Jean Schneider
Observatoire de Paris, France
jean.schneider@obspm.fr
Autres sujets dans les autres mondes. La fabrique de l’autre /
Other Subjects in Other Worlds. The Substance of the Other
Abstract: In this paper we address the problem of the inhabited worlds and the concept of otherness in exoplanets.
Keywords: Landscape; c; Other Worlds; Exoplanets.
Aux thèmes de cette rencontre sur les utopies, les paysages, les mondes et les sujets, je voudrais en ajouter un cinquième, celui de l’altérité. Je commencerai pas deux brèves digressions : la première sur Sujet et paysage : figures anthropomorphes et projections. Nous avons tous une tendance naturelle à projeter des figures (animales et humaines) sur des éléments de la nature. Dans le cas des paysages, elle a donné lieu à un art particulier, celui des paysages anthropomorphes, que je suis enclin à nommer « pays-visages ». Cette tendance va jusqu’au cosmos puisqu’elle est à l’origine des signes du zodiaque. Des noms comme « Vierge » ou « Taureau » sont évocateurs à cet égard. La seconde, Utopie et réalité. L’utopie, un des thèmes de cette rencontre, a une indéniable supériorité sur la réalité : elle n’est entravée par aucune contrainte extérieure. Et pourtant elle a des limites. Je rappelle la métaphore de la colombe de Kant : « La colombe légère qui fendait l’air, “dans son libre vol”, s’est imaginé qu’elle volerait encore mieux là où la résistance de l’air ne réduirait pas sa vitesse, c’est-à-dire dans l’espace vide de tout air » (Critique de la raison pure – Introduction).
Ici, je me présente comme une colombe qui s’appuie sur la résistance de la science et de la technique pour prendre un envol non seulement vers d’autres mondes concrets, percevables, mais aussi imaginaires, tant il est vrai que les duretés de la science sont autant de défis qui stimulent l’imagination.
I. Autres sujets dans quels autres mondes ?
Je vais commencer par renverser les termes : avant de parler d’autres sujets, il faut se demander dans quels autres mondes ils pourraient évoluer. La question a commencé avec les Grecs. Citons Épicure : « Il existe une infinité de mondes, semblables ou dissemblables au nôtre » (Lettre à Hérodote 300 Av. J.-C.). Depuis ce précurseur, plus de 600 auteurs, principalement philosophes, jusqu’en 1900 (Albert le Grand, Giordano Bruno, Kant, Goethe, etc.) ont exprimé leur conviction que d’autres êtres existent ailleurs dans le cosmos. Curieusement, ce questionnement est resté confiné, jusqu’au XXe siècle au monde gréco-occidental, mises à part de vagues bribes comme le Livre des Mers et des Monts (Chine IVe siècle)[1].
Aujourd’hui, les sujets autour de nous sont notre point de départ. Nous les considérons comme vivants. Partant de là, on peut lever les yeux au ciel et y découvrir d’abord la Lune et des planètes, puis d’autres étoiles. Nous pouvons alors poser la question : y a-t-il des planètes en orbite autour de ces étoiles et des êtres vivants sur ces planètes ? Il faut le souligner avec force : nous vivons à cet égard une époque extrêmement privilégiée. Alors que la question se posait depuis les Grecs, ce n’est très précisément que depuis le début des années 1990 qu’on a une réponse claire et définitive à cette question. Non seulement les astronomes ont détecté à ce jour (en 2014) plus de 2000 planètes en orbite autour d’autres étoiles (ou exoplanètes), mais de plus, les extrapolations les plus prudentes estiment qu’il doit y en avoir au moins un milliard dans toute notre Voie Lactée. Certes toutes ne présentent pas des conditions favorables au développement d’une forme de vie, mais c’est le cas pour au moins un millième d’entre elles, soit tout de même un million de planètes hospitalières pour l’homme.
