Jean Libis
Winterreise
Le Voyage d’hiver de Schubert constitue un sommet, non seulement dans la production schubertienne, mais sans doute aussi dans l’univers du lied en général. On se méprendrait toutefois vraisemblablement en l’abordant avec des catégories purement esthétiques : il y a dans le Winterreise quelque chose de dévastateur, qui communique à son auditeur le sentiment d’un malaise irréversible. Acondition de ne pas avoir peur des mots, il faut dire que cette musique, dans sa liaison intime avec le texte de Wilhelm Müller, contient une dimension résolument métaphysique et tragique, impliquée dans son symbolisme à la fois littéraire et musical. Elle est, de part en part, et presque exclusivement, une méditation sur l’échec et sur la mort. Toutefois, il peut sembler possible, ipso facto, de la considérer aussi comme une mise en abyme de la création musicale, le personnage final du joueur de vielle, der Leiermann, prenant alors une signification différente de celle que l’on serait tente de lui attribuer spontanément.
La dimension tragiquement essentielle de ce cycle apparaît directement dans un témoignage rapporte par Joseph von Spaun, un des plus fidèles amis du compositeur depuis l’année 1808 : «Un jour, Schubert me dit: viens aujourd’hui chez Schober, je vous chanterai un cycle de lieder sinistres. Je suis anxieux de savoir ce que vous en direz. Ils m’ont beaucoup plus touché que ce ne fut le cas pour d’autres lieder. Et il nous chanta d’un voix émue tout le Voyage d’hiver. Nous fűmes stupéfaits par le sombre climat de ces lieder et Schober dit qu’un seul de ces lieder lui avait plu, Le Tilleul. Schubert répondit : ‘Seulement moi ces lieder me plaisent plus que tous les autres, et ils vous plairont à vous aussi’ »1.
Cette oeuvre extraordinaire à tous égards est le fruit d’une rencontre virtuelle entre Schubert et le poète Wilhelm Müller2. Non seulement cette rencontre n’a jamais eu lieu en dehors des textes, mais il est probable que Müller est mort en ignorant l’existence de la composition schubertienne. Sa mort survient en … 1827 (date de composition du Voyage d’hiver), a l’âge de 33 ans, et on le dit mort d’épuisement. De plus sa réputation encore aujourd’hui demeure celle d’un poète mineur, qui use trop souvent d’une imagerie romantique convenue et déploie les “recettes” d’un pathétisme exacerbé, d’une sentimentalité débordante de larmes et d’amours impossibles.
Toutefois, Brigitte Massin – dans le commentaire remarquable qu’elle fait du Winterreise – s’irrite non sans raison contre tous les glossateurs qui font profession de mépriser Müller, et elle formule la conclusion décisive : peu importe de savoir si la poésie de Müller est médiocre ou non, dans la mesure oů cette poésie a inspiré à Schubert deux chefs d’oeuvre absolus. De toute évidence, le compositeur s’est littéralement identifié au personnage de l’errant mis en scène par le poète.
Environ trois années avant Le Voyage d’hiver, le compositeur avait composé La belle meunière (Die schöne Mullerin). D’un cycle à l’autre, et si l’on prend en compte la lettre même des textes de Müller, il existe comme des éléments de passage, des vecteurs transitionnels. En particulier, il est troublant de remarquer que le premier lied du Voyage d’hiver, Gute Nacht, reprend par son titre une citation du dernier lied de La belle meunière, laquelle renvoie à son tour à un passage textuellement et musicalement important du lied no. 5, Am Feierabend, inclus dans le même cycle3. La nuit dont il est ici question a une connotation puissante : elle nous renvoie au thème romantique du nocturne, qui est celui de la puissance panique de la Nature, de la confusion des genres, du décloisonnement généralisé. Ou comme l’écrivait le philosophe Vladimir Jankéle-vitch dans un article inspiré:
« La nuit (romantique) fait disparaître ces frontières ; la nuit étend dans les campagnes le En kai pan(l’Un-et-le-Tout), l’Alleinheit morcelée par la raison ; l’écran s’évanouit, qui interceptait au moi la vision du cosmos »4.
