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« Fantaisie » et fiction : Observations sur un cas cliniqueFantasy and Fiction: Notes on a Clinical Case
Adriana Carrijo
Universidade Federal do Rio de Janeiro, Brasilia
adrianacarrijo@terra.com.br
« Fantaisie » et fiction : Observations sur un cas clinique
Abstract: This text aims at retracing the memory of a psychoanalytical cure of a child by approaching the dimensions of fantasy and fiction. It relies on a very specific psychoanalytical procedure, i.e. the clinical practice. In a message the child wrote to her analyst, where she reveals her anxiety, we found elements from her reading experience of a piece of writing by Jules Verne. The novel allowed the child to tell his fears. Literature here is assured as a resource which makes possible the communication between fiction and fantasy and as a sine qua non condition to overcome the anxiety.
Keywords: Fantasy; Fiction; Jules Verne; Child Analysis.
« Tout ce qu’un homme est capable d’imaginer, d’autres hommes sont capables de réaliser » (Jules Verne)
La relation entre la « fantaisie » et la fiction me conduit, en tant que psychanalyste, à convoquer des ressources pour re-traiter, c’est-à-dire, reprendre, traiter à nouveau, la fonction que la « fantaisie » tient dans le travail clinique avec les enfants, cette fonction-puissance qui incite la capacité analytique à prendre son envol, à rechercher ses inculcations, ses ancrages, ses plis. Je préfère ici le terme français « fantaisie » à phantasme, qui traduit le concept freudien de Fantaisie tout en le rapprochant de son sens d’imagination créatrice, débridée, des fantaisies de l’enfant.
La « fantaisie » débouche toujours dans le concret d’un fait, d’un conte, d’une trace. Par la « fantaisie » le travail de l’analyste se soutient comme un travail avec le mystère de l’humain, avec sa singularité plurielle et démultipliée dans des objets représentés par elle. La « fantaisie » est ainsi la puissance en soi, ce qui meut et é-meut, la puissance qui fait l’éloge de l’existence, qui lui donne un corps.
Pour la psychanalyse, il n’y a pas de moi qui se constitue sans le refoulement et la « fantaisie ». La fonction du refoulement serait ainsi restrictive et adaptative : ce serait le prix à payer pour la névrose ordinaire. L’une des fonctions de la « fantaisie », qui est scénique dans sa nature même, serait ainsi la possibilité de donner de la substance à des pensées et des actions, c’est-à-dire qu’elle est l’expression maximale de la singularité et de l’altérité ou encore la condition même de l’émergence d’un sujet.
Ainsi, même si l’émergence de ce sujet requiert un clivage culturel, ce serait face à l’inévitable tension établie entre la culture et ses entrailles, ces étranges entrailles, qui le rendraient un sujet singulier. Par conséquent, tantôt comme le sujet de l’énoncé, tantôt comme sujet caché, soit dans les espaces publiques, soit dans des espaces secrets, se mettrait en scène la dynamique pendulaire de l’existence.
Il y a quelques années, j’ai reçu un enfant porté par la « fantaisie » ou plutôt par la rêverie. Son imagination très active et sa capacité à se traduire à travers ce qui la nourrissait comme lecture m’ont fort impressionnée. Ce fut à cette occasion que je suis entrée en contact avec certains romans de Jules Verne (1828-1905), notamment l’ouvrage Voyage au centre de la terre, de 1864.
Je relève donc cet espace-« fantaisie » par le biais de ce que j’ai pu essayé alors que j’écoutais analytiquement M.. Je pars d’un mot qu’il m’a adressée, intitulé « Voyage à mon centre ». Dans ce brouillon, M. écrivit :
Qu’est-ce qui me traverse ? Qui suis-je réellement ? Il est difficile de répondre mais je crois que je suis un autre. Oui, je crois être une autre personne. Parce que quelque chose me dit que je ne suis pas nerveux. Il me semble que cet autre gamin appelé M. n’est pas impulsif, anxieux, curieux. Il semble que chez lui il y a un autre moi, différent de lui et qui le rend différent, ce qui le différencie de sa nature. Sa nature est une nature déséquilibrée. Mais, dans son for intérieur des voix disent qu’il peut changer. Alors je me demande : qu’y a-t-il dans ma vie, du succès ou de la défaite ? Il me semble difficile de répondre à cette question, mais je pense que le chemin de la perte me possède. Pourquoi dans tous les lieux par où je passe il arrive des problèmes, à l’école, chez moi… ? Pourquoi il n’y a pas un jour où je puisse être tranquille ? Qui voudra me montrer le chemin de la vie aura de la chance parce que je suis un gamin angoissé qui a besoin de lumière. Ben, l’épisode d’aujourd’hui en reste là, mais je cherche toujours un chemin dans cette aventure appelée « voyage dans mon centre ».
Les dynamiques d’introversion décrites par le petit M. m’ont amenée alors à ancrer son traitement dans le texte de Bachelard (1990 [1948]) où l’auteur souligne que « le repliement sur soi ne peut pas toujours rester abstrait. Il prend des allures de l’enroulement sur soi-même, d’un corps qui devient objet pour soi-même, qui se touche soi-même » (Bachelard, 1990 [1948], p.4.)
En effet, dans le mot secret de cet enfant, tout se vaut : il se dédouble, il clive son existence, il avoue son angoisse. Il craint se perdre dans un labyrinthe qui est, à la fois, la métaphore et l’image de son propre inconscient. Effrayé, l’enfant appelle le chemin de la perte y voyant quelque chose d’intrinsèque à cette dynamique qui fait que tantôt l’on possède un inconscient tantôt c’est lui qui nous possède, accomplissant ainsi la dynamique pendulaire de l’existence.
De cet ébat résulterait une forme, une esthétique existentielle qui traverse sa vie animique, établissant les conditions de sa relation avec autrui et le monde, de sa mise en possession de soi, et d’appartenance. Ainsi, ce serait par l’impossibilité de capturer l’objet dans son caractère ontique que M. transfigurerait cet objet en quelque chose d’inhérent à soi. Et c’est précisément face à cette complexité animique que Bachelard se rend à l’imagination et à l’imaginaire. C’est donc devant cet imaginaire à profusion que nous produisons les plis qui abriteront nos secrets les plus intimes, légitimant l’idéal de repos tant vanté par cet auteur.
Dans la tentative de trouver des pistes pour (dé)vier M., je regarde vers l’extérieur essayant de cartographier le monde. Je vois des choses, des corps. M. est arrivé dans mon cabinet avec un diagnostic de hyperactivité, un diagnostic psychique courrant dans les années 1990. Peut-être au moment où j’écris ce texte, en 2014, les spécificités de son comportement et de son écriture seraient-elles interprétées comme de l’autisme. Il y aurait-il l’influence d’un« fluide corporel caché » qui l’accélérait ? C’était le raisonnement médical de l’époque.
Mais comme cela ne me semblait pas suffire, M. cultivait l’habitude de se cacher, de fuir et de parler peu. Cependant M. écrivait. Il écrivait sa vie sous un format épisodique où tantôt il soulignait tantôt il cachait la réalité selon ses désirs les plus intimes et secrets.
Bachelard (1990 [1948], p. 9) avait déjà observé que “cacher est une fonction primaire de la vie. C’est un besoin lié à l’économie, à la constitution des réserves. Et l’intérieur a (aurait) des fonctions de trêve si évidentes que pour classer les rêves d’intimité l’on doit (devrait) donner la même importance à un éclaircissement et à un obscurcissement.
Qu’est-ce donc que l’esthétique de l’hyperactivité de M. cachait ? Qu’est-ce qui aboutirait à une déambulation vide sinon à une tentative de vider l’excès d’angoisse intrinsèque au vivre ? Ne seraient-ils plutôt ces mots cachés et assez ludiques de M. qui ouvriraient la voie jusqu’aux entrailles ? Sans l’espace d’accueil et de compréhension ouvert dans le monde, ce corps serait-il condamné à se dépenser pulsionnellement allant dans tous les sens, faisant allusion à ses déambulations ?
Pour moi, le corps de M. n’a jamais été purement biologique. En effet, le corps comme expression d’une condition auto-poïétique acquiert, à travers les devenirs historiques et sociaux, la capacité de refouler et d’imaginer, ces forces dynamisant plutôt la puissance imaginative/créatrice, menant le sujet à une certaine dé-sujection, dé-sujection nécessaire aux ébats de la vie des relations. Néanmoins, cette vision du corps et surtout cette pratique psychanalytique ne deviennent possibles que par le biais du dialogue avec d’autres disciplines. Autrement on retirerait du cœur de la fabrication des concepts, y compris, pourquoi pas, ceux de la psychanalyse, des explications mirobolantes pour de nouveaux et de vieux symptômes, laissant à l’hyperactivité de M. un seul « nouveau » diagnostic, proche de l’ « angoisse motrice » ou de l’ « angoisse de duplication ».
Hélas, le corps est au cœur des réflexions/interventions cliniques. Le corps seul. Seul le corps. Le corps nu et sans plis. Le corps des-imaginé, dés-imaginant, sans secrets, plein d’accès, de bio-ascèses. Que révèle donc ce corps de notre société ? Dans ce sens, j’en viens plus précisément à la clinique d’enfant post-moderne.
Le contexte psycho-clinique post-moderne de l’enfant ou psychanalyser les enfants dans la post-modernité
Glisser de la scène analytique et de la relation duelle avec mon patient de moins de 10 ans, aller au delà des quatre murs de mon cabinet pour exploiter le décor post-moderne que nous habitons, dévoile à la psychologue clinique et éducationnelle que je suis, de nouvelles formes de constitution/construction subjective à partir de la constatation, pas si évidente, qu’un enfant grandit.
Un appel de plus pour enquêter plus soigneusement les névroses mondaines ne surviendrait pas comme forme impérative au psychanalyste, l’exercice clinique et réflexif attestant la porosité de cet espace envahi par l’avalanche de psychopathologies et de stratégies de réduction des vicissitudes psychiques aux seules déterminations synaptiques, ainsi que par l’essor d’un « marché psy » florissant (je pense à la psychomotricité entre autres) vidant doublement le sujet, le moulant tantôt comme marchandise tantôt comme consommateur des traitements à la mode.
Je parle de la sophistication des théories, du foisonnement des spécialisations pour les « tuteurs de l’enfant », des interventions absurdement précoces, de l’alliance école-clinique et de ce sujet-produit incarnant la typologie offerte à la description, à l’information, aux traitements. C’est que de cette ingénierie jaillissent désormais des sujets non attentifs, hyperactifs, dyslexiques, défiants-opposants. Surgissent également des cliniciens croyant avoir appris une théorie capable de décanter l’impossible, l’impossible de la nature humaine, le fuyant mercure des alchimistes.
La nature humaine, surtout la nature de l’enfant, m’a toujours paru essentiellement hyperactive, attentive à ce qui réveille le désir, défiant les lexiques, s’opposant aux canevas (y compris ceux de Piaget). Quelle substance ces tuteurs post-modernes cherchent-ils alors à trouver ?
Bachelard (1990 [1948], p. 56) nous vient au secours rappelant que « l’alchimiste, dans ses méditations, croit avoir isolé la substance de la monstruosité. Mais l’alchimiste est un esprit élevé. Il laisse aux sorcières la tâche de la quintessence du monstrueux. La sorcière à son tour ne travaille que dans les royaumes animal et végétal. Elle ne connaît pas (ne connaîtrait pas) l’intimité la plus grande du mal, celle qui s’insère dans le minéral perverti ». (p. 56).
Ainsi, je reconnais que le propre de l’enfance est d’être aussi fuyante que le mercure et ceci me met sur la voie pour comprendre le « voyage » épisodique de M. à chaque fuite, car un secret caché (où ? pourquoi ? avec qui ?) revient à chaque retour, un secret dévoilé par écrit, une élaboration à sa manière, de façon épisodique. Alors que le corps de M. comme celui de tant d’enfants se trouve au cœur des discussions cliniques, devient la proie de nouveaux alchimistes qui croient avoir isolé la substance (secrète) de la monstruosité.
Mais qu’est-ce qui veut déterminer cette réduction du corps à sa dimension biologique ? Pourquoi c’est le discours « cérébral » qui prend le devant de la scène post-moderne ? Cet organe, si vanté par le mystérieux agglomérat de jus et de tours qui le forme (ce qui se donne tout à fait à une imagination anatomique), pourquoi cet objet intéresserait un regard scientifique qui prétend que la vérité soit posée sur un champ spécifique, que son regard puisse tout voir ?
Si je suis ce raisonnement, l’enfant ne serait-il traversé par les « régimes de vérité », construits sur le présupposé scientifique qui conçoit l’essentiel comme quelque chose d’intrinsèque/nucléaire, toujours passif au regard du chercheur qui le traque « dans le dedans », à l’intérieur d’une vérité ou d’un paradigme dominant, comme s’il pouvait être dissocié des paramètres historiques et des inattendus ?
De fait, quand j’ai fini mes études, à la fin des années 1990, je portais en moi la certitude et la direction d’un certain raffinement de l’écoute et de l’attention qui mettait en valeur le lien et le transfert mais surtout ma formation m’a amenée à supporter la résistance ou l’intervention des parentes. Désormais, j’avoue me trouver devant des phénomènes nouveaux (un patient qui ne tarde pas à arriver, qui se multiplie avant même de quitter les couches et de parler, qui a des parents qui croient à une prophylaxie psychologique) et, surtout, devant le désenchantement de cet espace intersubjectif de la clinique comme un territoire de dévoilement de l’existence et de l’analyse de la psyché, soit d’une psycho-analyse.
J’écris à partir de mon expérience de clinicienne rythmée par la cadence de la psychanalyse, donc des expressions de l’inconscient et de l’imaginaire, intervention certes plus privée que publique, cependant engagée, davantage politique, quoique plutôt micro-politique que stéréotypé.
Je souhaite alors transposer la plainte parentale comme le pivot qui justifie une interview psychologique qui m’apporterait un nouveau travail analytique. Ainsi, j’accorde mon écoute par l’assimilation de ce qui concerne l’imaginaire de la famille et de l’école entourant le sujet qui arrive à mon cabinet comme un « patient supposé », socialisant son symptôme. Je souligne l’excitation advenue d’une démarche de l’écoute qui accueille les multiples dimensions de la psychanalyse, relevant les encadrements réducteurs d’une clinique construite pour habiter les quatre murs d’un cabinet. Imaginant / (re-)traitant le patient dans le monde et admettant la résonance des aigreurs trans-générationnelles, la clinique exige par conséquent des histoires, des géographies, des cartographies.
