: Tudor Arghezi; Illusion; Pamphlet; Society; Imagination; Politics.
Les illusions que Tudor Arghezi crée ou démonte sont nées du tissu très dur du texte. De ce point de vue, Les tablettes du Pays de Kuty expérimentent un style pamphlétaire où le social s’entremêle à l’absence du modèle, à la satyre. Le texte devient l’illusion d’une société sans principes.
Rapproché à Jonathan Swift, P.L. Courrier, Léon Bloy, L.F. Céline, Tudor Arghezi fonde un espace où ses personnages Mnir, Kuic, Pitak découvrent en Kuty, un pays qui ne se retrouve pas sur la carte, une société primitive. La tentative de civiliser les habitants donne naissance à une parodie de projet utopique. L’absurde du texte contamine les personnages, car l’écrivain réalise la bouffonnerie d’une civilisation superficielle.
Les idées théoriques peuvent être mises en relation avec les idées présentées par Cornelius Castoriadis, le philosophe du social, et sa définition de l’imaginaire qui est justifiée de cette manière: « […] c’est par la notion de l’imaginaire radical que nous comprenons l’autonomie de l’individu et conséquemment sa capacité de changer la société »[1]. Par un passage de l’individu au social, l’être humain se développe comme sujet autonome tout en contribuant à la transformation de la société. L’imaginaire individuel est cette partie des représentations mentales qui s’élabore dans le temps par une manipulation intérieure consciente et/ou inconsciente de données mémorisées antérieurement, « c’est-à-dire des représentations mentales précédemment imaginées ou surtout induites d’une part au travers de la perception de phénomènes et d’autre part à partir d’idées transmises par la communication interhumaine »[2].
L’être poétique dispose de la capacité de créer ses propres images, figures, symboles qui s’actualisent chaque fois qu’on dispose d’une nouvelle réception du sujet. L’homme devient un homo poeticus qui profite de sa capacité créatrice.
Libéré de toute contrainte, le pamphlet libère l’élément monstrueux et trivial, en demandant ex negativo le respect des structures vitales. Dans le pays de Kuty, l’univers pendule entre l’impossible et l’irrégulier. Les automatismes envahissent tout. La ville est étrange. Les reporters, Mnir et Kuik ne sont pas éblouis par ce qu’ils découvrent, mais ils constatent avec détachement la différence, le fait d’être autre, qu’ils acceptent avec bienveillance, sans curiosité : « amasser au même endroit les édifices qui se ressemblent les églises avec les églises, les jardins avec les jardins »[3].
Une extravagance bizarre qui se situe au domaine de l’absurde pour définir un espace des contraintes où l’élément social devient un point de départ. Il s’agit, en effet, d’une sorte d’utopie négative qui détermine une réévaluation de l’espace politique et social.
La superficialité en tant que normalité – l’absurde
L’œuvre absurde illustre la pensée qui renonce à ses illusions et qui se sert de l’image superficielle des choses. L’absurde s’exprime dans la souffrance profonde, causée par l’impossibilité d’échapper au piège des non-sens, dans un monde chaotique et qui dépersonnalise l’individu. Les éléments du subconscient et de l’absurde ne se confrontent pas, mais ils deviennent des pôles qui ne peuvent exister qu’ensemble. Un personnage de l’œuvre d’Arghezi se demande à un moment donné : « Mais alors, pourquoi l’humanité devient-elle chauve ? »[4]. La question constitue le repère de l’absurde de l’existence qui se transforme en illusion collective. Devenir chauve ne signifie plus vieillir, mais un manque qui transgresse le simple fait, car l’être humain appartient au mécanisme universel : « Mon départ s’est fait dans une absence totale du / de la personnalité »[5]. Les trois personnages principaux Mnir, Kuik et Pitak commencent un voyage absurde dans leur monde illusoire. L’univers est artificiellement décrit, comme dans un puzzle immense où les éléments de l’artificiel et de la réalité s’entremêlent, et les situations absurdes sont soumises moitié aux lois de la réalité et moitié aux lois de l’imaginaire. Au début de leur voyage, les personnages ont l’illusion d’une liberté absolue : « Il nous agace et nous demande de le jeter de l’avion. »[6] dit Mnir dans un effort de pimenter l’action. Les situations absurdes, au fur et à mesure que l’action se déroule, s’enchaînent : « Pour qu’ils m’apparaissent plus grands, les mètres étaient carrés ou cubes »[7]. La logique du lecteur vérifie les répliques des personnages, mais le matériel des mots rompt l’étonnement en le transformant dans une sensation tout à fait naturelle. Il s’agit tout à fait d’une allégorie, d’une parabole sur laquelle l’écrivain est averti : « Les choses se sont passées pareillement à l’entrée de Gulliver au pays des nains »[8]. La filiation littéraire est ouvertement avouée par ces références aux textes du même genre.
