Anda Ionaş
“Babeş-Bolyai” University, Cluj-Napoca, Romania
L’éros dans les récits de Julio Cortázar /
Eroticism in Julio Cortázar’s Narrative
Abstract: Born Argentinian, reared within Latin-American prose, Cortázar succeeds in encapsulating a glimpse of life in his kaleidoscopic maze of mirrors, perceiving the mysterious essence lurking beyond reality. One of the means through which this peculiar mystery unveils itself within human frame is the eros. This item is of a double nature in his writing: on the one hand, it seems to lie intrinsic within the human being, but on the other hand, it belongs to an unknown inexplicable universe. Due to the latter, this experience determines the person to live life in a perpetual attempt of ordering the unexpected, of taming its chaotic dynamics, of dominating this ”alter-ego”. With Cortázar, the mystery of the eros, as theme, is of psychological nature. It bursts forcefully within, often catching the character unawares, but it enables the person to reveal oneself in the way of touching the reality of the phenomenon. The eros is present in Cortázar’s prose under various instances, depending on the way it conjoins with other favourite themes as the game, time, the unexpected, death, illusion versus reality.
Keywords: Argentinian Literature; Julio Cortázar; Eros; Mystery; Death; Time; Illusion.
Dans la préface roumaine de 1969 du volume La fin du jeu, Dumitru Ţepeneag, important théoricien de l’onirisme, remarque les multiples transformations que l’œuvre de Julio Cortázar souffre au décours du temps, comme effet, d’une part des tentatives de l’auteur de se trouver soi-même, de se créer un équilibre intérieur et, d’autre part comme résultat de son exigence esthétique particulière, qui le détermine à expérimenter une série d’espèces littéraires (à partir des vers de facture mallarméenne jusqu’à ses contes si originales, que l’ont fait célèbre).[1]
La prose de Julio Cortázar, a été comparée suivant à celle de Jorge Luis Borges. On dit que celui-ci a exercée une grande influence dans la création de l’univers fictionnel et dans l’option pour le conte fantastique, spécifique à l’œuvre de Cortázar. Il est sur que l’influence de Borges ne doit pas être ignoré, mais, comme Dumitru Ţepeneag dit, elle a eu plutôt ,,une action de catalyseur”, à cause du fait que déjà, Cortázar était familiarisé avec le fantastique de facture romantique (par l’intermédiaire de l’œuvre de E. A. Poe), avec les textes absurdes de Jarry ou avec les expérimentes surréalistes.
D. Ţepeneag surprend une série d’éléments qui font la différence entre la prose de Cortázar et celle de Borges. Ainsi, Borges a un style ,,concis’’, ,,elliptique’’, parsemé de maximes et de rappels livresques, en temps que Julio Cortázar est plus naturel, utilisant un langage familier, en étant préoccupé de la concrétion de l’image qu’il transmette aux lecteurs:
,,En effet, Borges est un poète didactique et baroque. Tempérament de prosateur a Cortázar. Surtout plusieurs patience : Il met en scène l’idée, où plus exactement l’image centrale, il crée l’atmosphère, il laisse l’action s’envelopper et se développer. Et puis, Cortázar est plus réaliste (même dans les contes fantastiques) pas dans le fait présenté mais dans la manière dont il raconte, il est plus concret, il a la volupté du détail révélateur, la capacité de créer des personnages vivants, avec une psychologie à leurs, avec une appartenance sociale, donc des gens comme on dit en chair et en os.’’[2]
La préoccupation de Julio Cortázar de surprendre la vie dans son jeu kaléidoscopique de miroirs, le besoin d’illustrer le concret existential mais aussi de suggérer le fond mystérieux, caché derrière la réalité, détermine le critique Paul Al. Georgescu à affirmer la binarité de la création narrative de l’auteur sud-américain en deux lectures, liées par un parcours épistémologique commun. Ainsi un premier type de récits qu’on peut saisir dans la création de l’auteur en discussion , proposent une lecture mantique -existentielle du monde, basée sur l’idée du fond mystérieux qui surgit dans la réalité, en accablant l’être humaine dans une manière agressive, tragique et suivant absurde. L’homme devient impuissant devant les forces sombres qui le transforment dans un simple objet.
