Monica Spiridon
Le rideau de papier
«Faire comme si… »
Lors de la guerre froide, en Europe de l’Est le topos de l’agresseur occidental avide de coloniser des nations et de s’approprier des territoires a joui d’un régime d’urgence perpétuelle grâce à la collaboration des médias. En Roumanie «l’impérialisme occidental» en combat acharné contre l’URSS et contre le camp de ses satellites européens, démocratiques et fraternels a été aussi un des thèmes privilégiés de la presse communiste. Même en décembre 1989, au bord du précipice qui se creusait sous ses pieds, Ceauşescu continuait à blâmer les insurgés de Timişoara et les rebelles de Bucarest, qu’il identifiait à «des instigateurs à la solde de l’impérialisme mondial». Il serait donc intéressant d’explorer de plus près les stratégies expansionnistes d’un grand empire qui blâmait l’impérialisme des autres, tandis qu’il escamotait astucieusement le sien.
En Russie, sous les tzars, les tactiques du déguisement et l’art du contrefait jouissaient d’une tradition vénérable. On peut y rappeler le camouflage «à la Potemkine » – d’après le nom du prince Potemkine, le conseiller de l’impératrice Catherine la Seconde. En 1783, celui-ci aurait – disait-on – fait bâtir de beaux villages en papier mâché, tout le long de la route parcourue par sa souveraine après la guerre de Crimée. Pour faire occulter la vraie misère des paysans russes, sa scénographie théâtrale étalait triomphalement une fausse prospérité. De nos jours, une métaphore comme «les villages de Potemkine» est toujours employée en Russie pour designer un faux bien-être, dérobant aux yeux des carences profondes.1
Les nouveaux impérialistes soviétiques se sont vite rendu compte du succès populaire comptabilisé par les accessoires théâtraux de leurs prédécesseurs. Dorénavant, rien n’allait plus se rendre à la taille des spectacles – fastueux autant qu’acclamés par les masses populaires – conçus par les régisseurs du régime politique communiste2. Presque tout ce qui s’est passé entre 1917 et 1989 en URSS et entre 1945 et 1989 en Europe de l’Est porte une empreinte théâtrale saillante et trahit une mise en scène élaborée, régie par le principe du « Faire comme si…»
Les analystes contemporains de ce phénomène n’hésitent pas à dresser des comparaisons fort discutables entre, d’une part, le statut du « simulacre», tel qu’il est défini par Baudrillard et, de l’autre, les mécanismes de la mystification communiste3. Mais – tel qu’il est conçu par Baudrillard et par ses émules – le simulacre implique axiomatiquement un point de départ: l’existence préalable d’une certaine réalité, même si elle est altérée jusqu’au point ou elle ne soit plus reconnaissable. Tout au contraire, au cas du «faire comme si…» communiste c’est la réalité elle-même qui est forcée de se soumettre à l’autorité des idées et censée s’identifier aux mots qui prétendent la décrire. La réalité en tant que telle est la plus pure fabrication des discours idéologiques qui, à leur tour, ne sont que des mensonges astucieux.
Dans une société pareille, l’idéologie, qui devient la force unique du développement historique, l’emporte largement sur l’existence sociale. Tous les symboles de la «réalité nouvelle» – dont les citoyens soviétiques se montraient tellement fiers au moins de 1930 à 1959 – n’étaient que des contrefaits idéologiques de la réalité: à commencer par la gigantesque centrale hydroélectrique toujours en train d’être bâtie par Staline sur le Dniepr; à continuer par la décision inouïe de Khrouchtchev de faire cultiver du maïs n’importe où ; et à finir par la série des ainsi-dites autobiographies concoctées par Brejnev. Si l’on fait crédit à la poésie officielle communiste, la population affamée de l’Union Soviétique «se nourrissait plus de l’idée de pain que de pain véritable»4. Pour les idéologues du régime, une réalité à ce point artificielle avait comme simple raison d’exister l’effort de démontrer la nette supériorité des idées sur les faits.
Edifiée sur des fondations marxistes, l’idéocratie soviétique s’appliquait à dénoncer toutes les idéologies opposées, ou tout simplement différentes, comme des mystifications politiques. Mais le Modèle social soviétique n’était qu’une utopie noire typique – un monde à l’envers5 – et la tentative de convertir en réalité le Brave nouveau monde communiste, vers lequel l’histoire humaine serait en train de se précipiter, était dès le début vouée à l’échec.
Un des produits les plus symptomatiques de ce monde est Stakhanov – le fameux mineur de Donetsk. Cet emblème vivant du travail super-performant, dont les exploits ont été tellement médiatisés en URSS et en Europe de l’Est, s’est finalement avéré un simple fainéant. On peut y mentionner aussi les ainsi-dites « subbotniki » – les samedis de travail volontaire généralisé. A part ce faux enthousiasme communiste à bout de souffle, censé illustrer l’idée de Lénine sur le travail « sans exploitation» – ce qui voulait dire non rémunéré 6 – en Union Soviétique on ne célébrait guère autre type de travail.