Avant d’aller plus loin, deux réflexions s’imposent. Comment poser le problème de sujets « autres » et, après tout, à quoi cette quête peut-elle servir ? Répondons d’abord à la seconde question. La recherche d’autres vies satisfait un esprit de curiosité et élargit le champ de la bio-diversité terrestre. Ensuite, elle aidera à comprendre, le moment venu (sans doute dans longtemps), par comparaison, les facteurs des mécanismes biologiques terriens. Et surtout, si une vie « intelligente », pas trop lointaine, est découverte, elle sera le point de départ de tentatives de « communication ».
Pour la première question, la discussion se déroule avec en arrière-plan l’idée d’évolution (darwinienne ou lamarckienne) : les sujets que nous sommes s’inscrivent dans le règne plus général du vivant organique, biologique. Au départ, nous nous pensons nous-mêmes comme vivants. Parmi tous les objets que livrent nos expériences, il y en a avec lesquels nous pouvons, plus ou moins, nous identifier. Cette identification est toujours une projection (de sensations, d’intentions, …). Nous appelons alors « vivants » ces objets. En toute rigueur, la vie est dans la relation aux objets, et non dans les objets eux-mêmes. Dans un deuxième temps, nous constatons une corrélation entre ces objets vivants et leurs propriétés physico-chimiques (par exemple la présence d’un ADN). Dans un troisième temps, on suppose qu’inversement les objets ayant ces propriétés sont « vivants » (même s’il n’y a pas de relation « intime » avec eux). Par exemple, se nourrir, s’adapter à l’environnement.
En conclusion, il n’y a pas de vie en soi, seulement des signes de vie. La déclaration « ceci est vivant » est alors un jugement, une décision arbitraire (cf. le statut « humain/ non humain » de l’embryon).
II. La quête actuelle d’autres vies sur des autres mondes
Reprenons maintenant le cours de la quête actuelle d’autres vies. Il y a quatre voies de recherche concevables d’une vie extraterrestre.
1. Traces de visiteurs sur Terre
C’est une interprétation qui est parfois proposée pour certaines traces au sol dans des champs ou des phénomènes lumineux dans le ciel (« soucoupes volantes »). Mais cette hypothèse a toujours été stérile dans la mesure où elle n’a jamais abouti à aller plus loin que sa seule formulation. Ce résultat négatif a donné lieu au « paradoxe de Fermi » que l’on peut formuler ainsi : « Pourquoi, alors qu’il y a des milliards de planètes dans la Galaxie, n’y a-t-il aucune civilisation technologique qui soit parvenue, depuis des milliers d’années, à nous visiter ? » Et nous n’avons d’ailleurs non plus reçu le moindre signal radio ou optique. Ce paradoxe est embarrassant car il n’a pas reçu de réponse satisfaisante[2]. Est-ce la preuve qu’il n’y a pas de civilisation extraterrestre ? Est-ce la preuve que nous cherchons mal ? Le débat est ouvert.
2. Aller voir sur place
Malheureusement, on peut montrer que le voyage durerait mille ans au moins en l’état actuel de nos connaissances[3]. Il est intéressant de noter que Kant avait déjà envisagé cette solution. « Admettre des habitants raisonnables dans des autres planètes, c’est une affaire d’opinion ; en effet, si nous pouvions nous en rapprocher, ce qui est en soi possible, nous pourrions décider par l’expérience s’ils existent ou non ; mais jamais nous ne nous en rapprocherons à ce point et cela restera une question d’opinion. » (Critique de la Faculté de juger § 91).
3. Recherche de signaux « intelligents »
C’est ce qu’on appelle le programme SETI (Search for Extra-Terrestrial Intelligence). Il se poursuit actuellement avec des radiotélescopes et des télescopes optiques. On cherche des signaux dont les caractéristiques (dans leur structure temporelle notamment) n’auraient pas d’explication par des phénomènes astrophysiques connus. Cela avait été le cas en 1966 lorsque des signaux radios ultra-périodiques et brefs avaient été attribués à des extraterrestres, jusqu’à ce qu’on les explique par la rotation rapide et régulière d’étoiles autour de leur axe. À ce jour cette recherche n’a pas eu de résultat.
