Elena Butuşină
Université Babes-Bolyai, Cluj-Napoca, Roumanie
elena.butusina@gmail.com
À la recherche des Balkans – performer l’histoire personnelle
Retrouver les Balkans intérieurs après l’exil
Searching for the Balkans – a Personal History
Abstract: This paper presents the unusual perspective of contemporary Serbian artist Marina Abramović over the Balkan culture and history. It aims at underlining the manner in which Abramović performs her personal experience on the artistic stage, in an attempt to understand both her own past and the recent events of the conflicting Yugoslavian land. Analyzing the process of anamnesis and aesthetic expression, the vulnerable, yet crucial role of memory and the underlying mystic level of her creation, the essay finally emphasizes the way postmodern performance and body art approaches the relation between personal and collective biography in historically tormented areas such as the Balkans.
Keywords: Balkans; Serbia; Baroque; Marina Abramović; Contemporary art; Performance.
Héritière de la tradition mythique de la relation pleine de potentialités entre le corps symbolique et le texte inscrit sur n’importe quel support, l’artiste d’origine serbe Marina Abramović trouve son inspiration dans les Balkans natals. Ses œuvres ont réalisé, pendant les dernières quarante années, la performance de ce qu’on appelle l’autopoiesis inévitable de la création artistique. Pour les lecteurs-spectateurs qu’une telle création totale exige, son projet global devient l’équivalent du dialogue transgressif cherché par l’écriture de Danilo Kiš, de Julia Kristeva ou de Tzvetan Todorov. La théâtralité involontaire de ses performances réside dans le moment où la société balkanique, essentialisée, devenue une scène, représente un micro-espace et un micro-temps, chargée d’énergies, à la fois négatives et positives, qui vont être libérées et qui peuvent produire l’échange et le changement.
Recomposer une histoire individuelle mais aussi collective, superposer l’Alter au monde, à la nation, aux proches et, parfois, aux parties inconnues de sa propre personnalité – ce sont les finalités imprévues de l’approche de Marina Abramović, elle-même une des artistes marginales du mainstream. Comme d’autres artistes qui ont commencé à créer d’une manière plus forte après leur rentrée (forcée ou clandestine) dans l’espace natal (voir Ana Mendieta ou Shirin Neshat), Abramović surgit comme créatrice dans un milieu fortement conflictuel. Mais la plus importante est la distance qu’elle a pris par son exil volontaire et qui lui a offert la possibilité de chercher dans son for intérieur les Balkans périphériques qu’elle a quittés pour la scène internationale de l’art. Dans les conditions précaires de l’exil ou dans les moments d’un retour jamais définitif aux Balkans, le réveil de la mémoire du corps, surtout incohérent et personnel, présuppose le retour au passé et à sa dimension collective, libératrice, entraînant dans le processus des contraintes que la mémoire collective exerce sur la mémoire individuelle qui cherche l’autonomie. C’est un parcours similaire à celui décrit par Tzvetan Todorov dans ses réflexions sur la force abusive de la mémoire ; en réfléchissant sur les mécanismes par lesquels les régimes totalitaires menacent la mémoire de l’effacement, l’écrivain bulgare semble considérer le corps comme un des derniers éléments réactionnaires face à l’histoire[1]. En plus, étant donné l’afflux extraordinaire d’information dans les sociétés occidentales actuelles, on sent un nouveau culte étrange de la mémoire, qui devient un nouveau moyen de légitimation, un nouvel évènement exemplaire.
Évoquant l’appréciation de Paul Virilio selon laquelle on se trouve, corporellement, dans un certain lieu, même si notre esprit est partout (voir les media alternatives), Abramović déplore le corps devenu un lourd obstacle. C’est contre cette situation qu’elle se rebelle, en faisant de son corps, simultanément, l’instrument, le laboratoire et l’œuvre qui donnent accès à notre dimension divine. L’exil symbolique du corps dans la postmodernité sape sa confession :
Après avoir quitté la Yougoslavie, j’ai décidé de devenir un nomade moderne. Je vois le monde entier comme mon atelier et je m’intéresse de plus en plus à cet état qu’on appelle « l’espace entre », l’espace entre deux mondes, le passage, le pont qui lie deux lieux, lorsqu’on quitte un lieu et on se dirige vers un autre. Toute ma création est concentrée sur l’idée du dépassement des frontières, physiques ou métaphoriques[2].