Le deuxième type de récits de Cortázar sont orientés selon Paul Georgescu vers une lecture poétique -humaine du monde, ayant comme thème ,,le destin humain significatif “, la raison d’être de l’homme, sa force de réfléchir le monde, de choisir et de se créer soi-même, de créer des sens et des valeurs. ’’[3] La position de l’homme dans l’univers, n’est plus marginale, mais elle devient centrale, il étant capable de conduire son propre destin et de participer dans une manière créative à l’édification du monde. Paul Georgescu parle d’une ,,recherche“ propre au textes de l’auteur argentin, un besoin ,,d’incorporer l’ontologie froide et destructive dans une anthropologie créative, d’humaniser le mystère existential, en le transformant avec tout le risque d’une telle interprétation dans un destin humain.”[4]
Une des formes de manifestation dans le plan humain du mystère, des forces inconnues et sorcières est l’éros. D’une part il paraît émerger d’un autre univers, inexplicable, d’autre part, il est intrinsèque à la nature humaine, en conférant sens à la vie.
La double nature de l’amour—qui en apparence est l’apanage de l’homme, mais qui souvent échappe aux essayes de l’expliquer et de le contrôler—est responsable du tourment et parfois de l’échec affectif de l’individu qui passe sa vie dans un perpétuel essai de mettre ordre dans l’hasard, d’apaiser la dynamique chaotique de l’inconnu, de dominer ce ,,autre du sien” (alter-ego) dans le sens heideggérien.
La plupart des récits ayant comme sujet l’éros, peuvent être encadré dans la deuxième typologie énoncée par Paul Al. Georgescu, à cause de l’accent met sur l’homme, sur les infinies nuances de son âme et sur les métamorphoses intérieures de celui-ci. Ces textes sont pus réalistes que les autres, en surprenant le fait banal et le détail apparemment insignifiant mais qui confère relief et consistance à la réalité en illustrant des situations concrètes de vie. En ce cas, le mystère est de nature psychologique, en étant une résultante de la sensibilité humaine, de la manière inédite de se rapporter au monde et à l’altérité. Il surgit donc de l’intérieur, de la profondeur de l’être humaine en surprenant souvent même l’individu, qui se découvre soi-même dans la manière dont il prend contact avec la réalité phénoménale. Les narrations auxquelles notre exposé va se rapporter en soutenant ces idées font part des volumes Les faces de la Médaille et Comme nous aimons Glenda. Nous les avons choisis à cause de l’attention accordée à la problématique du couple.
Plusieurs fois, les événements prennent une évolution imprévisible, le passage de la réalité logique, cohérente, subordonnée à la volonté humaine, vers celle étrange, ineffable, incontrôlable, se réalise insensiblement, plusieurs fois sans que les lecteurs (et les héros aussi) se rendre compte où c’était produit le déclic. Tout le temps, l’expérience affective, érotique représente une initiation, un passage vers un autre ordre des choses.
L’amour peut représenter une aventure du connaître soi-même, commencée par l’intermédiaire du jeu et de l’évasion dans un espace exotique, comme dans le récit Les vents alissées, où Mauricio et Vera représentent le couple soudé, ancré au banale quotidien et aux événements stéréotypes qui les tiennent prisonniers dans un cercle vicieux. La seule modalité d’évasion, de se libérer de la tyrannie du prévisible, est le geste fou de refuser le vieux rituel de passer le congé chaque année, de décider à vivre une expérience inédite en prenant chacun un autre avion pour la même destination. Ils acceptent ainsi de participer au jeu de l’hasard en lui laissant le privilège de les faire se rencontrer comme s’ils se verraient pour la première fois.