Le nocturne c’est aussi cette tendance à la dissolution et à la réintégration de l’individu dans la totalité cosmique : ainsi le jeune homme épris de la belle meunière meurt en se jetant dans la rivière, et le dernier lied, écrit d’ailleurs paisiblement sur le mode majeur, est l’exercice longuement médité d’une réintégration au sein de la substance aquatique, féminine par excellence. Toutefois s’il n’est pas absurde de penser que la mort est dédramatisée dans le premier cycle, il n’en va pas de même dans le second : ni les textes, ni les effets musicaux ne nous invitent à postuler une quelconque pacification dans la destinée de ce voyageur éconduit. Cependant, en tout état de cause, une équivoque fondamentale demeure sur le personnage du joueur de vielle, et elle peut susciter un débat d’interprétation. A la limite, le parcours du Voyage d’hiver serait-il de nature initiatique, de telle sorte qu’on pourrait, paradoxalement, y détecter en filigrane un processus de purification et de libération? La question se pose légitimement, même si nous avouons rester sceptique devant ce type d’interprétation5.
La composition du Winterreise s’est effectuée en deux temps, et en fonction des deux cahiers écrits par Müller : en février 1827, puis à l’automne 1827 (entre temps, Beethoven s’est éteint à Vienne en mars 1827, et l’on a souvent dit, sans doute non sans raison, que cet évènement avait “libéré” Schubert d’une sorte de complexe fondamental).
Alors que La belle meunière contient une progression dramatique assez facile à mettre en évidence (ce qui signifie qu’on pourrait la transposer en un récit littéraire en prose), il peut sembler assez vain de chercher un ordre ou une structure précise dans Winterreise, en dépit du titre lui-même! Cette dimension flottante et erratique de 1’ensemble, même si elle ne flatte pas les penchants structuralistes de la modernité, est affirmée aussi bien par Brigitte Massin, que par Gilles Cantagrel6 et par Arnold Feil, lequel consacre pourtant aux deux grands cycles une étude musicologique minutieuse. Ce dernier fait remarquer que le “voyage” est en vérité ne errance7, soulignée par l’âpreté navrante des paysages d’hiver, et marquée par l’approfondissement de la solitude (seules “rencontres” effectives : la corneille qualifiée de wunderliches Tier, et le vielleux, à son tour nommé wunderlicher Alter). On s’égarerait donc à vouloir reconstituer à tout prix une logique narrative au sein de l’ensemble. Si toutefois l’auditeur veut parcourir le cycle en usant de quelques points de repère, nous lui proposons de prendre appui sur les lieder 1, 5, 20, 24, respectivement intitulés Gute Nacht, Der Linden baum, Der Wegweiser, Der Leiermann8. Outre leur beauté intrinsèque particulièrement bouleversante, ils déterminent – du moins peut-on l’admettre à titre presque purement architectonique – une sorte de jalonnage du texte, un repérage interieur9. Transcrits dans un registre philosophique, ces quatre moments semblent incarner respectivement: le commencement de l’errance ; les jeux de la mémoire et de l’illusion ; l’irréversibilité du destin; la fossilisation du temps.
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Le texte inaugural, Gute Nacht, use d’un intitulé faussement réconfortant, ainsi que d’une rythmique trompeuse. Si l’on joue la pièce à 2/4, en lui impulsant un tempo modérément rapide, on peut suggérer une sorte d’élan qui pourrait, à la limite, contenir une pointe d’alacrité. Mais la lettre du texte nous oblige à renoncer à cette solution, ou, en tout cas, à la relativiser. Les deux premiers vers mettent en exergue le mot Fremd et préparent une situation de déréliction. L’amoureux déçu se prépare à quitter la maison de sa bien-aimée, en plein hiver, pour un voyage sans retour. Toutefois il n’est pas interdit de penser que l’enjeu ici n’est pas seulement consécutif à un amour déçu, mais qu’il est de nature véritablement métaphysique. C’est aussi de la communauté humaine que le poète est évincé (à moins de penser, comme Michel Galard, qu’il s’exclue lui-même, ce qui justifierait alors le ton légèrement persifleur qu’on pourrait donner à 1’interprétation de ce lied). Les chiens qui grondent sur le passage du voyageur et qu’on retrouve dans plusieurs lieder figureraient alors les philistins, lénifiés dans leurs habitudes douillettes et inaptes à saisir le drame de la création artistique. De plus le “Gute Nacht” ne s’adresserait pas seulement à la jeune file, il ne signifierait pas seulement un adieu pathétique au giron de toute féminité ; il signifierait aussi une mise en congé de l’existence ordinaire et des conventions sociales qui nous empêchent de regarder en direction de l’essentiel (car si la jeune fille parlait d’amour, sa mère parlait même de mariage!). Désormais le “voyageur” est bien en marge de toute communauté organisée, et c’est d’ailleurs avec une sorte de condescendance, voire de mépris, qu’il parlera plus tard, dans Im Dorfe, des villageois endormis, repliés sur leurs rêves médiocres et compensatoires. Ainsi, dès le lied inaugural, la rupture est accomplie sans qu’on sache exactement quel en fut le processus.
