Bénédicte Mathios
Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand, France
bmath2@9online.fr
Les crises salutaires du sonnet espagnol
The Salutary Crises of the Spanish Sonnet
Abstract: A concise history of the Spanish literature in the twentieth century would bring many examples of rehabilitation of an ancient genre, the sonnet, essential for the literary history of the Spanish Golden Age. Its connexions with the Spanish modernism and its often ideological use can be traced from the first decades of the past century and it’s due to a more flexible approach concerning its form.
Keywords: Spanish Literature; The Golden Age; Modernism; Sonnet.
En 1995, au moment de la publication de ses sonnets (écrits entre 1939 et 1993), le poète espagnol José Hierro pose la question : « ¿Es, el estricto soneto, molde válido para la poesía de hoy ? »[1]. Sa réponse rappelle les débats ayant eu lieu à propos du sonnet au XXe siècle et au cours de son histoire : « Claro, siempre que el poeta lo necesite para decir exactamente lo que quiere, no cuando lo adopta como una enojosa cadena que impide el vuelo »[2]. Cette phrase montre que non seulement la forme du sonnet mais aussi les questions qu’elle suscite sont toujours d’actualité à la fin du XXe siècle en Espagne. Le problème soulevé par José Hierro resurgit à toutes les périodes de crise du sonnet, c’est celui de la contrainte susceptible de limiter la créativité de l’artiste. Ces phases de crise sont celles qui ont retenu notre attention, car bien que moins fréquent alors, le sonnet ne suscite jamais une totale indifférence. Nous parlerons donc des périodes d’éclipse qui sont aussi des occasions pour les poètes de le remettre en question et de penser la poésie. Qu’entendons-nous par « crise et éclipse » ? Une période de désintérêt de la part des poètes envers une forme et ses critères. Une période de désintérêt de la part des lecteurs et des commentateurs et autres auteurs de traités. Donc une diminution de l’impact d’un genre et d’une forme sur les acteurs qui donnent naissance aux œuvres et ceux qui les reçoivent. Nous rechercherons quelles particularités comportent les périodes d’infortunes du sonnet espagnol, à savoir le XVIIIe et le XIXe siècles, mais aussi le XXe siècle, en particulier la période allant de la guerre civile à nos jours.
Certes, chacun sait que le Siècle d’Or espagnol (à savoir les XVIe et XVIIe siècles) marque le règne absolu de cette forme[3] ; nous laisserons d’ailleurs de côté ce pan immense de l’histoire du sonnet espagnol. Mais avant d’aborder les périodes critiques annoncées, rappelons que le sonnet, lors de son passage de la langue et de la culture italienne à la langue espagnole[4] au XVe et au XVIe siècles est signalé par des commentateurs tels que Boscán ou Herrera comme une forme difficile et contraignante. Cette complexité formelle deviendra un facteur de gloire et sera même corsée de nombreuses variantes, mais elle sera par la suite un facteur de crise. Boscán s’essayant à l’hendécasyllabe et au sonnet, souligne vers 1530 les difficultés rencontrées : « comencé a tentar este género en el qual al principio hallé alguna dificultad por ser muy artificioso y tener muchas particularidades diferentes del nuestro »[5]. Pour Fernando de Herrera, lui-même auteur de sonnets, dans les Anotaciones a la poesía de Garcilaso (1580) : « cuanto más merece y admite sentencia más grave, tanto es más difícil, por estar encerrado en un perpetuo y pequeño espacio»[6]. Il qualifie de «dificilísimo el estilo del soneto e dino de ser preciado en mayor estimación que alguno otro dellos»[7]. A l’aube de son heure de gloire, le sonnet est donc vu en Espagne comme une forme dont la brièveté et l’exigence formelle conjointes sont soulignées par ceux-là mêmes qui vont contribuer à son développement. Au sein de sa contrainte sont en germe les futures périodes de crises mais aussi des possibilités de renouvellement et d’évolution.