Dans ses efforts novateurs, le régime communiste – imposé à main armée en Roumanie comme dans tous les pays de l’Est de l’Europe – étalait tambour battant un orgueil de repartir à zéro de la plus pure souche moderniste. Le bolchevisme aspirait à faire détruire tout ce qui l’avait précédé. A cet égard, sa stratégie négative était aussi violente que les modernismes européens de toutes les nuances. Tout comme pour les modernistes, pour les communistes la Nouveauté absolue était équivalente à la valeur. Certains politologues contemporains reconnaissent dans le Manifeste de Marx – vieux de cent cinquante ans – le texte fondateur du modernisme politique international. Quelques-uns d’entre eux vont encore plus loin et retrouvent dans le Manifeste «l’archétype même des manifestes et des mouvements modernistes de tout un siècle. »7
La stratégie communiste de modernisation avait été appliquée à l’agriculture, à l’industrie, à la culture, et même aux valeurs humaines fondamentales. Le Nouvel Ordre qu’on voulait instaurer à tout prix et surtout l’Homme Nouveau qu’on essayait d’inventer exigeaient comme contrepoids spirituel une Nouvelle Culture. Ses standards, ses valeurs, ses normes, ses formes, ses genres ont été résumés dans le concept de «réalisme socialiste». On n’a rien épargné pour le définir, pour le justifier et pour l’illustrer par les moyens symboliques de l’art8.
Avant d’être adoptée par le parti et institutionnalisée par ses programmes littéraires, l’idée de réalisme socialiste – dont la source était Lénine lui-même – avait hanté les idéologues autant que les praticiens de la littérature9. En 1948, lors du Congrès des écrivains ukrainiens, Alexandre Fadeev déclarait que le thème privilégié et l’unique objet d’intérêt du réalisme socialiste était l’homme, surpris dans les moments les plus représentatifs de son travail. Par rapport à cette hypostase fondamentale de l’individu, sa vie affective, ses idiosyncrasies, les attaches qui le liaient à sa famille ou à d’autres groupes, son système d’options éthiques ou religieuses etc. passaient pour des détails de menue importance.
Les nombreux écrits dogmatiques de Léon Trotski, l’émule le plus fidèle de Lénine, renvoient assidûment à l’Homme nouveau, qu’on aurait dû « fabriquer» aussi vite que possible. On y faisait aussi mention de la vocation créatrice de l’homo sovieticus et de sa production spirituelle – absente pour le moment, mais censée égaler celle d’Aristote ou de Goethe.10
Ce n’est pourtant qu’en 1934, qu’on lance officiellement le programme du réalisme socialiste. Par son objet ainsi que par ses méthodes, tel qu’il est présenté par le journal Pravda, le projet du réalisme socialiste a une allure ostensiblement «visionnaire». Son objet n’est pas du tout la réalité telle quelle, fatalement imparfaite. Au contraire, on recommande aux écrivains de s’intéresser à un monde idéal et «promis», d’essayer d’en discerner les germes à travers une actualité pour le moment opaque et déroutante. Ce monde futur devait être présenté comme plus réel que la réalité elle-même: donc comme une sorte de plus-que-réel. On n’y est pas trop loin de l’hyperréalité des avant-gardes. Il ne faut quand même pas se laisser prendre au même piège que les avant-gardistes russes qui, à partir de cette équivalence potentielle, avaient essayé de se faire accepter comme des fidèles du réalisme socialiste et comme des soldats du régime bolchevique11.
Le réalisme socialiste se faisait aussi remarquer par son fort penchant didactique. Son mot d’ordre était « la méthode scientifique», placée à l’antipode de l’intuition et de la vision artistique. L’idéologie communiste identifiait ouvertement l’écrivain à un «ingénieur» qui devrait littéralement tout projeter: des usines du Nouveau Monde, de ses bâtiments ou de ses chaussées jusqu’à ses individus et à leurs destins12. Simultanément on s’apprêtait à forger des genres et des formes littéraires sans précédent – exactement dans le même sens où l’on attendait de la technologie génétique de Lyssenko des nouveaux hybrides, indispensables à l’agriculture soviétique, elle aussi en plein essor novateur !
Pour quiconque tente de passer brièvement en revue les traits essentiels du réalisme socialiste, les aspects suivants ne devraient pas être ignores:
L’obsession d’une hyperréalité ni vraie ni fausse, mais tout simplement «idéale», car on attribuait aux idées la force de faire jaillir un type particulier de réalité, perçue par des millions de lecteurs comme douée d’une existence objective incontestable.
Le combat acharné contre le modernisme, dénoncé comme une expression révolue de l’individualisme esthétique et du purisme linguistique.
L’anéantissement décidé de tout style artistique et l’aspiration vers un haut niveau trans-stylistique où les modèles classiques, romantiques, réalistes sont entremêlés jusqu’à la confusion totale13.
Même si Jdanov, l’idéologue en chef de cette période, avait prophétiquement annoncé la mort irréversible de la littérature bourgeoise, l’alternative de celle-ci, le réalisme socialiste, s’est laissé attendre indéfiniment. La pratique culturelle soviétique n’a jamais réussi à rattraper son propre projet théorique. Sauf ses variantes idéologiques successives, ses concepts et ses méthodes renouvelés sans répit, le réalisme socialiste n’a rien produit de concret pour se rendre visible et pour se faire clairement identifier.