Les trois chants qui suivent se déroulent dan un climat résolument tendu, à la fois sur le plan musical et sur le plan textuel : les images sont celles de la glaciation, de la rigueur hivernale, de l’ingratitude de la terre. Mais avec Der Lindenbaum (no. 5), un des plus célèbres lieder de Schubert, le voyage semble devoir manquer une pause et nous installe pendant quelques instants dans une sorte de grâce flottante et aérienne, d’oů cependant la mélancolie n’est nullement absente. Sur le plan musical, la composition est un chef d’oeuvre: à la beauté inépuisable du thème chanté s’adjoint une partie de piano extrêmement savante, d’une grande complexité rythmique. Le tilleul nous installe dans l’univers de la mémoire, mais là encore on ne saurait réduire ce lied au contexte d’un seul drame psychologique. L’arbre n’est pas seulement le lieu parfumé d’un rendez-vous d’été, il est le point focal de l’enracinement et de la puissance tellurique tranquille, ce dont le Wanderer a été précisément exclu. C’est pourquoi le lied en son milieu s’ouvre assez brusquement sur un climat d’angoisse, c’est-à-dire un retour au présent, qui souligne a contrario le caractère illusoire du souvenir. D’autres lieder seront construits sur cette thématique de l’illusion, qui est tout à fait essentielle dans la distribution générale du cycle, et qui renaît avec Le feu follet (no. 9), ou Le rêve de printemps (no. 11), ou le thème de la fenêtre éclairée dans un poème qui s’intitule précisément Illusion (Tauschung, no. 19), auquel s’ajoute le totalement énigmatique lied no. 23, intitulé Les trois soleils. Nous sommes ici devant une constante du cycle et il est tentant alors de comprendre l’ensemble comme un apprentissage progressif de la désillusion, le mot “désillusion” étant pris non pas seulement dans son sens négatif et blessant, mais dans le sens philosophique – ou mystique – d’une expérience intérieure, d’un dépassement des apparences, d’une immersion dans le coeur d’une Nature dont la pulsation est marquée par la dialectique de la vie et de la mort. A la fin du Linden baum, la frange de l’illusion, déjà, s’amenuise: comment croire au conditionnel du dernier vers (« Du fändest Ruhe dort »), alors que la bourrasque vient de faire irruption et que la musique s’achève sur le pianissimo anxieux des triolets en ré mineur?
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La première moitié du cycle s’achève dans l’incantation et la véhémence du lied intitulé Solitude (no. 12). La seconde moitié commence, elle, sur l’expression d’une fausse joie: La malle-poste vient de la “ville” mais elle n’apporte aucun courrier au voyageur. Tous les textes qui suivent, examinés un par un, renfoncent le mécanisme de la désillusion et de la mise à distance.
Der Wegweiser (Le poteau indicateur, no. 20) va radicaliser la solitude de l’errant et indiquer, paradoxalement, la direction a suive:
«Eine strasse muss ich gehen,
Die noch keiner ging zurück »
Spontanément, nous avons tendance à comprendre ce chemin comme celui qui conduit à la mort : le tempo se fait lent et fatidique, la phrase musicale se décante par la simplification et l’utilisation parfois létale de notes constamment répétées pendant six mesures consécutives (mesures 67 à 72). Cette lecture est courante, et elle se nourrit d’ailleurs de multiples autres allusions contenues dans d’autres lieder. Ceci dit, il n’est pas impossible d’adjoindre une interprétation différente, qui d’ailleurs n’exclut pas forcément la première. Ce qu’indique aussi le texte, c’est la voie difficile, celle que les gens de la ville, ou que les villageois entourés de leurs chiens de garde, ne songent même pas à emprunter. C’est donc la voie de l’invention de soi-même, dans le sens le plus radical.
