Monica Spiridon
Confins réels, confins rêvés:
Les Balkans – fatalité ou provocation ?
Abstract: The article presents Romania as a country trapped between Orient, Occident and The Balkans, emphasizing the influence of the geographical position upon Romanian mentality and culture.
Keywords: Symbolic geographies, Romania, The Balkans, Orient, Occident
Les discours intellectuels roumains ont fréquemment présenté la position périphérique du pays et son obsession pour les confins, comme une véritable fatalité historique, justifiée par la double racine de la culture nationale: son hérédité linguistique romane – donc occidentale – et sa racine confessionnelle byzantine – donc orientale. Pour la conscience culturelle roumaine, circonscrire l’Occident n’était pas un vrai défi. Tout au contraire, tracer des frontières entre cet Occident et l’Orient fut la question vraiment épineuse. Un Orient palpable, cohérent et crédible, place aux confins du monde occidental, faisait défaut et par conséquent, les Roumains ont du l’imaginer.
Selon les sociologues, «la frontière n’est pas un fait spatial aux conséquences sociologiques, mais un fait social qui prend forme dans l’espace. Les limites dans l’espace ne sont que la cristallisation ou la spatialisation du seul réel processus psychique de délimitation » (1). En même temps ils nous invitent à réfléchir sur les « usages de la frontière » dans les pratiques sociales et culturelles. Lucien Febvre, par exemple, avait analyse l’évolution sémantique du mot frontière comme signe évident d’une mutation de la réalité historique avec la formation de l’état moderne. (2)
A cet égard, la Roumanie nous offre une vraie étude de cas. A partir de la seconde moitié du XIXe siècle, la dimension non-occidentale de la culture nationale commence à être identifiée au balkanisme. Simultanément, les topographies balkaniques son progressivement érigées en synonymes parfaits de l’Orient roumain. De surcroît, l’ainsi dite projection cartographique des Balkans s’avère un déguisement habile du Temps en Espace symbolique. Ce processus, fort significatif, a des étapes aisément reconnaissables et se laisse percevoir à des niveaux différents.
A ce point-ci, quelques repères strictement topographiques s’imposent. « Les Balkans » sont désignes par les manuels roumains de géographie comme une péninsule européenne, dominée par la chaîne montagneuse homonyme et délimitée exclusivement par des frontières riveraines: des mers à l’Est, au Sud et à l’Ouest et le Danube au Nord.
Située de l’autre coté de la frontière danubienne, la Roumanie ne s’est jamais identifiée comme pays balkanique. Tout au contraire, le Danube n’a guère cessé de représenter une frontière symbolique de l’espace culturel roumain. Jusqu’à nos jours, les deux rives du Danube (la rive gauche et la rive droite si l’on veut) restent les repères-clef des oppositions radicales dans plus d’un domaine. En Roumanie on parle couramment des idiomes du Nord et respectivement du Sud du Danube et on ne se fatigue guerre de discerner entre des civilisations, des peuplades, des codes culinaires ou d’accoutrements traditionnels Nord et Sud-danubiens etc. D’une perspective strictement historique, le Danube fut érige en barricade infranchissable, dressée contre toute Altérité agressive. L’empire ottoman fut perçu comme une menace formidable de l’au-delà du Danube.
A part le Danube, les Carpates ont été à leur tour perçus comme une forteresse symbolique se dressant contre l’occupant, et comme un dernier abri de l’identité nationale. On s’en rend compte en lisant le poème Le Balkan et le Carpate composé juste avant la guerre d’indépendance contre les Turcs, par le poète et le diplomate Vasile Alecsandri, révolutionnaire quarante-huitard.
Le début du poème détaille les coordonnées topographiques de la confrontation. Des deux côtés opposés du Danube, les Carpates et les Balkans personnifient deux entités incompatibles – Nous-mêmes et, à l’antipode, les Autres : Le Balkan et le Carpate, comme deux géants effrayants,/S’affrontent aujourd’hui par delà le grand et glorieux Danube ». Le poème met en scène un dialogue symptomatique, gratifiant les Balkans des attributs comme : « la sauvagerie et la haine », « le fanatisme et la cruauté », « la barbarie, l’arrogance et le déclin. » Le point culminant du poème est le combat a mort entre un aigle des Carpates et un aigle des Balkans, couronne par la victoire prophétique et glorieuse du premier.