4. Télédétection d’indices biochimiques
C’est la voie la plus prometteuse dans l’immédiat. Avec les télescopes on peut, depuis le XIXe siècle, sonder la composition chimique des étoiles. En effet, chaque corps imprime à ses émissions lumineuses des caractéristiques fines de couleur, extrêmement précises, qui signent sa nature chimique. Il en va de même pour les planètes. On pourra ainsi, d’ici quelques décennies, déceler des molécules (comme l’oxygène ou la chlorophylle) qui ne pourront s’expliquer (pense-t-on aujourd’hui du moins) que par l’existence de métabolismes biologiques (rappelons que sur Terre tout l’oxygène de l’atmosphère ne peut s’expliquer que par la photosynthèse des plantes et du plancton). Nous ne sommes qu’au début d’une des grandes révolutions intellectuelles de l’humanité. De plus, nous partons à l’aventure et ne savons pas ce que nous allons trouver. Nous ne savons même pas formuler ce que nous cherchons exactement, tant il est vrai que la surprise ne se programme pas.
Reste un problème de taille : la morphologie des formes animées. Pour observer l’image d’un organisme de la taille d’un éléphant sur une planète orbitant autour de l’étoile la plus proche requiert un télescope de la taille de l’orbite terrestre[4]. C’est impossible. Alors, aller voir sur place ? Comme nous l’avons déjà vu, le voyage durerait plus de mille ans. Pourquoi pas, mais on voit tout de suite que cela change la perspective de la civilisation où ce ne serait plus une vie humaine mais une civilisation entière qui serait un « sujet ». En conclusion, nous sommes aussi loin de cette perspective que les Grecs étaient loin, il y a 2300 ans, d’observer les premiers autres mondes.
III. Signaux « intelligents » ?
Revenons aux signaux « intelligents ». Ils posent de nouveaux problèmes philosophiques.
Tout d’abord, deux stratégies sont possibles : soit recevoir des signaux (lumineux, radio), soit en envoyer. Cette dernière stratégie avait déjà été proposée au XIXe siècle par le mathématicien Gauss qui suggérait de tracer de grands triangles à la surface de la Terre pour signaler aux martiens que nous (aussi) étions capables de faire de la géométrie. Pour ce qui est de recevoir des signaux « intelligents », il s’agit de signaux sans explication à partir de phénomènes physiques « naturels » avec un contenu sémantique supposé (par exemple des suites de nombres premiers). Le problème philosophique que cette approche pose est le suivant. Comment penser une sémantique « autre », alors que nous la posons à partir de notre propre symbolique ? Ne sommes-nous pas dans une « prison symbolique »? En effet, les formes symboliques étant a priori, elles ne sont pas déductibles de l’observation comme l’avaient remarqué Kant et Cassirer par exemple. On peut d’ailleurs rapprocher cet a priori de l’arbitraire du signe de Saussure.
Il existe toutefois une voie qui n’a pas recours à un supposé contenu sémantique, toujours construit, ce sont les « techno-signatures » ou « fuites technologiques » sans contenu sémantique supposé. Un exemple, les « lumières des villes » sur une exoplanète, ou, le jour où les télescopes seront assez puissants, l’observation de grandes structures géométriques comme des champs ou des routes. La reprise en quelque sorte, des « canaux de Mars » qu’on avait cru observer à la fin du XIXe siècle[5] (Schiapparelli).
Quelle altérité ?