La liberté d’action, la nouveauté de choisir d’autres touristes comme partenaires, la tentation de la dissimulation, les offrent la chance de se redécouvrir soi-même et aussi l’un l’autre à la fin des vacances, quand, sans des reproches, sans des regrets les deux conviennent de revenir à la maison avec le même avion, en s’imaginant ensemble, une possible rencontre entre Anna et Sandro, leurs passagères partenaires pendant le congé, qui pourraient prendre aussi le même avion, en créant à leurs tour un couple.
Le caractère elliptique et étrange de la fin du récit peut suggérer une union au delà de la mort, car les protagonistes avalent quelques mystérieux flacons bleu avec de whisky, en s’abandonnant puis au sommeil qui avait les trouver embrassés.
Un autre texte où les deux expériences, celle passagère de l’amour se conjugue avec celle définitive de la mort, est Endroit nommé Kindberg. Symboliquement, la route au cours de laquelle Marcelo connaît Lina, une autostoppeuse, est son dernier chemin. Les images des cadavres vus dans un polar, qui obsèdent la fille, aussi comme l’endroit et le moment de la rencontre (,, la sortie de la forêt’’– espace de passage et ,,le crépuscule’’— temps du déclin existentiel) représentent des motives tannaïtiques, préfigurant l’accident du final dans lequel Marcelo perd sa vie. La rencontre des deux personnages est seulement le caprice de l’hasard, Marcelo, se rappelant que ,, s’il ne s’arrêtaient pas pour boire quelque chose, 8 km en arrière, l’ourse (comme il appelait Lina dans son imagination), était maintenant dans une autre voiture où le même endroit, à la frontière de la forêt “ [5]
Bien que, pendant sa halte au temps de nuit, à l’hôtel, Marcelo s’abandonne à la volupté, le lendemain, il se rende compte du caractère éphémère d’une telle initiation par l’intermédiaire de l’amour, en refusant la continuation de l’aventure et en abandonnant Lina à un carrefour, où elle pourrait trouver facilement une autre voiture. C’est difficile à dire si le personnage pressent son final tragique, en essayant de protéger la fille, où il comprend qu’il y a une autre expérience, plus profonde qui l’attend (celle de la mort) et à laquelle il veut se dédier complètement.
La même métaphore de la vie comme un voyage vers la mort, on peut retrouver dans le récit La barque où une nouvelle visite à Venise. Valentine, le personnage principal, envisage ses vacances en Italie comme une évasion hors du banal quotidien et une modalité de se retrouver soi-même. Le hasard lui fait connaissance avec trois possibles compagnons sur lesquels, elle exerce une attraction spéciale.
La première personne qu’elle rencontre est Dora, avec laquelle Valentine se lie d’amitié à une agence de voyage, les deux femmes décidant un itinéraire commun et partageant la même chambre d’hôtel. Dora se rend compte dès le début que l’attraction pas commune, même illicite qu’elle sent pour Valentine, n’est pas réciproque, mais elle est contente de le savoir auprès d’elle.
Quand entre Valentine et Adriano, un autre jeune touriste, rencontré à Rome, se naît une idylle, Dora devient jalouse, en craignant que Valentine l’abandonne pour continuer son voyage auprès de celui-ci. Mais les choses ne se passent pas de cette manière car l’amour est ombré par l’aigle de la mort que Valentine croit reconnaître dans la chute de l’hirondelle morte sur le balcon de la chambre d’Adriano. La liaison d’entre les deux avait évoluée rapidement Valentine se sentant de plus en plus attachée par le jeune homme si peu connu, mais la perspective d’un amour avec un final certain qui laissera un vide profond dans son âme lui fait peur. Même le fait qu’elle s’est abandonnée dés le début à Adriano, s’explique par son désir de conférer une note de superficialité à leurs liaison refusant aucune implication affective.
Quoique Adriano lui propose de renoncer à son itinéraire dans la compagnie de Dora et de le suivre, Valentine ne croit pas dans l’avenir de leurs amour, parce qu’elle sait que bientôt elle devra revenir à Buenos Aires où l’attendait son enfant, le fruit d’un mariage antérieur échoué.