Presque un siècle et demi après la publication de ce poème, les scientifiques roumains – fussent-ils des historiens, des géographes, des anthropologues, des philologues ou des historiens de l’art – ne se lassent guère de désigner la territorialité culturelle roumaine comme « l’espace Carpato-Danubiano-Pontique. » Cette formule rituelle met en vedette les trois repères fondamentaux des topographies identitaires roumaines : le Danube, les Carpates et la Mer Noire (Pontus Euxinus en latin.)
Les distances symboliques entre cet espace et l’aire géopolitique et culturelle délimitée par le Danube au nord et par le Bosphore au sud et dominée par la chaîne montagneuse des Balkans ont varie sensiblement, suivant les ages successifs de la culture roumaine moderne.
Par conséquent, le Danube a fini par représenter une région des confins au sens strictement étymologique du terme. (En latin, le mot confinis désigne les parties d’un territoire placées à l’extrémité de ce territoire et à la frontière d’un autre.) « Le terme désigne non seulement un repère ou une ligne de démarcation, mais aussi l’espace des deux cotés d’une telle ligne. C’est donc un confinium ou la frontière joue la fonction d’une charnière qui permet des échanges et des ruses dans une sorte de rivalité sociable. » (3) .
A part la véritable fatalité frontalière marquant l’identité nationale, la provocation entretenue et stimulée dans la culture roumaine par les confins fut illustrée par une production abondante des frontières imaginaires – surtout littéraires. La culture roumaine nous offre une phénoménologie tout à fait symptomatique pour les perceptions collectives des limites, modelées par les moyens propres à la littérature et par la pression déterminante de ses formes canoniques.
Les repères de la modernisation roumaine autant que les degrés variables de sa synchronisation avec l’Ouest européen peuvent être tenus responsables de tous les partis pris de la culture roumaine à l’égard du balkanisme. Le moindre défaut, chaque retard ou échec de la modernisation triomphale ont été rituellement imputes à l’ainsi-dit Orientalisme roumain de souche balkanique, en l’érigeant en obstacle majeur de la récupération des retards. En fin de compte, les Balkans sont devenus l’antidote génétique et historique de l’européisme roumain. La démonisation des Balkans eut comme point culminant l’apogée de la modernisation culturelle de l’entre les deux guerres. A ce moment-la, il devint pour les uns un stigmate et un mal à exorciser et pour les autres, moins nombreux, qui réfutaient tout changement, un vrai signe d’élection.
Durant ce deuxième age de l’européisation, tout comme au siècle précédent, dans la culture roumaine la perception de soi-même et des autres fut en grande partie dépendante des cartographies imaginées par Autrui. Selon Vesna Goldsworthy (4), au long du XXe siècle les Balkans furent l’objet d’une colonisation imaginaire occidentale – a l’aide des discours politiques, mais surtout grâce aux moyens propres a la fiction. Les premiers ont couramment emprunté des métaphores significatives a la seconde qui, a son tour, était devenue le messager des stéréotypies politique Des le moment ou elle s’affranchit de l’esclavage ottoman, la région des Balkans commence à être perçue comme déviante par rapport à l’Europe « proprement dite. ». Pour le XXe siècle globaliste, une image sensationnaliste de l’Altérité était devenue nécessaire, les Balkans devenant une des sources préférées des stéréotypes véhiculés par la mass-média.
L’écart qui en début du XXe siècle s’était creusé progressivement entre l’Europe continentale et l’Orient péninsulaire stimula la littérature roumaine à inventer des espaces imaginées dignes d’attention. Pour représenter les confins balkaniques du sud du Danube, le post-romantisme roumain s’est lancé dans une manipulation significative des formes et des genres littéraires.
De ce point de vue, le destin du prosateur roumain Panait Istrati est plus qu’instructif. Il est l’auteur du cycle épique Les récits d’Adrien Zograffi, dont la plus populaire partie Kyra Kyralina fut publiée en français, dans la revue Europe (15 août – 15 septembre, 1923), précédée par une introduction de Romain Rolland. Du jour au lendemain le prosateur roumain connut un succès inouï dans un pays de l’Europe occidentale, grâce à un livre aussi éloigné que possible des standards d’européisme prisés par son pays d’origine. Arrive par hasard d’abord en Suisse, puis en France avant la première guerre mondiale, Panait Istrati y resta comme flâneur international, ou, selon Romain Rolland, qui avait préfacé ses écrits, comme simple vagabond:
Marginal en France – ou malgré son succès avec Kyra Kyralina il maniait assez difficilement la langue du pays – Istrati n’a jamais cessé d’être un marginal en Roumanie non plus, avant ainsi qu’après ses voyages européens. Il n’appartenait pas aux coteries, aux cénacles et aux rédactions littéraires du moment, ou l’on militait pour l’européisation de la culture nationale sous les étendards du modernisme. Dans une littérature qui menait une lutte acharnée pour fonder le roman citadin, la prose psychologique et le récit analytique, en suivant des recettes proustiennes ou gidiennes, Panait Istrati se plaçait décidément à contre courrant.