Abordons enfin la question la plus épineuse. Jusqu’où peut aller l’altérité ? Le plus grand danger est l’anthropomorphisme, et pourtant il est difficile de s’en débarrasser. Il y a deux aspects de la question : l’altérité des formes et celles du sens. Le Dictionnaire Visuel des Mondes Extraterrestres[6] montre les limites de l’imagination des auteurs de science-fiction. Les astronomes sont allés plus loin en ce qui concerne l’altérité des formes, comme le montre par exemple l’excellent roman Le Nuage Noir de Fred Hoyle[7] qui met en scène un nuage interstellaire vivant (et « pensant »).
L’altérité du sens est beaucoup plus problématique. En effet, il n’y a pas d’autre en soi, mais un autre toujours construit, fabriqué, à partir de signes. Cette fabrication fait appel à des processus d’identification. Nous projetons sur des signes un autre nous-même, ou quasi-nous même, que nous appelons un autre (être). Cette question de la projection est déjà largement débattue pour les animaux. On la trouve par exemple dans le titre révélateur du livre de Joëlle Proust « Les animaux pensent-ils? »[8].
L’expression « l’autre pensant » peut avoir deux sens : un autre soi-même qui pense, mais autrement que soi, et un autre plus radical, un autre de la pensée, au-delà de la pensée et du symbole ? On en arrive ainsi à la question « peut-on penser un au-delà de la pensée ? » On aboutit ainsi à cette aporie : comment prendre dans les rets, limités, de la pensée un au-delà de la pensée ? Cela semble aussi impossible que penser du mouvement à partir de positions purement statiques comme l’avait révélé le paradoxe de Zénon sur la flèche d’Achille qui ne peut jamais partir. Le « Je » vient de l’Autre (par le miroir du langage), dit-on. Mais cet Autre, comme « trésor des symboles » est déjà là. Ici on cherche un autre type d’autre que l’Autre du symbolique.
Finalement, est-ce qu’une vie « autre » n’est pas un oxymore, dans la mesure où « vie » veut dire ce qui nous ressemble ? Seul l’avenir dira où nous mène cette quête paradoxale.
Notes
[1] Jean Schneider, « The extraterrestrial life debate in different cultures », in Astron. Soc. Pacific Conf. Series, 2010.
[3] Jean Schneider et al., « The far future of exoplanet characterization », Astrobiology, 10, p. 121. http://dx.doi.org/doi:10.1089/ast.2009.0371 (15/07/2014)
Jean Schneider
Observatoire de Paris, France
jean.schneider@obspm.fr
Autres sujets dans les autres mondes. La fabrique de l’autre /
Other Subjects in Other Worlds. The Substance of the Other
Abstract: In this paper we address the problem of the inhabited worlds and the concept of otherness in exoplanets.
Keywords: Landscape; c; Other Worlds; Exoplanets.
Aux thèmes de cette rencontre sur les utopies, les paysages, les mondes et les sujets, je voudrais en ajouter un cinquième, celui de l’altérité. Je commencerai pas deux brèves digressions : la première sur Sujet et paysage : figures anthropomorphes et projections. Nous avons tous une tendance naturelle à projeter des figures (animales et humaines) sur des éléments de la nature. Dans le cas des paysages, elle a donné lieu à un art particulier, celui des paysages anthropomorphes, que je suis enclin à nommer « pays-visages ». Cette tendance va jusqu’au cosmos puisqu’elle est à l’origine des signes du zodiaque. Des noms comme « Vierge » ou « Taureau » sont évocateurs à cet égard. La seconde, Utopie et réalité. L’utopie, un des thèmes de cette rencontre, a une indéniable supériorité sur la réalité : elle n’est entravée par aucune contrainte extérieure. Et pourtant elle a des limites. Je rappelle la métaphore de la colombe de Kant : « La colombe légère qui fendait l’air, “dans son libre vol”, s’est imaginé qu’elle volerait encore mieux là où la résistance de l’air ne réduirait pas sa vitesse, c’est-à-dire dans l’espace vide de tout air » (Critique de la raison pure – Introduction).