Car la clinique, pour ainsi dire, n’est plus le seul cabinet, lieu des conseils, des références/révérences très doctes, et devient un conservatoire/observatoire des expressions des modes de vie et du vivre ensemble, où sujet et société deviennent à leur tour des instances que l’on ne peut plus dissocier. Je refuse donc le rôle du maître qui renforce des aspects universels du développement de l’enfant, surtout ceux qui les marient avec la culture de la performance et de la stimulation cognitive devant aboutir à un meilleur développement (j’emploie ce mot en tant qu’un but capitaliste) de l’enfant, comme s’il se réduisait à une unité cognitive.
Je ferais ainsi objection à l’uniformisation et à l’instruction des symptômes d’une pratique (la clinique) qui se fonde sur le pouvoir et que fabrique du savoir au nom de la rétro-alimentation du « savoir-pouvoir-faire ». Je problématise la qualité de la venue de ce petit patient réduit à un porteur de troubles. J’occupe la place et les cycles, demandant l’autre et de l’autre, afin de comprendre ces impasses.
Quelqu’un me disait récemment : « le cerveau est devenu le nombril de la clinique ». D’où vient cela ? Qu’était donc ce cerveau d’autrefois devenu le nombril ? Doit-on alors considérer que, à propos de l’imaginaire social et des dynamiques du secret, cette thématique gagne de la force par la déconstruction des schèmes utilitaristes et simplistes ?
Grandir et prendre du corps demande de la libido, celle-ci secoue le sujet dans son histoire provoquant des impressions sensorielles distinctes de même qu’un engagement social voué plutôt à un « nous », des forces nécessaires à ce que l’expérience humaine ne se réduise pas à l’hyperactivité ou à l’apathie.
L’inévitable croissance perçue par M. comme pur déplacement pulsionnel était sujette aux excitations et aux hésitations de ce sujet, à des rencontres et des rencontres manquées, à ses propres secrets. Référé à la vie de relation et à sa propre condition d’être vivant, il s’agissait d’une perpétuelle tentative d’ébat avec le temps, les personnes, les imaginaires cliniques qui l’entouraient.
M. était essentiellement action, mouvement et spéculation – mercure fuyant. Mais ce fut précisément cette tension qui a fait ce sujet marcher, hausser le labyrinthe, s’activer. Plus tard, cette même tension/profusion (imaginaire) inquiétante exigera le repos et les retrouvailles avec ses entrailles, ces étranges entrailles. C’est là l’espace potentiel où son secret (ainsi que celui de chacun de nous) doit habiter.
La fonction de la fantaisie comme espace imaginaire potentiel dans la formation de l’analyste
L’émergence d’une nouvelle clinique est toujours indissociable de son contexte historique et social, l’épistémè de la subjectivité de l’enfant dans la profusion psycho-pathologique admet le sentiment de vulnérabilité qui traverse notre société, poursuivant nos défenses, imbriquant les rapports par les représentations des risques et des soins personnels.
Si, autrefois, la pédagogie de l’enfance embrassait le projet de construction d’un être supérieur par son orthodoxie et sa prophylaxie (ce fut l’idéal de l’école moderne), la fluidité des temps post-modernes adopte la « clinique action » comme ressource de la stratégie de reprise du sujet ayant fait faillite. La question manque de faire allusion à ce qu’il supposait contenir, c’est-à-dire, la nature de son essence et de son expérience en tant qu’homme pour cela même qu’il contient (aussi bien comme fluide corporel-clé que de la chimie essentielle le contenant).
On ne doute pas que les instruments et la culture de la mensuration/classification élaborée depuis des siècles – de la pédagogie à la psychologie jusqu’à la neuropédiatrie – soient mis en jeu dans l’expérience de l’enfant post-moderne comme des dispositifs de l’organisation sociale.
Dans ce sens, on cherche à mettre en évidence comment certaines significations imaginaires de l’enfance contemporaine embrassent une complexe ingénierie de sens dans laquelle la conception d’une enfance phasique et/ou d’apparat cognitif actif des formes du vivre ensemble et d’investissement pour l’enfant, toutes étant des représentations cohérentes avec une logique d’ensemble et identitaire, toujours référée par l’autre, par l’adulte et par la société au nom d’un imaginaire social actif.
Attentive au crépuscule des processus de production de subjectivité, des pratiques, des théories, nous nous intéressons davantage au noyau de ces faits, beaucoup moins à celui de ses effets-symptômes (et/ou troubles). Bref, nous nous installons dans une pratique clinique qui admet une force créatrice qui produit et incite cette forme de lien social.
Nous parlions d’un noyau relativement commun, magmatique, d’une masse de signification qui se déplace dans le temps entraînant des croyances, fondant des paradigmes qui activent de nouvelles formes d’être et de vivre ensemble. Nous parlions d’un imaginaire social, d’un lien pulsionnel actif et large, d’une force donc qui intègre et détermine des perceptions, des intentions et des actions dans le cours de l’histoire.
Car c’est cette force vitale, le magma qui vitalise ces liens et qui fonde des institutions, qui contient aussi le vieux sédimenté dans le nouveau, marquant le tissu social comme espace aussi bien de répétition que de création. L’enfance doit par conséquent être contemplée comme institution fondée dans un temps historique chargé d’attentes et de valeurs propres à lui, dans lequel le corps de l’enfant, capturé par un imaginaire social d’époque, fonde le champ de l’enfant comme un espace de quadrillage, développement, de disciplinarisation.
Nous avançons le concept d’imaginaire pour légitimer des actions sur le développement humain et sur sa cognition même. C’est en parcourant ces chemins que nous pourrons contempler le lien parents-spécialistes et proposer de nouvelles directions à une pratique que emprisonne l’expérience de l’enfant et qui, en dernière instance, ségrégue l’enfant de la société, lui conférant un apprivoisement par le statut même de troublé.
À travers ces significations imaginaires de l’enfance contemporaine, qui constituent mon objet d’étude et de réflexion, j’espère pouvoir contribuer non seulement avec la décantation de ce processus de production de la subjectivité dé-calquée dans le corps mais aussi à ajouter à la recherche sociale les impasses inhérentes au travail avec la dimension imaginaire et secrète, des puissances qui ne peuvent pas être exclues de tout travail de terrain, suggérant des actions qui incorporent les notions de densité, d’intensité et de complexité comme des conditions inhérentes elles aussi au travail théorique/méthodologique avec les significations et des cartographies. Cette démarche méthodologique doit par conséquent inclure la participation du corps, du psychisme inconscient et de la conscience de façon indissociable dans le processus d’appréhension et de construction de la réalité.
Le dualisme cartésien qui a fondé la modernité a rendu possible la création de la science moderne et avec ceci le progrès scientifique-technologique des derniers siècles. Il s’agit évidemment d’une conquête humaine à laquelle nous ne pouvons pas renoncer. Mais le dualisme qui l’a portée fut également responsable pour l’unilatéralité de notre manière de penser la vie, une unilatéralité responsable du réductionnisme de nos conceptions ontologiques, épistémologiques et anthropologiques.
Le rôle de la raison doit par conséquent être de redimensionner. Insistant sur l’image de l’alchimiste bachelardien, je cite : « lui qui substantialise tous ses rêves, qui réalise aussi bien ses défaites que ses espoirs forme ainsi de véritables anti-éléments » (Bachelard, 1990 [1948], p. 56-57). C’est pourquoi il est nécessaire d’insister sur l’insertion de la raison dans la complexité des facultés humaines (imaginaires) pour aborder le réel et la vie, la réalité. Ainsi, il faut rendre à la science (ici, la science psy et en particulier la clinique) la complexité des formes par lesquelles nous appréhendons la réalité que seul l’homme est capable de produire/inventer. Enfin, identifiée avec le petit M., je souligne que je suis moi même à la recherche de celles et ceux des mes lecteurs et de mes lectrices voulant m’aider à trouver le chemin voire à me dé-vier de la vie. Et celles-là et ceux-là auront peut-être de la chance car je suis moi même une psychanalyste brésilienne angoissée qui a besoin de lumière ─ si je partage ce secret c’est qu’il est au cœur de ma réflexion.
La fonction de la littérature comme espace potentiel pour le travail de l’analyste ou le voyage de M. à son centre
Je trouve dans les mots de Bachelard (1990) quelques explications à ce que j’expérimente à travers le travail avec les fantaisies et les fictions des enfants :
Toutes les grandes forces humaines, quand même elles se manifestent à l’extérieur, sont imaginées dans une intimité […] Les images de la forme et de la couleur peuvent très bien être des sensations transformées. Les images matérielles nous enveloppent dans une affectivité plus profonde, puis qu’elles prennent leurs racines dans les couches les plus profondes de l’inconscient. Les images matérielles substantialisent un intérêt. […] À partir de cette volonté de regarder l’intérieur des choses, de regarder ce que l’on ne voit pas, ce que l’on ne doit pas voir, se forment d’étranges rêveries tendues. (1990 [1948], p. 2-5)
Il n’y a pas d’enfant qui ne désire pas regarder l’intérieur d’un jouet. Afin de satisfaire une telle curiosité ça vaut la peine de le casser, d’en enlever sa fonction de jouet clivé industriellement. L’inconscient s’exprime ainsi. Il a besoin de déborder, de jaillir des entrailles, du centre de ce que l’on identifie comme la terre, la fonction materne.
Le livre préféré de M., Le Voyage au centre de la terre, la fiction qui a fait apporter l’avalanche de son besoin de s’exprimer soi-même fut ainsi un dispositif analytique central pour l’élaboration d’une expérience d’angoisse pétrifiante. D’ailleurs, il faut dire et souligner que les enfants angoissent malgré les discours naïfs qui entourent l’enfance.
Les angoisses peuvent être mouvantes, é-mouvantes, terriennes, éthérées, fictionnelles, dys-fonctionelles, fonctionnelles… Et l’homme, je le crois, est peut-être quelqu’un de condamné à parler et au-delà, à écrire. La genèse de la culture, il me semble, s’ancre dans ce présupposé. L’état naît avec le passage incarné dans le père vers la loi « écrite », vers la loi « fonction ». L’écriture, pour cela même, consiste à décréter la mort du réel. Quand nous disons réel, nous le remplaçons, nous le dispensons. La psychanalyse est un espace-pratique qui peut rendre possible ce passage nécessaire.
Avec M., ses fantaisies et ses fictions, j’ai dû relever le défi d’exploiter des méandres où aucun bateau n’avait jamais encore mouillé. Par le biais de ma présence et mes efforts pour l’écouter, M. fut rendu plus fort par la possibilité de vivre par projection ses fictions et fantaisies, échappant ainsi à un encadrement pathologique. Car son écriture fut comprise selon d’autres paramètres. Littéralisons la clinique et l’écoute. Rendons vitales nos pratiques re-traitant ce qui sans cette démarche risquerait de redonder en fiction, forclusion, psychose.
Références bibliographiques
Aulagnier, Piera, Um intérprete em busca de sentido, São Paulo, Editora Escuta, 1990. [Un interprète en quête du sens, Paris, Payot, 1991]
Bachelard, Gaston, A terra e os devaneios do repouso: Ensaios sobre as imagens da intimidade, São Paulo, Martins Fontes, 1990. [La terre et les rêveries du repos. Essais sur l’imagination de l’intimité, Paris, José Corti, 1948]
Adriana Carrijo
Universidade Federal do Rio de Janeiro, Brasilia
adrianacarrijo@terra.com.br
Fantasy and Fiction: Notes on a Clinical Case
Abstract: This text aims at retracing the memory of a psychoanalytical cure of a child by approaching the dimensions of fantasy and fiction. It relies on a very specific psychoanalytical procedure, i.e. the clinical practice. In a message the child wrote to her analyst, where she reveals her anxiety, we found elements from her reading experience of a piece of writing by Jules Verne. The novel allowed the child to tell his fears. Literature here is assured as a resource which makes possible the communication between fiction and fantasy and as a sine qua non condition to overcome the anxiety.
Keywords: Fantasy; Fiction; Jules Verne; Child Analysis.
« Tout ce qu’un homme est capable d’imaginer, d’autres hommes sont capables de réaliser » (Jules Verne)
La relation entre la « fantaisie » et la fiction me conduit, en tant que psychanalyste, à convoquer des ressources pour re-traiter, c’est-à-dire, reprendre, traiter à nouveau, la fonction que la « fantaisie » tient dans le travail clinique avec les enfants, cette fonction-puissance qui incite la capacité analytique à prendre son envol, à rechercher ses inculcations, ses ancrages, ses plis. Je préfère ici le terme français « fantaisie » à phantasme, qui traduit le concept freudien de Fantaisie tout en le rapprochant de son sens d’imagination créatrice, débridée, des fantaisies de l’enfant.
La « fantaisie » débouche toujours dans le concret d’un fait, d’un conte, d’une trace. Par la « fantaisie » le travail de l’analyste se soutient comme un travail avec le mystère de l’humain, avec sa singularité plurielle et démultipliée dans des objets représentés par elle. La « fantaisie » est ainsi la puissance en soi, ce qui meut et é-meut, la puissance qui fait l’éloge de l’existence, qui lui donne un corps.
Pour la psychanalyse, il n’y a pas de moi qui se constitue sans le refoulement et la « fantaisie ». La fonction du refoulement serait ainsi restrictive et adaptative : ce serait le prix à payer pour la névrose ordinaire. L’une des fonctions de la « fantaisie », qui est scénique dans sa nature même, serait ainsi la possibilité de donner de la substance à des pensées et des actions, c’est-à-dire qu’elle est l’expression maximale de la singularité et de l’altérité ou encore la condition même de l’émergence d’un sujet.
Ainsi, même si l’émergence de ce sujet requiert un clivage culturel, ce serait face à l’inévitable tension établie entre la culture et ses entrailles, ces étranges entrailles, qui le rendraient un sujet singulier. Par conséquent, tantôt comme le sujet de l’énoncé, tantôt comme sujet caché, soit dans les espaces publiques, soit dans des espaces secrets, se mettrait en scène la dynamique pendulaire de l’existence.
Il y a quelques années, j’ai reçu un enfant porté par la « fantaisie » ou plutôt par la rêverie. Son imagination très active et sa capacité à se traduire à travers ce qui la nourrissait comme lecture m’ont fort impressionnée. Ce fut à cette occasion que je suis entrée en contact avec certains romans de Jules Verne (1828-1905), notamment l’ouvrage Voyage au centre de la terre, de 1864.