Elle se rende compte que le moment de séparation, ” tuerait quelque chose en elle, il arracherait une parte de soi-même”[6], ce que le pousse à établir une corrélation entre Adriano et la mort, en pensant que ,,tout ce qui est possédé symbolise la mort parce qu’il annonce la dépossession, met en marche le vide qui va venir.’’[7]
Le tourment intérieur, le conflit entre le sentiment qui commence à prendre contour et le besoin de se libérer, le détermine à anticiper la prochaine halte de leurs itinéraire, en partant tout seul pour Venise, quelques jours plus tôt que Dora et Adriano.
Pendant le voyage, elle essaie de comprendre son peur et de s’expliquer le sentiment qui l’éloigne du bonheur :
,, Il ne restait que l’énigme de sa crainte intérieure, comme si Adriano, le pauvre Adriano serait été le diable même, comme si la tentation de tomber amoureuse de lui serait été le balcon ouvert au-dessous du néant, une invitation de faire un saut— qui ne peut plus être arrêté – en vide. Valentine a pensé qu’elle fuait plutôt elle-même que Adriano.[8]
La Venise découvre à Valentine une autre expérience érotique, mais tout à fait voulue, connue par l’intermédiaire de Dino, le gondolier qui porte les corps des morts vers l’autre rive, où se trouve le cimetière. Comme personnage symbolique, il rappelle le batelier Caron, de la mythologie grecque, celui qui menait les âmes des morts sur l’autre berge de l’Acheron, dans l’empire des ombres.
Bien que Valentine fuit Adriano, (parce qu’elle associe le caractère éphémère de l’amour avec celui de la vie), elle est tout de même inexplicablement attirée par le mystère de la mort auquel Dino est lié par l’intermédiaire de son occupation.
La fin ouverte de la narration est représentative pour l’osmose eros-thanatos, pour le destin de l’héroïne et dans une vision plus générale, pour le destin humain. Sur un des ponts, auprès d’Adriano, qui l’avait rencontrée à Venise, la fille regard le cortège funéraire et entre les gondoliers, elle reconnaît Dino. Elle sent à ce moment-là qu’elle-même est portée par Dino dans le cortège. En comprenant que se sera impossible de s’esquiver, elle accepte l’initiation, le passage vers autre chose (que ce soit l’amour où la mort), l’abandonne de la protection de soi en réitérant de destin de l’hirondelle.
L’image de Valentine de la fin du récit, en regardant quand à Adriano, quand à Dino, est une mise en abîme de la condition humaine, c’est le portrait de l’homme situé entre deux expériences fondamentales : celle de la vie (y compris l’amour) et celle de la mort.
Mais les personnages de Cortázar, ne fuient tout le temps l’amour. Il y a des cas quand elle le cherche, rêvent, imaginent un univers où le rencontre avec la personne aimée sera possible. C’est le cas de Lucienne, du récit Echange de lumières, qui tombe amoureuse d’une voix, celle de Mauricio, qu’elle entende souvent dans les pièces de théâtre radiophonique. A cause de cela, Mauricio est pour elle, avant de leur rencontre proprement dite, seulement une image façonnée subjectivement. Les lettres que Lucienne lui envoie, le détermine de projeter à son tour sur la fille, une image idéale qui va rester dans son cerveau tout le temps que les deux vont développer une relation. A cause de cela il va essayer de faire fusionner les deux images, celle idéale et celle réale, en le déterminant de teindre ses cheveux, en lui achetant une chaise
en osier sur lequel elle pourrait s’asseoir dans la lumière de crépuscule, avec un regard mélancolique, comme il l’avait rêvée. En ajournant sans cesse de lui avouer l’incongruité entre le portrait mental qu’il avait construit pour sa mystérieuse admiratrice, et la réelle Lucienne, Mauricio découvre à un moment donné que sa partenaire vivait la même dilemme, parce qu’il le voit bras dessus bras dessous avec un homme de haute taille et de cheveux bouclé, comme elle s’imaginait Mauricio avant de le rencontrer. Le récit relève l’incompatibilité entre l’illusion et la réalité, en étant une méditation sur l’amour comme chimère en la recherche de laquelle l’homme erre toute sa vie.
