Ionel Buşe
Université de Craiova, Roumanie
ionelbuse@yahoo.com
L’enfer des eaux létales : une vision bachelardienne de la mort
The Hell of Deadly Waters: Bachelard’s Vision of Death
Abstract: Generally, the representations of Christian hell belong to violent imaginaries. Even if this tradition is well represented in Christian texts and paintings, in other traditions (folk mythology, alchemy, literature, etc.) there appears a poetical dimension of death. Exploring this ”mild death”, the paper engages Bachelard’s approach of deadly waters. It also deals with the poetics deriving from ”feminine” thanatology.
Keywords: Gaston Bachelard; Hell; Deadly waters; Charon; Ophelia; Feminine thanatology.
Les imaginaires de l’enfer sont très riches dans les traditions chrétiennes. Si l’on regarde les peintures murales dans les églises orthodoxes byzantines on voit les catégories de péchés personnifiés avalés par un monstre qui ressemble au monstre biblique Léviathan. Les gens punis subissent toutes les tortures imaginées par l’être humain. Le feu de l’enfer est la matière la plus violente de l’imaginaire du mal dans la vision chrétienne. Dans la mythologie populaire roumaine les monstres thériomorphes, les porteurs du mal, sont aussi sortis du feu ou de l’eau. En ce qui concerne la représentation populaire du diable, elle est souvent liée de l’imaginaire d’étangs noirs ou d’eaux violents. En général les imaginaires des enfers chrétiens sont des imaginaires violentes. Bien que cette tradition soit bien représentée dans les textes et les peintures chrétiennes, dans d’autres traditions (de la mythologie populaire, de l’alchimie, de la littérature etc.) il y a une dimension poétique de la mort. En ce sens, nous nous proposons dans notre conférence de faire une approche sur l’imaginaire bachelardien des eaux létales en mettant en évidence aussi une poétique de la thanatologie féminine.
La mort comme passage sur l’eau
« La Mort ne fut-elle pas le premier Navigateur ? », se demande Bachelard. Dans son livre L’eau et la mort, Jean Libis essaie de valoriser l’imaginaire de l’eau létale en partant de la poétique de Gaston Bachelard. Il reproche à Mircea Eliade le fait de passer sous le silence cette dimension de l’imaginaire aquatique en mettant sur le premier plan la capacité fécondatrice et créatrice de l’eau.[1] En ce sens il cite le Traité d’histoire des religions où Eliade considère que « les eaux symbolisent la totalité des virtualités ; elles sont fons et origo, la matrice de toutes les possibilités d’existence ».[2] L’imaginaire de l’eau valorise en général ses propriétés germinatives. Mais certaines traditions mythologiques primitives mettent en valeurs aussi sa dimension létale. Mircea Eliade présente souvent le symbolisme de l’eau comme un symbolisme ambivalent par le symbolisme de la mort initiatique qui est toujours un commencement et non pas une fin. Le très connu symbolisme du monstre marin est par exemple un symbolisme ambivalent. Le ventre du monstre marin qui engloutit Jonas symbolise la mort, l’Enfer, qui correspond au Chaos, la Nuit cosmique avant la Création, mais aussi le retour à la puissance germinale qui précède les formes de l’existence temporelle. Jonas meurt et renaît pour un nouveau commencement. « Etre englouti équivaut donc à mourir, à pénétrer dans les Enfers – ce que tous très clairement entendre. Mais, d’autre part, l’entrée dans le ventre du monstre signifie aussi la réintégration d’un état préformel, embryonnaire ».[3] Même si l’imaginaire chrétien médiéval garde encore l’image de Léviathan biblique, il perd la dimension ambivalente. Il est assimilé au mal absolu, à la mort perpétuelle. De l’Enfer chrétien il n’y a pas de sortie.
Jean Libis critique Eliade de passer sous le silence la dimension létale de l’eau, mais pour les traditions préchrétiennes ou orientales cette dimension n’existe pas comme un mal absolu. Le reproche n’a pas d’objet. Dans sa formule absolue et rationalisée elle n’existe que dans le monde moderne occidental par la peur de la mort violente, issue peut-être de la tradition apocalyptique chrétienne.
