Hubert Gendron-Blais
SenseLab, Université Concordia, Montréal, Canada
h_gendro@live.concordia.ca
Dimensions sonores du politique : recherche-création autour des sons des mouvements/
Sonic Dimensions of Politics: Research-creation around the Sounds of Movements
Abstract: The text proposes an approach hearkening the sensitive materiality of sound, its role in the effective political manifestations and, more precisely, in the actualization of the affective communities. This sonic topology of politics, aiming to overpass the limit of the figurative approach in philosophical and political thought, is a micropolitical reflexive practice which opens a whole field of creative experimentation. The presentation of a recent project in that way – Traces of an Absence, exemplifies how research-creation can address difficult knowledge (here understood at the confluence of sonic study and political depression) due to its proximity to lived experience. This project, a musical and poetical improvised performance around the sounds of politics of the recent (student) strikes in Quebec, was affirmatively interrupted and opened in a new way by the strike movement of Spring 2015, in generative a mise-en-abîme.
Keywords : Research-creation; Political Movements; Sonic Study; Music; Depression; Exhaustion; Demonstrations; Improvisation; Technique; Affective Communities; Quebec Student Strike.
I walked through the city limits […]
Attracted by some force within it
Had to close my eyes to get close to it […]
And I was looking for a friend of mine.
Ian Curtis, « Interzone »
Unknown Pleasures
Pour peu qu’on y porte attention, les figures sonores et musicales parsèment le langage courant. « Faire écho à », « se faire entendre », « résonner avec », « faire vibrer »… Autant d’expressions qui viennent rythmer le discours quotidien, et qui sont souvent utilisées dans le champ politique, tant au niveau de l’action que de la pensée. En ce domaine, une littérature foisonnante a émergé depuis l’onde de choc Nietzsche[1] : ce corpus a déployé avec finesse tout un champ sémantique du son à travers l’utilisation de métaphores sonores et musicales jusqu’à élaborer une véritable analyse sémio-poétique de la résonance affective. Cette perspective de recherche s’avère très féconde lorsque l’on tente de comprendre le rôle que le son et la musique jouent dans la mise en mouvement des communautés affectives[2], en quoi les composantes musicales contribuent à la (trans)formation des agencements collectifs, dans leur consistance venant faire tenir ensemble les êtres en communauté[3].
Pourtant, au fil de mes recherches dans cette voie, un certain malaise s’est développé : penser la manière dont les communautés affectives sont intensifiées et densifiées par la musique nécessite de dépasser l’approche figurative. Car au-delà ou du moins en-deçà de cette dimension affective, virtuelle, survient une dimension effective, actuelle : la matérialité sensible du son. À ce niveau, l’approche figurative s’avère incapable de rendre compte des manifestations effectives du commun, de l’actualisation des affects au sein des événements politiques, tout comme elle est aussi limitée en matière d’expérimentation effective. Pour dépasser ces limites, deux axes de recherche se sont ouverts : 1) une analyse de la matérialité physique, sensible, du son et de ses impacts sur la perception; 2) une enquête portant sur les sons du politique, permettant l’élaboration d’une véritable topologie sonore. C’est ce dernier axe qui sera approfondi au cours de cet article.
Il s’agira donc, dans un premier temps, d’effectuer un exposé sommaire de cet axe de recherche, puis d’en exemplifier la portée par la présentation d’un projet de recherche-création, Traces of an Absence, réalisé au cours de la dernière année. Ce parcours devrait à terme, dans un contexte de recherche visant à élaborer différentes pistes pour repenser le politique, permettre d’en savoir davantage sur ce que le son ouvre, montre et nous apprend sur le politique.