Dans le récit Contretemps, l’amour perdu peut être retrouvé dans une forme idéale par l’intermédiaire de la création. Les mots sont les seules qui puissent rendre à Aníbal la joie de l’enfance passé dans son village natal, Bánfield et en même temps l’image de Sara, la soeur aînée de son ami, pour laquelle le garçon en train de devenir adolescent sent un amour intense et sécrète.
Devant la page blanche de papier, Aníbal ranime en écrivant, le portrait de Sara, la douceur avec laquelle la jeune fille veillait son petit frère Doro quand il était malade et surtout le moment quand, salis de boue après les jeux, elle les avait regardée, lui et Doro, nus, à la douche, au temps qu’ils se lavaient. La honte et aussi la tristesse de découvrir que Sara le regarde seulement comme un enfant avait le suivre longtemps. Parfois, les nuits, il rêve les yeux ouverts qu’il est malade et que Sara vient le veiller comme elle faisait avec Doro.
Grâce à l’écriture d’Aníbal, le monde de Bánfield et son premier amour prennent contour, les mots devenant des véhicules plus puissants que celui qui tient le stylo, en le portant imperceptiblement vers la fiction, d’une réalité vécue, appartenant au passé, vers une réalité qui tiennent du possible. Dans celui-ci, le personnage- narrateur rencontre Sara, malheureuse dans son mariage avec un mari ivrogne, et les deux s’avouent la réciprocité des sentiments si longtemps caché. Le décalage temporaire qui les séparait s’efface à la maturité.
Bien qu’il sache que ses mots sont menteurs, Aníbal choisit d’écrire sans interruption, de corriger par l’intermédiaire de la fiction les inconvénients de la réalité objective. C’est la seule possibilité de retrouver Sara, en défiant le temps qui n’a donné aucune chance à son amour.
La prose Au nom de Bobby a aussi comme sujet la crise pubertaire, envisagée du point de vue de l’étrangeté du rêve. Jusqu’à la fin du récit, la cause des cauchemars de Bobby, un enfant de dix ans, qui associe en régime nocturne sa mère à une personne qui lui fait mal, reste inconnue. Parmi les multiples interprétations vers lesquels s’ouvre le texte, se situe l’hypothèse freudienne sur les instincts refoulés par l’éducation, mais qui dominent le subconscient.
La relation mère-fils est aussi le sujet du récit Elle s’est assise auprès de toi. Cette fois, c’est une relation parfaite, parce que la mère, Denise, est en même temps le partenaire de jeu pour Roberto, l’amie et le confident, en lui offrant les premiers conseils sur l’amour. Elle comprend que c’est le moment où son fis sent le besoin d’une présence féminine dans sa vie, autre que celle de sa mère. Denise a la sagesse et la maturité de diriger Roberto et de céder peu à peu, avec une infinie tendresse et amour maternelle, sa place à Lilian, la fille des leurs amis de famille, qui passaient leurs vacances le même lieu.
Sur le mystère féminin et l’impossibilité de comprendre l’être aimé se penchent les récits Les faces de la Médaille (du volume homonyme) et L’orientations des chats (volume Comme nous aimons Glenda). Dans la première d’entre eux, les forces obscures qui désorganisent la vie psychique, émergent de l’intérieur de l’individu sans que celui-ci puisse les contrôler. Il paraît que pour Mireille et Javier, ni l’attraction physique, ni la passion commune pour la musique classique ne sont pas suffisantes pour que leur relation soit parfaite. Il est difficile de comprendre la barrière que Mireille impose dans leurs rendez-vous, l’impossibilité de se dédier totalement et le fait que chaque tentative érotique échoue, leur amour restant pour toujours au niveau platonique.