D’où son thème préfère: l’existence aux périphéries culturelles, religieuses, sociales, linguistiques, placées fréquemment dans la ville charnière de Braila. La scénographie de l’ex-garnison turque sur le Danube, devenu assez tard une ville roumaine, est tout à fait appropriée à sa stratégie narrative. Le protagoniste du cycle entier – Adrien Zograffi – est, lui-aussi, un personnage errant aux confins du monde : « Adrien Zograffi – nous en instruit son auteur – n’est pour le moment qu’un homme qui aime l’Orient. C’est un autodidacte qui trouve la Sorbonne où il peut. Il vit, il rêve, il désire bien des choses. Plus tard il osera dire que bien des choses sont mal faites par les hommes et par le créateur. »(5)
Panait Istrati détestait explicitement le modernisme, qu’il qualifiait de «froid », « d’anti-sentimental », de « décadent », et de «dépourvu d’âme. » Par conséquent, sa poétique narrative préfère comme modèle le récit du type Les Mille et une nuits. L’équation parfaite de sa création, qui rend compte autant de ses options thématiques que de ses choix formels, pourrait être : récit = antimoderniste = balkanique. En fin de compte, les Balkans restent pour Istrati un royaume des récits, une région confinant les canons européens modernes.
En France, Romain Rolland identifie lui-aussi en Istrati le conteur par excellence et même une sorte de « Gorki balkanique ». Au moment de sa traduction en roumain, l’univers fictif d’Istrati et surtout sa fidélité au récit ont été perçus comme subversifs par rapport aux modèles stratégiques de la littérature de l’entre les deux guerres. Les critiques littéraires ont deplaint l’abandon du roman et de la construction psychologiquement motivée, en faveur des histoires à teinte autobiographique d’Adrien Zograffi, et d’un ensemble structuré en épisodes presque indépendants. On a entendu quelques voix isolées qui le rapportaient aux fresques byzantines et parfois aux épopées homériques – des repères également grecques et balkaniques, acceptes par la tradition culturelle européenne comme des parties prestigieuses de son héritage culturel. Mais pour bien des autres, on aurait du reconnaître en Istrati une pauvre Shéhérazade, un symbole de l’orientalisme nuisible et même destructif, par rapport à l’effort national d’édifier « à l’européenne. »
De nos jours, Panait Istrati est devenu un auteur « populaire », de succès. Ses livres, qui foisonnent de proscrits, de vagants, de loups de mer, de contrebandiers, de prostituées et de bajadères et racontent des exploits merveilleux places dans des paysages rayonnant de soleil et resplendissant des couleurs les plus vives, furent plus d’une fois transformés en scénarios cinématographiques. Ceci vient parfaitement à l’encontre des hypothèses de Goldsworthy, à propos de la carrière populaire de la littérature consacrée aux Balkans au XXe siècle.
Comme pour confirmer la vocation périphérique et balkanique du port sur le Danube, le roman Europolis, publie entre les deux guerres par Jean Bart (nom de plume d’Eugène Botez) se passe à Sulina, qui est à la fois une limite entre la terre et les eaux et entre la mer et le Danube, aux embouchures duquel elle est placée. Une ville ou l’Orient et l’Occident se côtoient, se défient ou s’affrontent en plein jour, dans la rue, au-delà des portes fermées ou derrière les rideaux, quelquefois a l’intérieur des familles ou bien aux profondeurs de la même âme.
L’écrivain, un navigateur professionnel, fut l’auteur estime – même si médiocre – de plus d’un récit de voyage en pleine mer. Son roman Europolis prisa un genre populaire: le mélodrame. Une fois de plus les compatibilités des topographies marginales et des genres populaires sont confirmes. D’ailleurs le roman fut utilisé comme scénario pour un film, dans les années 60, sous le nom de Porto Franco. Apres la chute du communisme il fut évoque obliquement par Europolis, le titre d’un documentaire sur le port de Sulina, réalise à l’étranger par un régisseur roumain exile en Allemagne.