C’est un sentiment similaire à celui que Julia Kristeva fait au moment de son émigration :
Ne plus parler sa langue materne. Habiter dans les sonorités, dans une logique séparée de la mémoire nocturne du corps, du sommeil doux-amer de l’enfance. Porter au sein de soi-même, comme dans un tombeau, ou comme dans un enfant handicapé, aimé et utile, cette langue d’autrefois, qui ne s’efface pas et ne nous quitte pas. Devenir le maître d’un instrument étrange, comme avec l’algèbre ou le violon. On peut être le maître d’un nouvel artifice, nous offrant un nouveau corps, également artificiel, sublimé (…). On a l’impression que cette nouvelle langue est une nouvelle résurrection : une peau nouvelle, un sexe nouveau. Mais l’illusion se dissipe lorsqu’on peut, finalement, s’écouter soi-même[3].
C’est l’équivalent de l’aliénation de l’Autre, représenté parfois par soi-même, peu importe le lieu ou le moment où l’on se trouve.
En revenant aux racines balkaniques des œuvres d’Abramović, on observe qu’au niveau mythique ou rituel, la zone est invoquée en permanence dans les confessions de l’artiste ou dans les commentaires des critiques. Militant, persuasif, troublant, l’art de Marina Abramović discute l’espace et le temps, dans une lutte avec l’éternité et la matière. Référence premièrement biographique dans le cas d’Abramović, les Balkans représentent cependant une construction mentale, dont les limites sont ambiguës. Avec une histoire qui se renouvelle chaque jour[4], l’ex-Yougoslavie fait partie d’une zone plus large, similaire, dans le mental occidental, à une location orientale où il faut que se déroule une aventure, similaire à ce que Freud appelait l’unheimliche. Perçue comme déviante, stéréotypée, sensationnaliste, la zone des Balkans représente paradoxalement l’altérité nécessaire à l’ère de la globalisation[5].
Défiant les substituts, réels ou fictionnels, que l’histoire impose par ses représentations et discours officiels, l’artiste internationale d’origine serbe Marina Abramović lance une poétique de la corporalité contre la menace de la guerre, l’invasion des réalités virtuelles et l’extrême vulnérabilité de l’individu face au monde. La voix de ses performances est celle d’un corps aliéné, devenu victime des impulsions morbides et de l’arrachement intérieur. En revanche, son corps marque consciemment le territoire et l’instant où il se déplace et, à la fois, se laisse marqué par eux. Influencée de manière évidente par l’espace de sa naissance, Marina Abramović ouvre sa subjectivité angoissée, en cherchant les voies pour sortir du chaos et pour recomposer le texte traditionnellement inscrit sur son être, c’est-à-dire les peurs, les craintes, les obsessions, les inhibitions et les traumatismes d’une époque où la seule représentation acceptée était celle officielle, conventionnelle. L’histoire des pèlerinages et des tentatives d’appropriation d’un espace et d’un temps de cette artiste serbe est, en effet, l’histoire de l’individu coincé involontairement entre les mécanismes du pouvoir politique. Paradoxalement, l’art permet l’évasion ou la transgression du présent historique seulement après l’acceptation totale et délibérée des déterminations données par l’espace culturel d’où on vient. L’histoire biographique, la parodie, l’enjeu autoréférentiel, l’hyper-réalisme se trouvent toujours derrière l’action performée. Néanmoins, tous ces éléments sont des répliques pâles face à la violence réelle.