Antonio Quilis[8], Tomás Navarro Tomás, Rudolf Baehr tous trois métriciens, associent le XVIIIe siècle et le XIXe siècle à un moment de retrait dans l’utilisation de ce schéma formel[9]. Ainsi comme le signale Quilis : « durante el Neoclasicismo y el Romanticismo, entra en crisis el soneto ». Selon Rudolf Baehr : « En el siglo XVIII el soneto pierde su importancia entre las formas endecasílabas líricas. » On retrouve la question de la contrainte dans le fait que, comme l’indique le métricien, «en la mitad del siglo disminuye mucho frente a las formas más libres que se ponen de moda; según los juicios de la época, estas otras se relacionan más íntimamente con el espíritu y el gusto formal de la Antigüedad. »[10] Si on se penche sur les écrits de l’un des commentateurs les plus célèbres du XVIIIe siècle, Ignacio de Luzán, on trouve une défense du sonnet de Garcilaso inspiré de Pétrarque, mais aussi une critique de certains auteurs du XVIIe siècle dont Luis de Góngora auquel Luzán reproche « un artificio afectado ». Il accuse en outre Gracián, d’avoir dans Agudeza y arte de ingenio (1642) : « acreditado para con los españoles tan depravado estilo», alors que lui défend «el buen gusto en la poesía y en la elocuencia». Le sonnet préféré au XVIIIe siècle est donc celui de Santillana, au XVe siècle, et surtout celui de Garcilaso de la Vega au XVIe siècle dont les sonnets amoureux mais aussi les églogues et autres chansons et élégies aux contextes fréquemment bucoliques, contiennent des références antiques et pétrarquistes propres à plaire aux néo-classiques. Ce qui peut expliquer également le désintérêt envers la forme du sonnet est la défense d’une poésie beaucoup plus ample par sa taille: « la grandeza y majestad de la buena poesía […] sólo puede enteramente lucir en los grandes poemas»[11]. Les poètes du XVIIIe siècle[12] utilisent en effet très peu fréquemment le sonnet. Sur trois auteurs dont nous avons pu consulter l’œuvre complète, à savoir Quintana, Meléndez Valdés et Jovellanos, nous avons relevé une moyenne de 3% de sonnets. Dans l’anthologie de Cátedra, sur 27 poètes, 9 ont des sonnets reproduits, soit 11, 29 % des poèmes de l’anthologie. Dans l’anthologie de Castalia, sur 27 auteurs, 8 (ce sont approximativement les mêmes que dans l’autre anthologie) ont des sonnets reproduits et on arrive à un pourcentage de 13,9 % de sonnets, autrement dit fort peu. Dans tous les cas, on a en majorité de longs poèmes non limités par un nombre précis de vers.
Au XIXe siècle[13] la recherche, fondamentale par la suite, d’une plus grande liberté formelle semble être la raison essentielle de la désaffection du sonnet. Rudolf Baehr explicite cela dans Manual de versificación española et parle de « la extraña rehabilitación del soneto realizada, de pasada, por J. Gómez Hermosilla, que dice de esta forma: « bien desempeñada, no es tan despreciable como algunos han asegurado »[14] (Arte de hablar en prosa y verso, Madrid, 1826, II, p. 187). La réhabilitation manque quelque peu d’enthousiasme. Les chiffres le confirment. Sur l’œuvre complète de cinq auteurs du XIXe siècle, on relève une moyenne de 16% de sonnets. Dans l’anthologie de Cátedra sur la poésie espagnole du XIXe siècle, sur 69 auteurs, 12 ont des sonnets reproduits, soit 17% des auteurs, et on compte 19 sonnets sur 148 poèmes, à savoir 12,8%. Ce qui reste peu.
Cependant au cours du premier tiers du XXe siècle, le sonnet retrouve, et ce dès le Modernisme à la fin XIXe siècle (avec un assouplissement formel), une vitalité[15] qui lui a permis de tenir sa place au cours des années 20, chez des poètes qui sont les défenseurs d’une poésie d’avant-garde (vers libres, brisés, usage de l’onomatopée, syntaxe bouleversée, images contemporaines, culte de la métaphore etc.), ce que le signale Leopoldo de Luis au cours d’un cycle de conférences sur le sonnet, « Vigencia del soneto »[16](à l’Ateneo de Madrid en 1986) : « Los poetas pierden el gusto de escribir sonetos. Pero no del todo…Gerardo Diego, Rafael Alberti, García Lorca »[17]. En effet l’un de ces trois poètes, Rafael Alberti, dira en 1980, dans le prologue à la publication de 101 sonetos (1924-1975) : « Yo, que he sido siempre un poeta experimental, nunca he desechado el soneto, aun en medio de mis momentos más alejados de esa forma tan ceñida »[18]. Dans les années 20, le sonnet traite de thèmes parfois contemporains, entrant ainsi thématiquement dans la modernité tout en gardant sa forme pétrarquiste (comme chez Gerardo Diego).