Je relève donc cet espace-« fantaisie » par le biais de ce que j’ai pu essayé alors que j’écoutais analytiquement M.. Je pars d’un mot qu’il m’a adressée, intitulé « Voyage à mon centre ». Dans ce brouillon, M. écrivit :
Qu’est-ce qui me traverse ? Qui suis-je réellement ? Il est difficile de répondre mais je crois que je suis un autre. Oui, je crois être une autre personne. Parce que quelque chose me dit que je ne suis pas nerveux. Il me semble que cet autre gamin appelé M. n’est pas impulsif, anxieux, curieux. Il semble que chez lui il y a un autre moi, différent de lui et qui le rend différent, ce qui le différencie de sa nature. Sa nature est une nature déséquilibrée. Mais, dans son for intérieur des voix disent qu’il peut changer. Alors je me demande : qu’y a-t-il dans ma vie, du succès ou de la défaite ? Il me semble difficile de répondre à cette question, mais je pense que le chemin de la perte me possède. Pourquoi dans tous les lieux par où je passe il arrive des problèmes, à l’école, chez moi… ? Pourquoi il n’y a pas un jour où je puisse être tranquille ? Qui voudra me montrer le chemin de la vie aura de la chance parce que je suis un gamin angoissé qui a besoin de lumière. Ben, l’épisode d’aujourd’hui en reste là, mais je cherche toujours un chemin dans cette aventure appelée « voyage dans mon centre ».
Les dynamiques d’introversion décrites par le petit M. m’ont amenée alors à ancrer son traitement dans le texte de Bachelard (1990 [1948]) où l’auteur souligne que « le repliement sur soi ne peut pas toujours rester abstrait. Il prend des allures de l’enroulement sur soi-même, d’un corps qui devient objet pour soi-même, qui se touche soi-même » (Bachelard, 1990 [1948], p.4.)
En effet, dans le mot secret de cet enfant, tout se vaut : il se dédouble, il clive son existence, il avoue son angoisse. Il craint se perdre dans un labyrinthe qui est, à la fois, la métaphore et l’image de son propre inconscient. Effrayé, l’enfant appelle le chemin de la perte y voyant quelque chose d’intrinsèque à cette dynamique qui fait que tantôt l’on possède un inconscient tantôt c’est lui qui nous possède, accomplissant ainsi la dynamique pendulaire de l’existence.
De cet ébat résulterait une forme, une esthétique existentielle qui traverse sa vie animique, établissant les conditions de sa relation avec autrui et le monde, de sa mise en possession de soi, et d’appartenance. Ainsi, ce serait par l’impossibilité de capturer l’objet dans son caractère ontique que M. transfigurerait cet objet en quelque chose d’inhérent à soi. Et c’est précisément face à cette complexité animique que Bachelard se rend à l’imagination et à l’imaginaire. C’est donc devant cet imaginaire à profusion que nous produisons les plis qui abriteront nos secrets les plus intimes, légitimant l’idéal de repos tant vanté par cet auteur.
Dans la tentative de trouver des pistes pour (dé)vier M., je regarde vers l’extérieur essayant de cartographier le monde. Je vois des choses, des corps. M. est arrivé dans mon cabinet avec un diagnostic de hyperactivité, un diagnostic psychique courrant dans les années 1990. Peut-être au moment où j’écris ce texte, en 2014, les spécificités de son comportement et de son écriture seraient-elles interprétées comme de l’autisme. Il y aurait-il l’influence d’un« fluide corporel caché » qui l’accélérait ? C’était le raisonnement médical de l’époque.
Mais comme cela ne me semblait pas suffire, M. cultivait l’habitude de se cacher, de fuir et de parler peu. Cependant M. écrivait. Il écrivait sa vie sous un format épisodique où tantôt il soulignait tantôt il cachait la réalité selon ses désirs les plus intimes et secrets.
Bachelard (1990 [1948], p. 9) avait déjà observé que “cacher est une fonction primaire de la vie. C’est un besoin lié à l’économie, à la constitution des réserves. Et l’intérieur a (aurait) des fonctions de trêve si évidentes que pour classer les rêves d’intimité l’on doit (devrait) donner la même importance à un éclaircissement et à un obscurcissement.
Qu’est-ce donc que l’esthétique de l’hyperactivité de M. cachait ? Qu’est-ce qui aboutirait à une déambulation vide sinon à une tentative de vider l’excès d’angoisse intrinsèque au vivre ? Ne seraient-ils plutôt ces mots cachés et assez ludiques de M. qui ouvriraient la voie jusqu’aux entrailles ? Sans l’espace d’accueil et de compréhension ouvert dans le monde, ce corps serait-il condamné à se dépenser pulsionnellement allant dans tous les sens, faisant allusion à ses déambulations ?
Pour moi, le corps de M. n’a jamais été purement biologique. En effet, le corps comme expression d’une condition auto-poïétique acquiert, à travers les devenirs historiques et sociaux, la capacité de refouler et d’imaginer, ces forces dynamisant plutôt la puissance imaginative/créatrice, menant le sujet à une certaine dé-sujection, dé-sujection nécessaire aux ébats de la vie des relations. Néanmoins, cette vision du corps et surtout cette pratique psychanalytique ne deviennent possibles que par le biais du dialogue avec d’autres disciplines. Autrement on retirerait du cœur de la fabrication des concepts, y compris, pourquoi pas, ceux de la psychanalyse, des explications mirobolantes pour de nouveaux et de vieux symptômes, laissant à l’hyperactivité de M. un seul « nouveau » diagnostic, proche de l’ « angoisse motrice » ou de l’ « angoisse de duplication ».
Hélas, le corps est au cœur des réflexions/interventions cliniques. Le corps seul. Seul le corps. Le corps nu et sans plis. Le corps des-imaginé, dés-imaginant, sans secrets, plein d’accès, de bio-ascèses. Que révèle donc ce corps de notre société ? Dans ce sens, j’en viens plus précisément à la clinique d’enfant post-moderne.
Le contexte psycho-clinique post-moderne de l’enfant ou psychanalyser les enfants dans la post-modernité
Glisser de la scène analytique et de la relation duelle avec mon patient de moins de 10 ans, aller au delà des quatre murs de mon cabinet pour exploiter le décor post-moderne que nous habitons, dévoile à la psychologue clinique et éducationnelle que je suis, de nouvelles formes de constitution/construction subjective à partir de la constatation, pas si évidente, qu’un enfant grandit.
Un appel de plus pour enquêter plus soigneusement les névroses mondaines ne surviendrait pas comme forme impérative au psychanalyste, l’exercice clinique et réflexif attestant la porosité de cet espace envahi par l’avalanche de psychopathologies et de stratégies de réduction des vicissitudes psychiques aux seules déterminations synaptiques, ainsi que par l’essor d’un « marché psy » florissant (je pense à la psychomotricité entre autres) vidant doublement le sujet, le moulant tantôt comme marchandise tantôt comme consommateur des traitements à la mode.
Je parle de la sophistication des théories, du foisonnement des spécialisations pour les « tuteurs de l’enfant », des interventions absurdement précoces, de l’alliance école-clinique et de ce sujet-produit incarnant la typologie offerte à la description, à l’information, aux traitements. C’est que de cette ingénierie jaillissent désormais des sujets non attentifs, hyperactifs, dyslexiques, défiants-opposants. Surgissent également des cliniciens croyant avoir appris une théorie capable de décanter l’impossible, l’impossible de la nature humaine, le fuyant mercure des alchimistes.
La nature humaine, surtout la nature de l’enfant, m’a toujours paru essentiellement hyperactive, attentive à ce qui réveille le désir, défiant les lexiques, s’opposant aux canevas (y compris ceux de Piaget). Quelle substance ces tuteurs post-modernes cherchent-ils alors à trouver ?
Bachelard (1990 [1948], p. 56) nous vient au secours rappelant que « l’alchimiste, dans ses méditations, croit avoir isolé la substance de la monstruosité. Mais l’alchimiste est un esprit élevé. Il laisse aux sorcières la tâche de la quintessence du monstrueux. La sorcière à son tour ne travaille que dans les royaumes animal et végétal. Elle ne connaît pas (ne connaîtrait pas) l’intimité la plus grande du mal, celle qui s’insère dans le minéral perverti ». (p. 56).
Ainsi, je reconnais que le propre de l’enfance est d’être aussi fuyante que le mercure et ceci me met sur la voie pour comprendre le « voyage » épisodique de M. à chaque fuite, car un secret caché (où ? pourquoi ? avec qui ?) revient à chaque retour, un secret dévoilé par écrit, une élaboration à sa manière, de façon épisodique. Alors que le corps de M. comme celui de tant d’enfants se trouve au cœur des discussions cliniques, devient la proie de nouveaux alchimistes qui croient avoir isolé la substance (secrète) de la monstruosité.
Mais qu’est-ce qui veut déterminer cette réduction du corps à sa dimension biologique ? Pourquoi c’est le discours « cérébral » qui prend le devant de la scène post-moderne ? Cet organe, si vanté par le mystérieux agglomérat de jus et de tours qui le forme (ce qui se donne tout à fait à une imagination anatomique), pourquoi cet objet intéresserait un regard scientifique qui prétend que la vérité soit posée sur un champ spécifique, que son regard puisse tout voir ?
Si je suis ce raisonnement, l’enfant ne serait-il traversé par les « régimes de vérité », construits sur le présupposé scientifique qui conçoit l’essentiel comme quelque chose d’intrinsèque/nucléaire, toujours passif au regard du chercheur qui le traque « dans le dedans », à l’intérieur d’une vérité ou d’un paradigme dominant, comme s’il pouvait être dissocié des paramètres historiques et des inattendus ?
De fait, quand j’ai fini mes études, à la fin des années 1990, je portais en moi la certitude et la direction d’un certain raffinement de l’écoute et de l’attention qui mettait en valeur le lien et le transfert mais surtout ma formation m’a amenée à supporter la résistance ou l’intervention des parentes. Désormais, j’avoue me trouver devant des phénomènes nouveaux (un patient qui ne tarde pas à arriver, qui se multiplie avant même de quitter les couches et de parler, qui a des parents qui croient à une prophylaxie psychologique) et, surtout, devant le désenchantement de cet espace intersubjectif de la clinique comme un territoire de dévoilement de l’existence et de l’analyse de la psyché, soit d’une psycho-analyse.
J’écris à partir de mon expérience de clinicienne rythmée par la cadence de la psychanalyse, donc des expressions de l’inconscient et de l’imaginaire, intervention certes plus privée que publique, cependant engagée, davantage politique, quoique plutôt micro-politique que stéréotypé.
Je souhaite alors transposer la plainte parentale comme le pivot qui justifie une interview psychologique qui m’apporterait un nouveau travail analytique. Ainsi, j’accorde mon écoute par l’assimilation de ce qui concerne l’imaginaire de la famille et de l’école entourant le sujet qui arrive à mon cabinet comme un « patient supposé », socialisant son symptôme. Je souligne l’excitation advenue d’une démarche de l’écoute qui accueille les multiples dimensions de la psychanalyse, relevant les encadrements réducteurs d’une clinique construite pour habiter les quatre murs d’un cabinet. Imaginant / (re-)traitant le patient dans le monde et admettant la résonance des aigreurs trans-générationnelles, la clinique exige par conséquent des histoires, des géographies, des cartographies.
Car la clinique, pour ainsi dire, n’est plus le seul cabinet, lieu des conseils, des références/révérences très doctes, et devient un conservatoire/observatoire des expressions des modes de vie et du vivre ensemble, où sujet et société deviennent à leur tour des instances que l’on ne peut plus dissocier. Je refuse donc le rôle du maître qui renforce des aspects universels du développement de l’enfant, surtout ceux qui les marient avec la culture de la performance et de la stimulation cognitive devant aboutir à un meilleur développement (j’emploie ce mot en tant qu’un but capitaliste) de l’enfant, comme s’il se réduisait à une unité cognitive.
Je ferais ainsi objection à l’uniformisation et à l’instruction des symptômes d’une pratique (la clinique) qui se fonde sur le pouvoir et que fabrique du savoir au nom de la rétro-alimentation du « savoir-pouvoir-faire ». Je problématise la qualité de la venue de ce petit patient réduit à un porteur de troubles. J’occupe la place et les cycles, demandant l’autre et de l’autre, afin de comprendre ces impasses.
Quelqu’un me disait récemment : « le cerveau est devenu le nombril de la clinique ». D’où vient cela ? Qu’était donc ce cerveau d’autrefois devenu le nombril ? Doit-on alors considérer que, à propos de l’imaginaire social et des dynamiques du secret, cette thématique gagne de la force par la déconstruction des schèmes utilitaristes et simplistes ?
Grandir et prendre du corps demande de la libido, celle-ci secoue le sujet dans son histoire provoquant des impressions sensorielles distinctes de même qu’un engagement social voué plutôt à un « nous », des forces nécessaires à ce que l’expérience humaine ne se réduise pas à l’hyperactivité ou à l’apathie.
L’inévitable croissance perçue par M. comme pur déplacement pulsionnel était sujette aux excitations et aux hésitations de ce sujet, à des rencontres et des rencontres manquées, à ses propres secrets. Référé à la vie de relation et à sa propre condition d’être vivant, il s’agissait d’une perpétuelle tentative d’ébat avec le temps, les personnes, les imaginaires cliniques qui l’entouraient.
M. était essentiellement action, mouvement et spéculation – mercure fuyant. Mais ce fut précisément cette tension qui a fait ce sujet marcher, hausser le labyrinthe, s’activer. Plus tard, cette même tension/profusion (imaginaire) inquiétante exigera le repos et les retrouvailles avec ses entrailles, ces étranges entrailles. C’est là l’espace potentiel où son secret (ainsi que celui de chacun de nous) doit habiter.
La fonction de la fantaisie comme espace imaginaire potentiel dans la formation de l’analyste
L’émergence d’une nouvelle clinique est toujours indissociable de son contexte historique et social, l’épistémè de la subjectivité de l’enfant dans la profusion psycho-pathologique admet le sentiment de vulnérabilité qui traverse notre société, poursuivant nos défenses, imbriquant les rapports par les représentations des risques et des soins personnels.
Si, autrefois, la pédagogie de l’enfance embrassait le projet de construction d’un être supérieur par son orthodoxie et sa prophylaxie (ce fut l’idéal de l’école moderne), la fluidité des temps post-modernes adopte la « clinique action » comme ressource de la stratégie de reprise du sujet ayant fait faillite. La question manque de faire allusion à ce qu’il supposait contenir, c’est-à-dire, la nature de son essence et de son expérience en tant qu’homme pour cela même qu’il contient (aussi bien comme fluide corporel-clé que de la chimie essentielle le contenant).
On ne doute pas que les instruments et la culture de la mensuration/classification élaborée depuis des siècles – de la pédagogie à la psychologie jusqu’à la neuropédiatrie – soient mis en jeu dans l’expérience de l’enfant post-moderne comme des dispositifs de l’organisation sociale.
Dans ce sens, on cherche à mettre en évidence comment certaines significations imaginaires de l’enfance contemporaine embrassent une complexe ingénierie de sens dans laquelle la conception d’une enfance phasique et/ou d’apparat cognitif actif des formes du vivre ensemble et d’investissement pour l’enfant, toutes étant des représentations cohérentes avec une logique d’ensemble et identitaire, toujours référée par l’autre, par l’adulte et par la société au nom d’un imaginaire social actif.