La ville de Sulina est un Porto Franco – une zone commerciale libre, disputée par l’Europe (et donc administrée par La Commission Européenne du Danube) et par la Roumanie. Somme toute, une tour de Babel – des roumains, des turcs, des infirmières anglaises, des brigands de toutes les races, une belle grecque née à Constantinople, un grec expatrié connu sous le nom de l’Américain à partir du moment où il revient « chez lui » accompagné par sa jeune fille créole – n’en sont que quelque uns de ses habitants. La protagoniste du dit roman reste la ville elle-même, littéralement et symboliquement une zone de passage et un seuil entre deux mondes : « La peste et le choléra nous viennent de l’Orient – remarque le narrateur. Si elles réussissent à dépasser le portail de Sulina, elles parviennent finalement jusqu’au vrai cœur de l’Europe. » (6).
Il y a dans le roman des pages pathétiques, décrivant la région des confins ou les eaux de la mer et les eaux du fleuve se mêlent, se superposent et se confondent longtemps avant d’arriver à Sulina. Serraient-elles des représentations métaphoriques, qui reprennent au niveau du naturel les symbioses sociales, culturelles ou ethniques des communautés frontalières, comme Sulina ? Le glorieux Danube, divinisé par les ancêtres de la culture européenne sous le nom de Danubius, est dans le roman le berceau d’une communauté déchirée entre l’Europe et un Orient qui commence au-delà du pas de sa porte. Le texte finit sur une note désolante: après la fin tragique de ses protagonistes, impliques dans une intrigue amoureuse, dont on pourra tirer un beau scénario de telenovelle la porte danubienne de Sulina s’éteint elle-aussi, envahie par la boue.
On y reconnaît sans difficulté le canon de la littérature à thèse. Les personnages de cette moralité populaire restent plutôt des silhouettes schématiques exemplaires, sans aucune consistance psychologique. La ville elle-même est un non-lieu ou, selon les termes de Louis Marin, un territoire du neutre : « Le neutre – remarque Louis Marin – peut être le nom donné au seuil où se limitent le dedans et le dehors, noms donnés à toutes les limites par la pensée de la limite, la contradiction même. » (7)
Avec Panait Istrati ou Jean Bart les affinités des auteurs pour le balkanisme – conçu comme une dimension oppressée de l’intériorité culturelle nationale – avait compte sur la déviance formelle par rapport au modernisme et même sur la subversion de ses canons. Istrati, tout comme Jean Bart, fut prisé par une audience populaire, tandis que chez un écrivain comme Matei Caragiale – que je ne vais pas discuter ici – l’excentricité était plutôt le signe de l’élitisme et même d’une certaine élection imaginaire.
Dans ce contexte-ci, les instances où le balkanisme se manifeste juste au cœur du modernisme formel le plus arrogant – l’avant-garde – sont d’autant plus intéressantes. C’est le cas du mathématicien de réputation européenne Ion Barbu, intellectuel philo-allemand, poète hermétique et précurseur du textualisme roumain. Chez Ion Barbu, on assiste à une oscillation calculée entre deux extrêmes. Il y a d’un cote sa formation occidentale et sa réputation de théoricien et de praticien de l’hermétisme poétique roumain; et de l’autre son Cycle balkanique de poèmes, qui tourne autour de la cite nommée « la blanche Hisarlik. »
Le poète compte sur une renaissance spirituelle hypothétique de la Grèce antique, dans une scénographie balkanique contemporaine. Cette Grèce, de toute évidence achronique, suggère une symbiose entre l’esprit hellénique de la géométrie et la sagesse morale orientale, personnifiée par le légendaire Nasdine Hodgea. Pour offrir une chance à cet équilibre idéal autant que fragile, le poète conçoit une Civitas Solis typique, placée entre les confins balkaniques représentes par le Danube au nord et le Bosphore au sud. La charnière du Danube, nomme tantôt « le Danube turc », tantôt « le Danube impérial » est une des récurrences du poème. De toute évidence, Hisarlik, la cite du soleil, située « au milieu du Bien et du Mal », est le produit d’une option purement intellectuelle et morale. Pour la conscience identitaire roumaine elle est, avant tout, un lieu des origines. « Le texte de l’utopie par rapport au récit qui l’instaure est au présent; le seul temps que connaisse l’utopie est le rythme cyclique des rites, des fêtes, des travaux, l’image temporelle de l’éternité. D’entrée de jeu elle est origine ou fin. » (8)
L’effervescence créatrice remarquable et l’appétit de la littérature roumaine pour les topographies imaginées restent marqués par son goût réductionniste des polarités et des modèles conflictuels. Les jeux sont faits d’habitude à un niveau dogmatique, idéaliste et utopique. Les écrivains roumains qui décident à s’auto- identifier comme des périphériques, des marginaux, des excentriques par rapport à la forte héliotropie occidentale du pays, mettent en question les axiologies et surtout les hiérarchies formelles courantes. Ce type de fronde littéraire emprunte des formes variées, déterminées par des contextes culturels différents.