Le théoricien russe Andrei Siniavsky est un des premiers à se déclarer choqué par le mélange artistique incroyablement éclectique que l’on faisait passer pour «réalisme socialiste» et dont chaque ingrédient constitutif contredisait tous les autres. D’après Siniavsky, même l’étiquette de «réalisme socialiste» cacherait une faille intérieure profonde. Un art «socialiste » – et par ceci un art téléologique – n’aurait jamais pu être produit à l’aide d’une méthode obsolète : le vieux « réalisme» hérité du XIXe siècle. A part celà, toute représentation aspirant à un certain degré de fidélité à la vie aurait été rendue impossible par un discours guidé par des concepts téléologiques restrictifs. Le résultat en fut une véritable macédoine littéraire, «ni du classicisme, ni du réalisme, mais plutôt un demi-art-demi-classiciste, pas assez socialiste et pas du tout réaliste » – conclut Siniavsky15.
Pour ce qui est des pratiques économiques, politiques, sociales et culturelles dans les pays européens satellites de l’URSS on s’efforçait de «faire comme si…» en imitant une réalité décrétée triomphale – l’expérience novatrice de la construction socialiste soviétique. L’Union Soviétique, son glorieux essor économique, son agriculture florissante couronnée par des succès éblouissants, la production «stakhanoviste» de son industrie, ses hydrocentrales électriques gigantesques, sa prospérité fabuleuse, ses modèles d’humanisme et de culture n’étaient que des émanations discursives et idéologiques. Néanmoins, obéissant aux mots d’ordre en provenance de Moscou, au-delà du rideau de fer on les faisait passer pour des plus pures vérités.16 En Roumanie on faisait semblant « d’édifier le communisme », en imitant la copie pâle et maladroite d’un modèle idéologique dépourvu de toute portée pratique.
Les littératures des pays de l’Est faisaient de leur mieux pour adopter les stratégies soviétiques de mise en texte, rendues publiques dans la Pravda, surtout par les articles de Nicolas Boukharine. Dans ses programmes théoriques, Boukharine, un journaliste éperonné, parvient habilement à accommoder la doctrine des formalistes ruses des années ’20, (l’OPOJAZ) et surtout leurs hypothèses sur le langage poétique à une perspective sociologiste modérée17.
Tout le long de l’époque communiste, en Roumanie les discours ont devancé la réalité encore plus vite qu’en l’URSS. Si les projections arrogantes de la culture roumaine n’ont jamais été rattrapées par la réalité locale, la critique littéraire «engagée» n’a pas été égalée en autorité publique par la production littéraire autochtone. Et pourtant, pour les Romains, la voie du réalisme socialiste s’annonçait parsemée d’obstacles insurmontables et de questions sans réponse prévisible. Que devrait-on faire embarquer sur le navire de la jeune culture communiste, prêt à prendre le large, et que devrait-on en échange abandonner au passé révolu ? Où trouver les écrivains aptes à produire la littérature nouvelle ? Pourrait-on suivre les options soviétiques au pied de la lettre ?
Tout de suite après la Révolution bolchevique, lors des débats acharnés sur les mêmes questions épineuses, les idéologues du Centre avaient fini par dénicher deux solutions.
Le premier choix avait été suggéré par le réseau prolétarien connu sous le nom de Proletkult. Plus tard – surtout dans les pays communistes d’Europe de l’Est – des mots dérives comme proletkultisme ou bien proletkultiste ont été malencontreusement emploiés pour nommer toute la littérature des débuts du communisme. En fait le Proletkult a été une structure organisationnelle des prolétariens attachée à un type particulier de littérature communiste. Produite exclusivement par et pour la classe ouvrière, celle-ci allait repousser le contrôle du Parti et réfuter la tutelle du Centre politique. La réaction de Lénine et de Trotski n’a pas tardé à se faire entendre: le blâme idéologique officiel suivi par la réprimande brutale des membres du réseau proletkultiste. 18
Une solution opposée aurait été de faire racoler les intellectuels prêts à conclure un pacte avec le Parti et à produire de la littérature en se pliant aux mots d’ordre du Centre. Le contrôle sur ce type de littérature – qui l’a finalement emporté sur l’offre proletkultiste – était absolu. Par la suite on avait identifié les intellectuels qui avaient passé ce type de contrat comme des «compagnons de parcours ». Dans l’URSS ainsi que dans les autres pays d’Europe de l’Est une bonne partie d’entre eux étaient les avant-gardistes d’antan. En Roumanie, l’occupation n’est advenue qu’assez tard après la tentative du Proletkult soviétique de mener la littérature d’une main de fer. Par conséquent, dès le début, la nouvelle littérature roumaine a été prise en charge par «les compagnons de parcours».
Après 1945, pour la littérature roumaine le mot d’ordre était donc «le réalisme socialiste». Il provenait de Moscou et on l’acceptait – bon gré, mal gré – tel quel. Afin de s’y soumettre, on devait quand même traduire les exigences et les clichés idéologiques soviétiques en répertoire littéraire national. Dans ce processus difficile et tortueux, le relais de la critique littéraire professionnelle – assumant une fonction médiatrice entre le pouvoir politique et sa clientèle artistique (les prosateurs, les poètes, les hommes de théâtre) – a été extrêmement important. La critique littéraire autochtone n’avait jamais accédé à une telle autorité sociale, explicitement instrumentale19.