En commentant les rêveries des eaux mortes chez Edgar Allan Poe, Bachelard nous introduit d’une perspective particulière dans l’imagination de la matière par l’intermédiaire de la rêverie de l’eau. Il utilise certains éléments de la psychanalyse dans son interprétation concernant par exemple les images premières des eaux, mais il met l’accent en même temps sur la liberté de rêverie du sujet. L’image inconsciente de la mère mourante dans l’œuvre de Edgar Poe est responsable peut-être de cet imaginaire de l’absorption de l’ombre du mort par l’eau, image rencontrée souvent dans la mythologie. En ce sens, le principe de l’imaginaire bachelardien de l’eau peut-être contenu dans ces mots : « L’eau est ainsi une invitation à mourir ; elle est une invitation à une mort spéciale qui nous permet rejoindre un des refuges matériels élémentaires ».[4]
L’eau est ainsi un des refuges matériels élémentaires présents dans les premières rêveries. Par ses rêveries l’homme est lié aux quatre éléments matériels : l’eau, la terre, le feu, l’air. Bachelard utilise un terme de psychanalyse, « le complexe » pour désigner cette relation d’origine. L’un des complexes est le complexe de Caron. Caron fait partie de la mythologie grecque mais il est présent aussi dans d’autres légendes, mythes et rêveries. « Tout un coté de notre âme nocturne s’explique par le mythe de la mort conçue comme un départ sur l’eau ».[5] Une partie de l’imagination matérielle est lié de l’eau de la mort. Bachelard l’explique par « les valeurs inconscientes accumulées autour des funérailles par l’image du voyage sur l’eau ». Il ne s’agit pas d’un simple symbole rationalisé de la barque de Caron, mais d’un complexe entier qui suppose la naissance des rêveries primordiales. Elles se retrouvent dans des divers mythes populaires, des légendes naturelles, etc. L’eau n’est pas un simple élément matériel elle est un élément rêvé. Les eaux des morts sont des formes oniriques qui pénètrent dans les structures des mythes. En ce sens on peut parler avec Bachelard d’un complexe onirique de Caron présent dans des mythologies ou des rêveries individuelles des poètes. Le passage vers l’autre monde, le passage sur l’eau par la barque d’un certain Caron temporaire est l’image de la mort même avec son enfer. C’est l’enfer de l’eau onirique.
Les mythes et les rêveries présentés par Bachelard sur la mort comme passage sur l’eau sont marqués par la figure de Caron, la mort lourde, lente, permanente. « La mort est un voyage qui ne finit jamais, elle est une perspective infinie de dangers… La barque de Caron va toujours aux enfers. Il n’y a pas de nautonier du bonheur ».[6] La barque va aux enfers, mais ce n’est pas l’enfer qui conte, mais le voyage ne finit jamais. Caron est le navigateur éternel. Il est le porteur des âmes et des malheurs de l’homme. « Sans Caron, pas d’enfer possible ».[7] Les rêveries des eaux létales sont concentrées sur « le passage » sur eaux, sur le travail de navigateur lourd et perpétuel de Caron.
Pour Bachelard le complexe de Caron avec ses images illustre l’eau dans la mort comme un « élément accepté » dans les rêveries matérielles primordiales des funérailles primitives. La mort est un passage sur l’eau, le Grand Départ accompagnée de Caron. Le philosophe français n’a l’intention de rationaliser les images du voyage des morts, de trouver des significations métaphysiques pour l’homme archaïque. Dans les religions primitives la mort n’est jamais définitive. On se demande si les rêveries primordiales de l’inconscient retiennent l’image comme la mort sur l’eau, pourquoi ne retiennent-elles aussi les images de la renaissance qui sont présentes même dans le christianisme par la résurrection de Jésus Christ ?
L’eau comme élément accepté de la mort est accepté peut-être parce qu’il est aussi un élément de la régénération. Les scénarios de la mort initiatique sont présentés dans toutes les cultures primitives. La résurrection est la rêverie plus étonnante de l’homme archaïque. Il accepte la mort et l’apprivoise par ses rituels mais aussi selon la croyance issue de sa rêverie primordiale de la renaissance. En ce sens, on peut dire que l’eau onirique de la mort est toujours ambivalente. Les rêveries des poètes sont-elles toujours chargées de ce pessimisme existentiel du complexe de Caron ?