La mémoire du corps recompose le texte biographique
Profondément marquée par les massacres qui ont blessé l’espace yougoslave, choquée par le retour dans le pays natal divisé et sanglant, au début des années ’90, l’artiste serbe reconstruit, par l’œuvre Balkan Baroque, l’expérience de la guerre et de ses effets aliénants sur l’individu. Le point de départ est le drame vécu au moment du retour dans les Balkans, mais, finalement, l’œuvre dépasse les frontières des contextualisations et éteint son message, indépendamment du temps ou de l’espace. Les murmures des chants traditionnels balkaniques, dont les vers sont éveillés de manière incohérente par la mémoire déficitaire, entourent l’installation totale. Isolée dans une chambre dont les murs sont couverts de projections avec les figures de ses parents (eux-mêmes ayant une histoire troublée, après avoir été séparés de la communauté orthodoxe à laquelle ils étaient liés par descendance, réfugiés parmi les partisans, puis devenus membres actifs du Parti Communiste). Ainsi se présente Marina Abramović au public de la Biennale de Venise de 1997, flanquée de la figure de son père armé et de celle de sa mère envahie d’une tendresse autoritaire, les deux se couvrant les yeux. C’est un espace qui ressemble à l’organisation de l’espace sacré à l’intérieur d’une église orthodoxe, comportant des similitudes frappantes avec les figures du Sauveur, de la St. Mère et de St. Jean-Baptiste[6]. L’image de Marina Abramović supporte une double hypostase : premièrement, celle d’une femme-médecin, qui nous raconte la légende des rats-loups des Balkans, des êtres qui, dans des conditions insupportables, sont dirigés vers l’autodestruction, situation similaire aux tactiques utilisées par les systèmes oppressifs pendant la guerre, face aux individus réactionnaires ; la deuxième hypostase surprend l’artiste comme une femme qui se divertit, pleine de vie ou sinistre dans sa joie, en entonnant des fragments de chansons à boire serbes, avec des possibles influences roumaines. L’eau présente dans l’installation est vitale parce que, moyennant des gestes et des mots, l’artiste réalise un rite de passage, d’expiation du passé, personnel ou collectif. Par conséquent, Bojana Pejić souligne les deux rôles distincts y joués par l’artiste : celui de la Nation, romantiquement féminisée, et celui d’une femme qui pleure ses morts pour les faire passer dans l’autre monde[7]. Comme dans un microcosme, le visiteur occidental, lui-même étranger, écoute l’histoire de la transformation brutale et inévitable, causée par la terreur et la cécité, comme dans le cas déjà mentionné des rats-loups. Tous les objets qui font partie des installations dédiées aux Balkans appartiennent à la mémoire et représentent un passé irrévocable. Il s’agit d’un contexte où le langage ne peut plus s’approprier le corps et l’espace natal, et s’appuie donc sur un vocabulaire qui exprime toujours la perte et l’impossibilité. Les évènements éveillés par la mémoire sont essentiellement diffus et échappent à l’histoire, mais l’exercice de la mémoire semble être l’unique remède contre l’inertie mortifiante. Dans ce processus, les Balkans deviennent le projet de reconquête d’une souveraineté avant tout mentale[8].
L’étrange communication entre la biographie et la création individuelle devient visible dans la performance The Hero, réalisée à Càdiz, en 2001, l’année de la mort de son père. Sur un cheval blanc, avec un drapeau de la même couleur à la main, Abramović reste immobile, symbolisant simultanément la capitulation et le pacifisme qu’elle considère comme étant le seul remède à la violence, après un autre voyage de retour dans le pays où les conflits n’avaient pas cessé. Après avoir affirmé, dans une de ses interviews, que son père n’aurait jamais capitulé, l’artiste tente une verticalité totale, comme credo créatif et intellectuel, laissant bouger dans le vent uniquement la toile blanche du drapeau. Même s’il y a des moments où la fatigue la fait presque tomber, la vidéo réalisée à cette occasion-là montre l’image sans commencement et sans fin d’une femme digne et obstinée. Au-delà de la pluralité symbolique du cheval et de la chromatique, il faut mentionner que, dans une version antérieure de la performance, il y avait une première partie fort contrastante avec la version finale : Abramović sur un cheval noir, se regardant de manière obsessive dans le miroir. Cette première moitié, rejetée ou oubliée, fait partie du background essentiel de la création, révélant encore une fois les éléments autobiographiques qui existent dans n’importe quel parcours créatif.