Ici, je me présente comme une colombe qui s’appuie sur la résistance de la science et de la technique pour prendre un envol non seulement vers d’autres mondes concrets, percevables, mais aussi imaginaires, tant il est vrai que les duretés de la science sont autant de défis qui stimulent l’imagination.
I. Autres sujets dans quels autres mondes ?
Je vais commencer par renverser les termes : avant de parler d’autres sujets, il faut se demander dans quels autres mondes ils pourraient évoluer. La question a commencé avec les Grecs. Citons Épicure : « Il existe une infinité de mondes, semblables ou dissemblables au nôtre » (Lettre à Hérodote 300 Av. J.-C.). Depuis ce précurseur, plus de 600 auteurs, principalement philosophes, jusqu’en 1900 (Albert le Grand, Giordano Bruno, Kant, Goethe, etc.) ont exprimé leur conviction que d’autres êtres existent ailleurs dans le cosmos. Curieusement, ce questionnement est resté confiné, jusqu’au XXe siècle au monde gréco-occidental, mises à part de vagues bribes comme le Livre des Mers et des Monts (Chine IVe siècle)[1].
Aujourd’hui, les sujets autour de nous sont notre point de départ. Nous les considérons comme vivants. Partant de là, on peut lever les yeux au ciel et y découvrir d’abord la Lune et des planètes, puis d’autres étoiles. Nous pouvons alors poser la question : y a-t-il des planètes en orbite autour de ces étoiles et des êtres vivants sur ces planètes ? Il faut le souligner avec force : nous vivons à cet égard une époque extrêmement privilégiée. Alors que la question se posait depuis les Grecs, ce n’est très précisément que depuis le début des années 1990 qu’on a une réponse claire et définitive à cette question. Non seulement les astronomes ont détecté à ce jour (en 2014) plus de 2000 planètes en orbite autour d’autres étoiles (ou exoplanètes), mais de plus, les extrapolations les plus prudentes estiment qu’il doit y en avoir au moins un milliard dans toute notre Voie Lactée. Certes toutes ne présentent pas des conditions favorables au développement d’une forme de vie, mais c’est le cas pour au moins un millième d’entre elles, soit tout de même un million de planètes hospitalières pour l’homme.
Avant d’aller plus loin, deux réflexions s’imposent. Comment poser le problème de sujets « autres » et, après tout, à quoi cette quête peut-elle servir ? Répondons d’abord à la seconde question. La recherche d’autres vies satisfait un esprit de curiosité et élargit le champ de la bio-diversité terrestre. Ensuite, elle aidera à comprendre, le moment venu (sans doute dans longtemps), par comparaison, les facteurs des mécanismes biologiques terriens. Et surtout, si une vie « intelligente », pas trop lointaine, est découverte, elle sera le point de départ de tentatives de « communication ».
Pour la première question, la discussion se déroule avec en arrière-plan l’idée d’évolution (darwinienne ou lamarckienne) : les sujets que nous sommes s’inscrivent dans le règne plus général du vivant organique, biologique. Au départ, nous nous pensons nous-mêmes comme vivants. Parmi tous les objets que livrent nos expériences, il y en a avec lesquels nous pouvons, plus ou moins, nous identifier. Cette identification est toujours une projection (de sensations, d’intentions, …). Nous appelons alors « vivants » ces objets. En toute rigueur, la vie est dans la relation aux objets, et non dans les objets eux-mêmes. Dans un deuxième temps, nous constatons une corrélation entre ces objets vivants et leurs propriétés physico-chimiques (par exemple la présence d’un ADN). Dans un troisième temps, on suppose qu’inversement les objets ayant ces propriétés sont « vivants » (même s’il n’y a pas de relation « intime » avec eux). Par exemple, se nourrir, s’adapter à l’environnement.
En conclusion, il n’y a pas de vie en soi, seulement des signes de vie. La déclaration « ceci est vivant » est alors un jugement, une décision arbitraire (cf. le statut « humain/ non humain » de l’embryon).