L’absurde du langage
Au-delà des événements, la saveur du texte vient de l’absurde du langage. Arghezi invente toute une langue, l’idiome kuty devenant une source inépuisable de jeu de mots « Bilifox signifie en traduction libre: “L’épervier à quatre pieds sans paire, sans ongles, qui s’enfuit sur la colline en se trainant, et dans la vallée en roulant et qui vole au-dessus des rives sans ponts” »[9]. Le génie verbal de l’auteur donne naissance aux mots inconnus, mais musicaux, qui rappellent des sonorités latines ou exotiques : « Lokha repe aldutim, malgré la caractéristique arménienne du i circonflexe signifie “le salut de l’aube monté dans les cyprès, parmi les singes chanteurs aux les écailles argentées”».[10] Imprévu, énigmatique, le mystère privé de sens parfois détermine une certaine confusion, l’incohérence totale, l’illogique, le hasard. C’est une sorte de protestation, qui donne naissance à la parabole, qui contient un glissage vers l’irrationnel, une dépersonnalisation de l’être humain et de la politique : « Ne pouvant fabriquer que des pots, la terre a été divisée en pays, pour que la nature puisse créer au moins des hommes d’état »[11]. La surprise du lecteur est évidente : le jeu avec les sens du mot terre crée l’illusion d’une direction tout à fait naturelle vers le sujet politique. L’inutilité des hommes politiques est admirablement peinte par la mise en balance des deux actions : le processus de poterie qui a à la base la terre et l’eau et la division de la terre dans des pays avec des hommes d’état. L’enchaînement des événements est entretenu par la perspective du personnage qui passe, par des situations absurdes. Le monde découvert, sans être corrompu par l’usage des lois sociales, devient, finalement, le même modèle social. Le temps a d’autres valeurs qui portent en elles-mêmes un univers absurde : « J’ai attendu 22 ans qu’une souris apparaisse et parce qu’elle ne pouvait pas sortir de son trou à cause du fait que le temps passait, elle était devenue obèse ».
Le sentiment de l’absurde peut frapper l’homme à tout temps. Dans sa nudité désolante, le sentiment de l’absurde devient une normalité.
L’absurde satirique – illusion du langage
L’absurde satirique a des racines très profondes dans la littérature universelle. De Rabelais, Erasme de Rotterdam, en passant par les romans de Voltaire et Swift jusqu’aux textes contemporains comme Essai sur la lucidité de José Saramago, l’objet d’étude devient la démonstration de l’absurdité de la pensée. Kuik, un des personnages d’Arghezi, conclut : « Mon avis est qu’il vaut mieux réfléchir que penser ». Ainsi, les vices de pensée sont découverts et sont habillés en paradoxes, antinomies, non-sens.
Dans le même sens de la parodie, de l’absurde, des manières de juger et de s’exprimer, on utilise aussi des clichés verbaux en mettant en évidence ce caractère de cliché. Eugène Ionesco, qui, initié par Arghezi et Caragiale, avouait sa filiation littéraire à l’absurde le définit comme « la dénonciation du caractère dérisoire d’un langage vidé de sa substance, stérile, construit de clichés et de slogans »[12]. Un vrai recueil de clichés et de slogans, d’associations stéréotypées, d’automatismes, d’actes de langage a été réalisé par Flaubert dans le Dictionnaire des idées reçues, comme une annexe au roman Bouvard et Pécuchet – la satire de la stupidité humaine.
De même que l’absurde qui est une sorte de niche, l’humour absurde est fondé sur une incongruence. Les contraintes de la raison sont éliminées, ce qui a comme effet l’invasion du psychique par une sensation euphorique.