Comme dans une réverbération de la pensée foucaldienne, le corps est plongé dans le politique, en relation permanente avec le pouvoir et ses attaques, ses conventions, ses tâches. C’est une des raisons pour réinterpréter une performance réalisée en 1974, juste avant son exil délibéré. Abramović projette son Count on Us (2003, Belgrade) comme une étoile en cinq coins, dont les côtés sont les corps des enfants et le centre – le corps de l’artiste. Une scénographie qui ne laisse aucun doute sur la liaison entre le parcours personnel et l’évolution du pays de naissance. Si la performance réalisée vingt-neuf ans avant présentait Abramović au centre d’une étoile en flammes, risquant l’asphyxie causée par la perte d’oxygène, celui de 2003 a eu comme continuation la réalisation d’un chœur des élèves de l’école Les Nations Unies de Belgrade. Motivée dans son choix par le contraste évident entre les attentes des yougoslaves face à l’intervention humanitaire de la communauté internationale et la réalité cruelle dominée par le chaos et l’horreur, Abramović choisit comme collaborateurs dans son ouvrage les élèves d’une école qui, ironiquement, avait pris le nom des émissaires de la paix. La dimension macabre du chœur dérive de son ambiguïté : les enfants vêtus en noir, dirigés par un squelette, entonnent un hymne sur l’honneur, la liberté, les armées de la paix, l’amitié, dédié aux Nations Unies. Y-a-t-il une raison d’espérer ou est-ce que c’est un chant funèbre ? Un mélange entre l’héroïque et l’infantile, l’innocence, le pouvoir et la vulnérabilité est suggéré par l’enregistrement des enfants-pionniers de la période titoiste, présentés en contre-plongée, sur un fond intensément rouge. En ce qui concerne l’ambiguïté déjà mentionnée de la figure de l’enfant, Vesna Goldsworthy citait un des représentants de l’ONU qui affirmait qu’à Kossovo l’acte de gouverner est comme « habiller un enfant avec le pantalon de l’économie, la chemise de l’éducation, la jaquette de la démocratie, alors que l’enfant ne désire rien d’autre que courir dehors et jouer dans ses pyjamas »[9]. Le diplomate continuait sa réplique en disant : « Si on le laisse faire ce qu’il veut, il va se blesser ».
Y-a-t-il un mysticisme des performances d’Abramović ?
Le solipsisme auquel l’exil occidental la condamne est toujours doublé, dans le cas de l’artiste serbe, d’une ouverture violente vers l’altérité ; le dialogue entre l’Occident et les Balkans, autrement éloignés, présuppose une transgression ayant des effets parfois purificateurs. L’acte d’assumer une autre histoire ou une autre identité (ce qui passe dans les reconstructions fragmentaires de son passé émotionnel) relève un potentiel mystique de l’expérience. C’est une coordonnée constante des créations d’Abramović, même s’il s’agit de la réanimation des déterminations culturelles des Balkans ou d’autres espaces considérés marginaux par le mainstream. La manière juste employée par Abramović pour réactiver ces chaînes du dialogue est relevée par l’exemple étrange de Nikola Tesla, dont les cendres sont conservées dans un musée de Belgrade, occasion pour qu’Abramović compare les musées aux cimetières. L’hommage rendu au physicien dans Count on Us est, littéralement, l’électrochoc, sacralisation du performer comme transmetteur de l’énergie en état pur.
Là où les interprétations philosophiques, sémiotiques, sociologiques n’apportent plus de réponses, là où la pensée occidentale essaie de tout surprendre dans la rationalité du langage, les œuvres d’Abramović vont jusqu’au bout, pour trouver l’archétype, auquel la postmodernité offre plusieurs significations. L’adjectif « baroque » attribué aux Balkans recrées par les performances d’Abramović est la marque d’un mouvement de dislocation spécifique au courant ; utilisant l’impossibilité et l’hasard, tout ce qu’avant était stigmatisé comme inesthétique, le baroque symbolise le pouvoir transformé, celui de l’instant, de la temporalité violente, la seule voie capable d’ouvrir la perception vers l’expérience totale de la croyance[10]. Les Balkans Baroques de Marina Abramović sont une illusion qui inverse la hiérarchie des autorités. La doctrine devient un murmure des fragments poétiques évoquant un âge de l’innocence, mais les effets sur le public ne viennent pas de l’extase, mais de l’horreur. L’artiste n’est que le personnage qui réalise la mise-en-scène, le grand jeu des révélations et des occultations, de l’apparence et du transitoire.