L’ophélisation de l’eau et de la mort
L’autre complexe de la mort, interprété par Bachelard, est le complexe d’Ophélie, où il groupe les images selon le principe de la présence de l’eau dans la mort comme un « élément désiré ». En ce sens, il traite le problème du suicide en littérature qui est considéré « fort susceptible de nous donner l’imagination de la mort ».[8] Au niveau de la fiction, la projection littéraire du romancier les moyens d’expression sont plus riches et plus élaborés. Le problème est s’il touche les rêveries primordiales de l’eau désirée dans la mort. Bachelard fait ainsi appel à Shakespeare et à la mort d’Ophélie dans l’eau, « la vraie matière de la mort bien féminine ».[9] Par rapport au complexe de Caron qui peut être interprété comme un complexe masculine de la mort, le complexe d’Ophélie nous dévoile une mort douce, une mort féminine. L’innocente Ophélie meurt pour les pêchés d’autrui, elle ne porte sur les eaux ses propres malheurs. « L’eau est l’élément de la mort jeune et belle, de la mort fleurie, et, dans les drames de la vie et de la littérature, elle est l’élément de la mort sans orgueil ni vengeance, du suicide masochiste. L’eau est le symbole profond, organique de la femme qui ne sait que pleurer ses peines et dont les yeux sont si facilement « noyés de larmes » ».[10] Le personnage Laertes cité par Bachelard découvre devant le suicide d’Ophélie « ce qui est femme en lui ». Ce complexe universel vient lui aussi semble dire Bachelard de l’imaginaire primitif, du spectacle des êtres flottants qui semblent dormir et continuent à rêver. L’accent ne tombe pas sur la noyée, mais sur l’ophélisation de l’eau et de la mort. L’enfer n’existe plus.
Une mort paradisiaque ? L’eau ne coule pas dans l’enfer des morts. Il n’y a pas de Caron. « Pendant des siècles, elle apparaîtra aux rêveurs et aux poètes, flottant sur son ruisseau, avec ses fleurs es sa chevelure étalée sur l’onde ».[11] Ces rêveries mêlent la vie avec la mort. D’ailleurs dans les diverses traditions archaïques préchrétiennes l’eau a le rôle d’abolir l’extinction définitive. Les enfers laissent la possibilité de souffrance en conservant la vie à un niveau réduit, ce qui Mircea Eliade appelle un mode élémentaire de l’existence ; « c’est une régression, non une extinction finale. Dans l’attente du retour dans le circuit cosmique (transmigration) ou de la délivrance définitive, l’âme du mort souffre et cette souffrance est habituellement exprimée par la soif ».[12] La soif du mort se trouve aussi dans les rituelles d’enterrement dans la mythologie populaire roumaine. La belle Ophélie flotte sur une rivière calme et douce. Elle ne connaît pas la décomposition tout comme le moine Euthanasius de la nouvelle de Mihai Eminescu qui semble endormi sur l’eau qui coule. « L’Ile d’Euthanasius fait partie on peut dire de la classe des îles transcendantes parce que là « le devenir » n’est plus tragique mais est humilié. On peut parler d’un « arrêt sur place » parce que le cadavre d’Euthanasius n’est pas soumis au processus de décomposition et il reste sous cette cascade des siècles « tout comme un vieux roi des contes des fées » ».[13]
La tendance de la rationalisation des images, de faire des images concepts risque de dénaturer le processus même de l’imagination. Bachelard nous avertit par ses considérations sur la rêverie et sur le mécanisme de l’imagination littéraire qui se développe dans le règne d’image d’image. En ce sens il faut suivre la force des éléments matériels qui rend possible l’imagination matérielle. L’exemple de l’inversion d’un complexe d’Ophélie dans le roman de Gabriele D’Annuzzio, Forse che si, Forse che no, donné par Bachelard, a le rôle de nous montrer la force imaginative de l’élément aquatique. Les cheveux d’Isabella « glissaient comme une eau lente ». « Ce n’est pas la forme de chevelure qui fait penser à l’eau courante, c’est son mouvement… Ainsi une chevelure vivante, chantée par un poète, doit suggérer un mouvement, une onde qui passe, une onde qui frémit ».[14] La matérialité de l’eau détermine elle aussi ce complexe inversé qui unit l’eau, la femme et la mort. La mort est apprivoisée dans les rêveries des poètes et des peintres par l’eau et par la jeune femme. D’ailleurs Bachelard écrit : « L’eau humanise la mort et mêle quelques sons clairs au plus sourd gémissement. Parfois une douceur accrue, des ombres plus habiles tempèrent à l’extrême le réalisme de la mort ».[15] L’humanisation de la mort monte jusqu’au niveau cosmique par l’union de la lune et des flots, dans les rêveries poétiques, ce qui Bachelard nomme « scène d’amour du ciel et de l’eau ». La nuit, le ciel, la lune et les étoiles participent eux aussi à la tragédie de la triste Ophélie. Le pseudo-enfer noir des ombres se cache devant la lumière de la lune ophélisée qui semble être reflétée par les eaux de la rivière.