Une critique réaliste du réalisme socialiste
Un aperçu rétrospectif de la critique littéraire roumaine de l’époque réaliste-socialiste saisirait aisément sa façon d’agir. Son point évident de départ était une sorte de « tableau de Mendeleïev» dont chaque case provisoirement vide aurait dû être remplie par les fruits de la nouvelle littérature roumaine. Cette dernière allait être édifiée des fondations jusqu’au toit, suivant les normes incontournables de la «nécessite scientifique», identifiée par le marxisme. Coiffé par l’épithète «critique», le réalisme traditionnel aurait ostensiblement manqué de clairvoyance autant que de combativité – expliquaient des théoriciens contemporains improvisés. Tout au contraire, bâti sur les fondements de «la conception philosophique la plus avancée de l’existence», le réalisme socialiste prêché par le Centre moscovite était proclamé la méthode unique de création apte à saisir les traits essentiels de l’humain.
Dans sa version à la roumaine, le réalisme socialiste passe pour «une méthode qui envisage la représentation artistique du concret historique, exploré dans la perspective de son évolution future. D’où il s’ensuit qu’il ne s’agit pas d’une méthode de création, mais plutôt d’une attitude et d’une prise de position civique»20. En quête de légitimité, le réalisme socialiste trouve sa force dans le retranchement explicite des écrivains sur les positions les plus radicales de la lutte de classe. Vers la fin des années ’50, l’ainsi dite critique militante roumaine a eu de la peine à mettre d’accord deux exigences opposées, également identifiées par Nikita Khrouchtchev, dans son rapport au troisième congres des écrivains soviétiques, comme des objectifs prioritaires de la littérature à venir.
D’une part, les écrivains étaient censés éviter l’idéalisme de l’art antérieur – taxé de bourgeois, pour avoir ignoré certains aspects essentiels de l’existence et tout particulièrement « la lutte de classe »21. De l’autre, en l’Union Soviétique de l’âge post-stalinien – auquel la culture roumaine se synchronise péniblement presque 40 ans après la révolution bolchevique – l’ainsi dit « objectivisme » n’est plus de rigueur. Tout au contraire, les écrivains devraient choisir comme héros et comme point de repère un « homme nouveau » lequel n’existe pas encore et que l’on devait forger dorénavant – et Khrouchtchev insiste là-dessus…
Le héros littéraire positif ne devrait pas être conçu comme illustration d’un type social figé – une pratique artistique récemment condamnée par la revue soviétique Kommunist. Mais il n’était pas recommandable non plus d’étaler ses défauts humains inévitables. Comment faire pour éviter le schématisme et le penchant vers le typique et, en même temps, repousser le détail palpable, parfois abjecte, hideux ou répugnant, que le perfectionnisme communiste n’avait pas encore réussi à éradiquer?
Entraînée dans une impasse stratégique pénible, la critique roumaine auto-intitulée «de direction» se borne à renvoyer vaguement aux personnages consacrés par les auteurs soviétiques canoniques. Dans plus d’un article « théorique», Al. Ceapaev, Oleg Kosevoi, Pavel Korceaghin etc. sont devisés de bas en haut, avec un enthousiasme tapageur entièrement simulé. A cette époque-là les discours théoriques et critiques sur la littérature s’avèrent beaucoup plus intéressants et plus révélateurs que la littérature elle-même. L’abyme qui s’élargit progressivement entre l’idéologie et ses discours d’une part et toute pratique – fut-elle sociale, économique ou culturelle – de l’autre, est plus profond que jamais et plus durable qu’on peut s’en douter.
Parmi les formes littéraires dont on se fait une haute idée, le roman – un genre par excellence à thèse – a été la victime favorite du régime et a subi le maximum de pressions de la part du pouvoir politique. Par conséquent la première synthèse critique d’après l’occupation du pays lui a été entièrement consacrée. Romanul românesc contemporan. Realizări, experienţe, direcţii de dezvoltare 1944-1969 (Le roman roumain contemporain. Réalisations, expériences, développement) par Dumitru Micu fait le bilan des 15 premières années qui ont suivi « la libération » du pays. D’un bout à l’autre de l’ouvrage en question le discours démonstratif de son auteur se met au service de la propagande politique non dissimulée22.
Sans exception d’ailleurs, les axiomes critiques de l’époque mettent en oeuvre une logique démonstrative élémentaire: la littérature doit se soumettre aux pressions de l’ainsi dite nécessité historique qui régit tous les aspects de l’humain. Il en découle naturellement que le roman réaliste n’a évolué sur la scène culturelle européenne que pour servir de miroir fidèle à la bourgeoisie en plein essor et pour s’éclipser brusquement après la liquidation brutale de celle-ci. Le penchant psychologique du roman européen de l’entre les deux guerres – y compris son imitateur fidèle, le roman roumain moderne – est traité de symptôme éclairant pour l’agonie d’une classe sociale, de son univers axiologique et de son système de repères.