Pour une topologie sonore du politique
Le pouvoir s’entend. Le vacarme des armes de répression déployées par les forces de l’ordre. Le bourdonnement des systèmes d’aération des immeubles du centre-ville ayant pris la place de la clameur des quartiers ouvriers de jadis. La cacophonie des pratiques superposées, qui luttent pour se faire entendre dans l’espace sonore des métropoles. Le vivre-ensemble également : le rythme des mouvements collectifs, les clameurs d’une foule qui manifeste, des ami.e.s enivrés qui briment la quiétude nocturne des lève-tôt… Porter attention aux bruits qui émanent des rapports de force et des territoires nous permet de saisir des dimensions autrement non perçues du politique. De même, qu’elle exprime les événements du monde, serve d’instrument d’exercice du pouvoir ou qu’elle contribue aux diverses formes de résistance, la musique joue un rôle fondamental dans la formation et l’organisation des communautés humaines : elle reflète la texture du social, dénote et amplifie les vibrations et signes qui font collectivité.[4]
C’est dans cette voie de connaissance qu’une topologie politique des sonorités peut prendre forme, comme un véritable champ d’enquête permettant de prêter l’oreille à ce qui demeure trop souvent dans l’inaudible sur le plan politique. Un champ dont les prémisses, énoncées par Platon et développées par Nietzsche, ont longtemps attendu leur mise en pratique concrète. C’est peut-être Frederick Douglass, auteur, homme politique américain et ancien esclave, qui a le premier expérimenté cette voie de recherche, en soulignant comment les «tons tristes […] les notes sauvages»[5] des chants communaux des esclaves afro-américains constituaient une forme de connaissance de plein droit, une forme de connaissance permettant de comprendre les dimensions existentielles et politiques de l’esclavage, bien mieux que la lecture d’ouvrages volumineux.[6] S’arrêter et écouter pour comprendre la texture infime du politique : cette intuition fondamentale a été développée de manière inégalée par le collectif Ultra-red[7], qui a élaboré diverses techniques d’enquête sonore :
Explorant l’espace acoustique comme énonciateur de relations sociales, Ultra-red appréhende la cartographie des espaces et histoires contestés en utilisant une recherche basée sur le son (appelée investigation sonore militante) qui engage directement l’organisation et les analyses des luttes politiques.[8]
Par leur pratique beaucoup trop originale pour être qualifiée de « recherche-terrain »[9], les membres d’Ultra-red effectuent une véritable étude, c’est-à-dire une pratique intellectuelle mobile ancrée dans les possibilités réflexives et les problématiques du son[10]. La notion d’étude (study) élaborée par Harney et Moten met l’accent sur la pluralité et la diversité des modes de réflexion qui parsèment l’expérience vécue, et qui sont tout aussi importants – voire parfois davantage, selon l’objet d’études – que les formes reconnues de production intellectuelle[11]. Une pratique analytique essentiellement micropolitique : une série d’opérations transversales ouvrant le potentiel de l’inframince[12].
Or cette ouverture de potentiel est élargie et dynamisée par la conjonction singulière entre pensée et création : l’expérimentation effective des pistes de recherche à travers la création musicale permet de déplier le voile du social pour composer avec la texture vibratoire du commun. En ce sens, l’élaboration analytique d’une topologie sonore du politique ouvre la voie à diverses formes d’enquête et d’expérimentations créatives qui ont des effets sur le réel, et qui sont potentiellement aptes à accueillir la complexité de ces manifestations évanescentes du commun, et ainsi contribuer à une meilleure compréhension de celles-ci. Qu’est-ce que les sonorités concrètes, matérielles du politique peuvent apporter à la pensée des rapports de force et du vivre-ensemble, et en quoi peuvent-elles inspirer des créations musicales qui permettent d’approfondir cette réflexion de manière singulière?
Pour suivre les pistes ouvertes par ces questions, une mise en relation étroite de la pensée et de la création est de mise : en ce sens, la perspective de la recherche-création s’avère fondamentale, voire incontournable, comme exigée par cette disposition des conditions réflexives : une proposition transversale générant de nouvelles formes d’expériences et de connaissances en mettant l’accent sur les aspects créatifs des pratiques, en particulier les agencements énonçant diverses expressions collectives[13]. La prochaine section vise à montrer, à travers la présentation d’un projet réalisé récemment, comment celle-ci vient à la fois stimuler et ébranler la pensée politique, et plus particulièrement en matière de luttes sociales.
Traces of an Absence
Comme c’est si souvent le cas en matière de recherche-création, le projet Traces of an Absence part d’une occasion : un séminaire doctoral intitulé Curating Difficult Knowledge[14]. Au-delà des multiples considérations soulevées par la notion même de curating, la « connaissance difficile » y fut abordée sous deux angles différents. D’abord, comme ce qui est difficile à connaître, rudement appréhendable par les modes conventionnels des pratiques réflexives – rationalité, intelligibilité, logocentrisme – à l’origine des prétentions hégémoniques du langage, qui se pose trop souvent comme le seul mode d’expression de la pensée, jusqu’à nous rendre inaptes à prêter attention à ce qui ne se réfléchit pas par les mots. Le son constitue en ce sens un de ces « connaître difficile », préservant une hétérogénéité, une résistance à la représentation langagière qui lui confère une ambiguïté constitutive pour les modes traditionnels de théorisation. En tant que mode de connaissance, le son pose d’emblée un défi au textocentrisme[15], ce qui a déjà d’importantes implications politiques. En effet pour De Certeau, porter attention aux gestes et tonalités de la vie quotidienne, dimensions fondamentalement a-textuelles, constitue en tant que tel une expérience de communication fugitive où des sens subversifs peuvent se développer « à l’abri » de la surveillance du pouvoir[16].