II. La quête actuelle d’autres vies sur des autres mondes
Reprenons maintenant le cours de la quête actuelle d’autres vies. Il y a quatre voies de recherche concevables d’une vie extraterrestre.
1. Traces de visiteurs sur Terre
C’est une interprétation qui est parfois proposée pour certaines traces au sol dans des champs ou des phénomènes lumineux dans le ciel (« soucoupes volantes »). Mais cette hypothèse a toujours été stérile dans la mesure où elle n’a jamais abouti à aller plus loin que sa seule formulation. Ce résultat négatif a donné lieu au « paradoxe de Fermi » que l’on peut formuler ainsi : « Pourquoi, alors qu’il y a des milliards de planètes dans la Galaxie, n’y a-t-il aucune civilisation technologique qui soit parvenue, depuis des milliers d’années, à nous visiter ? » Et nous n’avons d’ailleurs non plus reçu le moindre signal radio ou optique. Ce paradoxe est embarrassant car il n’a pas reçu de réponse satisfaisante[2]. Est-ce la preuve qu’il n’y a pas de civilisation extraterrestre ? Est-ce la preuve que nous cherchons mal ? Le débat est ouvert.
2. Aller voir sur place
Malheureusement, on peut montrer que le voyage durerait mille ans au moins en l’état actuel de nos connaissances[3]. Il est intéressant de noter que Kant avait déjà envisagé cette solution. « Admettre des habitants raisonnables dans des autres planètes, c’est une affaire d’opinion ; en effet, si nous pouvions nous en rapprocher, ce qui est en soi possible, nous pourrions décider par l’expérience s’ils existent ou non ; mais jamais nous ne nous en rapprocherons à ce point et cela restera une question d’opinion. » (Critique de la Faculté de juger § 91).
3. Recherche de signaux « intelligents »
C’est ce qu’on appelle le programme SETI (Search for Extra-Terrestrial Intelligence). Il se poursuit actuellement avec des radiotélescopes et des télescopes optiques. On cherche des signaux dont les caractéristiques (dans leur structure temporelle notamment) n’auraient pas d’explication par des phénomènes astrophysiques connus. Cela avait été le cas en 1966 lorsque des signaux radios ultra-périodiques et brefs avaient été attribués à des extraterrestres, jusqu’à ce qu’on les explique par la rotation rapide et régulière d’étoiles autour de leur axe. À ce jour cette recherche n’a pas eu de résultat.
4. Télédétection d’indices biochimiques
C’est la voie la plus prometteuse dans l’immédiat. Avec les télescopes on peut, depuis le XIXe siècle, sonder la composition chimique des étoiles. En effet, chaque corps imprime à ses émissions lumineuses des caractéristiques fines de couleur, extrêmement précises, qui signent sa nature chimique. Il en va de même pour les planètes. On pourra ainsi, d’ici quelques décennies, déceler des molécules (comme l’oxygène ou la chlorophylle) qui ne pourront s’expliquer (pense-t-on aujourd’hui du moins) que par l’existence de métabolismes biologiques (rappelons que sur Terre tout l’oxygène de l’atmosphère ne peut s’expliquer que par la photosynthèse des plantes et du plancton). Nous ne sommes qu’au début d’une des grandes révolutions intellectuelles de l’humanité. De plus, nous partons à l’aventure et ne savons pas ce que nous allons trouver. Nous ne savons même pas formuler ce que nous cherchons exactement, tant il est vrai que la surprise ne se programme pas.
Reste un problème de taille : la morphologie des formes animées. Pour observer l’image d’un organisme de la taille d’un éléphant sur une planète orbitant autour de l’étoile la plus proche requiert un télescope de la taille de l’orbite terrestre[4]. C’est impossible. Alors, aller voir sur place ? Comme nous l’ae WP Super Cache plugin directory. –>