Or, au cours de la période allant de 1945 (1944) à 1970 le sonnet est l’objet de batailles esthétiques autant qu’idéologiques. En 1944, Dámaso Alonso met en scène à sa manière cet affrontement :
Actualmente la poesía juvenil española parece que se está dividiendo netamente en dos campos, y entre los dos se vislumbra ya el fuego -y no sin violencia- de las primeras escaramuzas. Sonetos, tercetos, versos tradicionales, de una parte. Versos libérrimos, de la otra. Esta pugna no hace sino resucitar la que ya presenciamos hace unos diez años. Oh, pero si no hubiera lucha, no habría juventud ni vida. En verdad se puede hacer retórica y aun retórica mala, lo mismo con sonetos o décimas que con verso libre. Y es posible, aunque difícil, hacer gran poesía lo mismo con sonetos que con libre verso.[19]
Pour certains cette forme est essentiellement porteuse de références littéraires (Garcilaso de la Vega) et historiques (Le Cid, La Reconquête, Charles Quint, Philippe II) inséparables les unes des autres. Les revues Escorial (créée en 1940) et Garcilaso (créée en 1943) publient de nombreux sonnets. Les promoteurs de Garcilaso parlent d’une seconde Reconquête, et d’une seconde Renaissance, au moment où le régime franquiste utilise l’image de la Reconquête et celle de l’empire de Charles Quint ou de Philippe II pour justifier sa présence et son action. Par ailleurs, des numéros sont consacrés à Santillana, Lope de Vega, Francisco de Aldana, Quevedo, poètes renaissants et baroques, dans un esprit strictement mimétique selon les termes de Víctor García de la Concha[20]. Dans la même mouvance, Francisco Rodríguez Marín publie en 1941 Sonetos sonetiles ajenos y propios[21]. Dans son ouvrage le sonnet est présenté comme incontournable pour tout poète débutant et est selon l’auteur l’expression poétique la plus achevée. Ce recueil de faible qualité est représentatif du courant poétique passéiste qui caractérise certains aspects de la culture sous Franco.
Face à cette épidémie de sonnets, une réaction se développe dans les années 43-45. Le sonnet envahissant est critiqué dans la revue Espadaña (créée en 1944), en particulier quand Victoriano Crémer écrit dans le premier numéro cette célèbre revendication : « Va a ser necesario gritar nuestro verso actual contra las cuatro paredes o contra los catorce barrotes soneteriles con que jóvenes tan viejos como el mundo pretenden cercarle, estrangularle.Pero nuestro verso, desnudo y luminoso. Sin consignas. Y sin necesidad de colocarnos bajo la advocación de ningún santón literario: que se llamen Góngora o Garcilaso. »[22]. Pour Gabriel Celaya, dans un article de 1947 publié en 1979 dans Poesía y verdad Papeles para un proceso[23] la revue Garcilaso marque le départ d’ « un movimiento que multiplicaba de un modo casi automático sonetos tan bien construidos como faltos de verdadero aliento y de honda sustancia humana »[24]. La multiplication du sonnet s’ajoutant à un manque de substance est, à n’en pas douter, un signe d’usure donc sur le plan poétique une marque d’infortune. Abondant dans ce sens, Félix Grande, dans Apunte sobre poesía española de posguerra (1970)[25] qualifie le garcilasisme, de mouvement « amamantándose en el retroceso»[26] et citant les principaux recueils de sonnets gravitant autour de Garcilaso[27], il considère que l’idée que cette revue a eue du sonnet « fue, no clásica, sino algo que podríamos llamar embalsamada »[28].