D’autre part, « connaissance difficile » appréhendée comme troublante, dure, blessante, cette connaissance affectivement chargée qui fait vaciller la position traditionnelle – souvent illusoirement stabilisée – du chercheur, voire même venant troubler les limites même de ce que « connaître » veut dire. Dans une perspective de recherche-création, cette compréhension de la connaissance difficile m’a poussé à aborder la dépression politique, cet état dépressif qui fait écho à des événements politiques marquants, et qui implique diverses formes de détresse psychologique et physique : épuisement, (auto)destruction, suicide…
Le projet Traces of an Absence a donc émergé au confluent de ces deux conceptions du « connaître difficile ». Car la recherche-création semble particulièrement bien positionnée, dans toute la finesse de la tension même qui l’ouvre sur le monde, pour adresser ce type de croisement périlleux. Si j’ai choisi d’adresser ces questions à travers une performance musicale, c’est non seulement parce que cette pratique s’est imposée comme un moyen d’expression privilégié au fil des années, mais peut-être aussi parce que celle-ci est en tant que telle une manière d’accueillir ce sens aussi chargé que générateur qui excède le dicible[17].
Mais aussi parce que la recherche-création relève d’un processus immanent de pratique expérimentale au plus près de l’expérience vécue[18], avec toutes les rugosités qu’elle peut impliquer. C’est ainsi que l’exigence académique à présenter un rêve de commissariat (curatorial dream) de connaissance difficile fut l’occasion de prolonger la performance effectuée par un ami en décembre 2012. Ce dernier avait alors, par un agencement habile de dessins et d’effets vocaux, exprimé certaines expériences politiques qui l’avaient marqué durant la grève (étudiante) de 2012 à Montréal[19]. Profondément touché et inspiré par cette performance, j’avais approché cet ami afin que nous collaborions pour poursuivre cette expérience de recherche-création en contribuant en musique et en poésie. Or cette performance n’a jamais eu lieu : l’ami en question s’est enlevé la vie quelques mois plus tard[20]. D’où le rêve de prolonger cette performance inexécutée, de réaliser, en quelque sorte, « ma partie » de cette collaboration impossible, en solo cette fois, ou du moins avec guitare électrique et parole poétique comme seuls accompagnements.
Lorsque l’on s’approche de cette tonalité tragique des luttes politiques actuelles, une attention toute particulière à la singularité s’impose. Or si la dépression politique, comprise comme la douleur, le sentiment d’impuissance et le ressentiment entourant l’action politique, est toujours singulière, elle doit cependant toujours être considérée comme un pathos socialement produit. La complexité de cette relation appelle donc une démarche soucieuse des dimensions singulières et collectives de la dépression politique. Aborder la manière dont on a collectivement été blessé.e.s sans mettre de côté la texture particulière de chaque plaie implique de se rappeler constamment ce que ce processus exige :
de rencontrer les traces de la vie d’un.e autre […] d’admettre la force d’une telle rencontre sans tenter de définir ou de « connaître » l’expérience de l’autre, et sans perdre le sens de distinction qui lui est propre dans le processus[21].
Traces of an Absence devait donc prendre la forme d’une performance poétique et musicale improvisée, notamment parce que l’improvisation demeure un moyen privilégié d’approcher la singularité des situations. En effet, pour Jankélévitch, l’improvisation musicale fait sentir la zone de contact entre le corps et le monde, elle pousse à s’abandonner au pouvoir singulier et créateur de la corporéité. Cette énergie vitale entretient un rapport fondamental au risque, en forçant une adaptation-éclair aux circonstances sans cesse changeantes, un art d’atteindre l’instant propice, hors de tout contrôle conscient, de toute régularisation rationnelle[22]. L’improvisation implique en quelque sorte une perte de repères pour en trouver d’autres : elle pousse à écouter ses intuitions, à leur faire confiance, développant un autre mode de pensée, une organisation réflexive de son propre rapport au monde qui ne passe pas par les modes traditionnels de la situation spatio-temporelle. En ce sens, elle ouvre la voie à l’affirmation d’une pensée du geste, dans l’irruption de l’instant ; une ouverture qui, comme nous le verrons, peut avoir d’importantes conséquences sur le plan politique.