Les images de l’eau nous induisent une féminité cachée de l’eau mise en évidence par la mythologie, la psychanalyse, la littérature etc. Maternelle et érotique, l’eau se trouve dans des mythes, rêves, poésies. Il ne s’agit pas des eaux mortes, d’étangs noirs ou de marais des monstres, mais des rivières lentes, cristallines ou des eaux maternelles de la mer. Le suicide d’Ophélie par le désir de l’eau nous dévoilé une thanatologie qui unifie Eros avec Thanatos par la matérialité des images qui forment ce qui Bachelard appelle « le prototype de la mort littéraire ». Les rêveries poétiques d’un Rimbaud ou celles de la peinture de Delacroix ou Millais nous font que de redécouvrir en nous ce désir féminin érotico-thanatique de l’imagination. Matrice d’une euthanasie transcendantale[16], la littérature contribue ainsi tout comme les rituels mythologique d’apprivoiser la mort. L’image d’Ophélie peut-être interprétée, selon Bachelard, comme « un symbole d’une grande loi de l’imagination. L’imagination du malheur et de la mort trouve dans la matière de l’eau une image matérielle particulièrement puissante et naturelle. Ainsi pour certaines âmes, l’eau tient vraiment la mort dans sa substance. Elle communique une rêverie où l’horreur est lente et tranquille ».[17]
Le désir intime de la mort par l’eau ne tient compte de la mort réelle par suffocation, mais il exprime une mélancolie existentielle originelle. Plusieurs Ophélies des poètes expriment ce jeu intime d’une rêverie qui unit la nuit, la rivière, la lune dans une mélancolie qui semble avoir l’origine dans les rêveries primordiales de l’homme. Comme élément mélancolisant l’eau est considérée souvent un élément triste. Les commentaires bachelardiens sur certains poèmes d’Edgar Poe et Lamartine soulignent la tristesse de l’eau par les larmes. Une perte de l’être sont les larmes, une sort de dissolution de l’âme. Le monde entier semble trouver la dissolution dans les larmes de l’âme mélancolique. Tout semble envoyer à un unique élément, un élément cosmique qui tient tout l’univers, la vie et la mort – l’eau. « L’eau rend la mort élémentaire. L’eau meurt avec le mort dans sa substance. L’eau est alors un néant substantiel. On ne peut aller plus loin dans le désespoir. Pour certaines âmes, l’eau est la matière du désespoir ».[18] La rêverie mélancolique nous approche d’une profondeur philosophique. Les premiers concepts sont nés de rêveries. Mais plus que les concepts, les rêveries expriment par leur dimension poétique la profondeur de l’existence. Il n’y a pas d’angoisse concernant le néant substantiel, mais des rêveries.