Chez Arghezi le pamphlet est mentionné avec satisfaction dans des formules comme : « parce que nous nous retrouvons en Kuty, nous pouvons parler ouvertement ». L’absurde devient la clé pour déchiffrer le texte :
sans raison, le kute recevait un coup contre à la tête, chaque fois qu’on le rencontrait ; avec raison, c’est-à-dire après un excès, il recevait 25 coups dans diverses régions du corps, ce qui a développé la notion d’innocence et de culpabilité et, par une connexion logique, le sens de la responsabilité. Deux ministres étaient délégués de tout cela, de surveiller les gens et de les attraper : les ministres des finances. Nous en avons choisi deux, non pas un, parce que l’un devait tenir le kut et l’autre l’opérer, en habituant le peuple à la notion de contribution directe.[13]
Dans Les tablettes du Pays de Kuty (1933), le grotesque est subsumé à la satire basée sur la formule de l’absurde et qui domine les nombreux portraits caricature. Le savant Mya Lak est peint par des touches très fortes. Il est entièrement ridicule, par ces excès de la mythomanie et de mégalomanie.
Tu ne peux pas imaginer à quel point la langue française ressemble à notre langue. Si je n’étais pas allé à Paris, je ne l’aurais pas cru. Quand on franchit la frontière de la France, on dit seulement merci et bonjour. Nous disons literatură et ils disent littérature. Nous disons universitate et ils disent université. Nous disons librărie et ils disent librairie. Toute la langue française de l’après-guerre est copiée d’après nous, mais un peu modifiée, pour que cela ne soit pas trop évident, par la dénaturation des consonnes pures. Ils ont renoncé à î et ă. […] toutes nos institutions sont prises en dérision à Paris, même l’Académie. D’autant plus, la littérature française actuelle est volée entièrement, la poésie et la prose aussi. Ce n’est que plus d’une fois que j’ai reconnu mes articles dans la presse parisienne.[14]
L’ironie devient un processus par lequel le lecteur apprend à lire entre les lignes. Armes du pamphlétaire, même les références aux mythologies glissent dans le dérisoire : « Ces Grecs connaissaient même les choses qu’ils ignoraient »[15]. C’est une raison par laquelle le rôle civilisateur des nouveaux arrivés au pays de Kuty devient extrêmement important. Loin de la civilisation d’ailleurs, des États-Unis et de l’Europe, cet endroit exotique est contaminé de tous les malheurs de la société moderne. Les débits des rivières aussi bien que toutes les actions et toutes les pensées des personnages sont surveillés mathématiquement, tout se retrouve dans un état bien éloigné du paradis d’un commencement de monde : « Avant mon arrivée, le peuple était bien sûr, anarchique : chacun à son gré et ils osaient bêtement penser qu’ils étaient heureux, que l’homme pouvait être au moins approximativement content sans une organisation et une loi morale »[16].
Les contraintes de la société sont admirablement présentées par une imagination très riche. Les détails futuristes et de science-fiction sont introduits dans le tissu du texte pour résoudre ainsi le possible échec humain :
[…] les devoirs les plus spéciaux des Académies, qu’ils vont supprimer, sans raison évidente, étant en train de découvrir une machine en miniature appelée à répondre automatiquement à toutes les questions, à comprendre un cerveau et la substance de la science totale dans un système de sonneries.[17]
Le plus haut forum de connaissance est soumis au dérisoire. L’Académie peut être supprimée et remplacée par un hybride techniciste qui devient partie du processus de dépersonnalisation de l’homme et de sa transformation dans un citoyen véritable. Le prosateur amende l’appréciation de la superficialité et de la préoccupation excessive pour le succès littéraire :
Le volume est la carte de visite de l’homme supérieur : sans volume la vie ne vaut pas la peine d’être vécue, et quand on est abandonné par les fonctions inférieures, quand on n’est plus enchanté par le sourire, le cou ou les hanches et quand la pensée oublie de déshabiller les images et les coups de chaleur, concentrés en moralité, le volume, le tome, l’œuvre complète, deviennent les grands produits cosmétiques et un aphrodisiaque pour les expansions tacites de l’orgueil justifié.[18]
Le dérisoire devient une possibilité de se moquer de l’histoire, des personnages, des mythes, de la religion et même de la science : « Vénus sans bras et l’épine de la plante du pied du garçon » ou « il avait l’âge de 18 ans, toutes les dents et toutes les molaires » ou « Une église vient de passer par dessous comme une chèvre »[19].