Une performance, puisque la recherche-création implique une mise-en-jeu, est une plongée dans l’événement, loin de toute distance analytique, position sécurisée du chercheur traditionnel. Cette expérimentation radicale implique toujours un vivre-avec : la performance, qui nécessite une audience quelconque, constitue une invitation à se laisser collectivement emporter par une proposition créative, une expérimentation partagée : « un lieu duquel émerge ni une conscience de soi ni une connaissance de l’autre, mais une improvisation qui procède de quelque part de l’autre côté d’une question non posée »[23]. Ce processus de co-création peut ainsi se déployer comme une tentative de vivre et faire vivre une expérience sans réduire la singularité des traces d’une vie vécue qui résiste toujours, à quelque part, à la préhension par la pensée. Ce projet de recherche-création a donc été conçu comme un condensé d’espace-temps pour partir de l’entre : entre art et théorie, entre performeur et auditeurs, pour vivre une expérience collective intensive[24], une mise-en-jeu contagieuse.
Or créer, ou du moins agencer les conditions requises pour une telle ouverture collective, nécessite une technique, c’est-à-dire un engagement avec les modalités expressives qu’une pratique invente pour elle-même, impliquant un ensemble de dispositifs pour catalyser et moduler l’interaction inhérente au processus de recherche-création[25]. Dans cette perspective, les dispositifs techniques requis par la performance projetée devaient être plutôt minimalistes, pour faire écho à la philosophie Do It Yourself et aux idées anarcho-écologistes que l’ami et moi partagions – douleur de l’imparfait, je les partage toujours, aujourd’hui, avec d’autres –, mais aussi, et peut-être même surtout, pour laisser place à l’expérimentation vécue à travers la spécificité du sonore. Car si, pour maximiser son potentiel créatif, une technique doit demeurer processuelle, se réinventant constamment dans l’évolution d’une pratique, son mouvement vers l’expression définie doit permettre une mise-en-jeu effective[26]. En ce sens, Traces of an Absence devait prendre la forme d’une performance musicale et poétique, faisant usage d’un simple microphone, d’une guitare électrique (avec pédales d’effets) et d’un amplificateur, devant rideau noir : cela semblait, à cette étape de mes recherches, être la meilleure disposition des conditions initiales d’un dépliage événementiel. Pourtant, l’enjeu technique de la recherche-création implique de porter une attention particulière à la manière dont on entre dans l’événement[27]. Considérant le caractère complexe et, avouons-le, plutôt chargé de la performance, j’avais prévu à cet effet réaliser une sorte de « carte d’entrée » artisanale, composée de dessins de l’ami en question, de collages et de quelques lignes poétiques pour accompagner l’auditeur dans son entrée, lui offrir quelques informations pour appréhender la performance. Cet objet devait être fermé, mais ouvrable, déposé sur une chaise isolée, un peu en retrait, près de l’entrée de la pièce. Ainsi, celui ou celle qui entrerait pourrait s’y référer au besoin, ou simplement l’ignorer, selon le mode d’accès privilégié à l’événement : considérant la complexité et le caractère cadrant des dispositifs descriptifs et explicatifs qui accompagnent souvent toute activité de mise-en-public, il s’agissait d’une manière humble de respecter la diversité des modes d’entrée en fonction des postures, positions et trajectoires de ceux et celles qui voudraient bien entrer dans la mise-en-jeu. Une mise-en-jeu collective qui implique de ne pas rester silencieux dans un mode d’analyse descriptive, ou de se conforter dans la spécificité autonome du geste créateur, mais plutôt de jouer ensemble, de faire jouer ensemble, en quelque sorte, les différents sens et postures émergeant de la performance. Dans cette perspective, la performance apparaît comme un mode de réflexion collective, une forme d’étude en tant que telle.
Irruption de l’événement : le mouvement du Printemps 2015[28] est venu faire voler en éclats ce plan de composition. Le 30 mars 2015, l’association étudiante du doctorat en humanities décidait de joindre le mouvement de grève amorcé quelques jours plus tôt, stoppant activement les activités académiques, et donc le séminaire constituant le contexte formel de réalisation du projet. « La pratique expérimentale incarne une technique qui tend à catalyser un événement d’émergence dont les traits ne peuvent être prévus »[29] : l’imprévisibilité constitutive des pratiques expérimentales est amplifiée par l’actualité du monde. Ou plutôt : un processus de recherche-création soucieux des expériences vécues s’avère toujours très poreux, dans son ouverture même, exposé aux variations de la contingence radicale qui caractérise l’avènement du réel. En ce sens, le projet Traces of an Absence a pris une autre tournure au sein même de la grève, une grève où la répression politique (juridico-policière et médiatique) a marqué les corps et les esprits, mettant très tôt à l’avant-plan l’enjeu des blessures physiques et psychiques, de l’épuisement et de la détresse politique[30]. Profondément et activement impliqué dans le mouvement, j’ai alors été pris de plein fouet par son onde de choc. Une telle mise-en-abîme événementielle fut l’occasion de plonger au fond même des interrogations ayant motivé le projet, et ainsi de comprendre que l’épuisement lié aux luttes sociales provient de la douleur des corps à l’encontre de l’extérieur, affectés par les forces du monde, aussi sublimes que terribles. Des corps qui en ont trop entendu et qui s’effondrent[31], sous le poids des innombrables et parfois infimes confrontations qui pullulent dans la situation qui nous est faite. En ce sens, l’épuisement a toujours à voir, d’une manière ou d’une autre, avec les corps.