En guise de conclusions
En quête de légitimité européenne, la culture roumaine projette des confins spatio-temporels imaginaires entre une Roumanie d’orientation pro-occidentale et le sud-est du continent, de réputation balkanique et orientale. En Roumanie, deux agendas balkaniques ont aussi coexisté et se sont occasionnellement affrontées. Tous les clichés et les préjugés à ce sujet remontent vers la moitié du XIXe siècle, lorsque les Roumains, en quête d’eux-mêmes, se sont mis à représenter l’Autre.
Les rythmes de ce processus ont suivi de près la modernisation et l’intégration européenne de la culture roumaine, en portant preuve de ses changements de cap et de programme. Une des constantes qui ont visiblement marqué l’autoreprésentation des Roumains a été la proximité des grands empires périphériques européens: les Habsbourg, les Ottomans et la Russie impériale. On avait remarqué que toutes les cultures cartographiquement similaires partagent un riche met aphorisme des limites, une obsession des confins et surtout une manière extensive de représenter les régions frontalières. (9)
Les attitudes de la conscience culturelle roumaine par rapport à l’orientalisme balkanique restent ambiguës et plurivalentes. Elles impliquent une mise constante en question de l’identité nationale et toute une suite d’attractions, de désirs, de démonisations et de rejets. Les Roumains ont découvert l’orient en eux-mêmes avant de l’avoir projeté à l’extérieur, en tant qu’altérité spatio-temporelle.
On pourrait en conclure que, pour la conscience culturelle roumaine à la recherche de son identité européenne « Les Balkans, c’est les Autres. »
NOTES
(1.) Selon Simmel, les frontières sont le résultat d’un processus psychique de délimitation ayant comme résultat des territoires, des « régions » ou des « pays » – des espaces culturels représentatifs pour un certain groupe social qui ne se superposent pas nécessairement sur les limites politico-territoriales acceptées. Voire SIMMEL, Georg. Soziologie. Untersuchungen uber die Formen der Vergsellschaftungen, 1908, cite d’après Wolfgang Kaiser, « Régions et frontières. L’espace frontalier de Bale », dans Heinz-Gerhard Haupt, Michael G. Muller& Sgtuart Woolf, Regional and National Identities in Europe in the XIXth and XXth Centuries / Les Identités régionales et nationales en Europe aux XIXe et XXe siècles, European Forum, Volume 1, The Hague, London, Boston: Kluwer Law International, 1998, pp.382.
(2) (FEBVRE, Lucien, « Frontière – le mot et la notion », dans Lucien Febvre, Pour une histoire a part entière, Paris: SEVPEN, 1962, pp.11-24.
(3) KAISER, Wolfgang, « Vicini stranieri – l’uso dei confini nell area di Basilea. ( XVI-XVII secolo) », Quaderni storici, 90 , 3, p. 601-30.
(4) GOLDSWORTHY, Vesna, Inventing Ruritania. The Imperialism of the Imagination, New Haven and London: Yale U.Press, 1998.
(5) Les récits d’Adrien Zograffi. Kyra Kyralina. Paris, Editions Rieder. I924; Panait Istrati, Opere alese, I, edition bilingue, Bucarest: Editura pentru literatura, 1966 pp.7-8
(6) BART, Jean, Europolis si trei nuvele, Ed. Militara, Bucuresti, 1983, p.350.
(7) MARIN, Louis, « Le neutre, le jeu: temps de l’utopie », dans Le discours utopique, Colloque de Cerisy, Paris: Union générale d’éditions, 10/18, 1978, p. 357
(8) MARIN, Louis, «Le neutre, le jeu: temps de l’utopie » dans Le discours utopique, Colloque de Cerisy, Paris: Union générale d’éditions, 10/18, 1978, p. 364.
(9) TLOSTANOVA, Madina, « Post-/Neo-Imperial Myths and Europe’s Internal Other », dans Spiridon, Monica editor, (Multiple) Europe: Multiple Identity, Multiple Modernity, Bucarest: Editions Ararat, 2002, p.46