Attentive au crépuscule des processus de production de subjectivité, des pratiques, des théories, nous nous intéressons davantage au noyau de ces faits, beaucoup moins à celui de ses effets-symptômes (et/ou troubles). Bref, nous nous installons dans une pratique clinique qui admet une force créatrice qui produit et incite cette forme de lien social.
Nous parlions d’un noyau relativement commun, magmatique, d’une masse de signification qui se déplace dans le temps entraînant des croyances, fondant des paradigmes qui activent de nouvelles formes d’être et de vivre ensemble. Nous parlions d’un imaginaire social, d’un lien pulsionnel actif et large, d’une force donc qui intègre et détermine des perceptions, des intentions et des actions dans le cours de l’histoire.
Car c’est cette force vitale, le magma qui vitalise ces liens et qui fonde des institutions, qui contient aussi le vieux sédimenté dans le nouveau, marquant le tissu social comme espace aussi bien de répétition que de création. L’enfance doit par conséquent être contemplée comme institution fondée dans un temps historique chargé d’attentes et de valeurs propres à lui, dans lequel le corps de l’enfant, capturé par un imaginaire social d’époque, fonde le champ de l’enfant comme un espace de quadrillage, développement, de disciplinarisation.
Nous avançons le concept d’imaginaire pour légitimer des actions sur le développement humain et sur sa cognition même. C’est en parcourant ces chemins que nous pourrons contempler le lien parents-spécialistes et proposer de nouvelles directions à une pratique que emprisonne l’expérience de l’enfant et qui, en dernière instance, ségrégue l’enfant de la société, lui conférant un apprivoisement par le statut même de troublé.
À travers ces significations imaginaires de l’enfance contemporaine, qui constituent mon objet d’étude et de réflexion, j’espère pouvoir contribuer non seulement avec la décantation de ce processus de production de la subjectivité dé-calquée dans le corps mais aussi à ajouter à la recherche sociale les impasses inhérentes au travail avec la dimension imaginaire et secrète, des puissances qui ne peuvent pas être exclues de tout travail de terrain, suggérant des actions qui incorporent les notions de densité, d’intensité et de complexité comme des conditions inhérentes elles aussi au travail théorique/méthodologique avec les significations et des cartographies. Cette démarche méthodologique doit par conséquent inclure la participation du corps, du psychisme inconscient et de la conscience de façon indissociable dans le processus d’appréhension et de construction de la réalité.
Le dualisme cartésien qui a fondé la modernité a rendu possible la création de la science moderne et avec ceci le progrès scientifique-technologique des derniers siècles. Il s’agit évidemment d’une conquête humaine à laquelle nous ne pouvons pas renoncer. Mais le dualisme qui l’a portée fut également responsable pour l’unilatéralité de notre manière de penser la vie, une unilatéralité responsable du réductionnisme de nos conceptions ontologiques, épistémologiques et anthropologiques.
Le rôle de la raison doit par conséquent être de redimensionner. Insistant sur l’image de l’alchimiste bachelardien, je cite : « lui qui substantialise tous ses rêves, qui réalise aussi bien ses défaites que ses espoirs forme ainsi de véritables anti-éléments » (Bachelard, 1990 [1948], p. 56-57). C’est pourquoi il est nécessaire d’insister sur l’insertion de la raison dans la complexité des facultés humaines (imaginaires) pour aborder le réel et la vie, la réalité. Ainsi, il faut rendre à la science (ici, la science psy et en particulier la clinique) la complexité des formes par lesquelles nous appréhendons la réalité que seul l’homme est capable de produire/inventer. Enfin, identifiée avec le petit M., je souligne que je suis moi même à la recherche de celles et ceux des mes lecteurs et de mes lectrices voulant m’aider à trouver le chemin voire à me dé-vier de la vie. Et celles-là et ceux-là auront peut-être de la chance car je suis moi même une psychanalyste brésilienne angoissée qui a besoin de lumière ─ si je partage ce secret c’est qu’il est au cœur de ma réflexion.
La fonction de la littérature comme espace potentiel pour le travail de l’analyste ou le voyage de M. à son centre
Je trouve dans les mots de Bachelard (1990) quelques explications à ce que j’expérimente à travers le travail avec les fantaisies et les fictions des enfants :
Toutes les grandes forces humaines, quand même elles se manifestent à l’extérieur, sont imaginées dans une intimité […] Les images de la forme et de la couleur peuvent très bien être des sensations transformées. Les images matérielles nous enveloppent dans une affectivité plus profonde, puis qu’elles prennent leurs racines dans les couches les plus profondes de l’inconscient. Les images matérielles substantialisent un intérêt. […] À partir de cette volonté de regarder l’intérieur des choses, de regarder ce que l’on ne voit pas, ce que l’on ne doit pas voir, se forment d’étranges rêveries tendues. (1990 [1948], p. 2-5)
Il n’y a pas d’enfant qui ne désire pas regarder l’intérieur d’un jouet. Afin de satisfaire une telle curiosité ça vaut la peine de le casser, d’en enlever sa fonction de jouet clivé industriellement. L’inconscient s’exprime ainsi. Il a besoin de déborder, de jaillir des entrailles, du centre de ce que l’on identifie comme la terre, la fonction materne.
Le livre préféré de M., Le Voyage au centre de la terre, la fiction qui a fait apporter l’avalanche de son besoin de s’exprimer soi-même fut ainsi un dispositif analytique central pour l’élaboration d’une expérience d’angoisse pétrifiante. D’ailleurs, il faut dire et souligner que les enfants angoissent malgré les discours naïfs qui entourent l’enfance.
Les angoisses peuvent être mouvantes, é-mouvantes, terriennes, éthérées, fictionnelles, dys-fonctionelles, fonctionnelles… Et l’homme, je le crois, est peut-être quelqu’un de condamné à parler et au-delà, à écrire. La genèse de la culture, il me semble, s’ancre dans ce présupposé. L’état naît avec le passage incarné dans le père vers la loi « écrite », vers la loi « fonction ». L’écriture, pour cela même, consiste à décréter la mort du réel. Quand nous disons réel, nous le remplaçons, nous le dispensons. La psychanalyse est un espace-pratique qui peut rendre possible ce passage nécessaire.
Avec M., ses fantaisies et ses fictions, j’ai dû relever le défi d’exploiter des méandres où aucun bateau n’avait jamais encore mouillé. Par le biais de ma présence et mes efforts pour l’écouter, M. fut rendu plus fort par la possibilité de vivre par projection ses fictions et fantaisies, échappant ainsi à un encadrement pathologique. Car son écriture fut comprise selon d’autres paramètres. Littéralisons la clinique et l’écoute. Rendons vitales nos pratiques re-traitant ce qui sans cette démarche risquerait de redonder en fiction, forclusion, psychose.
Références bibliographiques
Aulagnier, Piera, Um intérprete em busca de sentido, São Paulo, Editora Escuta, 1990. [Un interprète en quête du sens, Paris, Payot, 1991]
Bachelard, Gaston, A terra e os devaneios do repouso: Ensaios sobre as imagens da intimidade, São Paulo, Martins Fontes, 1990. [La terre et les rêveries du repos. Essais sur l’imagination de l’intimité, Paris, José Corti, 1948]
Entre phantasia et realia. Le visage de l’anthropologie de l’ImaginaireBetween phantasia and realia. The anthropology of imagination
Constantin Mihai
Université Constantin Brâncoveanu, Râmnicu Vâlcea, Roumanie
costimihai1977@yahoo.fr
Entre phantasia et realia.
Le visage de l’anthropologie de l’Imaginaire
Abstract: The anthropology of imagination proposes the continuum and the constituent reference to primordial man in which it originates, starting from a unified centre, the sides of which all send to the mirror, to man in the world. The anthropology of imagination, therefore surpasses the dualistic opposition between the I and the non-I, between body and soul, a consequence of the study of the profane cosmos. The anthropology of imagination does not claim to be a simple collection of images, myths, poetical themes, tropes; rather it seeks to elaborate the picture of man’s hopes and fears. What the anthropology of imagination does is to allow for the recognition, indeed the identification of positive thinking with the mythical one, of mythical thinking with the civilized one. Orientating itself towards the horizon of a universal meaning, the anthropology of imagination manages to reconcile the archaeological with the eschatological, the existence of the archetypical limits, of the individual and collective behaviour with the spiritual creative freedom.
Keywords: Anthropology; Imagination; Duality; Myth; The Sacred; Archetypes.
L’anthropologie de l’Imaginaire a renouvelé les recherches académiques en étendant l’étude du dynamisme imaginatif non seulement dans toutes ses expressions religieuses habituelles mais aussi dans toutes les œuvres de l’homme, y compris dans l’histoire et ses philosophies, qui représentent une manifestation de la structure synthétique, la vraie structure historique de l’Imaginaire qui fonctionne dans une logique contradictorielle et dont les invariants créent les synchronismes que les cultures traditionnelles et la Tradition ont valorisés.
Le phénomène religieux a fait également apparaître des activités de mobilisation des images qui dépassent les pouvoirs ordinaires. La mystique a cultivé l’art de rendre sensible le monde surnaturel à travers des visions théologiques, que nous pouvons rattacher à la figuration d’un niveau de réalité ontologique, l’imaginal. Henry Corbin s’oriente dans sa recherche vers le motif exemplaire de « l’homme et son ange », motif d’une anthropologie qui a pour principe une angélologie fondamentale. La figure de l’ange ne cesse de réitérer l’énigme primordiale. L’ange est le thaumaturge et l’archétype de l’humanité, ayant deux ailes: l’une de lumière et l’autre orientée vers les ténèbres.
Nous constatons que l’imaginaire du temps linéaire de l’Europe millénariste joachimite a privilégié la contamination de la culture par une rationalité iconoclaste, par rapport au temps cyclique qui accueille la plupart des grands imaginaires religieux. Ce qui est remarquable dans la théorie de l’Imaginaire d’Eliade et de Corbin, c’est le fait qu’ils arrivent à démontrer que l’Imaginaire dispose d’un illud tempus qui échappe à l’entropie newtonienne.
Le monde de l’Imaginaire mis en évidence par l’étude des religions est un monde spécifique qui est au fondement du monde profane. La réaction des théologiens officiels de l’Église, en dépit de nombreuses réticences d’un Christianisme inquiet d’être dépassé par la modernité, s’est située dans cette tendance de résurrection du symbolique. C’est le cas de Jean Daniélou qui a le grand mérite d’avoir souligné la texture symbolique des religions et, de même, de Jacques Vidal qui a accentué le rapport entre l’homo religiosus et l’homo symbolicus.
L’Imaginaire se manifeste soit sous diverses formes de conduites ou d’aspirations irrationnelles (Bonardel, Bastide), soit sous l’hypostase d’une pédagogie qui est axée sur la resymbolisation des psychismes anémiés (Desoille) ou sur la conceptualisation de la double culture (Morin, Durand). L’Imaginaire, fondée sur la notion de bildung, essaie d’aboutir à une liberté créatrice au lieu d’être abandonné à la fantaisie. L’Imaginaire, dans sa tentative constitutive d’intégrer la raison conceptuelle au mécanisme complexe de la vie des images, s’appuie sur le principe de l’annulation des contraires.
L’Imaginaire culturel suit un trajet anthropologique, repérable dans les limites d’un bassin sémantique propre au cours d’un fleuve. Si l’imaginaire individuel se prête à une mythocritique qui dévoile les grands thèmes d’une œuvre et d’un auteur, selon le principe d’individuation incarné dans les structures, l’Imaginaire collectif se prête à une mythanalyse qui en restitue les unités mythiques.
L’anthropologie de l’Imaginaire substitue délibérément la notion bachelardienne de « profil épistémologique » à celle de « champ épistémologique ». La mise à jour des invariants de l’anthropos exige que l’on se confronte avec tout ce qui, pour les scientistes doit être rejeté, les liens complexes qui unissent l’homme à Dieu. Ceux-ci constituent un référentiel originaire, dont la permanence atteste de leur nature archétypale dynamique.
L’anthropologie de l’Imaginaire cherche, derrière les structures historiques et causales, des noyaux d’images fondatrices. Les anthropologues s’arrêtent trop tôt pour délimiter leur objet. Au lieu de niveler l’homo mythicus, par conversion immédiate du sémantique en syntaxique, de l’image en forme, l’anthropologie de l’Imaginaire constitue une méthodologie qui intègre une herméneutique symbolique et qui par là même ne trahit pas son objet au moment où l’on se le donne comme représentatif de structures mentales.
L’étude de l’homme traditionnel exige une certaine conaturalité entre sa nature et l’instrument de sa description. Quant à la recherche des sens latents, il n’y a aucune régression, mais une adaptation à la nature première de l’homme qui est un «animal symbolique». La méthodologie de toutes les sciences de l’homme est restée victime du rétrécissement post-kantien de l’homme au seul être rationnel. C’est à la connaissance du sujet symbolique, caché dans les structures profondes que sollicite la compréhension de l’homme traditionnel, dont le discours a été réduit à des miettes scientifiques.
L’anthropologie de l’Imaginaire suppose la référence permanente et constitutive à un homme aussi bien primordial que total, en qui s’originent, à partir d’un centre unifié, toutes les facettes qui renvoient, telles au miroir: l’homme au monde, le monde aux dieux et les dieux aux hommes. L’Anthropologie de l’Imaginaire dépasse l’opposition dualiste du Moi et du non-Moi, de l’âme et du corps, conséquence de l’étude du cosmos désacralisé.
S’appuyant sur le présupposé selon lequel la «science sans conscience n’est que ruine de l’âme», l’anthropologie de l’Imaginaire ne met pas l’accent sur l’homme en tant qu’ «épicentre fragile et vide», mais en tant que « lieu de passage où se comprend et se concrétise le secret qui lie la création au Créateur, le secret de Dieu»[1]. L’approche anthropologique de l’Imaginaire se fonde de la sorte sur la démystification de toutes les démythifications qui ont cru pouvoir donner à l’homme moderne la liberté des normes, l’orgueil des victoires par la seule lumière des sciences.
La tâche de l’anthropologue – du spécialiste de la Science de l’Homme – bien démuni de tous les pouvoirs que s’adjugent généreusement les idéologies contemporaines, est-elle à la fois plus modeste et plus fondamentale que celle du prince. Inlassablement contre la marée des modes de l’idéologie et du discours, contre les impérialismes et les monopoles ethnocentristes, il doit, comme Diogène, la lanterne à la main, chercher l’homme véritable, l’Adam éternellement primordial. Et cela sans désespérer de l’efficacité de sa science, car l’homme n’est plus tout à fait «cet inconnu» qu’il était au sortir de la substitution positiviste. Il est scientifiquement permis de «préluder» à cette anthropologie véridique qu’est le Nouvel Esprit Anthropologique. Cette espérance de la science de l’homme apparaît alors, dans un paradoxe qui n’étonnera que les sectateurs attardés du progressisme titanesque, comme une récurrence. Les valeurs, les coutumes, les rites, les mythes, les «leçons» des légendes et des histoires, etc., en un mot toute la Tradition resurgit au cœur même de l’anthropologie[2].