En tant qu’entité physique, le corps est résonant, vibratoire, lieu de l’interception de la musique. On serait alors tenté de faire l’hypothèse d’une relation créative entre musique et épuisement… Combien de musicien.ne.s ont produit des œuvres sublimes alors même qu’ils et elles se trouvaient dans des conditions physiques (et psychiques) déplorables? L’actualisation éruptive d’une grève portée par le désir d’être ensemble, d’agir et de se tenir contre le désastre ambiant venait ainsi, paradoxalement certes, à la fois empêcher la réalisation du projet qui s’inspirait de cette force vive qui s’était merveilleusement étalée quelques années plus tôt, mais aussi l’ouvrir à des pistes de réflexion et d’expérimentation inédites. En effet, les événements du printemps 2015 se sont avérés être un terreau des plus fertiles pour la poursuite de l’étude autour des sons des mouvements : autant d’occasions d’écoute active, de création musicale inspirée/faisant écho au mouvement, de discussions et de rencontres abordant la manière dont les gens étaient affectés par les sonorités des affrontements… Comme si soudainement ce qui demeurait enfoui dans les mémoires, les corps et les rares documents audio documentant l’intensité sonore de la grève de 2012 était ramené à la surface, comme s’ils n’avaient jamais sombré. Parce qu’ils n’ont jamais sombré, au fond.
Ainsi, au gré des discussions et expériences intenses qui eurent lieu durant le Printemps 2015, j’en suis venu à être frappé par la manière dont les sonorités produites par les manifestant.e.s constitue en tant que telle une sorte d’appel qui prend les corps malgré eux, les pousse à se rassembler. Quand la répression policière menace de dispersion un rassemblement manifeste, c’est par le son que l’on se rameute, que l’on se rappelle : un petit groupe en fuite pris de plein fouet par un « On reste groupés! » lancé derrière eux, les corps qui le composent arrêtent souvent avant même de comprendre ce qui leur est hurlé. Puissance affective du son, qui touche les corps avant même que la réflexion ait lieu. Bien sûr, dans plusieurs situations, cet appel au rassemblement ne suffit pas et le petit groupe continue sa route hors de la manifestation, effectuant une dispersion en cours. Or il faut vivre ce type d’événements intensifs pour réaliser comment tant de fois que la puissance affective du son agit comme une force magnétique, vient faire sentir le collectif dans une sorte d’immédiateté sensible. Cette vibration du collectif marque les corps et demeure auprès d’eux longtemps après la dispersion du mouvement : et dans la solitude morose qui suit les rassemblements, cette rumeur portant la trace des clameurs disparues vient transpercer les corps, les blesser de ce qui était/aurait pu être, la stridence d’une absence. D’une certaine manière, ces vibrations douloureuses nous permettent de comprendre la dépression politique qui suit les mouvements sociaux comme la souffrance émanant de la disparition des moments intenses de communauté, disparition qui sépare les forces actives de ce qu’elles peuvent, de leur situation matérielle, actuelle, générant un affaiblissement à travers lequel peuvent s’infiltrer des forces réactives. Lorsque celles-ci l’emportent, le ressentiment prend le dessus[32], c’est le règne du nihilisme, cette « sensation perçante de […] néant, […] vertige particulier faisant tourbillonner négation et passivité[33].
Or comme l’a montré Nietzsche, le nihilisme est profondément ambivalent : au plus profond de la noirceur, il peut aussi être le lieu d’un retournement possible. C’est parfois lorsque l’on est le plus épuisé, le plus poreux, ouvert au monde que l’on peut le mieux agir sur lui. Autrement dit, c’est peut-être lorsqu’on est le plus affectés que l’on est le plus en mesure de se faire des forces à partir des forces du monde (qui nous atteignent), et ainsi l’affecter en retour. Pourtant, les oscillations requises pour opérer un tel renversement du nihilisme nécessitent des forces telles qu’elles doivent être composées et densifiées collectivement. C’est aussi pourquoi la dépression politique, dans sa solitude profonde, demeure toujours un phénomène collectif.