Contrepartie parodique et purificatrice de l’œuvre Balkan Baroque, la vidéo Balkan Erotic Epic présente la re-dramatisation des anciens rites balkaniques de fertilité, après la consultation des chroniques médiévales, dans un scénario filtré par l’imagination créatrice. Qu’ils soient des rites avec une finalité apotropaïque ou des rites agraires, toutes les scénarios performés dans le court-métrage représentent la manière dont les gens des sociétés archaïques des Balkans utilisaient l’érotisme pour préserver une liaison vive avec la nature et le transcendent. La vraie source d’inspiration est le folklore yougoslave, dont le substrat païen persiste ; même masqués par les changements inhérents au monde contemporain, même pendant la guerre, les souvenirs des attitudes, de l’humour ou des positions sociales liées au sexe dans l’espace yougoslave sont pleins de vitalisme. Par conséquent, après avoir examiné les racines de cette attitude, Abramović décide de tourner le film à Belgrade, comme les deux autres œuvres déjà mentionnées, réalisées après son émigration, les deux liées aux Balkans. Même si apparemment comique, le court-métrage résulté ne manque pas de frisson tragique, généré peut-être même par le manque d’adéquation. Bien sûr, une approche décontextualisée risque de vulgariser un tel projet. C’est peut-être un des motifs pour en garder le secret jusqu’au dernier moment de son tournage. La force autonome des images, à la fois doublée par la permanente interaction avec des symboles de valeur nationale, révèle une multitude de couches d’interprétation, après avoir abandonné l’aura exclusivement érotique. Même s’il y a un fondement érotique qui lie la vie, l’amour et le corps, le contraste qui est la source de l’agressivité naît entre l’homme moderne (avec ses conventions, ses clichés et sa matérialité) et l’homme des sociétés traditionnelles pour lequel la sexualité représente « la force magique de la nature qui préfigure le mystère de l’Un »[11]. Contre les discours officiels, et surtout contre ceux occidentaux, patriarcales, verticalisant le monde, Balkan Erotic Epic évoque les pratiques rituelles qui ont survécu dans les Balkans, dans des zones tardivement médiévales, où la corporalité devient synonyme du vitalisme et de la communication avec le transcendant. La distribution horizontale des femmes qui, au milieu d’un champ vert, jeunes et vieilles ensemble, regardent le ciel, en se touchant sans aucune inhibition, peut être une invocation de la pluie, un geste pour renvoyer les nuages d’orage, mais le danger qui vient de là-haut et que leur tension divulgue, peut bien être une bombe ou un avion au-dessus des environs d’Yougoslavie ou de toute autre communauté innocente, prise dans une dimension atemporelle de l’être. Tout ce scénario se déroule avec Svetlana Spajić dans l’arrière-plan, chantant sur le destin du peuple serbe, demandant pardon au Dieu et déplorant la croix de la guerre qui a frappé la foi slave.
Elle-même petite-fille d’un des patriarches serbes, sanctifié après sa mort, devenue rebelle face aux conventions imposées par le milieu familial, Marina Abramović représente, après quatre décennies de travail artistique, l’adhésion à un type d’ascétisme dégradé, accentuant l’érotisme et l’agressivité de la vraie rencontre avec l’Autre et avec soi-même, comme dans un écho des conflits internes de son espace natal. Courir toujours le danger de ne pas être capable de maîtriser les accumulations mythiques, religieuses, politiques, sociales que les Balkans lui transmettent, Abramović choisit de vivre d’une manière exacerbée le présent. De façon significative, elle a choisi comme résidence permanente l’île volcanique Stromboli, un substitut émotionnel et fortement physique des Balkans.
Bibliographie
Abramović, Marina, 7 Easy Pieces, éd. Charta, Milan, 2007.
—–, « Balkan Epic », éd. Skira, Milan, 2006.
Alfano Miglietti, Francesca (FAM), Extreme Bodies – The use and Abuse of the Body in Art, Milan, éd. Skira, 2003.
Evola, Julius, Metafizica sexului, trad. Sorin Mărculescu, éd. Humanitas, Bucureşti, 1994.
Goldsworthy, Vesna, The Rhetoric of Balkanization
http://www.eurozine.com/articles/2003-05-08-goldsworthy-en.html (8 mai 2003).
Goldsworthy, Vesna, Not Quite European
http://www.eurozine.com/articles/2004-07-09-vacheva-en.html (9 juillet 2004).
Stoichiţă, Victor Ieronim, Creatorul şi umbra lui, éd. Meridiane, Bucureşti, 1981.
Todorov, Tzvetan, Abuzurile memoriei, trad. Doina Lica, Timisoara, éd. Amarcord, 1999.
Notes
[2] Alfano Miglietti, Francesca (FAM), Extreme Bodies – The use and Abuse of the Body in Art, Milan, éd. Skira, 2003, p. 93-94.
[5]Goldsworthy, Vesna, The Rhetoric of Balkanization, http://www.eurozine.com/articles/2003-05-08-goldsworthy-en.html (8 mai 2003).