Mais « Le réalisme est mort. Vive le réalisme ! », car on prêche un roman réaliste rebaptisé «socialiste», que personne ne saurait encore définir et d’autant moins illustrer par des spécimens palpables. Faute de mieux, les taxinomies critiques communistes mettent constamment en branle la polarité roman rural versus roman citadin, consacrée par le modernisme roumain, qui y avait investi un taux de valeurs morales et esthétiques. On y ajoute le roman historique, ce qui fait aboutir à une tripartition officielle totalement incongrue, mais justifiée – dit-on – par les typologies humaines particulières» que ces genres différents de roman engendreraient. Ce n’est d’ailleurs que la première de toute une série de contradictions logiques, axiologiques, thématiques que la critique littéraire roumaine assume, dans son effort de tout faire embarquer dans l’Arche de Noah du réalisme socialiste, prête à s’élancer vers de nouveaux horizons et à abandonner un monde révolu et voue à une disparition irréversible.
Pour mettre de l’ordre dans une production littéraire tellement hétérogène, les auteurs des synthèses critiques courantes se servent tant bien que mal des catégories vagues et dépourvues de toute vertu analytique: dans le roman rural on cherche les symptômes de ce qu’on appelle la conscience de classe du paysan romain. Ce dernier serait en train d’abandonner sa passivité ancestrale pour adhérer aux principes du combat idéologique acharné. Pour n’en citer que quelques exemples, les critiques distinguent entre: « le roman du village patriarcal »; « le roman du village contemporain » (ce qui veut dire les premiers moments d’après la guerre, la reforme agraire et l’instauration de la démocratie populaire); ou bien, « le roman de la transformation socialiste de l’agriculture.»
À propos de la charpente d’un des romans glorifiant l’agriculture socialiste et fort estimé à l’époque on produit des commentaires critiques divertissants, comme celui qui suit : «L’intrigue du roman – Brazda peste haturi23 (Sillons a travers les friches) – se déploie sur deux plans différents, nettement délimités par l’organisation locale du parti: les semailles d’automne et respectivement les semailles de printemps»!24
L’historien littéraire dont on vient de citer n’hésite pas à avouer l’impossibilité de mettre en pratique le programme magnifique du réalisme socialiste pour aboutir au grand roman rural, exigé par les institutions culturelles communistes. Ayant comme horizon scénographique une ferme collective gigantesque, ce roman paradigmatique aurait dû forger des personnages-paysans quasiment mythologiques, doués des volontés inflexibles. Quarante-cinq ans après, on se rendra aisément compte q’une agriculture socialiste triomphante – ou des consciences paysannes tellement avancées auraient pu naître – n’avait jamais cessé d’être une simple fiction programmatique.
La tradition du roman roumain emphatiquement pro-occidental de l’entre les deux guerres inflige presque automatiquement aux premiers exploits de la littérature réaliste socialiste citadine un statut de réplique. Un écrivain de marque comme G. Călinescu fournit une version communiste de son propre roman anterieur Bietul Ioanide (Pauvre Ioanide), dont le protagoniste était un architecte sophistiqué. Scrinul negru (La commode noire) réserve une reconversion radicale à Ioanide, qui s’applique à faire édifier des « Palais de la culture ouvrière» au goût des nouveaux dirigeants. Un Bildungsroman du même auteur, Enigma Otiliei (L’Enigme d’Otilia) – la chronique des années de formation du jeune Félix – stimule le compagnon de parcours Titus Popovici à produire un anti-Bildungsroman : Străinul (L’Etranger), l’histoire de la conversion au communisme d’un jeune intellectuel rebelle25. Si G. Călinescu devient une des cibles favorites de la prose réaliste socialiste, c’est notamment parce qu’en tant qu’historien littéraire il avait proposé au roman roumain moderne des modèles occidentaux – démonstrativement balzaciens.
Les auteurs routiniers se limitent à suivre de très près les divisions thématiques suggérées par le Centre moscovite et détaillées par les critiques littéraires autochtones. Le roman dit «des milieux industriels » parvient à amorcer péniblement le problème de la métallurgie, celui de l’industrie énergétique – La cea mai înaltă tensiune (A la plus haute tension)26 – celui de l’industrie minière ou de la pêche en équipe – Pasărea furtunii (L’oiseau de la tempête)27 – parmi d’autres zones déclarées prioritaires de l’économie socialiste. Même si les résultats ne s’élèvent guerre à la hauteur des programmes idéologiques, leur simple orientation thématique «progressiste» semble suffisante aux dirigeants communistes pour légitimer des déchets littéraires pareils.
Quand au roman «historique », il trahit une logique différente des autres assortiments thématiques agréés par les idéologues de service. Il est un des instruments efficaces d’une grande campagne politique en train de balayer l’histoire nationale – d’avant ainsi que d’après l’occupation soviétique – et en même temps, un outil indispensable pour anéantir la mémoire collective.
Dès les premières années de l’occupation, tel ou tel critique roumain renvoyait occasionnellement à Maxime Gorki qui poussait les écrivains soviétiques à re-interpréter l’histoire russe conformément aux axiomes du matérialisme historique et de la philosophie marxiste. Essayant à leur tour de se légitimer par le passé et de fabriquer une fausse proto-histoire communiste, les dirigeants autochtones incitent eux aussi les prosateurs roumains à confectionner une surabondance de «nouveaux romans historiques».
Il fallait donc procurer au communisme une certaine tradition et une couleur locale saillante. Tout d’abord on s’applique à fausser le sens des moments-clef de l’histoire nationale – la seconde guerre mondiale et l’occupation soviétique, la guerre d’indépendance, le tournant quarante-huitard, les grandes révoltes paysannes, les destins des anciens princes régnants roumains et même l’occupation romane de la Dacie. En sous-texte on présente tous ces évènements comme «objectivement» nécessaires.