Comme dans un scénario postmoderne, le mythe biblique de Noé est réinterprété et amène plus près de la pensée naïve. Le tableau créé ressemble aux peintures naïves du paysan roumain :
Il est certain que Noé avait commis l’erreur de croire que le déluge avait envahi toute la terre à cause du fait qu’à ce moment-là la conception de rondeur manquait entièrement. D’après les dernières données de la science, Noé a été plutôt un fermier, prédécesseur d’Amundsen, qui s’était proposé de lancer à l’eau le premier bateau et qui, pour assurer ses repas réguliers et des œufs, avait emporté des poulaillers, des volailles et des animaux à sacrifier.[20]
Les éléments du mythe trainent dans le dérisoire. Comme dans le théâtre absurde, il n’y a plus de sentiments purs, spirituels, mais des sensations organiques, physiques, comme la faim, la soif. Le mélange des données historiques et mythiques, sans un fil chronologique des évènements, transforme tout : « Noé avait parlé à Dieu qui était présent à toutes les noyades des bateaux de tous les temps »[21]. Dieu devient une instance éloignée, un rocher qui reste là-bas, au début du monde, sans implication dans la vie des êtres humains. Il est froid, il existe comme dans l’univers poétique arghezien sans le rapprochement des hommes. À la pseudo-morale, qui tombe du ciel, qui est imposée par une autorité religieuse ou politique, et qui se révèle, à l’usage, éminemment compressive et liberticide, il convient de substituer une nouvelle science, qui s’élève de la conscience du sujet et qui se propose de chercher. On ne trouve pas des avantages dans l’accumulation des biens matériels, qui détournent des vraies valeurs et rendent l’homme perpétuellement esclave des nouvelles illusions : « Eh, alors ! Nous sommes allés chercher le troisième pôle, inspirés par l’idée de la quatrième dimension »[22]. D’une manière plus générale, c’est un argument rationnel, même s’il n’a rien de dogmatique, même s‘il remet en cause la raison qui renie la lucidité. À l’extrême, il faudrait n’avoir rien à dire, — mais cela serait bien décevant pour des lecteurs en attente, qui se trouveraient confrontés à de simples jeux d’écriture -, ou bien ne recourir qu’à l’écriture automatique, surréaliste, mais bien frustrante pour l’écrivain amoureux de la langue, afin d’échapper totalement à ce risque de rationalisation des matériaux bruts en fonction des objectifs propres à chaque écrivain. Et encore serait-on en droit de se demander, d’une part, à quoi pourrait bien servir la supposée lucidité d’un « auteur » qui se nierait en tant que tel et qui se refuserait à communiquer quoi que ce soit ; et, d’autre part, si des textes bruts, non élaborés, méritent encore d’être considérés comme des créations littéraires, avec ce que cette expression implique de conscience, de volonté et de clairvoyance, « À quel point était-il lamentable mon héroïsme, ma conscience seule le savait. » ou « Mais, savez-vous, l’homme, soit-il historique ou préhistorique, parfois il en a assez » ou « Le reste de la vie est un vêtement aux boutons sans paire, sans boutons, ou aux boutons déchirés » (le mariage)[23].
Le sens de l’inquiétude détermine une réponse qui surgit de l’absurdité irréductible de la situation face à l’existence humaine : « Peut-être l’homme cherche-t-il plutôt l’inconnu que la béauté »[24] . Il démontre par l’absurde la contingence universelle en confrontant à tout moment les thèses finalistes, dûment caricaturées, et les faits, fortuits et imprévisibles, qui leur apportent immédiatement. L’homme politique est défini par son absence et son incapacité de gouverner : « Aujourd’hui ?! aujourd’hui personne ne sais plus gouverner. L’autorité souffre de médiocrité et l’incapacité est complétée par la férocité et l’atrocité »[25].
L’illusion
Les écrivains n’ont d’autre choix que de comparer leur utopie à la société pour la critiquer. Dans cette utopie, il existe un gouvernement parfait selon l’auteur, cela peut être une monarchie, une démocratie ou même une anarchie : « Là-bas les enfants n’allaient plus à l’école. Ils jouaient tout le temps, du matin au soir et lançaient des pierres dans toutes les vitres, sans que personne leur en veuille. [….]. Les fenêtres attrapaient les pierres et les jetaient vers eux. Voilà pourquoi les enfants devenaient sages. Pour que les vitres ne cassent leurs têtes »[26].