Dès lors une sorte d’intelligibilité nouvelle pourrait venir se greffer sur les deux lieder suivants. A la fin du poème intitulé Das Wirtshaus (L’auberge, no. 2 1), le rendez-vous avec la mort est écarté – au moins provisoirement -, et le voyageur reprend son bâton de pèlerin. Le lied no. 22 contribuerait à renforcer cette interprétation : ce lied est en effet très inattendu par le ton, le titre (Mut), et cette sorte d’élan vital qui imprègne ici la musique. De plus le texte de ce lied contient une des phrases les plus étonnantes qu’on puisse répertorier dans le cycle:
« Will kein Gott auf Erden sein,
Sind wir selber Götter »
(Si aucun Dieu ne veut habiter la Terre
Soyons nous-mêmes des dieux)
Toutefois, que signifie exactement ceci: soyons nous-même des dieux? En-deçà d’une intuition pré-nietzschéenne qu’il serait peut-être téméraire d’avancer trop vite ici, il me semble que Schubert fait de ce lied une sorte de chanson gaillarde, une ritournelle estudiantine, bref un nouveau pied de nez à ce conformisme des éditeurs viennois qui ne prenaient pas en considération ses créations et lui recommandaient de leur envoyer plutôt des valses, des ländler, des danses allemandes et autres compositions, parfois joliment brossées certes, mais d’une créativité tout de même très inférieur aux derniers quatuors et à ces deux trios miraculeux dont Schumann plus tard fera une apologie dithyrambique ? En tout état de cause, ce lied déconcentrant, qui du reste figurait en avant-dernière position dans le texte de Müller, semble nous renvoyer à un double défi : celui de la solitude et celui de la création, devant la mort, et même malgré la mort, ou peut-être encore au-delà de la mort.
Et c’est bien à partir de ce schème qu’on peut tenter d’entendre le tout dernier lied, totalement énigmatique et génial, que Müller a intitulé Der Leiermann. L’effet produit par cette musique est très exactement parlant sidérant, comme si, mystérieusement, nous était dévolue une sorte d’évidence qui nous impose le silence. La musique atteint à. une décantation radicale avec ses quintes vides qui accompagnent un canevas pianistique d’une quintessence crépusculaire. La mélodie vocale, toutefois, n’est pas loin d’un apaisement qui semble tissé dans une mélancolie illimitée. Le poème de Müller fait apparaître le personnage du joueur de vielle, Wunderlicher Alter, auquel le narrateur envisage de se joindre. « Soll ich dir mit gehn ». On a vu parfois dans ce vieillard démuni une figuration de la mort: ce qui bouclerait le cycle sur l’ultime “aventure” humaine, la rencontre avec la mort, pressentie explicitement dans plusieurs poèmes du cycle.
Toutefois, on peut se demander si le vieux musicien ne serait pas celui qui enseigne au créateur la nécessité d’un ascétisme, d’un dénuement total. La sébille du vielleux reste vide, de même que Franz Schubert ne doit pas s’attendre à une reconnaissance de la part des éditeurs et des philistins ; a fortiori, la création artistique ne se monnaye d’aucune façon. De plus, et dans la mesure oů le texte dit que le vieux musicien tourne sa roue et jamais ne se tait, il est tentant de voir en lui l’expression pathétique de la création artistique en général, qui transcende le temps et requiert ce que Nietzsche appellera plus tard la grande solitude. C’est d’ailleurs en ce sens que l’entend la cantatrice Christa Ludwig dans un témoignage surprenant:
« J’ai chanté le voyage d’hiver pour la première fois le 24 novembre 1978 au Musikverein de Vienne. Ce cycle m’a enrichie d’année en année. A chaque étape de ma vie, j’ai pu m’identifier plus fortement avec ses lieder. J’ai abandonné l’idée de considérer le “Leiermann” comme le but ultime, c’est- à-dire la mort. Il signifie plutôt pour moi la roue éternelle de la vie, à la-quelle je suis soumise et que je sers par mon métier, par mon chant »10.
Ainsi Franz Schubert peut apparaître tout aussi bien comme celui qui vient prêter assistance aux poèmes de Müller que celui qui accepte désormais de s’abîmer dans la composition musicale. Joseph von Spaun a beau nous rapporter que Schubert était radicalement épuisé par la composition du Voyage d‘hiver11 : cela ne l’empêchera pas, après la création de ce cycle stupéfiant, d’accumuler chef d’oeuvre sur chef d’oeuvre, et ceci jusqu’à une sorte d’épuisement effectif. Il meurt le 19 novembre 1828 a l’âge de 31 ans. Quelques mois auparavant, voici ce qu’il a confié à Bauerfeld:
« Avec toi, les choses iront de 1‘avant. Je te vois déjà comme conseiller à la Cour ou comme dramaturge célèbre ! Mais moi, que deviendrai-je, pauvre musikant ! Je n’aurai plus devenu vieux, qu’à frapper aux portes et mendier mon pain comme le harpiste de Goethe »12.