Et puis on se met ardemment à inventer une tradition communiste douée de ses martyres, de ses pères fondateurs et de ses moments d’apothéose. Censée rendre historiquement indispensable l’avènement futur de Ceauşescu et son accès au pouvoir, celle-ci porte une marque téléologique frappante. Le Conducator cherchera à tout prix à s’ériger en successeur d’une certaine lignée historique progressiste, qu’il imaginait d’une manière ahurissante: des princes ainsi que des proscrits, des aristocrates et des paysans révoltés, des Daces, des Romains ou des princes Byzantins y fraternisaient sans le moindre embarras.
Pour un très court laps de temps, la nouvelle poésie se laisse convertir elle aussi en humble héraut du Paradis communiste. Les poètes «compagnons de chemin» s’empressent à fabriquer de la propagande versifiée de bas étage, se pliant aux mêmes exigences que la prose réaliste socialiste.
La thématique pastorale – une des plus riches veines poétiques de la littérature roumaine antérieure – est illustrée par des variantes contemporaines d’un comique involontaire pétillant. Dans des paysages où la future récolte de graminées remplace les pâturages des ancêtres, les amoureux emboîtent le pas dans la construction socialiste et, obsèdes par le futur essor de l’agriculture, n’y voient et n’y comprennent rien à l’exception des rythmes du travail quotidien. La camaraderie ouvrière la plus vigilante l’emporte aisément sur les palpitations de leurs jeunes cœurs enflammés.
L’ainsi dite poésie de l’industrialisation prolétarienne est a son tour la riche source d’un comique savoureux. Le plus fameux exemple en est Balada compresorului (La ballade du compresseur) dont l’auteur, Dan Deşliu – devenu dans les années ’80 un des plus tapageux anti-communistes – nous offre deux variantes successives. La seconde sera baptisée d’une manière plus neutre Minerii din Maramureş (Les mineurs de Maramures)28. L’effet burlesque du poème trouve sont point majeur d’appui dans deux vers ou l’on étale emphatiquement une référence culturelle française: Alphonse de Lamartine ! : « O, temps, suspends ton vol !/ Il va chuter le compresseur ! » La séquence met à profit le contraste entre le premier et le second de ses vers. Une fois découplé de son contexte et attaché à une scénographie travailliste et industrielle, le vers lamartinien devient l’instrument d’un effet de choc, que les formalistes russes appelaient étrangement (ostranenie).
Plus que jamais auparavant, les femmes sont fréquemment placées au vrai premier plan de ce monde étrange et ravagé, d’où l’individu banal – avec ses sentiments, sa personnalité, son existence quotidienne, ses idiosyncrasies ou même son petit point de vue – a complètement disparu. Il n’est plus du tout étonnant que dans un poème intitulé : Ce gândea Maria Tomii pe când lucra în schimbul de onoare (A quoi Marie, fille de Toma, réfléchissait-elle, tandis qu’elle travaillait dans l’équipe d’honneur de sa fabrique) on suggère que le destin de la protagoniste est constamment couvé des yeux par une image protectrice et toute souriante de Staline. Celle-ci surplombe le parvis de l’usine que la jeune fille quitte épuisée, après chaque journée de travail «joyeusement acharné». Le poème est hautement représentatif pour les penchants littéraires du moment : tandis que l’érotisme est politisé, le politique et l’idéologique sont érotisés d’une façon grotesque.
Un des plus prolifiques et de plus fidèles « compagnons roumains de parcours », Victor Tulbure, est l’auteur d’un poème mémorable : Versuri despre tânărul strungar (Quelques vers sur le jeune tourneur) – la lettre d’adhésion adressée par un ouvrier roumain au : «Camarade tourneur stakhanoviste, / Botchevici, / A Moscou, / En Union Soviétique». Ce type de lettre fait visiblement allusion au titre d’un récit de Maxim Gorki, très populaire a l’époque: A mon grand-père, en Union Soviétique.
La réponse attendue ne tarde pas a parvenir en Roumanie, grâce à la radio, de rigueur dans chaque usine communiste : « Attention, /on vous parle de Moscou./ Botchevici va s’adresser à vous,/ Dans un instant ! »
Le point culminant du poème est le moment où, à force d’évoquer le nom de Staline, les tours de la grande usine roumaine se mettent en branle d’un seul coup29.
Une sphère thématique distincte de la poésie, manipulée par les dirigeants et abondamment illustrée par les auteurs roumains est «l’internationalisme prolétarien», prêché par Moscou dans tous les pays occupés par son armée, de l’Europe de l’Est à la Corée du Nord.
Pour les écrivains roumains l’empire du mal commence juste au-delà des confins danubiens qui séparaient la Roumanie de la Yougoslavie – anti-russe et anti-stalinienne, un défaut qui à l’époque l’emportait sur son statut de pays, bon gré, mal gré, communiste. Un poème intitulé 1 mai la Belgrad (Le premier mai à Belgrade) instigue les vrais communistes roumains à redoubler de vigilance à l’égard du «Bourreau Tito » ou bien de «Judas Tito». Après une bonne dizaine d’années, ce dernier regagnera les faveurs des dirigeants roumains, eux aussi en train de se débarrasser de l’armée russe campée après la guerre dans leur pays.