Le projet Traces of an Absence peut ainsi être compris comme une tentative de mise en résonance visant à créer, à faire circuler du sens collectif[34]. Un geste éthique, visant à augmenter notre puissance d’agir, d’affecter et d’être affectés, afin de ne pas être subsumés par les passions tristes qui prennent les corps[35] lorsque se dissipent ces grands moments d’effervescence collective. La mise-en-abîme événementielle qui a entouré la réalisation – partielle, cependant[36] – de ce projet a été en quelque sorte une manière singulière de combattre la déprime post-grève à laquelle, comme beaucoup d’autres à ce moment, je n’échappais pas. Une modeste résistance affirmative, où musique, poésie et philosophie s’entremêlent pour former un composé d’espace-temps visant à partager des intensités, à donner des forces, à proposer des pistes pour s’organiser. D’une certaine manière, Traces of an Absence a, dans toute son irréalisation, grandement dépassé son contexte institutionnel d’origine, ne relevant même plus de la production de connaissance, aussi difficile soit-elle :
s’il y a étude plutôt que production de connaissance, s’il y a une manière d’être ensemble dans la cassure, s’il y des sous-communs, alors nous devons trouver notre voie vers cela. Le but n’est pas de supprimer l’antagonisme général mais d’expérimenter avec sa capacité informelle.[37]
Une telle recherche exige précision et rigueur, car il n’y a pas de chemin tracé d’avance, pas de balises claires pour s’orienter en cette voie.
Conclusion
Le projet Traces of an Absence demeure, dans tout son inachèvement, une occasion inédite d’expérimentation autour des sons du politique dans une perspective portant une attention particulière aux performances des mouvements sociaux. Concrétisation d’une démarche singulière de recherche-création où réflexion philosophique-politique et création sonore-poétique se conjuguent dans un mouvement de pensée pragmatique et spéculatif au plus près de l’évènement, de l’expérience vécue, le projet peut être compris comme une tentative d’activer conjointement les potentialités créatives de la pensée et les dimensions réflexives de la pratique musicale, afin que l’une et l’autre s’influencent, se répercutent et résonnent entre elles de manière surprenante et sans cesse renouvelée. Une modeste tentative qui s’inscrit dans l’élaboration plus large d’une topologie politique où les sonorités contribuent de plein droit à la pensée des rapports de force et du vivre ensemble.
La réalisation de ce projet a aussi montré que la matérialité sonore du politique et la résonance affective des communautés sont aussi indissociables que fondamentales pour penser la texture même du commun. En effet, les affects subjectifs/de sens et les effets machiniques-pragmatiques sont mis en concaténation intensive au sein d’agencements qu’il s’agit de cartographier.[38] Dans cette perspective de recherche attentive à la manière dont les agencements collectifs s’intensifient à travers la musique, il s’agit donc de mieux comprendre en quoi la musique permet de penser une éthique du commun sensible. Car si la musique implique une finesse de l’attention auditive, une perception aiguisée des phénomènes sonores, un mode de tending (tendre-pencher) vers les sonorités, c’est qu’elle est en tant que telle une forme de pensée : une pensée du sonore, une forme de pratique accrue de la perception de qualités spécifiques du réel[39]. Une pensée qui, dans toute son indiscipline théorique, vient radicalement renouveler la réflexion politique[40], lui ouvrant tout un champ d’analyse et d’expérimentation. En ce sens, elle participe à cette
rupture des amarres paradigmatiques technico-scientifiques [à travers un] réamarrage des pratiques sociales et analytiques du côté des paradigmes éthico-esthétiques, [produisant] une autre subjectivité, d’autres modalités énonciatives, [dis-posant] autrement l’existence[41].
Car c’est bien d’existence dont il est question, et en la matière, il s’agit de s’y mettre en entier : ce projet témoigne d’une telle tentative.
À Nico.
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Notes
[1] Pensons notamment à Heidegger, Derrida, Nancy, Agamben, Sloterdijk…
[2]Concept fondamental dans le cadre de mon projet de doctorat, la communauté affective désigne ces communautés mouvantes, aussi intensives qu’évanescentes, sans appartenance préétablie, qui ne reposent pas nécessairement sur une base identitaire ou d’intérêts partagés, mais sur ce qui circule entre les êtres qui la composent. En ce sens, il n’y a jamais une communauté; il y a de la communauté.
[3] Deleuze, Gilles & Félix Guattari, Mille plateaux. Capitalisme et schizophrénie 2, Paris, Minuit, 1980, p.398.