La même impossibilité de saisir le mystère de l’être aimé se retrouve dans la prose L’orientations des chats, écrite à la première personne, dans une confession pleine de poésie de l’époux amoureux de sa femme Alana, si amoureux qu’il sent qu’elle lui échappe, qu’elle se métamorphose sous ses yeux, qu’elle appartient à un territoire que lui reste inaccessible. Il lui paraît qu’entre Alana et les choses que l’entoure (soit que ce soit son chat Osiris, ou les tableaux qu’elle admire dans une exposition) il y a une complicité que le fascine, une osmose dont le mystère est ineffable.
Chaque récit de Julio Cortázar exprime une nouvelle expérience de vie, en créant des types humains vifs, des psychologies et des situations inédites. Il détient l’art de transmettre au lecteur l’illusion de la réalité, pour le déterminer de participer affectivement aux événements décrits et de vivre intensément l’atmosphère étrange de chaque conte. Les finals ouverts de ses textes invitent le lecteur à méditer lui-même aux multiples interprétations possibles, à faire une corrélation entre les symboles.
Dans un dialogue avec les écrivains cubains, reproduit dans L’anthologie de la critique hispano-américaine, Cortázar explique que dans son opinion les exigences d’un bon récit sont celles de ,,signification’’, ,,intensité’’ et ,,tension’’. La première d’entre eux se rapporte à la choix du thème qui doit ,,irradier au delà d’elle-même jusqu’à ce qu’un épisode banal […] se convertisse dans le résume implacable d’une certaine condition humaine où dans le symbole ardent d’une ordre sociale où historique’’[9]. Les concepts ,,d’intensité’’ et de ,,tension’’, envisagent la modalité de traiter le thème, de créer l’atmosphère, de solliciter la participation affective du lecteur.
A son avis chaque détail est significatif, car à cause de l’espace narratif plus réduit que celui du roman, dans ses récits tout le matériel est calculé avec attention et l’action est dosé de telle manière qu’elle impressionne et éveille la curiosité. La grande provocation est que la réalité décrite se soustrait tout le temps à l’entendement.
Le mystère n’est pas chez Cortázar un artifice introduit gratuitement, pour impressionner, mais il a une valeur ontologique, en étant l’expression des limites de la condition humaine et de la connaissance de type subjectif. En accord avec cette idée l’éros se constitue dans un levier par l’intermédiaire duquel l’homme essaie de transgresser la censure, d’évader vers un « au-delà » qui parfois s’avère inaccessible. C’est le motif pour lequel ses textes sont méditatifs, en se constituant dans une véritable musique de la vie, des partitions parfois espiègles, joyeuses, autre fois des notes stridentes, absurdes, mélancoliques.
Notes
1. Cortázar, Julio, Sfârşitul jocului, prefaţă de Dumitru Ţepeneag, Editura pentru Literatură Universală, Bucureşti, 1969, p. 6-7.
2. Idem, p. 9-10.
3. Paul Alexandru Georgescu, Literatura hispano-americană în lumină sistemică, Editura Scrisul românesc, Craiova, 1979, p. 103.
4. Idem.
5. Julio Cortázar, Cât de mult o iubim pe Glenda, Editura Alfa, Bucureşti,1998, p. 58.
6. Idem, Feţele medaliei. Câştigătorii, Editura Cartea Romanească, Bucureşti, 1991, p. 64.
7. Ibidem.
8. Idem, p. 66.
9. Antologia criticii hispano-americane, traducere de Ruxandra Maria Georgescu şi Paul Georgescu, Editura Univers, Bucureşti, 1986, p. 224.
Bibliographie
Antologia criticii hispano-americane, traducere de Ruxandra Maria Georgescu şi Paul Georgescu, Editura Univers, Bucureşti, 1986
Cortázar, Julio, Cât de mult o iubim pe Glenda, Editura Alfa, Bucureşti,1998
Cortázar, Julio, Feţele medaliei. Câştigătorii, Editura Cartea Romanească, Bucureşti, 1991
Cortázar, Julio, Sfârşitul jocului, prefaţă de Dumitru Ţepeneag, Editura pentru Literatură Universală, Bucureşti, 1969
Georgescu, Paul Alexandru, Literatura hispano-americană în lumină sistemică, Editura Scrisul românesc, Craiova, 1979