Parmi les grands méchants dignes du blâme public on retrouve le Pape – identifié par les poètes comme «le vieux bourreau de Vatican ». Le désaveu ferme des poètes vise aussi le «Yankee criminel »; Michel le premier, l’ex-roi roumain, chassé du pays par les communistes et exilé en Suisse; le soldat américain combattant en Corée du Sud; l’homme d’affaires occidental avide de dollars et de la Coca Cola; les habitants ordinaires des villes comme New York et Washington, ainsi que ceux de Rotterdam ou d’Amsterdam, rendus coupables pour « leurs tulipes et pour leurs châteaux », etc. A New York, par exemple: « Dans les forets de pierre/ les bouledogues obèses jappent,/ accroupis sur des pilles d’argent. » 30
Le concentré le plus éclairant des messages mis en circulation publique par ce type de poésie se trouve dans deux lignes du poème Act de acuzare (Document accusateur) par Eugen Frunză, un des plus humbles laquais du régime : «Haïssez, haïssez sans répit !/Car il n’y a rien de plus saint sur la terre/que la haine, gardienne de la vie»31.
Né sous occupation soviétique et dirigé directement de Moscou, ce premier âge de la littérature roumaine n’allait durer qu’une bonne douzaine d’années. Dès le début des années ’60, on pouvait déjà entrevoir le changement de cap qu’on allait plus tard appeler «le dégel». Bien que cette éphémère volte-face politique, économique, idéologique et rhétorique fut plus tard attribuée exclusivement à Ceausescu, l’initiative décisive en appartient quand même à son précurseur, Gheorghe Gheorghiu-Dej. Celui-ci avait amorcé une longue série de négociations avec Nikita Khrouchtchev, pour aboutir habilement à un type de relations roumano-soviétiques sans précédent et sans suite dans le camp des pays satellites de Moscou. En 1962, rassurée par les fortes déclarations de fidélité lancées par Gheorghiu-Dej – lequel entreprend une visite à Moscou dans ce but – Khrouchtchev accepte de faire retirer son armée du territoire roumain.
C’est à ce moment-là que Gheorghiu-Dej lance sa Déclaration d’avril où pour la première fois après la guerre, le nationalisme, l’amour pour le pays roumain et la responsabilité envers son peuple l’emportent explicitement sur la dévotion pour la patrie socialiste et sur l’amour du peuple frère soviétique. Deux ans après – à la suite des radiations subies à Moscou, dit-on à mi-voix – Gheorghe Gheorghiu-Dej se meurt et Ceauşescu, son successeur rusé, fait semblant de continuer ses initiatives.
Lors du premier Congres du parti, qu’il ouvrait en tant que secrétaire général, il a même réussi de s’approprier le changement idéologique de cap déclenche par son antécesseur. De nos jours encore on met automatiquement au compte de Ceauşescu le court « dégel » idéologique » des années 1965-1971), bien q’il eut été initié et rendu possible par la tactique habile de Gheorghe Gheorghiu-Dej et par sa déclaration du 15-22 avril 1962.
L’hypothèse clef de la déclaration d’avril est le caractère général du marxisme-léninisme, une doctrine-cadre, interprétable de manières bien différentes avant d’être traduite dans des pratiques politiques et économiques concrètes. Il en résulte explicitement que nul parti n’est supérieur aux autres et que tous les partis communistes se trouvent sur le même plan, sans privilèges ni hiérarchies doctrinaires.
Il est vrai que – grâce à l’inertie de la création – sur le plan culturel les premiers fruits des stratégies réformistes de Gheorghe Gheorghiu-Dej n’ont pu être cueillis que quelques années plus tard, au moment où Ceauşescu s’était déjà emparé du pouvoir. Pour un certain temps il a su interpréter à merveille le rôle du dirigeant éclairé, stimulant les écrivains à espérer qu’une nouvelle ère d’ouverture réformiste, propice à la culture, était à attendre.
Ce n’était qu’un rideau de papier
Le trait le plus frappant de la culture roumaine au-delà du rideau reste peut-être le rôle surévalué du discours culturel par rapport aux plans économiques, politiques, social et pratique. Avant comme après la tombée du rideau, en Roumanie le poids du discours culturel dans la construction de la nation, de la civilisation et de la pratique sociale a été énorme. La littérature, elle, y assume le rôle d’une vedette. Le même pourrait être dit à propos des fonctions concédées aux écrivains roumains sur la scène publique et politique. Pour un pays européen du XXe siècle «les compagnons de parcours» ont eu des privilèges et une influence énormes, disproportionnés, par rapport à la normale.
Dans un moment où la fosse entre l’idéologie et ses discours d’une part et la pratique historique de l’autre s’est avérée infranchissable, la littérature, réputée comme force sociale «secondaire» est devenue la source autant que le véhicule privilégié des modèles d’action doués d’un poids axiologique énorme.
Si l’on tente un bilan provisoire de la domination soviétique en Europe de l’Est on se rend compte que le «faire comme si » communiste n’avait été rendu fonctionnel que grâce à la force redoutable du langage et de ses projections qui l’ont emporté largement sur la réalité.