[4] Jacques Attali, Bruits. Essai sur l’économie politique de la musique, Paris, PUF, 1977, p.11-16.
[5] « the sad tones […] the wild notes ». Frederick Douglass, My Bondage and My Freedom, New York, Dover, 1969 [1855], p.97-99.
[6] Ibid.
[7] Le collectif se décrit en ces termes: “In the worlds of sound art and modern electronic music, Ultra-red pursue a fragile but dynamic exchange between art and political organizing. Founded in 1994 by two AIDS activists, Ultra-red have over the years expanded to include artists, researchers and organisers from different social movements including the struggles of migration, anti-racism, participatory community development, and the politics of HIV/AIDS. Collectively, the group have produced radio broadcasts, performances, recordings, installations, texts and public space actions…”. Ultra-red, « Mission Statement », 2000, http://www.ultrared.org/mission.html
[8] “Exploring acoustic space as enunciative of social relations, Ultra-red take up the acoustic mapping of contested spaces and histories utilizing sound-based research (termed Militant Sound Investigations) that directly engage the organizing and analyses of political struggles”. Ibid.
[9] D’une certaine manière, les méthodes qualitatives en sciences humaines montrent leur incapacité profonde à penser la complexité du rapport au monde en subsumant les pratiques d’études concrètes à la notion de « recherche-terrain ». Comme l’ont si bien montré Deleuze et Guattari dans Mille-plateaux, c’est plutôt en termes de territoires que les interactions fondamentales des groupes se posent.
[10] Harney, Stefano & Fred Moten, The Undercommons: Fugitive Planning and Black Study, Brooklyn, Autonomedia, 2014, p.121.
[11] Ibid., p.109-110.
[12] Pour Marcel Duchamp, l’inframince marque le caractère mouvant et ineffable de l’expérience, ces courants de fond rarement perçus mais qui font une différence dans le vécu. Erin Manning, « 10 propositions for a Radical Pedagogy, or How to Rethink Value », Inflexions, no.8, avril 2015, p.207-208.
[13]Erin Manning, « Against method », in PhillipVannini (dir). Non-Representational Methodologies : Re-envisioning Research, London / New York, Routledge, 2015, pp. 54-58.
[14] Séminaire doctoral de méthodologie interdisciplinaire offert par Erica Lehrer à l’hiver 2015 au sein du programme en Humanities de l’Université Concordia (Montréal).
[15] Le textocentrisme constitue une épistémologie dominante qui considère toute action humaine, tout événement extralinguistique concrétisé comme des textes à lire. Dwight Conquergood, « Performance Studies. Interventions and Radical Research », in The Drama Review, vol.46, no. 2, 2002, p.147.
[16] Michel de Certeau, The Certeau Reader, édition de Graham Ward, Oxford, Blackwell, 2000, p.133.
[17] Jennifer Bonnell & Roger I. Simon, “Difficult” exhibitions and intimate encounter », in Museum and Society, vol.5, no.2, 2007, p.68-69. Peut-être aussi parce que l’écoute joue un rôle fondamental dans la compréhension sémiotique de toute émotion (Megan Boler, « The Risks of Empathy : Interrogating Multiculturalism’s Gaze », Cultural Studies, vol.11, no.2, p.262.). Ou plutôt : la musique aurait-elle, dans sa matérialité sensible, vibratoire, une voie d’accès privilégiée aux affects?
[18] Erin Manning & Brian Massumi, Thought in the Act. Passages in the Ecology of Experience, Minneapolis / London University of Minnesota Press, 2014, p.89-91.
[19] La grève de 2012 a chamboulé l’actualité québécoise durant plus de six mois. Étudiant au départ, le conflit s’est généralisé à l’ensemble de la société lorsque la résistance populaire a bravé une loi d’exception adoptée par le gouvernement néolibéral pour mater la contestation. Il s’agit d’un des plus importants mouvements sociaux – tant sur le plan de l’ampleur quantitative que de la durée – en Amérique du Nord. Pour un compte-rendu analytique et narratif du mouvement, se référer On s’en câlisse. Histoire profane de la grève. Québec. 2012, du Collectif de débrayage, en bibliographie.
[20] Depuis, une œuvre posthume, mince trace de son immense talent, a été éditée : Cher Charles, Apologie épistolaire d’un ami prisonnier politique (Montréal, Sabotart, 2014).
[21]“encountering traces of another’s life, […] acknowledging the force of such an encounter without attempting to define or “know” the other’s experience, and without losing one’s own sense of distinctness in the process”. Barbara Kirshenblatt-Gimblett, « The museum as catalyst », in Museums 2000: Confirmation or Challenge, Vadstena, ICOM Sweden, Swedish Museum Association and Swedish Travelling Exhibition, 2000, p.80.