Des exceptions nées de ce contexte polémique surgissent. Elles entraînent parfois (rarement) certaines subversions et transgressions esthétiques autant qu’idéologiques. Le fait qu’elles existent montre bien cependant qu’il y a eu un moment d’usure, lié au désaveu de la forme assimilée à une prison, image d’une rigueur qui était mise en évidence depuis longtemps[29] et qui n’avait pas constitué par le passé un facteur d’usure mais une incitation à affronter la contrainte. La particularité de cette époque de crise, c’est qu’on parle beaucoup du sonnet, ce n’est pas une forme que l’on oublie, c’est une forme dont on débat, que l’on vénère ou que l’on hait (en la transgressant ou sans la transgresser). La violence de ces disputes correspond à une éclipse de cette forme comme poème de référence, mais lui laisse des possibilités de se réaffirmer en se transformant, selon un principe que Jean-Marie Schaeffer qualifie de « modulation générique »[30]. Ainsi il semble qu’il y ait alternance entre des périodes de saturation et des périodes de crise que le sonnet a déjà connues dans un contexte social et politique très différent. En 1895, dans « Crise de vers », Mallarmé parle d’un risque afférent à la saturation, d’une « usure à montrer la trame[31], que ne semble pas connaître à ce point le sonnet espagnol. Jacques Roubaud nous rappelle d’ailleurs, sur un plan plus général, dans Soleil du Soleil, le sonnet français de Marot à Malherbe[32], que la forme contrainte du sonnet est « tantôt mis(e) à son crédit, fait partie de son prestige, tantôt au contraire lui est reproché(e), le discrédite », ce qui résume ce principe de l’alternance.
La difficulté de la recherche d’un corpus dans la seconde moitié du XXe siècle vient de ce que l’appartenance des poètes à des camps politiques différents n’est pas le seul facteur déterminant la crise du sonnet espagnol pendant le franquisme. La fréquence de son utilisation et l’intérêt porté à cette forme sont plus ou moins en perte de vitesse selon les auteurs, le stade de leur œuvre, les thèmes abordés. Par exemple, on peut dire que le sonnet est beaucoup moins fréquent au cours des années 60-70 mais que les poètes les plus conventionnels continuent à écrire des sonnets amoureux, mystiques, dans une forme pétrarquiste, parfois moderniste (donc un peu plus souple, avec un allongement du vers, une alternance des rimes dans les quatrains etc.), alors que dans le même temps surgissent des phénomènes isolés mais importants de transgression, nous l’avons dit. Doit-on dire alors, sous prétexte que ce sonnet transgressif est rare, qu’il montre là des preuves de son usure ? Ne serait-ce pas l’inverse ? Certains corpus fournis ne seraient-ils pas plutôt des répétitions stériles qui entraînent l’usure du sonnet traditionnel ?
Au cours de la période 1940 à 1980, les auteurs dont nous avons sondé les œuvres sont au nombre de 85[33]. Les noms des auteurs, cités en note, ont ici une « fonction classificatoire », que décrit Michel Foucault dans « Qu’est-ce qu’un auteur ? »[34] ; nous sommes loin ici de « la fonction auteur », qui permet de chercher « dans l’individu, une « instance ‘profonde’, un pouvoir ‘créateur’, un ‘projet’, le lieu originaire de l’écriture »[35], une « une certaine unité d’écriture »[36]. Il y aurait ici la nécessité pour nous de prendre en compte les individualités, les exceptions etc. car le travail sur un corpus nombreux est censé être un va-et-vient entre le général et le particulier. Mais nous demeurerons ici dans une perspective générale. Sur le plan thématique, les sonnets évoquent différents espaces, monuments et espaces intimes, on trouve des sonnets religieux, les sonnets métaphysiques, les sonnets de circonstance, les sonnets amoureux, des métasonnets[37].
A partir de ce corpus, nous constatons des infléchissements, liés à des raisons variées, esthétiques et idéologiques. Tous thèmes confondus, sur un corpus qui comptait 35 œuvres complètes (ou temporairement complètes), 33 recueils, 26 anthologies, 7 auteurs publiés dans la revue Escorial, au cours des années 1940, on dénombre 1163 sonnets, au cours des années 50, 572 sonnets soit 49,2 % de ce premier chiffre, au cours des années 60 : 472 sonnets, soit 40% du chiffre des années 40, au cours des années 70 : 369 sonnets soit 31,7%, au cours des années 80 : 185 sonnets, soit 15,92%. Le pic des années quarante se justifie par l’enfermement de la poésie espagnole dans un néo-garcilasisme corseté ; le nombre des sonnets diminue de moitié dans les décennies suivantes. Le maintien d’un certain nombre de sonnets dans les années 50 et 60 montre que certains auteurs poursuivent leur production de sonnets avec des intentions et des réussites variées. Cependant sa diminution indique aussi l’intérêt porté par les poètes à d’autres formes, en particulier le vers libre. Enfin, la renaissance du sonnet à laquelle certains spécialistes ont associé les années 1980 d’un point de vue qualitatif n’est pas sensible à travers ces chiffres.