L’anthropologie de l’Imaginaire essaie de déchiffrer les significations profondes du sacré qui sont cachées ou bien «camouflées» dans la structure du profane. Ce type d’anthropologie symbolique offre la possibilité d’envisager une vision plus ample de l’histoire des religions, de la pensée symbolique dans la société traditionnelle qui cherche les signes de la sacralité dans le monde du profane. À partir de la thèse de Mircea Eliade sur la dialectique entre le sacré et le profane, nous pouvons affirmer que l’anthropologie de l’Imaginaire, qui s’appuie sur une herméneutique symbolique, cherche à décrypter les comportements et les situations énigmatiques de l’homme primordial; autrement dit, elle continue à envisager la connaissance de l’homme traditionnel, récupérant et rétablissant tous les sens du symbolique.
L’originalité et l’importance d’une telle démarche résident justement dans la possibilité d’explorer et d’illuminer des univers spirituels qui sont tombés dans l’oubli ou qui sont presque inaccessibles aux non-initiés. L’anthropologue, tout comme l’historien des religions, perçoit la nature du sacré par le biais de la phénoménologie de la manifestation. Il y a une différence bien évidente entre l’approche théologique et l’approche anthropologique. Le théologien oriente son analyse vers le divin, vers sa nature, vers Dieu, s’appuyant sur les données de la Révélation, tandis que l’anthropologue examine la structure et la morphologie de toutes ces manifestations du sacré pour en saisir les contenus. Il ne s’agit donc pas du sacré comme réalité suprême, mais d’un sacré limité par l’acte-même de sa manifestation. L’anthropologue se propose de comprendre la valeur du sacré dans le contexte des hiérophanies redevables aux contraintes spatio-temporelles.
Nous pouvons attribuer à l’anthropologie de l’Imaginaire la tâche d’identifier la présence du transcendant à l’intérieur de l’expérience humaine. Le symbole consiste en un être, en un objet ou en un mythe qui révèle à l’homme primordial la conscience et la connaissance de ses dimensions sociales, en l’aidant à percevoir sa solidarité avec le sacré. Le symbole est apte à dévoiler une modalité du réel ou une structure du monde qui n’est pas visible sur le plan de l’expérience immédiate.
L’anthropologie de l’Imaginaire met l’accent sur la structure et sur la fonction authentique du symbole en tant que prolongement de l’hiérophanie et en tant que forme autonome de révélation. Pour ce type d’anthropologie, la pensée symbolique, qui précède le langage, correspond à la substance de la vie spirituelle. Au fond, le symbole, le mythe et l’image assurent la plénitude de cette vie religieuse. De plus, l’anthropologie de l’Imaginaire ne nie pas les apports de l’histoire ou des sciences humaines – toute l’œuvre de Gilbert Durand en est richement nourrie –, mais elle implique un changement radical de perspective en ce qui concerne la révélation de l’essence humaine.
Nous pouvons découvrir une nature humaine, un noyau commun à tous les hommes si nous ne réduisons pas l’individu à ce qui n’est qu’une part de lui-même. Ainsi se définit un véritable humanisme, grâce à ce que Gilbert Durand nomme un « œcuménisme de l’Imaginaire », qui restitue la vraie figure de l’homme.
L’anthropologie de l’Imaginaire s’oppose à l’historicisme, ce mythe occidental, source d’une fallacieuse idéologie du progrès, celle du temps linéaire et de la mort. La vision des rapports du mythe et de l’histoire, que l’anthropologie de l’Imaginaire propose, est infiniment plus complexe; loin d’être un produit de l’histoire, c’est le mythe qui vivifie l’imaginaire historique et organise les conceptions de l’histoire. Il ne s’agit pas de choisir entre l’histoire et la Tradition, formulation forcément dualiste de la question, mais de préciser les relations entre diachronicités et synchronicités, d’autant plus que les premiers n’ont de sens véritable qu’en référence aux secondes, en vertu du phénomène de récurrence.
D’ailleurs, une anthropologie de l’Imaginaire doit commencer par dégager les « bornes archétypiques » de l’homo sapiens, gages de l’individuation des personnes et de l’harmonie des cités. Il est significatif que, plus que celle de Prométhée ou que celle de Dionysos, c’est la figure d’Hermès qui acquiert la plus grande « prégnance symbolique », car Hermès est justement figure de « récurrence », divinité des « bornes ». Ce nouveau mythe est celui du lien entre les différences, il est celui de l’intercession entre le visible et l’invisible. L’anthropologie de l’Imaginaire est orientée vers l’horizon d’un sens qui, comme les archétypes, ne peut qu’être universel.
C’est pourquoi, l’anthropologie de l’Imaginaire réussit à concilier l’archéologie avec l’eschatologique, l’existence des limites archétypiques, rectrices du comportement individuel et collectif de l’anthropos à la liberté spirituelle créatrice. Le principe du fonctionnement de l’anthropologie de l’Imaginaire est le principe de non-dualité logique. Les implications de cette logique annulent le principe de causalité et tout déterminisme direct. Nous pouvons donc étendre le principe d’antagonisme aux structures du complexe, car toute science est contradiction irréductible entre les catégories du général vers lequel elle tend grâce à la formalisation mathématique, et les catégories du singulier.
L’anthropologie de l’Imaginaire n’a pas pour but d’être seulement une collection d’images, de mythes, de thèmes poétiques, de métaphores, mais de dresser le tableau des espoirs et des craintes de l’homme. C’est pourquoi l’anthropologie de l’Imaginaire permet la reconnaissance, l’identification de la pensée positive à la pensée mythique, et de la pensée mythique à la pensée civilisée, autour d’un noyau commun, celui de l’esprit humain.
Bibliographie
Bastide, Roger, Le Sacré sauvage et autres essais, Paris, Payot, 1975.
Bonardel, Françoise, Philosophie de l’alchimie. Grand Œuvre et modernité, Paris, PUF, 1993.
Corbin, Henry, L’Imagination créatrice dans le soufisme d’Ibn Arabî, Paris, Flammarion, 1958.
Daniélou, Jean, Essai sur le mystère de l’histoire, Paris, Cerf, 1982.
Dubois, Claude-Gilbert, Les mythologies de l’Occident. Les bases religieuses de la culture occidentale, Paris, Ellipses, 2007.
Dubois, Claude-Gilbert, Récits et mythes de fondation dans l’imaginaire occidental, Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, 2009.
Durand, Gilbert, Introduction à la mythodologie. Mythes et sociétés, Paris, Albin Michel, 1996.
Durand, Gilbert, Science de l’homme et tradition. Le Nouvel esprit anthropologique, Paris, Albin Michel, 1996.
Durand, Gilbert, L’imagination symbolique, Paris, PUF, 2003.
Eliade, Mircea, Images et symboles. Essai sur le symbolisme magico-religieux, Paris, Gallimard, 1952.
Lupasco, Stéphane, Logica dinamică a contradictoriului (La Logique dynamique du contradictoire), Bucarest, Éditions Politica, 1982.
Mihai, Constantin, La Logique d’Hermès. Études sur l’Imaginaire, Craiova, Sitech, 2006.
Mihai, Constantin, Gilbert Durand. Les métamorphoses de l’anthropologie de l’Imaginaire, Craiova, Sitech, 2009.
Morin, Edgar, Introduction à la pensée complexe, Paris, ESF, 1990.
Wunenburger, Jean-Jacques, L’Imaginaire, Paris, PUF, 2003.
Wunenburger, Jean-Jacques, Philosophie des images, Paris, PUF, 2007.
Notes
Constantin Mihai
Université Constantin Brâncoveanu, Râmnicu Vâlcea, Roumanie
costimihai1977@yahoo.fr
Between phantasia and realia.
The anthropology of imagination
Abstract: The anthropology of imagination proposes the continuum and the constituent reference to primordial man in which it originates, starting from a unified centre, the sides of which all send to the mirror, to man in the world. The anthropology of imagination, therefore surpasses the dualistic opposition between the I and the non-I, between body and soul, a consequence of the study of the profane cosmos. The anthropology of imagination does not claim to be a simple collection of images, myths, poetical themes, tropes; rather it seeks to elaborate the picture of man’s hopes and fears. What the anthropology of imagination does is to allow for the recognition, indeed the identification of positive thinking with the mythical one, of mythical thinking with the civilized one. Orientating itself towards the horizon of a universal meaning, the anthropology of imagination manages to reconcile the archaeological with the eschatological, the existence of the archetypical limits, of the individual and collective behaviour with the spiritual creative freedom.
Keywords: Anthropology; Imagination; Duality; Myth; The Sacred; Archetypes.
L’anthropologie de l’Imaginaire a renouvelé les recherches académiques en étendant l’étude du dynamisme imaginatif non seulement dans toutes ses expressions religieuses habituelles mais aussi dans toutes les œuvres de l’homme, y compris dans l’histoire et ses philosophies, qui représentent une manifestation de la structure synthétique, la vraie structure historique de l’Imaginaire qui fonctionne dans une logique contradictorielle et dont les invariants créent les synchronismes que les cultures traditionnelles et la Tradition ont valorisés.
Le phénomène religieux a fait également apparaître des activités de mobilisation des images qui dépassent les pouvoirs ordinaires. La mystique a cultivé l’art de rendre sensible le monde surnaturel à travers des visions théologiques, que nous pouvons rattacher à la figuration d’un niveau de réalité ontologique, l’imaginal. Henry Corbin s’oriente dans sa recherche vers le motif exemplaire de « l’homme et son ange », motif d’une anthropologie qui a pour principe une angélologie fondamentale. La figure de l’ange ne cesse de réitérer l’énigme primordiale. L’ange est le thaumaturge et l’archétype de l’humanité, ayant deux ailes: l’une de lumière et l’autre orientée vers les ténèbres.
Nous constatons que l’imaginaire du temps linéaire de l’Europe millénariste joachimite a privilégié la contamination de la culture par une rationalité iconoclaste, par rapport au temps cyclique qui accueille la plupart des grands imaginaires religieux. Ce qui est remarquable dans la théorie de l’Imaginaire d’Eliade et de Corbin, c’est le fait qu’ils arrivent à démontrer que l’Imaginaire dispose d’un illud tempus qui échappe à l’entropie newtonienne.
Le monde de l’Imaginaire mis en évidence par l’étude des religions est un monde spécifique qui est au fondement du monde profane. La réaction des théologiens officiels de l’Église, en dépit de nombreuses réticences d’un Christianisme inquiet d’être dépassé par la modernité, s’est située dans cette tendance de résurrection du symbolique. C’est le cas de Jean Daniélou qui a le grand mérite d’avoir souligné la texture symbolique des religions et, de même, de Jacques Vidal qui a accentué le rapport entre l’homo religiosus et l’homo symbolicus.
L’Imaginaire se manifeste soit sous diverses formes de conduites ou d’aspirations irrationnelles (Bonardel, Bastide), soit sous l’hypostase d’une pédagogie qui est axée sur la resymbolisation des psychismes anémiés (Desoille) ou sur la conceptualisation de la double culture (Morin, Durand). L’Imaginaire, fondée sur la notion de bildung, essaie d’aboutir à une liberté créatrice au lieu d’être abandonné à la fantaisie. L’Imaginaire, dans sa tentative constitutive d’intégrer la raison conceptuelle au mécanisme complexe de la vie des images, s’appuie sur le principe de l’annulation des contraires.
L’Imaginaire culturel suit un trajet anthropologique, repérable dans les limites d’un bassin sémantique propre au cours d’un fleuve. Si l’imaginaire individuel se prête à une mythocritique qui dévoile les grands thèmes d’une œuvre et d’un auteur, selon le principe d’individuation incarné dans les structures, l’Imaginaire collectif se prête à une mythanalyse qui en restitue les unités mythiques.
L’anthropologie de l’Imaginaire substitue délibérément la notion bachelardienne de « profil épistémologique » à celle de « champ épistémologique ». La mise à jour des invariants de l’anthropos exige que l’on se confronte avec tout ce qui, pour les scientistes doit être rejeté, les liens complexes qui unissent l’homme à Dieu. Ceux-ci constituent un référentiel originaire, dont la permanence atteste de leur nature archétypale dynamique.
L’anthropologie de l’Imaginaire cherche, derrière les structures historiques et causales, des noyaux d’images fondatrices. Les anthropologues s’arrêtent trop tôt pour délimiter leur objet. Au lieu de niveler l’homo mythicus, par conversion immédiate du sémantique en syntaxique, de l’image en forme, l’anthropologie de l’Imaginaire constitue une méthodologie qui intègre une herméneutique symbolique et qui par là même ne trahit pas son objet au moment où l’on se le donne comme représentatif de structures mentales.
L’étude de l’homme traditionnel exige une certaine conaturalité entre sa nature et l’instrument de sa description. Quant à la recherche des sens latents, il n’y a aucune régression, mais une adaptation à la nature première de l’homme qui est un «animal symbolique». La méthodologie de toutes les sciences de l’homme est restée victime du rétrécissement post-kantien de l’homme au seul être rationnel. C’est à la connaissance du sujet symbolique, caché dans les structures profondes que sollicite la compréhension de l’homme traditionnel, dont le discours a été réduit à des miettes scientifiques.
L’anthropologie de l’Imaginaire suppose la référence permanente et constitutive à un homme aussi bien primordial que total, en qui s’originent, à partir d’un centre unifié, toutes les facettes qui renvoient, telles au miroir: l’homme au monde, le monde aux dieux et les dieux aux hommes. L’Anthropologie de l’Imaginaire dépasse l’opposition dualiste du Moi et du non-Moi, de l’âme et du corps, conséquence de l’étude du cosmos désacralisé.
S’appuyant sur le présupposé selon lequel la «science sans conscience n’est que ruine de l’âme», l’anthropologie de l’Imaginaire ne met pas l’accent sur l’homme en tant qu’ «épicentre fragile et vide», mais en tant que « lieu de passage où se comprend et se concrétise le secret qui lie la création au Créateur, le secret de Dieu»[1]. L’approche anthropologique de l’Imaginaire se fonde de la sorte sur la démystification de toutes les démythifications qui ont cru pouvoir donner à l’homme moderne la liberté des normes, l’orgueil des victoires par la seule lumière des sciences.