Le fameux rideau de fer qui, pendant une cinquantaine d’années, avait coupé en deux le vieux continent, n’était donc qu’un simple rideau de papier.
Notes
2 ROBIN, Régine, Stalinism and Popular Culture, dans Hans Gunthered, The Culture of the Stalin Period, London, Palgrave, Macmillan, 1990, p. 34-36.
3 EPSTEIN, Mikhail, The Russian Origins and Meaning of Russian Postmodernism, dans Ellen E. Berry, Anesa Miller-Pogacar, éditeurs, Re-entering the Sign. Articulation of New Russian Culture, Ann Arbor, Michigan University Press, 1995, p. 25-47.
5 SIMMONS, E.J. éditeur, Continuity and Change in Russian and Soviet thought, Harvard U.P., Cambridge, Mass., 1955, p. 398-416, 433-50.
6 GOODING, John, The realization, dans Socialism in Russia. Lenin and his Legacy. 1890-1991, London, Palgrave, 2002, p. 62-97; Vladimir Ilych Lenin, Party Organization and Party Literature, dans Maynard Solomon, éditeur, Marxism and Art. Essays Classic and Contemporary. Detroit ; Wayne State University Press, p. 179-187.
8 OSBORNE, Peter, Remember the Future? The Communist Manifesto as Cultural-Historical Form, dans Philosophy in Cultural Theory, London, New York, Routledge, 2000, p. 25.
9 FLAKER, Aleksandar, Presuppositions of Socialist Realism, dans Hans, Gunther éditeur, The Culture of the Stalin Period, London, Palgrave Macmillan, 1990, p. 97-110.
10 Leon Trotsky, Creativity and Class, dans Maynard Solomon éditeur, Marxism and Art. Essays Classic and Contemporary. Detroit, Wayne State University Press, 1979, p. 194-196.
11 GROYS, Boris, The Birth of Socialist Realism From the Spirit of the Russian Avant-Garde, dans Hans, Gunther éditeur, The Culture of the Stalin Period, London, Palgrave, Macmillan, 1990, 122-149.
12 GULDBERG, Jorn, Socialist Realism as Institutional Practice: Observations on the Interpretation of the Works of Art of the Stalin Period, dans Hans Gunther éditeur, The Culture of the Stalin Period, London, Palgrave, Macmillan, 1990, p. 149-178.
13 HOFFMANN, David, Stalinist Values, Cornell U.P, 2003; Gooding, John, Onward to Communism. 1953-64 dans Socialism in Russia. Lenin and his Legacy. 1890-1991, London, Palgrave, 2002, p. 145-171.
16 MALIA, Martin, Russia under Western Eyes. From Bronze Horseman to the Lenin Mausoleum, Harvard U.P., 2000.
17 Nikolai Bukharin, Poetry, dans Marxism and Art. Essays Classic and Contemporary, Maynard Solomon, éditeur, Detroit, Wayne State University Press, 1979, p. 205-215.
19 Voilà une confirmation indubitable des hypothèses de Virgil Nemoianu sur le rôle social – apparemment «secondaire » – de la littérature. A l’aide d’instruments spéculatifs empruntes à la philosophie culturelle, à l’anthropologie et à l’histoire culturelle, le théoricien américain nous instruit sur les fonctions médiatrices de la littérature dans toute économie symbolique. Ce qui aurait pu paraître secondaire, voire négligeable, se révèle crucial pour le bon fonctionnement des roues essentielles de la culture, auxquelles la littérature procure un «lubrifiant » indispensable.
Si tel est le cas pour tout contexte culturel normal, dans les situations ou le renversement des valeurs remplace la normalité, la littérature et surtout la critique littéraire assument des fonctions hypertrophiées. Dans un régime communiste, ou les justes proportions sont mises à l’envers, le rôle « secondaire » fonctionnel, équilibré et fertile de la littérature est reconverti par le pouvoir totalitaire dans une fausse centralité, manipulée pour mieux contrôler la production culturelle et pour la détourner de ses fonctions uniques. Voir NEMOIANU, Virgil, A Theory of the Secondary. Literature, Progress and Reaction, Baltimore, London, The Johns Hopkins U.P., 1989, p. 173-205.
20 NIŢESCU, M. Sub zodia proletcultismului. Dialectica puterii. Eseu politologic, Bucureşti, Humanitas, 1995, p. 276; Munteanu, George, « Realismul socialist şi sensul noului », Tribuna, no. 42, 44, 46, 48, 1958.
21 GOODING, John, Onward to Communism. dans Socialism in Russia. Lenin and his Legacy. 1890-1991, London, Palgrave, 2002, p. 145-171.
22 MICU, Dumitru, Romanul românesc contemporan. Realizări, experienţe, direcţii de dezvoltare. 1944-1969, Bucureşti, E.S.P. L.A. Dans son Introduction l’auteur prétend avoir tenté un panorama qui mette en vedette « l’essor marqué dans l’histoire de la prose roumaine par la naissance du réalisme socialiste», p. 3.
28 DEŞLIU, Dan, Minerii din Maramureş, dans Negrici, Eugen, éditeur, Poezia unei religii politice. Patru decenii de agitaţie şi propagandă, Bucureşti, Editura PRO, 1995, p. 164-176.