Pour conclure temporairement sur ce renouveau, nous dirons que le sonnet sort finalement vivifié de ces épreuves dans les années 80 et jusqu’à maintenant. Luis Antonio de Villena en 2004, avec Desequilibrios[38] et Pere Gimferrer en 2006 avec Amor en vilo[39] en sont deux exemples. On remarque des publications tendant à promouvoir cette forme : Marcela López, dans El soneto y sus variedades[40](1998), offre un parcours parmi les modulations du sonnet espagnol au cours de son histoire, décrivant jusqu’à 81 catégories. Jesús Munárriz, dans Un siglo de sonetos en español (2000) veut montrer « su vigencia, pese a todo, en el siglo de las vanguardias y de los experimentos de ruptura »[41]. José Esteban, de son côté, publie une anthologie du métasonnet, Un soneto me manda hacer Violante, Sonetos del soneto (2000)[42]. En 1980, dans le prologue à 101 sonetos (1924-1975), Rafael Alberti répond d’une certaine façon à notre problématique en envisageant l’histoire du sonnet d’une manière globale, où l’on retrouve l’idée d’alternance entre des périodes fastes et des éclipses et où les crises ne sont pas des facteurs de désuétude, bien au contraire. Laissons-lui la parole pour finir :
Hablar de la caducidad del soneto, como forma poética, sería casi lo mismo que afirmar que la circunferencia ya está vieja, que no sirve.
El soneto siempre estará ahí, invitándonos con sus catorce surcos, sus cuatro estrofas cerradas, en un cuadrado visual, delimitado.
Se oscurecerá, a veces, parecerá que ha desaparecido, pero siempre reaparecerá en cualquier momento, aun en aquel más crítico en el que se le haya declarado la guerra.[43]
Notes
[1] José Hierro, Sonetos (1939-1993), Ayuntamiento de Santa María de Cayón (Cantabria), 1995. Traduction : « le strict sonnet est-il un moule valable pour la poésie d’aujourd’hui? »
[2] « Bien sûr, chaque fois que le poète en aura besoin pour dire exactement ce qu’il veut, non pas quand il l’adopte comme une chaîne gênante qui empêche l’envol »
[3] Très globalement, le Siècle d’Or (XVIe et XVIIe siècles) marque le règne absolu du sonnet et d’autres formes codifiées, à la suite de leur introduction dans la poésie espagnole au XVe siècle, s’inspirant de la culture italienne qui se transmet grâce à un contexte historique comme la présence espagnole en Italie sous Charles Quint et Philippe II.
[4] Tenté au XVe siècle par Santillana et définitif au XVIe siècle en particulier grâce à Boscán et Garcilaso de la Vega.
[5] In Garcilaso de la Vega, Poesía completa, Madrid, Espasa Calpe, 1989, p. 266. Traduction : « J’ai essayé ce style de poésie et j’ai rencontré au départ quelques difficultés car il nécessite beaucoup d’habileté et comporte des caractéristiques différentes de la nôtre ».
[6] Fernando de Herrera, Anotaciones a la poesía de Garcilaso, Madrid, Cátedra, 2001, p. 268. Traduction : « Plus [le sonnet] admet une grave sentence plus il est difficile car enfermé perpétuellement dans un petit espace ».
[7] Ibidem, p. 268-269). Traduction : [il qualifie] « le style du sonnet de très difficile et digne d’être apprécié plus que n’importe quel autre ».
[9] Tomás Navarro Tomás, Métrica española, Barcelona, Labor, 1986, p.306.
Rudolf Baehr, Manual de versificación española, Madrid, Editorial Gredos, 4ª reimpresión, septiembre de 1989, p.397-398 :
La primera generación del siglo lo usa todavía con bastante frecuencia, así especialmente E. Gerardo Lobo y Torres Villaroel. […] En García de la Huerta, Jovellanos, Cadalso y Forner los sonetos son también poco frecuentes.Algún incremento experimentó a principios del siglo XIX con Arriaza, Nicasio Gallego, J. M. Heredia y Lista. En cuanto a la forma, se atiene a la tradición del siglo XVII. El esquema de rima de los cuartetos ABBA ABBA no varía; los tercetos se limitan a los dos tipos principales CDC DCD y CDE CDE.
