Avant-propos
Écrivain polygraphe, Jules Verne (1828-1905) a écrit plus de quatre-vingts romans qui ont bercé et fasciné des générations entières pendant plus d’un siècle et demi. Un univers fascinant, presque mythique à bien des égards. Verne géographe, Verne fantastique, Verne scientifique, mais aussi Verne visionnaire et précurseur de la science-fiction, se projetant dans l’avenir et avec une fantaisie extravagante, Jules Verne s’adonne à tous les domaines, explore tous les espaces, les mers, les airs, le globe, le monde souterrain ou les lieux magiques. Une telle exploration va donner Vingt mille lieues sous les mers (1869), Voyages et aventures du capitaine Hatteras (1866), Le Sphinx des glaces (1897), Cinq semaines en ballon (1863), De la terre à la lune (1865), Le Tour du monde en quatre-vingt jours (1873), Michel Strogoff (1876), Voyage au centre de la Terre (1864), Les Indes noires (1877), Le Château des Carpathes (1892)… des romans qui ont fait le tour du monde et qui sont traduits en plusieurs langues. Et le mythe Verne continue…
Cent ans après la mort de l’écrivain, le Colloque « Jules Verne dans les Carpates » organisé à l’Université de Cluj-Napoca, dans cette belle région transylvanienne que l’auteur a démystifiée dans le roman éponyme, se veut un hommage pour l’écrivain qui a su conquérir aussi le coeur des Roumains et de la Roumanie. Une belle aventure, assurément, liée au voyage et à la découverte. Car, sans qu’il soit particulièrement « emballé par la science », ainsi que l’affirme l’écrivain dans son entretien avec Robert Sherard, en 1893, Jules Verne est l’auteur d’une pléthore de romans de science-fiction qui donnaient avec plusieurs d’années d’avance des descriptions magnifiques d’exploration. Le thème du voyage est certes capital comme celui de l’expédition et de la conquête, terrestre ou spatiale ». La boucle est bouclée (…) « Les temps ont changé, le romancier aussi », affirme Claude Aziza. Voyage réel ou fantastique, en tout cas, Verne se range parmi les plus grands romanciers de l’imaginaire du second XIXe siècle. Autant de personnages que d’aventures, de Mathias Sandorf à Robur-le-conquérant, de Kéraban le têtu à Hector Sevadac ou de Docteur Ox aux Enfants du capitaine Grant, le personnage vernien peuple l’univers romanesque et captive le lecteur qui vit l’aventure en même temps que lui. Plus de quatre cents personnages fabuleux peuplent l’univers des Voyages extraordinaires.
Vaste saga, les Voyages extraordinaires se déroulent sur trois plans : des parcours géographiques à travers tous les continents du monde, un voyage dans le temps, suivant ou précédant les découvertes de la science, enfin, un véritable itinéraire intérieur. Ce voyage est souvent vécu par des personnages solitaires, parfois étranges (le capitaine Nemo de Vingt Mille Lieux sous les mers, Phileas Fogg du Tour du monde en quatre-vingts jours) ou par des adolescents qui découvrent leurs propres limites (tels les enfants du capitaine Grant).
Parmi les destinations à suivre dans cette collection de voyages proposés, Le Château des Carpathes est singulier. D’accès difficile comme le château de Kafka qui renoncera à y pénétrer des années plus tard, le héros vernien parvient à franchir la demeure interdite et inaccessible. Voyage métaphysique, Le Château des Carpathes est pour Michel Serres une invitation aux profondeurs et au trépas, un véritable labyrinthe où une aventure peut en cacher une autre. Et l’histoire étrange des Carpates et de son mystérieux château commence.
Jules Verne dans les Carpates. Voilà un beau voyage. Pourquoi les Carpates ? Parce que Jules Verne y a séjourné, suppose-t-on, ou du moins, parce qu’il s’y est particulièrement intéressé : Verne s’est documenté à fond sur ce territoire, au point de lire Reclus et sa Géographie universelle. Il y a aussi le Château, oui, mais lequel car plusieurs sont les châteaux qui se disputent d’avoir nourri l’imaginaire de l’écrivain. Voilà pourquoi les Carpates. À vous de le découvrir.
Sur les pas de l’écrivain, des chercheurs de réputation et des spécialistes verniens pour ne citer que Ion Hobana, Jean-Pierre Picot, Jean Chesneaux, Jean-Paul Dekiss, Peter Schulman, Donald Bruce, Heba Machhour ou Alain Vuillemin, se sont réunis dans cette belle ville de Cluj-Napoca pour élucider le mystère. À la suite des débats enrichissants sur l’oeuvre vernienne et les Carpates, on est parti sur les pas de l’écrivain et du fameux château sur un itinéraire bien balisé : Cluj ou Klausenburg, Turda, Alba Iulia, Sibiu, Deva, Hateg, Hunedoara, Petrosani, Petrila, Vulcan, Bistrita, Curtea de Arges, Craiova… Aventure pour aventure, on y est arrivé.
La fin de voyage ? Certainement pas. D’autres aventures, d’autres réunions et colloques verront sûrement le jour. Les Voyages extraordinaires ont des beaux jours devant eux et continueront longtemps encore à nourrir l’imaginaire occidental.
Corina Moldovan
Efstratia Oktapoda-Lu