Mais dans tous les cas, ce gouvernement est parfait, gentil, et le peuple est heureux, cela est fortement mis en valeur dans l’épisode de l’Eldorado dans le Candide de Voltaire, où le souverain embrasse sur les deux joues Candide et Cacambo lorsqu’il les rencontre, et que les habitants sont tellement heureux qu’ils jurent de ne jamais quitter ce lieu. Or, on ne peut pas changer la nature de toute l’humanité, aucune société réelle qui fonctionne n’a des valeurs chevaleresques telles que la vertu, le courage, ou bien même le travail. Dans la prose de Arghezi, le narrateur s’adresse au lecteur : « Voulez-vous qu’on déménage dans Kuty ? Là-bas, les papies dont la bouche et le nez deviennent ridés chez nous et dont les cheveux blanchissent vers les oreilles ne sont plus grands que leurs enfants et les oncles aux joues rouges avancent en roulant, parmi les herbes […] Leurs semelles sentent les jacinthes »[27].
Il existe un bonheur commun, le bonheur individuel étant interdit, l’utopie est une société anti-individualiste et par conséquent communautariste, on ne travaille pas pour soi mais pour le bon fonctionnement de la société comme les Kutys qui travaillent avec une sollicitude commune pour l’intérêt commun. Mais ces utopies littéraires fonctionnent uniquement parce qu’elles n’existent pas, tout peut fonctionner dans un livre, mais la preuve que la réalité est confrontée à une fausse image est que les tentatives d’utopie telles que le national-socialisme ou bien le Stalinisme ont échoué et ont toutes mal fini.
L’utopie littéraire est une société imaginaire dans laquelle tout fonctionne, aussi bien le gouvernement que l’économie, et le peuple y est heureux. Mais elle est souvent comparée aux sociétés réelles malgré le fait qu’elle-même ne le soit pas, elle est basée sur des valeurs qu’il ne pourrait y avoir dans un vrai État, et elle est très souvent, au-delà les apparences, une société totalitariste, même si sa population en est comblée. Le caractère collégial est revendiqué dans beaucoup d’utopies, mais il a, à notre époque, une connotation dépréciative étant donné que nous vivons dans une société individualiste voire asociale.
Il peut encore arriver que l’écriture ne soit qu’un jeu avec les mots, qu’elle n’ait pas d’autre enjeu que de répondre à un désir ludique de l’écrivain, et qu’elle soit prioritairement pour lui, et par conséquent pour ses lecteurs, la source d’un plaisir communicatif. Les mots ne servent plus alors à communiquer une expérience unique, ni à produire du beau, ni à pénétrer dans le mystère des choses, ni à conférer de l’harmonie à la platitude de la vie quotidienne. Ils ne sont qu’un matériau sonore désacralisé, dont la manipulation ne requiert que de la dextérité de la part d’un écrivain dépourvu de toute autre ambition et qui ne court pas le risque de se prendre au sérieux.
Bibliographie
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Notes
[1] Cornélius Castoriadis, L’institution imaginaire de la société. Paris, Seuil, 1975, p.134.
[3] ”Să aduni clădiri care seamănă în acelaşi loc, bisericile cu bisericile, grădinile cu grădinile”.Tudor Arghezi, Tablete din Ţara de Kuty. Bucureşti, Editura Naţională Ciornei S.A., 1933, p. 21. La traduction des citations nous appartient.
[9] Billifox însemnează în traducere liberă “Ieretele cu patru picioare despărăchiate, fără unghii, care fuge la deal târâş iar la vale de-a berbeleacul şi sboară peste apele fără punte.” Ibid., p. 123.
[10] „Lokha repe aldutim cu toată caracteristica armeană a iului circumflex este salutarea zorilor zilei urcat în chiparoşi, printre maimuţe cântăreţe cu solzii argintii.” Ibid., p. 68.
[11] „Neputând să facem numai oale din pământ, a fost împărţit în ţări pentru ca natura să poată crea cel puţin oameni de stat.” Ibid., p.209.
[13] „Fără motiv, Kutul primea o lovitură în cap, oridecâte ori era întâlnit; cu motiv, adică după un exces, el primea 25 de lovituri în diverse regiuni ale trupului; ceea ce, a desvoltat noţiunea inocenţei şi a vinovăţiei, şi prin legătură logică, simţul răspunderii.” Ibid., p. 66.