[…] En la tendencia de los románticos hacia formas más libres e ingeniosas hubo poco lugar para el soneto. Echeverría, Mármol, Arolas, Bécquer, y Rosalía de Castro lo evitaron; en el Duque de Rivas, Espronceda y Zorrilla es poco frecuente. En mayor proporción lo cultivaron Bermúdez de Castro, Avellanada y el mejicano J. J. Pesado. El uso del soneto en series continuas con un mismo asunto ocurre en Roma y Cristo (ocho sonetos) de Zorrilla, y En el crepúsculo vespertino y El último día de paraíso (trece sonetos cada una) de Núñez de Arce, y se continúa en varios poetas del Modernismo. La forma del soneto es el invariado tipo clásico.
[10] Traduction : « A la moitié du siècle, il diminue beaucoup face aux autres formes alors à la mode ; selon les opinions de l’époque, ces dernières sont plus intimement liées à l’esprit et au goût de l’Antiquité ».
[11] Traduction : « La grandeur et la majesté de la bonne poésie ne peut se manifester que dans les poèmes longs».
[12] Gabriel Álvarez de Toledo, Eugenio Gerardo Lobo, Diego de Torres Villarroel, Ignacio de Luzán, José Antonio Porcel y Salamanca, Nicolás Fernández de Moratín, José Cadalso, Gaspar Melchor de Jovellanos, Félix María de Samaniego, José Iglesias de la Casa, Tomás de Iriarte, Juan Meléndez Valdés, Nicasio Álvarez de Cienfuegos, Juan Bautista Arriaza, Manuel José Quintana, sont les quinze auteurs que nous avons choisis.
[13] Gaspar Nuñez de Arce, Fernán Caballero, Ramón de Campoamor, Rosalía de Castro, José María Blanco White, José de Espronceda, José Marchena, Juan Nicasio gallego, Francisco Martínez de la Rosa, Ángel Saavedra, Duque de Rivas, José Zorrilla, Juan Valera, Gustavo Adolfo Bécquer.
[14] Traduction : « bien travaillée elle n’est pas aussi méprisable que ce que certains en ont dit ».
[15] Pourtant entre 1912 et 1925, Antonio Machado dans Los complementarios (1912-1925, Madrid, Cátedra, 1987, p. 308) affirme que cette forme n’est plus d’actualité, même s’il en écrit 36 au total dans toute son œuvre poétique : « No hay sonetos románticos. Va el soneto desde lo escolástico a lo barroco. De Dante a Góngora, pasando por Ronsard. No es composición moderna a pesar de Heredia. La emoción del soneto se ha perdido. Queda sólo su esqueleto, demasiado sólido y pesado, para la forma lírica actual. (Todavía se encuentran algunos buenos sonetos en los poetas portugueses. En España son bellísimos los de Manuel Machado.) Rubén Darío no hizo ninguno digno de mención. »
Traduction : « Il n’y a pas de sonnets romantiques. Le sonnet va de la scolastique au baroque. De Dante à Góngora, en passant par Ronsard. Ce n’est pas une composition moderne malgré Heredia. L’émotion du sonnet s’est perdue. Il ne reste que son squelette, trop solide et lourd, pour la forme lyrique actuelle. (On trouve encore quelques bons sonnets chez les poètes portugais. En Espagne ceux de Manuel Machado sont très beaux.) Rubén Darío n’en a écrit aucun qui soit digne d’être mentionné. »
[17] Traduction : « Les poètes perdent le goût d’écrire des sonnets. Mais pas tout à fait…Gerardo Diego, Rafael Alberti, García Lorca. »
[18] 101 sonetos (1924-1975), Barcelona, Seix Barral, 1980. Traduction : « Moi, qui ai toujours été un poète expérimental, je n’ai jamais rejeté le sonnet, même dans les moments où je me suis le plus éloigné de cette forme si étroite » (serrée, ajustée).
[19] In Vicente Gaos, Obra poética completa, Diputación provincial de Valencia, 1982, p.24. Traduction : « Actuellement, la jeune poésie espagnole est nettement divisée en deux camps, entre lesquels on aperçoit déjà –non sans violence- les premières escarmouches. Sonnets, tercets, vers traditionnels, d’une part, vers complètement libres d’autre part. Cette lutte ne fait que ranimer celle à laquelle nous avons déjà assisté il y a à peu près dix ans. Mais, s’il n’y avait pas de lutte, il n’y aurait ni jeunesse ni vie. En réalité, on peut faire de la rhétorique et même de la mauvaise rhétorique, aussi bien avec des sonnets ou des dizains qu’avec le vers libre. Et il est possible quoique difficile, de faire de la grande poésie aussi bien dans des sonnets qu’en vers libres. »
[22] Víctor García de la Concha, op. cit., p. 454. Traduction : « Il va falloir crier notre vers actuel contre les quatre murs ou contre les quatorze barreaux « soneteriles » avec lesquels des jeunes vieux comme le monde prétendent l’enfermer, l’étrangler. Mais notre vers, nu et lumineux. Sans consignes. Et sans la nécessité de nous placer sous l’invocation de quelque saint patron littéraire : qu’il se nomme Góngora ou Garcilaso. »
[24] Ibid., p. 21. Traduction : « un mouvement qui multipliait de manière quasi automatique des sonnets aussi bien construits que dépourvus d’un vrai souffle et d’une substance humaine profonde ».