La tâche de l’anthropologue – du spécialiste de la Science de l’Homme – bien démuni de tous les pouvoirs que s’adjugent généreusement les idéologies contemporaines, est-elle à la fois plus modeste et plus fondamentale que celle du prince. Inlassablement contre la marée des modes de l’idéologie et du discours, contre les impérialismes et les monopoles ethnocentristes, il doit, comme Diogène, la lanterne à la main, chercher l’homme véritable, l’Adam éternellement primordial. Et cela sans désespérer de l’efficacité de sa science, car l’homme n’est plus tout à fait «cet inconnu» qu’il était au sortir de la substitution positiviste. Il est scientifiquement permis de «préluder» à cette anthropologie véridique qu’est le Nouvel Esprit Anthropologique. Cette espérance de la science de l’homme apparaît alors, dans un paradoxe qui n’étonnera que les sectateurs attardés du progressisme titanesque, comme une récurrence. Les valeurs, les coutumes, les rites, les mythes, les «leçons» des légendes et des histoires, etc., en un mot toute la Tradition resurgit au cœur même de l’anthropologie[2].
L’anthropologie de l’Imaginaire essaie de déchiffrer les significations profondes du sacré qui sont cachées ou bien «camouflées» dans la structure du profane. Ce type d’anthropologie symbolique offre la possibilité d’envisager une vision plus ample de l’histoire des religions, de la pensée symbolique dans la société traditionnelle qui cherche les signes de la sacralité dans le monde du profane. À partir de la thèse de Mircea Eliade sur la dialectique entre le sacré et le profane, nous pouvons affirmer que l’anthropologie de l’Imaginaire, qui s’appuie sur une herméneutique symbolique, cherche à décrypter les comportements et les situations énigmatiques de l’homme primordial; autrement dit, elle continue à envisager la connaissance de l’homme traditionnel, récupérant et rétablissant tous les sens du symbolique.
L’originalité et l’importance d’une telle démarche résident justement dans la possibilité d’explorer et d’illuminer des univers spirituels qui sont tombés dans l’oubli ou qui sont presque inaccessibles aux non-initiés. L’anthropologue, tout comme l’historien des religions, perçoit la nature du sacré par le biais de la phénoménologie de la manifestation. Il y a une différence bien évidente entre l’approche théologique et l’approche anthropologique. Le théologien oriente son analyse vers le divin, vers sa nature, vers Dieu, s’appuyant sur les données de la Révélation, tandis que l’anthropologue examine la structure et la morphologie de toutes ces manifestations du sacré pour en saisir les contenus. Il ne s’agit donc pas du sacré comme réalité suprême, mais d’un sacré limité par l’acte-même de sa manifestation. L’anthropologue se propose de comprendre la valeur du sacré dans le contexte des hiérophanies redevables aux contraintes spatio-temporelles.
Nous pouvons attribuer à l’anthropologie de l’Imaginaire la tâche d’identifier la présence du transcendant à l’intérieur de l’expérience humaine. Le symbole consiste en un être, en un objet ou en un mythe qui révèle à l’homme primordial la conscience et la connaissance de ses dimensions sociales, en l’aidant à percevoir sa solidarité avec le sacré. Le symbole est apte à dévoiler une modalité du réel ou une structure du monde qui n’est pas visible sur le plan de l’expérience immédiate.
L’anthropologie de l’Imaginaire met l’accent sur la structure et sur la fonction authentique du symbole en tant que prolongement de l’hiérophanie et en tant que forme autonome de révélation. Pour ce type d’anthropologie, la pensée symbolique, qui précède le langage, correspond à la substance de la vie spirituelle. Au fond, le symbole, le mythe et l’image assurent la plénitude de cette vie religieuse. De plus, l’anthropologie de l’Imaginaire ne nie pas les apports de l’histoire ou des sciences humaines – toute l’œuvre de Gilbert Durand en est richement nourrie –, mais elle implique un changement radical de perspective en ce qui concerne la révélation de l’essence humaine.
Nous pouvons découvrir une nature humaine, un noyau commun à tous les hommes si nous ne réduisons pas l’individu à ce qui n’est qu’une part de lui-même. Ainsi se définit un véritable humanisme, grâce à ce que Gilbert Durand nomme un « œcuménisme de l’Imaginaire », qui restitue la vraie figure de l’homme.
L’anthropologie de l’Imaginaire s’oppose à l’historicisme, ce mythe occidental, source d’une fallacieuse idéologie du progrès, celle du temps linéaire et de la mort. La vision des rapports du mythe et de l’histoire, que l’anthropologie de l’Imaginaire propose, est infiniment plus complexe; loin d’être un produit de l’histoire, c’est le mythe qui vivifie l’imaginaire historique et organise les conceptions de l’histoire. Il ne s’agit pas de choisir entre l’histoire et la Tradition, formulation forcément dualiste de la question, mais de préciser les relations entre diachronicités et synchronicités, d’autant plus que les premiers n’ont de sens véritable qu’en référence aux secondes, en vertu du phénomène de récurrence.
D’ailleurs, une anthropologie de l’Imaginaire doit commencer par dégager les « bornes archétypiques » de l’homo sapiens, gages de l’individuation des personnes et de l’harmonie des cités. Il est significatif que, plus que celle de Prométhée ou que celle de Dionysos, c’est la figure d’Hermès qui acquiert la plus grande « prégnance symbolique », car Hermès est justement figure de « récurrence », divinité des « bornes ». Ce nouveau mythe est celui du lien entre les différences, il est celui de l’intercession entre le visible et l’invisible. L’anthropologie de l’Imaginaire est orientée vers l’horizon d’un sens qui, comme les archétypes, ne peut qu’être universel.
C’est pourquoi, l’anthropologie de l’Imaginaire réussit à concilier l’archéologie avec l’eschatologique, l’existence des limites archétypiques, rectrices du comportement individuel et collectif de l’anthropos à la liberté spirituelle créatrice. Le principe du fonctionnement de l’anthropologie de l’Imaginaire est le principe de non-dualité logique. Les implications de cette logique annulent le principe de causalité et tout déterminisme direct. Nous pouvons donc étendre le principe d’antagonisme aux structures du complexe, car toute science est contradiction irréductible entre les catégories du général vers lequel elle tend grâce à la formalisation mathématique, et les catégories du singulier.
L’anthropologie de l’Imaginaire n’a pas pour but d’être seulement une collection d’images, de mythes, de thèmes poétiques, de métaphores, mais de dresser le tableau des espoirs et des craintes de l’homme. C’est pourquoi l’anthropologie de l’Imaginaire permet la reconnaissance, l’identification de la pensée positive à la pensée mythique, et de la pensée mythique à la pensée civilisée, autour d’un noyau commun, celui de l’esprit humain.
Bibliographie
Bastide, Roger, Le Sacré sauvage et autres essais, Paris, Payot, 1975.
Bonardel, Françoise, Philosophie de l’alchimie. Grand Œuvre et modernité, Paris, PUF, 1993.
Corbin, Henry, L’Imagination créatrice dans le soufisme d’Ibn Arabî, Paris, Flammarion, 1958.
Daniélou, Jean, Essai sur le mystère de l’histoire, Paris, Cerf, 1982.
Dubois, Claude-Gilbert, Les mythologies de l’Occident. Les bases religieuses de la culture occidentale, Paris, Ellipses, 2007.
Dubois, Claude-Gilbert, Récits et mythes de fondation dans l’imaginaire occidental, Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, 2009.
Durand, Gilbert, Introduction à la mythodologie. Mythes et sociétés, Paris, Albin Michel, 1996.
Durand, Gilbert, Science de l’homme et tradition. Le Nouvel esprit anthropologique, Paris, Albin Michel, 1996.
Durand, Gilbert, L’imagination symbolique, Paris, PUF, 2003.
Eliade, Mircea, Images et symboles. Essai sur le symbolisme magico-religieux, Paris, Gallimard, 1952.
Lupasco, Stéphane, Logica dinamică a contradictoriului (La Logique dynamique du contradictoire), Bucarest, Éditions Politica, 1982.
Mihai, Constantin, La Logique d’Hermès. Études sur l’Imaginaire, Craiova, Sitech, 2006.
Mihai, Constantin, Gilbert Durand. Les métamorphoses de l’anthropologie de l’Imaginaire, Craiova, Sitech, 2009.
Morin, Edgar, Introduction à la pensée complexe, Paris, ESF, 1990.
Wunenburger, Jean-Jacques, L’Imaginaire, Paris, PUF, 2003.
Wunenburger, Jean-Jacques, Philosophie des images, Paris, PUF, 2007.
Notes
Cercul de lectură – 2014Cercul de lectură – 2014
Runda a șasea – 28 februarie 2014
Întâlnirile cercului de lectură pe proză experimentală s-au reluat în 2014, în aceeași formulă din 2013, prin discutarea romanului Totul este iluminat de Jonathan Safran Foer. „Avocatul”, Diana Badea (Literatură comparată – Italiană, an III) încearcă să demonstreze calitățile romanului lui Foer, în timp ce „procurorul”, Călina Părău (Literatură comparată – Engleză, an III) pune la îndoială valoarea cărții, argumentând neajunsurile textului.
Discuția începe cu pledoaria Dianei Badea, care marșează pe temele romanului pentru a convinge „jurații”. Se discută despre funcția memoriei și nevoia de a scrie, precum și despre modul inovator prin care Foer abordează tema iubirii. Tot aici, „avocatul” subliniază reușita textului de a depăși convenționalul în ceea ce privește reprezentarea Holocaustului, prin utilizarea umorului în detrimentul tragicului, dar și prin opțiunea pentru realismul magic. Apărătorul cărții evidențiază și modul în care Foer leagă diferitele planuri ale narațiunii, reușind să construiască o structură complexă, dar coerentă.
La polul opus, Călina Părău, în calitate de „procuror”, argumentează lipsa de valoare a cărții, punând la îndoială modul în care este tratat evenimentul istoric. Discursul acuzator mizează pe lipsa eticului în romanul lui Foer, punând în evidență trivializarea istoriei prin intermediul unei abordări exclusiv ficționale. De asemenea, „procurorul” îi reproșează romanului apelul la o sensibilitate ușoară prin intermediul unor clișee menite să impresioneze cititorul la un nivel superficial. Dacă pentru „avocat” umorul este esențial, „procurorul” va încerca să demonstreze faptul că utilizarea umorului este inadecvată, bazându-se pe o ironie tipic americană ce privește cultura est-europeană cu o superioritate nejustificată.
Spre finalul întâlnirii, „jurații” și-au exprimat propriile opinii în legătură cu romanul lui Foer, votând, ca de obicei, discursul cel mai convingător, indiferent de reacția personală la lectura cărții. Cele două discursuri au obținut un număr egal de voturi, iar discuția a continuat cu dezbaterea modului în care Foer a reușit să își atragă publicul, atât prin temă, cât și prin arhitectura complexă cu care și-a construit romanul.
Alexandra Veronica Vescan
Runda a șaptea – 28 martie 2014
Runda a șaptea a cercului pe roman experimental de sfârșit de secol XX – început de secol XXI a propus o discuție în jurul romanului Istoria iubirii de Nicole Krauss, încercându-se valorificarea cărții prin pledoaria avocatului, Corina Cherecheș (Literatură comparată – Engleză, an II), urmată de discursul procurorului, Mona Luca (Literatură comparată – Engleză, an III), care a încercat să descalifice volumul autoarei și să contraargumenteze poziția avocatului.
O particularitate a acestei întâlniri a fost continuarea discuției în jurul unui subiect dezbătut deja în cadrul întâlnirii anterioare, prin romanul lui Jonathan Safran Foer, și anume destinul evreilor după Holocaust. Astfel, avocatul și-a început discursul comparând cele două romane și evidențiind reușita volumului Istoria iubirii de a alcătui o schiță de teme fundamentale printr-o construcție foarte elaborată care incită la problematizare. Pentru apărătorul cărții, structura pe trei planuri și dezvoltarea în detaliu a acestora, precum și modul în care Krauss construiește o arhitectură narativă ce reușește să unească teme și tensiuni fundamental diferite, constituie cele mai importante atuuri ale cărții. Discursul Corinei Cherecheș s-a încheiat cu o încercare de a demonstra ieșirea romanului din postmodernism, fără a pierde câteva dintre trăsăturile fundamentale ale acestuia – precum hibridarea genurilor sau fragmentarismul.
La polul opus, procurorul a încercat discreditarea cărții, discutând condiția autoarei și argumentând legătura prea evidentă între aceasta și soțul său, Jonathan Safran Foer, din punctul de vedere al temelor și stilului abordat, continuând cu descalificarea romanului din mai multe perspective. Astfel, pentru procuror, romanul lui Nicole Krauss nu are credibilitate în primul rând datorită coincidențelor exagerate pe care își bazează acțiunea, precum și din cauza folosirii temei Holocaustului ca mecanism de captare a atenției. Romanul lui Krauss a fost acuzat astfel de parvenitism tematic. De asemenea, la finalul discursului său, Mona Luca îi reproșează cărții ornamentele facile și structura lipsită de originalitate, argumentând în același timp alegerea nefericită a titlului care creează așteptări fără a le îndeplini.
Jurații au decis în favoarea avocatului, însă voturile au demonstrat lupta strânsă dintre cei doi combatanți ideatici. Astfel, discursul Corinei Cherecheș a câștigat trei voturi, cel al Monei Luca două voturi, existând, de asemenea, trei abțineri. Cea de-a șaptea întâlnire s-a încheiat cu o scurtă dezbatere privind posibilitățile de promovare a Istoriei iubirii pe piața de carte.
Alexandra Veronica Vescan
Runda a opta, 10 aprilie 2014
Cea de a opta întâlnire a cercului de roman experimental a avut ca subiect romanul Sexul cireșilor de Jeanette Winterson. Avocatul Iulia Lăsconi (Literatură comparată – engleză, An 1) și procurorul Ana-Maria Parasca (Literatură Comparată – Engleză, Anul 2) au adus argumentele pentru și împotriva valorii acestui roman, încercând să atragă voturile juraților.
Pledoaria avocatului a mizat pe structura inedită a volumului și pe dimensiunea ironică a textului. Astfel, aceasta a lăudat construcția asimetrică, însă armonioasă a cărții, asemănând-o cu un colaj, și critica adusă puritanismului specific epocii în care se petrece mare parte din acțiune. De asemenea, avocatul a apreciat construcția universului imaginar, spațiul și timpul fiind maleabile, lăsate la îndemâna personajului principal, femeia cu câini. Discursul avocatului s-a încheiat cu aprecierea laturii feministe a romanului, acesta acordând în general poziții de putere personajelor feminine.
Pe de altă parte, procurorul a criticat caracterul incoerent al structurii mozaic al textului și a refuzat dimensiunea feministă, considerând-o nevalidă. În opinia sa, textul nu deconstruiește rolurile de gen, ci doar prezintă caracterul agresiv al personajelor feminine, atitudine care nu influențează poziția femeii într-un sens pozitiv. De asemenea, procurorul a reproșat textului discrepanța dintre vocile narative care induc în eroare mai mult decât contribuie la sensul cărții. Distincțiile dintre personaje sunt greu de făcut, acestea fiind foarte puțin conturate, iar cititorul este ținut într-o stare continuă de confuzie. Nereușind să se definească, romanul nu are nicio șansă să construiască vreun sens, să transmită un mesaj coerent sau inteligibil.