[14] Nu-ţi închipui cum seamănă limba franceză cu limba… noastră. Dacă nu mă duceam la Paris, n-aş fi crezut nici eu. Cum intri pe graniţa Franciei, nu auzi decât mersi şi bonjur. Noi zicem: literatură, ei zic literatur. Noi zicem universitate, ei zic iuniversite. Zicem librărie, ei zic librării. Toată limba franceză de după război e copiată după noi, însă puţin schimonosită, ca să nu se cunoască, şi piţigăiat, prin denaturarea vocalelor pure. Au renunţat la î şi ă. Să nu crezi că m-am sfiit, am spus-o în gura mare, eu mi-am păstrat însă pronunţia curată […] Toate instituţiile noastre sunt maimuţărite la Paris, până şi Academia. Mai mult, literatura franceză actuală este furată întreagă, şi poezia şi proza. Nu o dată am recunoscut articolele mele în proza pariziană.” (Arghezi 1933: 76) Ibid., p. 76.
[16] „Înainte de sosirea mea, poporul era bineînţeles anarhic; fiecare după bunul plac şi îndrăzneau să creadă prosteşte că sunt fericiţi, ca şi cum omul ar putea fi măcar aproape mulţumit fără o organizare şi fără lege morală.” Ibid., p. 50.
[17] treburile cele mai speciale ale Academiilor, pe care cu timpul cred că le vor desfiinţa, fără un motiv evident, fiind pe cale să descopere o maşină de buzunar, chemată să răspundă automatic la toate chestiunile, să cuprindă un créer şi substanţa ştiinţei totale pe un sistem de sonerii”.Ibid., p. 87.
[18] „Volumul e cartea de vizită a omului superior: fără volum viaţa nu merită trăită şi când te-au abandonat funcţiunile inferioare, când nu te mai farmecă zâmbetul, grumazul şi şoldul şi când gândul uită să mai dezbrace imaginile şi să le mai înfierbânte, concentrat în moral, volumul, tomul, opera completă devin marile cosmetice şi un afrodiziac pentru expansiunile tacite ale orgoliului îndreptăţit.” Ibid., p. 220.
[19] Venus fără braţe şi mărăcinele băiatului din talpa piciorului”, „el avea 18 ani, toţi dinţii şi toate măselele”, „O biserică tocmai a trecut pe sub noi ca o capră.” Ibid., p. 77.
[20] „De sigur o eroare l-a făcut pe Noe să creadă că potopul cuprinsese pământul întreg, din pricină că lipsea concepţia rotondităţii. După ultimele date ale ştiinţei, Noe a fost mai degrabă un gospodar predecesor al lui Amundsen şi care şi-a propus să puie în mare prima navă de plutit şi, ca să-şi asigure mese regulate şi ouă a luat coteţe cu păsări şi animale de tăiat.” Ibid., p. 37.
[22] „Am plecat să căutăm al treilea pol, inspiraţi de ideea celei de-a patra dimensiuni.” Ibid., p. 65.
[23] „Un nasture fărăr cheotoare şi o cheotoare fără nasturele ei, reprezintă un desechilibru: cheotorile caută nasturi şi nasturii cheotori. Un nasture mare nu trece şi o gaură mare joacă. Numai în croitorie şi în mecanică lucrurile se petrec satisfăcător. Restul vieţii e o haină cu bumbi desperecheaţi, fără bumbi sau cu bumbii spânzuraţi.” Ibid., p. 182 .
[25] „Astăzi? Astăzi nimeni nu mai ştie să guverneze. Autoritatea suferă de mediocritate şi incapacitatea este completată de ferocitate şi atrocitate” Ibid., p. 206.
[26] „Întâi şi-ntâi, acolo copiii nu se duceau la şcoală. Se jucau toată ziua, de dimineaţă până seara şi dădeau cu pietrele în toate geamurile, fără să-i certe nimeni […] geamul prindea bolovanul şi şi-l dădea îndărăt: să vezi atunci cum te fereai, ca să nu te nimerească geamul pe tine […] va să zică, vezi de ce se cuminţeau copiii. Ca să nu le spargă geamurile capul.” Ibid, p.190.
[27]„Vreţi voi să ne mutăm în Kuty? Nici nu ştiţi ce bine e. Acolo nici tătuţii, care pe la noi se zbârcesc la gură şi la nas şi fac peri albi pe la urechi, nu sunt mai mari decât copiii lor şi unchieşii cu obrajii rumeni se dau de-a dura, prin iarbă, amestecaţi cu copiii, câte un tătuţ călare pe o spinare de băiat.” Ibid, p. 191.