[27] Germán Bleiberg, Sonetos amorosos (1936), José Luis Cano, Sonetos de la bahía (1942), Rafael Morales, Poemas del toro (1942), Dionisio Ridruejo, Sonetos a la piedra (1943)…
[28] Ibid., p. 13. Traduction : « qu’elle sembla avoir du sonnet fut, non pas classique, mais quelque chose comme embaumée ».
[29] Par exemple au Siècle d’Or, dans le célèbre sonnet métapoétique « a Violante » et dans ses descendants.
[33] Gerardo Diego, Luis Cernuda, Manuel Altolaguirre, Leopoldo Panero, Juan Alcaide Sánchez, Carmen Conde, Rosa Chacel, Dionisio Ridruejo, Luis Rosales, Gabriel Celaya, Vicente Gaos, Julio Garcés, José Bergamín, José Luis Hidalgo, Eugenio de Nora, José Luis Cano, Pablo García Baena, Carlos Edmundo de Ory, Juan José Domenchina, Rafael Morales, Julio Maruri, Antonio Gamoneda, José María Valverde, José Manuel Caballero Bonald, José Ángel Valente, Jaime Gil de Biedma, Félix Grande, Francisco Brines, Antonio Colinas, Jaime Siles, Luis Antonio de Villena, Luis Alberto de Cuenca, Amparo Amorós, Jon Juaristi, Manuel Machado, José Hierro, Luis lópez Anglada, Javier García Pradas, Manuel Alonso Alcalde, Jorge Guillén, Claudio Rodríguez, Arcadio Pardo, Blas de Otero, Carlos Bousoño, Francisco Carvajal, José María Alonso Gamo, Antonio Carvajal, Trina Mercader, José García Nieto, Juan Eduardo Cirlot, Dionisio Ridruejo, José Agustín Goytisolo, Salvador Pérez Valiente, Jesús Lizano, José María Pemán, Luis Felipe Vivanco, Concha Méndez, Germán Bleiberg, Adriano del Valle, Manuel Alonso Alcalde, Pedro Perdomo Acedo, Pedro Lezcano, Rafael Montesinos, Carlos Bousoño, Fernando Gutiérrez, Gabino-Alejandro Carriedo, Carlos Murciano, Ramón de Garciasol, María Victoria Atencia, Jesús Lizano, Ignacio B. Anzoátegui, Enrique Azcoaga, Agustín de Foxá, Alfonso Moreno, Pedro Pérez-Clotet, Ángel González.
On peut remarquer la présence de certains poètes ayant connu l’exil sous le franquisme comme Concha Méndez, Luis Cernuda…Voire Alberti, cité dans le cours de l’article…
[34] Michel Foucault, « Qu’est-ce qu’un auteur ? » (1969) (Dits et écrits I, 1954-1975, Gallimard, 2001, pp. 817-837, p. 826.
[40] Marcela López Hernández, El soneto y sus variedades (Antología), Salamanca, Colegio de España, 1998.
[41] Un siglo de sonetos en español, Madrid, Hiperión, 2000, p.11. Traduction : « sa vigueur, malgré tout, dans le siècle des avant-gardes et des tentatives de rupture. »
[43] Rafael Alberti, 101 sonetos (1924-1975), op. cit., p. 7. « Parler de la caducité du sonnet, comme forme poétique, ce serait presque la même chose que d’affirmer que la circonférence du cercle a vieilli, qu’elle est inutile. Le sonnet sera toujours là, nous invitant avec ses quatorze sillons, ses quatre strophes closes, dans un carré visuel, délimité. Il s’obscurcira, parfois il semblera avoir disparu, mais il réapparaîtra toujours, même au moment le plus critique, celui où on lui aura déclaré la guerre. »