Astfel, opiniile celor două polemiste au discutat aceleași aspecte ale textului, subliniind pe rând elementele reușite și pe cele nereușite. Discursul procurorului a avut însă o influență mai puternică asupra juraților, rezultatele voturilor fiind 5-1 în favoarea Ana-Mariei Parasca. Întâlnirea s-a încheiat cu discutarea posibilităților de traducere a titlului romanului și a diferitelor nuanțe semantice ale acestei sintagme, luând în considerare dimensiunea feministă ( sau cel puțin legată de probleme de gen ale romanului).
Andrei Cucu
Runda a noua, 23 mai 2014
Subiectul ultimei întâlniri a cercului experimental a fost discuția despre romanul Ierusalim de Gonçalo M. Tavares. Rolul de avocat al romanului a fost jucat de Alexandra Veronica Vescan (Istoria imaginilor – Istoria Ideilor, an 2), iar cel de procuror, de Andra Felea (Literatură comparată – Engleză, an 2). Discuția a avut în centru atât personajele și structura surprinzătoare a cărții, cât și dimensiunea psihologică a acesteia.
Discursul avocatului a început cu descrierea structurii romanului, apreciind fragmentarismul atât de la nivelul narațiunii, cât și în ceea ce privește personajele. În opinia avocatului, firul narativ nu este esențial în roman, construcția spațiului și a timpului fiind mai degrabă ținta acestuia. Astfel, textul își construiește o relație inedită cu istoria, iar tematica abordată este în mod surprinzător una „mare”, acesta discutând, în pofida structurii experimentale, fragmentare, teme precum nebunia, moartea sau suferința. Ca o ultima reușită a romanului, avocatul a menționat personajul Mylia, prin care autorul a reușit să îmbine instinctualul cu filosoficul într-un mod inedit.
La polul opus, procurorul a refuzat tematica gravă a romanului, considerând-o clișeică. Aceasta a susținut faptul că autorul încearcă să construiască o teorie psihiatrică, însă eșuează din cauza lipsei unui fundament de specialitate. Astfel, textul devine unul facil, cititorul ideal fiind unul neavizat, care citește doar pentru divertismentul imediat. Mai mult, procurorul a considerat că acțiunea și personajele romanului duc doar la formularea unor aforisme plate, simpliste. Romanul nu iese astfel din sfera mediocrității, fiind doar o simplă repetare a unor teme vechi, formulate mai provocator, însă nu suficient de inovator pentru a fi cu adevărat valoros.
În urma celor două expuneri, jurații au votat, rezultatele fiind de 4-2 în favoarea procurorului. Întâlnirea s-a încheiat cu o discuție privind încadrarea acestui roman într-un curent; au fost inventariate și diferitele deschideri stilistice ale textului. Astfel, romanul a fost situat atât în modernism, cât și în postmodernism, autorul jucându-se cu limita dintre cele două direcții culturale.
Andrei Cucu
Runda a șasea – 28 februarie 2014
Întâlnirile cercului de lectură pe proză experimentală s-au reluat în 2014, în aceeași formulă din 2013, prin discutarea romanului Totul este iluminat de Jonathan Safran Foer. „Avocatul”, Diana Badea (Literatură comparată – Italiană, an III) încearcă să demonstreze calitățile romanului lui Foer, în timp ce „procurorul”, Călina Părău (Literatură comparată – Engleză, an III) pune la îndoială valoarea cărții, argumentând neajunsurile textului.
Discuția începe cu pledoaria Dianei Badea, care marșează pe temele romanului pentru a convinge „jurații”. Se discută despre funcția memoriei și nevoia de a scrie, precum și despre modul inovator prin care Foer abordează tema iubirii. Tot aici, „avocatul” subliniază reușita textului de a depăși convenționalul în ceea ce privește reprezentarea Holocaustului, prin utilizarea umorului în detrimentul tragicului, dar și prin opțiunea pentru realismul magic. Apărătorul cărții evidențiază și modul în care Foer leagă diferitele planuri ale narațiunii, reușind să construiască o structură complexă, dar coerentă.
La polul opus, Călina Părău, în calitate de „procuror”, argumentează lipsa de valoare a cărții, punând la îndoială modul în care este tratat evenimentul istoric. Discursul acuzator mizează pe lipsa eticului în romanul lui Foer, punând în evidență trivializarea istoriei prin intermediul unei abordări exclusiv ficționale. De asemenea, „procurorul” îi reproșează romanului apelul la o sensibilitate ușoară prin intermediul unor clișee menite să impresioneze cititorul la un nivel superficial. Dacă pentru „avocat” umorul este esențial, „procurorul” va încerca să demonstreze faptul că utilizarea umorului este inadecvată, bazându-se pe o ironie tipic americană ce privește cultura est-europeană cu o superioritate nejustificată.
Spre finalul întâlnirii, „jurații” și-au exprimat propriile opinii în legătură cu romanul lui Foer, votând, ca de obicei, discursul cel mai convingător, indiferent de reacția personală la lectura cărții. Cele două discursuri au obținut un număr egal de voturi, iar discuția a continuat cu dezbaterea modului în care Foer a reușit să își atragă publicul, atât prin temă, cât și prin arhitectura complexă cu care și-a construit romanul.
Alexandra Veronica Vescan
Runda a șaptea – 28 martie 2014
Runda a șaptea a cercului pe roman experimental de sfârșit de secol XX – început de secol XXI a propus o discuție în jurul romanului Istoria iubirii de Nicole Krauss, încercându-se valorificarea cărții prin pledoaria avocatului, Corina Cherecheș (Literatură comparată – Engleză, an II), urmată de discursul procurorului, Mona Luca (Literatură comparată – Engleză, an III), care a încercat să descalifice volumul autoarei și să contraargumenteze poziția avocatului.
O particularitate a acestei întâlniri a fost continuarea discuției în jurul unui subiect dezbătut deja în cadrul întâlnirii anterioare, prin romanul lui Jonathan Safran Foer, și anume destinul evreilor după Holocaust. Astfel, avocatul și-a început discursul comparând cele două romane și evidențiind reușita volumului Istoria iubirii de a alcătui o schiță de teme fundamentale printr-o construcție foarte elaborată care incită la problematizare. Pentru apărătorul cărții, structura pe trei planuri și dezvoltarea în detaliu a acestora, precum și modul în care Krauss construiește o arhitectură narativă ce reușește să unească teme și tensiuni fundamental diferite, constituie cele mai importante atuuri ale cărții. Discursul Corinei Cherecheș s-a încheiat cu o încercare de a demonstra ieșirea romanului din postmodernism, fără a pierde câteva dintre trăsăturile fundamentale ale acestuia – precum hibridarea genurilor sau fragmentarismul.
La polul opus, procurorul a încercat discreditarea cărții, discutând condiția autoarei și argumentând legătura prea evidentă între aceasta și soțul său, Jonathan Safran Foer, din punctul de vedere al temelor și stilului abordat, continuând cu descalificarea romanului din mai multe perspective. Astfel, pentru procuror, romanul lui Nicole Krauss nu are credibilitate în primul rând datorită coincidențelor exagerate pe care își bazează acțiunea, precum și din cauza folosirii temei Holocaustului ca mecanism de captare a atenției. Romanul lui Krauss a fost acuzat astfel de parvenitism tematic. De asemenea, la finalul discursului său, Mona Luca îi reproșează cărții ornamentele facile și structura lipsită de originalitate, argumentând în același timp alegerea nefericită a titlului care creează așteptări fără a le îndeplini.
Jurații au decis în favoarea avocatului, însă voturile au demonstrat lupta strânsă dintre cei doi combatanți ideatici. Astfel, discursul Corinei Cherecheș a câștigat trei voturi, cel al Monei Luca două voturi, existând, de asemenea, trei abțineri. Cea de-a șaptea întâlnire s-a încheiat cu o scurtă dezbatere privind posibilitățile de promovare a Istoriei iubirii pe piața de carte.
Alexandra Veronica Vescan
Runda a opta, 10 aprilie 2014
Cea de a opta întâlnire a cercului de roman experimental a avut ca subiect romanul Sexul cireșilor de Jeanette Winterson. Avocatul Iulia Lăsconi (Literatură comparată – engleză, An 1) și procurorul Ana-Maria Parasca (Literatură Comparată – Engleză, Anul 2) au adus argumentele pentru și împotriva valorii acestui roman, încercând să atragă voturile juraților.
Pledoaria avocatului a mizat pe structura inedită a volumului și pe dimensiunea ironică a textului. Astfel, aceasta a lăudat construcția asimetrică, însă armonioasă a cărții, asemănând-o cu un colaj, și critica adusă puritanismului specific epocii în care se petrece mare parte din acțiune. De asemenea, avocatul a apreciat construcția universului imaginar, spațiul și timpul fiind maleabile, lăsate la îndemâna personajului principal, femeia cu câini. Discursul avocatului s-a încheiat cu aprecierea laturii feministe a romanului, acesta acordând în general poziții de putere personajelor feminine.
Pe de altă parte, procurorul a criticat caracterul incoerent al structurii mozaic al textului și a refuzat dimensiunea feministă, considerând-o nevalidă. În opinia sa, textul nu deconstruiește rolurile de gen, ci doar prezintă caracterul agresiv al personajelor feminine, atitudine care nu influențează poziția femeii într-un sens pozitiv. De asemenea, procurorul a reproșat textului discrepanța dintre vocile narative care induc în eroare mai mult decât contribuie la sensul cărții. Distincțiile dintre personaje sunt greu de făcut, acestea fiind foarte puțin conturate, iar cititorul este ținut într-o stare continuă de confuzie. Nereușind să se definească, romanul nu are nicio șansă să construiască vreun sens, să transmită un mesaj coerent sau inteligibil.
Astfel, opiniile celor două polemiste au discutat aceleași aspecte ale textului, subliniind pe rând elementele reușite și pe cele nereușite. Discursul procurorului a avut însă o influență mai puternică asupra juraților, rezultatele voturilor fiind 5-1 în favoarea Ana-Mariei Parasca. Întâlnirea s-a încheiat cu discutarea posibilităților de traducere a titlului romanului și a diferitelor nuanțe semantice ale acestei sintagme, luând în considerare dimensiunea feministă ( sau cel puțin legată de probleme de gen ale romanului).
Andrei Cucu
Runda a noua, 23 mai 2014
Subiectul ultimei întâlniri a cercului experimental a fost discuția despre romanul Ierusalim de Gonçalo M. Tavares. Rolul de avocat al romanului a fost jucat de Alexandra Veronica Vescan (Istoria imaginilor – Istoria Ideilor, an 2), iar cel de procuror, de Andra Felea (Literatură comparată – Engleză, an 2). Discuția a avut în centru atât personajele și structura surprinzătoare a cărții, cât și dimensiunea psihologică a acesteia.
Discursul avocatului a început cu descrierea structurii romanului, apreciind fragmentarismul atât de la nivelul narațiunii, cât și în ceea ce privește personajele. În opinia avocatului, firul narativ nu este esențial în roman, construcția spațiului și a timpului fiind mai degrabă ținta acestuia. Astfel, textul își construiește o relație inedită cu istoria, iar tematica abordată este în mod surprinzător una „mare”, acesta discutând, în pofida structurii experimentale, fragmentare, teme precum nebunia, moartea sau suferința. Ca o ultima reușită a romanului, avocatul a menționat personajul Mylia, prin care autorul a reușit să îmbine instinctualul cu filosoficul într-un mod inedit.
La polul opus, procurorul a refuzat tematica gravă a romanului, considerând-o clișeică. Aceasta a susținut faptul că autorul încearcă să construiască o teorie psihiatrică, însă eșuează din cauza lipsei unui fundament de specialitate. Astfel, textul devine unul facil, cititorul ideal fiind unul neavizat, care citește doar pentru divertismentul imediat. Mai mult, procurorul a considerat că acțiunea și personajele romanului duc doar la formularea unor aforisme plate, simpliste. Romanul nu iese astfel din sfera mediocrității, fiind doar o simplă repetare a unor teme vechi, formulate mai provocator, însă nu suficient de inovator pentru a fi cu adevărat valoros.
În urma celor două expuneri, jurații au votat, rezultatele fiind de 4-2 în favoarea procurorului. Întâlnirea s-a încheiat cu o discuție privind încadrarea acestui roman într-un curent; au fost inventariate și diferitele deschideri stilistice ale textului. Astfel, romanul a fost situat atât în modernism, cât și în postmodernism, autorul jucându-se cu limita dintre cele două direcții culturale.
Andrei Cucu
Aşa cu bulgariiAşa cu bulgarii
Suzana Lungu
Aşa cu bulgarii
– Ei, nea Dumitre, iac-ajunserăm de ne uităm în curtea bulgarului. Şi ce mai, ni se pare zici că ar fi Viena, nu Vidin dincolea.
– Ce zici, daca n-am şti că-i Bulgaria, ne-am mai uita noi cu aşa interes? Să-i zici că mai este un judeţ românesc şi peste Dunăre. Ai spune dă-l încolo, aceeaşi mâncare de peşte!
– S-or fi uitând şi ei săracii, că nici la ei nu-i mai bine.
– Fire-ar a dracu’ ţânţari , ne mănâncă de vii, aştia şi prin pantaloni înţeapă.
– E de la trai bun, Dumitre, nu muşcă ei pe oricine, numai unde este din plin.
– Ia dă tu drăcovenia aia de ulei de ţi-o puse nevastă-ta, măcar aşa ştim că mirosim de la o poştă, unul nu mai mişcă în front!
– Şi aşa, să nu-mi uit vorba. Dă şi pe picioare. Cum spuneam înainte, se înecau ăştia într-o veselie. În tot anul măcar şapte. Ziceau în sat că asta-i norma: şapte capete.
– Şi tu-i crezi? Că nu mai rămâneau oameni in sat de s-ar fi inecat tot câte şapte…
– O fi, n-o fi, ei aşa ziceau. Se ducea omul la pescuit, ieşea seara pe mal, ăla era. Ba se mai înecau şi femei.
– Ei şi ce făcură? Că n-o fi tot aşa şi acum.
– Păi să vezi cum fu. Ăştia mai bătrâni din sat intrară la discuţii cum că s-ar fi acuibat vreo iudă pe vadul lor, una nesătulă de vreme ce îneacă tot câte şapte. Că de obicei, pe alte ape şi chiar pe Dunăre, maxim unu pe an se ducea. Tinerii strâmbau din nas că ce iudă, se îmbătară şi ăia, îi prinse curentu, se mai întâmplă. Că acu au toţi minim liceu şi nu mai apleacă urechea la bazaconii.