[22] Vladimir Jankélévitch, Liszt et la rhapsodie. Essai sur la virtuosité, Paris, Plon, 1989, p.83-84.
[23] “a place from which emerges neither self-consciousness nor knowledge of the other but an improvisation that proceeds from somewhere on the other side of an unasked question”. Harney& Moten, The Undercommons, p.96.
[24] Pour Guattari, l’intensité désigne une qualité existentielle porteuse à la fois d’une charge d’auto-consistance impliquant un certain lot d’hyper-complexité autoréférentielle (singularisation), mais aussi de transistance, (transversalisation) qui traverse les coordonnées spatio-temporelles et les attributions identitaires. « Cette double capacité des traits intensifs […] ne peut être pleinement saisie par les modes rationnels de connaissance discursive : elle n’est donnée qu’à travers une appréhension de l’ordre de l’affect, une saisie transférentielle globale. […] nous n’y avons plus spontanément accès […] De là découle la nécessité de construire de toute pièce des dispositifs d’énonciation analytiques – qui ne sont pas sans rapport avec ceux de la création artistique – pour en retrouver l’efficace. ». Félix Guattari, Cartographies schizoanalytiques, Paris, Galilée, 1989, p.12-13, 52, 121, 130-131.
[25] La notion de technique s’avère fondamentale au sein d’un processus de recherche-création, car son élaboration est le lieu de l’intersection entre la pensée en acte de la pratique artistique, et la pratique réflexive de la recherche théorique. Manning & Massumi, Thought in the Act, p.89-91.
[26] Ibid., p.89.
[27] Ibid., p.89.
[28] Le mouvement du Printemps 2015 a émergé en mars comme une offensive contre l’austérité et l’économie extractiviste. Ses revendications larges, de même que son mode d’organisation autonome (basé sur des comités informels), ont fait l’originalité du mouvement, mais semblent aussi avoir restreint son extension, ou du moins sa massification. Aussi énergique que minoritaire, le mouvement a été l’objet d’une forte répression politique, et s’est replié au début mai. Cf. Collectif de débrayage et consorts, FUCK TOUTE ! Quelques flèches tirées du Printemps 2015, en bibliographie.
[29] “Experimental practice embodies technique toward catalyzing an event of emergence whose exact lineaments cannot be foreseen,” Manning & Massumi, Thought in the Act, p.89.
[30] Si bien qu’un groupe de soutien militant, le Comité Bien-être collectif, a même été créé durant le mouvement pour lutter contre l’épuisement militant, « donner des outils à celles et ceux qui [pratiquent le care] et visibiliser ce travail [politique] en plus d’organiser des événements occasionnels ». Comité Bien-être collectif – Printemps 2015. 2015. https://www.facebook.com/bienetrecollectifp15
[31] Peter P. Pelbart, Cartography of Exhaustion. Nihilism Inside Out, São Paolo, n-1 publications, 2013, p.26-29.
[32] Gilles Deleuze, Nietzsche et la philosophie, Paris, PUF, 1997 [1962], p.127-135.
[33]“A piercing sensation of […] nothingness, […] a particular vertigo swirling negation and passivity”. Pelbart, Cartography of Exhaustion, p.53-54; 59.
[34] Sandahl in Bonnell & Simon, « “Difficult” exhibitions », p.70.
[35] Gilles Deleuze, Spinoza – philosophie pratique, Paris, Éditions de Minuit, 2003 [1981], p.40-41.
[36] En effet, le séminaire doctoral Curating Difficult Knowledge, contexte d’origine du projet, ayant été interrompu durant plusieurs semaines, la négociation du retour en classe après la grève du printemps a abouti sur l’exigence de produire un document décrivant comment les projets prévus ont été altérés par la grève. J’ai tout de même tenu, dans cet approfondissement du mouvement de mise-en-abîme d’alors, à réaliser un extrait de la performance en marge du travail « synthèse » exigé.
[37] “if there is study rather than knowledge production, if there is a way of being together in brokenness, if there is an undercommons, then we must all find our way to it. The aim is not to suppress the general antagonism but to experiment with its informal capacity”. Harney & Moten, The Undercommons, p.109.
[38] Guattari, Cartographies, p.30.
[39] Cf. Hubert Gendron-Blais, « Inter-sections: notes autour d’une technique sur les rapports musique et pensée », in Inflexions, no. 8, avril 2015, p.285-292.
[40] Attali, Bruits, p.12-14.
[41] Guattari, Cartographies, p.181.