En guise de conclusion
Dans le film d’Ingmar Bergman, Le septième sceau, le chevalier qui rentre de la croisade avec son écuyer après dix ans de guerre est attendu sur la plage entourée des eaux de la mer par la Mort personnifiée par un homme terrible habillé en noir. Le retour du chevalier Antonius Blok chez lui et dans son château c’est le retour vers la Mort. Il semble que pour le chevalier la Mort n’est pas une surprise et lui demande un répit de quelques jours en la provoquant à un jeu d’échecs. Son retour a lieu sous des signes apocalyptiques. La grande peste ravage le monde. Les vols, les crimes, les tortures, les gens mutilés par la peste sont présents partout. Un enfer réel entouré des eaux de la mort ? Une décennie et demie après la Grande guerre mondiale, ces images de l’enfer du film de Bergman posent encore des questions sur la croyance en Dieu, sur le sens de la vie et de la mort. Le sens de la vie pour l’écuyer du chevalier le voit dans la présence de la mort et du néant. Un enfer permanent. D’ailleurs le film finit par la danse macabre dans de la mort. La vie est un jeu qui finit toujours dans une danse macabre. Finalement le chevalier est vaincu par la mort, mais il aboutit à « saluer » une jeune famille de baladins en chemine qui vivaient en innocence leurs plaisirs simples et la croyance en Dieu. Est-ce le sens de la vie ? Peut-être que la vie et la mort doivent être rêvées au niveau de l’innocence. Les deux jeunes acteurs populaires qui dansent et chantent dans la présence de la mort sont d’un optimisme onirique primitif.
Si l’eau semble être un discret spectateur du monde qui entoure l’île réelle de l’enfer apocalyptique dans le film d’Ingmar Bergman, chez Bachelard elle est un véritable acteur de la mort. Le philosophe essaie de surprendre par ses commentaires sur la littérature et la mythologie, cet optimisme-pessimisme onirique dans les rêveries primordiales de la mort qui ne sont pas du tout cauchemardesques ou apocalyptiques. Elles sont des rêveries naturelles de la mort acceptée ou de la mort désirée comme un long passage sur l’eau. L’imaginaire de l’eau apprivoise toutes les aspérités violentes de la mort avec ses enfers rationalisés. Le rêveur bachelardien de la mort ne souffre pas de la « terreur de l’histoire ». Il n’est pas une âme innocente comme dans le film de Bergman, mais peut-être un esprit innocent. L’esprit innocent est l’esprit qui vit les rêveries primordiales par ses rêveries poétiques. En ce sens, la mythologie et la littérature au-delà des théories rationalistes les plus élaborés, même logiciste, restent une source inépuisable d’accès à l’univers onirique de l’homme, à l’imagination « conçue comme faculté naturelle et non plus comme une faculté éduquée ».[19]
La faculté naturelle de l’imagination semble avoir un correspondent féminin. On rappelle ici le principe de la phénoménologie bachelardienne sur les images du masculin et du féminin. « De l’homme à la femme et de la femme à l’homme il y a une communication d’anima. En l’anima est le principe commun de l’idéalisation de l’humain, le principe de la rêverie de l’être, d’un être qui voudrait la tranquillité et par conséquent, la continuité d’être ».[20] Si le principe de la rêverie de l’être est l’anima, on peut comprendre mieux la nature féminine de la rêverie et de la poétique. « Toute réalité, celle qui est présente, et celle qui demeure comme un héritage du temps disparu, est idéalisée, mise dans le mouvement d’une réalité rêvée »[21], écrit Bachelard. L’eau est considérée un élément matériel par excellence féminine. L’eau onirique de la mort est aussi chargée d’une féminité naturelle primitive. L’ophélisation de la mort nous dévoile une dimension féminine de la thanatologie onirique où l’image de l’enfer est dominée par la matérialité de l’eau qui unit la vie avec la mort dans le berceau maternel universel de l’eau qui nous offre aussi des messages thérapeutiques par la parole de l’eau. D’ailleurs L’eau et les rêves finit par un optimisme onirique qui nous rend peut-être le sens de la vie et de la mort par les rêveries matérielles de l’eau qui nous répondent à nos paroles chargées de malheurs existentielles :
« Venez, ô mes amis, dans le clair matin, chanter les voyelles du ruisseau ! Où est notre première souffrance ? C’est que nous avons hésité à dire… Elle est née dans les heures où nous avons entassé en nous des choses tues. Le ruisseau vous apprendra à parler quand même, malgré les peines et les souvenirs, il vous apprendra l’euphorie par l’euphuisme, l’énergie par le poème. Il vous redira, à chaque instant, quelques beau mot tout rond qui roule sur des pierres ».[22]
Notes