Il est difficile de ne pas supposer ici un phénomène d’identification, fortement enraciné dans l’espace mental du compositeur, entre le joueur de vielle, le harpiste, et le pauvre Musikant dans le destin duquel Schubert craint peut-être de sombrer. De fait, aucun créateur, si génial soit-il, n’échappe à des zones d’ombre posthumes qui ressemblent parfois à des occultations. Et la gloire de Schubert est encore aujourd’hui bien loin d’offrir le visage d’une reconnaissance homogène13.
En tout état de cause, et dans une perspective un peu différente, il appartenait peut-être mystérieusement à Schubert de réaliser cette sublimation absolue du texte de Müller qu’est le cycle vocal du Voyage d’hiver: par là Müller échappe ainsi au purgatoire de ces artistes dont la voix se tait, noyée dans les grondements de l’Histoire, dans le bruit et dans la fureur.
Notes
1 Ce témoignage est extrait de l’ouvrage indispensable de Brigitte Massin, Franz Schubert, Fayard, 1977, p. 372.
2 Sur Wilhelm Müller, nous renvoyons à l’article de Michel Reffet inclus dans cet ensemble et intitulé Qui était Wilhelm Müller?
3 L’ouvrage de Arnold Feil, intitulé Franz Schubert, et consacré aux deux grands cycles d’après Müller, attire l’attention sur ce passage : « Und das liebe Mädchen sagt / Allen eine gute Nacht », qui clôt le cinquième lied de La belle meunière. La version française du livre de A. Feil est publiée aux Editions Actes Sud, en 1977, dans une traduction de Odile Demange.
4 Vladimir Jankélévitch, Le nocturne, in Le Romantisme allemand, dir. Albert Béguin, Cahiers du Sud, 1949, réédition Bibliothèque 10 / 18 en 1966.
5 J’ai débattu de ces questions lors d’un passionnant échange de vues avec le chanteur Michel Galard. De plus, le musicologue Jacques Chailley a proposé une lecture ésotériste du Winterreise dans une étude intitulée Le Winterreise de Schubert est-il une oeuvre ésotérique ? Revue d’Esthétique, avril-juin 1965. Brigitte Massin, tout en prenant au sérieux la lecture de Jacques Chailley, s’attache aussi à en montrer les difficultés et les limites.
6 Une bonne étude du Voyage d’hiver est proposée par Gilles Cantagrel dans le Guide de la mélodie et du lied, aux Editions Fayard. Cet ouvrage a été réalisé conjointement par Gilles Cantagrel et Brigitte Francois-Sappey.
7 Toutefois, il semble que les rapports syntagmatiques des textes s’organisent davantage dans les cinq derniers poèmes, comme s’il s’agissait de préparer implicitement l’énigmatique épisode final. Mais le travail de l’exégète n’est pas facilité par le fait que Schubert n’a pas suivi à la lettre l’ordre constitué par Müller, ramenant à la 22ème place le poème Mut qui occupait initialement l’avant-dernière position.
8 Par souci de symétrie, on pourrait leur adjoindre le l2ème lied, intitulé Fin samkeit – Solitude), qui me semble cependant, et malgré la véhémence de ses récitatifs, moins génial sur le plan de l’inspiration musicale.
9 Cet article était terminé lorsque j’ai pris connaissance d’une suggestive émission consacrée par Guy Tartelin au Winterreise et diffusée par Radio-Parabole au cours du printemps 1997. Il me paraît intéressant de mentionner ici les lieder répertoriés par Guy Tartelin, à savoir les no. 1, 5, 9, 15, 21 (explicitement mis en relation avec le no. 20), et 24. La concordance est frappante ! A juste litre, l’auteur de l’émission met l’accent sur le très beau Irrlich (no. 9), et sur la sinistre rencontre avec la corneille (Die Krăhe no. 15).
10 Ce témoignage est extrait de Christa Ludwig, Ma voix et moi, traduction Françoise Tillard, Les Belles Lettres/ Archimbaud, Paris 1996. Il faisait aussi partie d’un intéressant ensemble documentaire consacré à Schubert et réuni par la Bibliothèque de Nolay (Côte d’Or) pendant l’été 1997.
11 D’après Brigitte Massin, op. cit., p. 413.
12 Idem, p. 386.
13 L’ouvrage de Jacques Drillon, Schubert et l’infini, Actes Sud, 1988, développe à cet égard des analyses originales.