– Apăi nu te supăra, nici eu nu cred să fie pe lume aşa minune. Unde ai văzut tu femeie blondă cu piepţii daţi pe spate să iasă din baltă şi să te cheme la ea în sufragerie?
– E acuma, lasa-mă ăa-ţi spui cum a fost. Ăştia pe de o parte că-i vidma în apele lor, ăialanţi nu, că suntem noi proşti în satu ăsta, de-aia ne înecam tot câte şapte.
– Şi ce făcură?
– Păi autoritatea supremă tot popa o are, că de-aia-i popa în sat. Se duseră aştia la părinte că spune-ne taică ce să facem, ne prăpădim cu toţii până la unu. Popa şi el, ce să facă, i se topeau enoriaşii, chit că o ducea bine la capitolul înmormântări. Era, dacă vrei, câştig pe termen scurt versus venit pe termen lung. Sfinţea el apele de Bobotează, da se vedea că nu ajunge. Nu era nici el strict cu dogma, că din sat se tragea şi de oreion şi vărsat de vânt tot babe cu tăciuni ori descântece îl scăpaseră. Zice măi oameni buni, eu vă fac o dezlegare pe mal, chit că dacă se află la episcopie ăla oi fi. Că nu-i voie după regulile astea noi să mai faci, darămite afară din biserică.
Dacă, Doamne fereşte, nici aşa nu merge, înseamnă că aţi mâniat voi pe Dumnezeu cu ceva şi bine-ar fi să mai veniţi să vă spovediţi fiecare, să vă dau canon, poate aşa trece urgia. Dar fiţi şi voi mai cu băgare de seamă! Nu din crâşmă hop pe mal sau în barcă. Nu mai umblaţi nici noaptea, că vedeţi că nu-i lumina nici la şosea, pasamite c-a fi în zăvoi!
Aşa, cum zici dumneata, săriră ăştia mai ales mai tinerii, că li se acrise deja de povestea cu înecaţii. Erau şi ei, de, tineri, nu voiau să audă tot de tron, de toiag şi pomeni, ca nu-ţi pică bine nici când eşti bătrân, ce să mai zic la vârsta lor.
– Şi le-a mers?
– Ei, ăsta-i, că de-aici începe povestea. S-a zis şi s-a facut. Le trânti popa o dezlegare cum de ani de zile nu mai văzuseră. Că de obicei mai sărea peste rânduri să nu se lungească slujba. Acu o citi pe toată apăsat, ca la teatru, de lăcrimau unii acolo pe mal. Semne nu prea fură, nu se răscoliră dracii în baltă de grija sfinţiei sale, atâta că dete o ploaie după-amiază, nici aia prea acătări, numai ţâr ici, ţâr colo şi gata. Da se puseră ăştia pe spovedit şi pe canonit, toţi erau palizi de la mamaligă cu varză. Şi făcură parastase şi pomeni pentru înecati, că se ştie că şi ăia rămân în apa de ademenesc pe alţii strigând că se îneacă.
– Şi se opri pustia?
– Da, că fix aia. Nu, nene, îşi făcu balta norma şi-n ăla an. Ei, când văzură ăştia aşa, că fir’ar el de popă, nu-i bun de nimic. Când îl vezi aşa slab, zici că-i ţar afumat, ce, nici eu nu m-aş speria de el şi nu-s necuratu. O detera în aialantă, cu boscoane pe la rudărese, cu babe ştiutoare prin sat, care cum îşi mai amintea câte o metodă. Da ale naibii, că nu mergeau defel nici descântecele cu lacrimi până în pământ şi voce până la cer, nici toate alea.
Se temeau ăştia şi să mai iasă la pescuit, numai ce-i vedeai cum crapă sămânţă pe mal şi dau din cap a pagubă cât era ziulica lungă. Ăla de avea agropensiune în sat mergea de-şi cumpăra peştele la două sate mai încolo, că ăia n-aveau vidmă la ape.
– Şi din ce trăiau, eu ăsta vreau să ştiu nene, că doar erau pescari?
– Sunt şi alte mijloace, alte oportunităţi acuma. În vremea aia, de exemplu, au plecat în Italia şi câţi mai rămăseseră nehotarâţi. Unii la cules, alţii în construcţii, care cum au avut cunoştinţe. Rămăsese gol satul, numai bătrâni şi nepoţi mai vedeai la poartă. Şi, a dracului păţanie, se înecau şi din ăştia tot şapte pe an, de intraseră la griji părinţii şi-i luau cu ei prin Spania, Anglia, unde se duceau.
Şi, să nu-mi uit vorba, au mers lucrurile tot aşa de i-au dat şi la proteve, că satul blestemat, au făcut de ăla, cum îi zice, reportaj.
Până vine la ei în sat o grupă de studenţi de ăştia de la etnografie şi cu profesor – colac peste pupăză. Să ia interviuri despre ştima şi despre obiceiurile lor legate de apă. Şi luară ăştia babele la rând că, de, bărbaţii au treburi mai importante decât să ţina minte tradiţii. Că asta, că aia, ajunseră la obiceiul ăla al lor de-i zice Caloianul. Că îngropi o păpuşă de lut, o boceşti, o pomeneşti, pe urmă o dezgropi, o arunci în ape şi , chipurile, o să-ţi crească porumbul ca stejarul. Bucatele li se făceau mereu de minune, nu atâta le era baiul, pe motivul ăsta nici nu mai ştiau foarte mulţi că ce-i ăla Caloian. Da le plăcea că veniseră şi alea tinerele, frumoase de picau să-i întrebe una alta. Se simţeau şi ei bine. Şi ce idee îi vine unui moş mai şugubăţ? Să facă de să vadă ei ăştia cum e obiceiul, da nu aşa cum fusese el pe vremuri. Îi venise lui o găselniţă anume, s-o facă mai lată adică. Zice ăsta – şi toţi şi-au pus capul cu el, că era bun de gură şi de petrecut şi starostise la nu mai ştiu câte nunţi. Zice, mă, oricum în câţiva ani ne ia aia din baltă pe toţi şi de ar fi să ne intre Dunărea pe geam. Hai să-i facem şi noi o ispravă, măcar să ştim că nu ne-am dus de pomană.
Şi se apucară de făcură păpuşile ălea, da nu oricum, merseră câţiva la oraş de făcură fotografii ceramice de ălea ce se pun pe morminte cu fiştecare din sat şi poznele ălea le lipiră în loc de faţa pe păpuşi. Aşa, ca nişte măşti de ălea când mergi cu capra. Se cruciră şi ăi de la universitate, că ei nu aşa ştiau ritualul. Şi făcură cum le era de făcut. Cu îngropatul trei zile, cu pomana şi bocetele femeilor, cu dezgropatul şi aruncatul în apă. Tot, tot, tot. Şi ce crezi? Bineînţeles că apărură mai apoi în ceva carte, ca să vezi adaptare a tradiţiilor la mediile moderne. Da trecu anu şi veni următorul iar ăia de muriră, muriră toţi în patul lor. Crezuse vidma că i-a fi înecat pe toţi la o adică.
– Nene, tare deşteaptă nu fu nici ştima aia a ta. Ptiu, că mă muşcă unde am uitat să mă dau. Zici că şi prin pantof intră.
– Ia şi mai dă. Uite-aşa cu ştima şi aşa cu bulgarii. Ce zici, ce ne dau ăştia la prânz?
Înger ParcÎnger Parc
Marius Conkan
Înger Parc
Într-o vară de iunie, câţiva sculptori poposiră la un conac de lângă Dunăre ca să facă din paie şi fier nişte îngeri. Unul dintre sculptori era, cu siguranţă, şi sudor, întrucât din microbuzul care-i purtase sute de kilometri, din Transilvania până la portul Cetate, fusese coborât un aparat de sudură înfăşurat în cabluri. Cu ajutorul unui angajat al conacului, aparatul de sudură fu cărat până în mansarda unde aveau să locuiască, vreme de o săptămână, cei şapte sculptori care halucinau deja la gândul că îngerii încropiţi din paie şi fier trebuie neapărat să fie asimetrici şi ciunţi, altfel ar fi doar nişte îngeri buni de pus, la loc de seamă, în muzeul Academiei.
În după-amiaza sosirii lor la conac, sculptorii erau lihniţi şi încă nehotărâţi cu privire la folosul îngerilor într-un asemenea loc care nu se cuvine lăsat de izbelişte ori în plata vreunei ideologii, fie ea şi minimalist-creştină. Până la ceasul cinei mai aveau de aşteptat două ore, aşa încât după ce făcură un duş rece care îi întremă puţin, sculptorii se plimbară pe malul Dunării, la o depărtare de o sută de metri de conac, ca să plănuiască unde vor fi aşezaţi, la loc de cinste, îngerii cu pricina.
– În caz de inundaţii, riscăm un singur lucru, fu de părere sculptorul-şef. Nu-i vorbă că îngerii vor fi luaţi de apă şi duşi pe malul bulgăresc – şi bulgarii au nevoie de îngeri, nu încape îndoială. Dar teamă mi-e că ei vor fi îngropaţi în mâl şi li se vor mai zări doar cheliile de îngeri fluturând deasupra apei. Atunci se vor duce de râpă şi angelitatea, şi prestigiul nostru!
– Ai dreptate, interveni un alt sculptor mai bondoc. Poate însă că aşa vom revoluţiona sculptura cu nişte chelii de îngeri plutind la orizont!
– La orizontul cui?, rosti înţepat al treilea sculptor. Doar nu vă aşteptaţi ca, în vreme de inundaţii, cineva să vină pe aici şi să pună ştampila de geniu pe cheliile voastre îngereşti. Mai degrabă să fim precauţi şi să calculăm milimetric până unde se poate înălţa apa Dunării. Mai întâi să aflăm nivelul inundaţiilor din anii trecuţi şi să facem o statistică, să calculăm probabilitatea.
– Asta-i bună! Prea multă matematică strică şi sculpturii, darmite îngerilor, se răsti al patrulea sculptor care până atunci urmări îmbufnat discuţia. Poate îi suspendăm la zeci de metri înălţime ca lumea să se uite la ei cu binoclul. N-are rost să ne împotmolim acum când treaba nici măcar n-a fost începută.
Băgând de seamă că neînţelegerea privind locul de amplasare al îngerilor poate continua la nesfârşit, cei şapte sculptori se gândiră că puţin carpe diem, înainte de cină şi somn, n-ar fi de prisos şi îşi continuară drumul prin grădina conacului, simţind că foamea şi oboseala se cuvin alungate cumva. Nu le e dat oricând să vină la Dunăre şi să sculpteze nişte îngeri lângă un conac boieresc. Una e să-ţi expui în piaţa publică sculpturile, şi alta să le găseşti un loc de veci pe malul Dunării unde singura primejdie este furia apei. Dacă şi vinul va curge gârlă în carafe şi nu se va sfârşi în săptămâna de pomină cât vor lenevi la conac, cu siguranţă îngerii n-au de ce să-şi facă griji: cu sau fără chelie, luaţi de ape sau înecaţi, ei tot îngeri vor fi!
Conacul de lângă Dunăre era în proprietatea unui bucătar faimos care inventase nu mai puţin de o mie de reţete acreditate internaţional. Îşi dobândise faima scriind poezie, dar la vârsta când împlinise cincizeci de ani pricepu că o carieră lungă de poet nu poate fi altfel încheiată decât… gastronomic. Raţiunile unei asemenea decizii erau simple: cu ce se aseamănă poezia dacă nu cu amestecul cumpătat de mirodenii şi ingrediente cântărite cu grijă şi înnădite la foc încins ca să le dea splendoarea cerută de nişte papile pretenţioase?! Plăcerea unei poezii nu-şi găseşte, oare, seamăn în desfătarea trăită când bucatele se topesc în gură ca zahărul cel mai fin?! Aşa încât, bucătarul faimos nu-şi simţi inima şi capul de poet licărind, ci tocmai stomacul când îi mărturisi, într-o noapte de insomnie, nevestei sale că artă mai frumoasă decât poezia nu e decât mâncarea care te face poet. De atunci începu să deteste cantinele şi cantinistele, fast-foodurile şi restaurantele cu stele măsluite. În aceeaşi măsură îi crescu şi dispreţul pentru poeţii mediocri şi pentru artiştii care beau în exces fără să mănânce zile întregi ori sunt indiferenţi când cineva îi serveşte cu ciulama în loc de alcool rafinat.
Moştenind un conac retrocedat, care aparţinuse străbunicului său boier şi funcţionase ca depozit de lemne zeci de ani, bucătarul îşi deschise un restaurant lângă Dunăre care avea să-şi dobândească, în doar un deceniu, celebritatea binemeritată. Bucătarul ştiu de îndată că, dacă nu îşi va folosi imaginaţia şi simţurile în bucătărie aşa cum şi le folosise odinioară în poezie, risca să sfârşească, spre deznădejdea lui, ca amator al ciorbelor nesărate şi al pilafului. La un congres naţional de poezie, el rosti un discurs care îi cam năuci pe poeţii cu ifose, dar amorţiţi deja şi bolborosind de la tăria consumată pe stomacul gol.
– Poezia nu va mai fi citită de nimeni dacă nu va putea fi confundată cu mâncarea! Poeţii bucătari sunt salvarea poeziei căzute în dizgraţie! Un poet genial, un master chef în plus! Un vers şi o imagine poetică trebuie simţite ca înlănţuirea mirodeniilor turceşti! Poeţii fără bucătărie proprie să fie izgoniţi din cetate!
Aici, mulţimea care până atunci chicotea şi reacţiona ca la auzul unui profet nebun începu să huiduie:
– Vrem alcool şi-apoi poezie! Berea şi vinul sunt finalitatea oricărei poezii! Nu putem scrie fără o tărie!
Deloc triumfător, poetul devenit bucătar de top părăsi sala, înjurându-i printre dinţi pe invitaţii de seamă, cam aburiţi de altfel, care nu înţeleseră mesajul său revoluţionar. Finalitatea oricărei poezii scrise de voi e ciroza hepatică, mai apucă să spună în hărmălaia iscată, înainte să-şi comande un taxi care să-l ducă la hotelul unde era cazat.
Din acea clipă, se izolă tot mai mult de şleahta de poeţi care, spre uimirea lui, erau capabili de orice alte dependenţe, cu excepţia celei culinare. Totuşi, i se înfiripă în minte un sâmbure de îndoială cu privire la credinţa lui în salvarea poeziei prin mâncare şi gastronomie. Era destul de convins că dependenţa bahică a celorlaţi poeţi nu e mai presus de adicţia lui pentru bucătărie, şi atunci îşi făgădui că, de vreme ce la poezie se poate ajunge prin mai multe căi, el va urma cu sârguinţă calea bucătăriei, fără să-i mai critice pe ceilalţi sau să le denunţe uşurătatea alcoolică. Neputând să-şi ţină în frâu pofta de a-şi face auzită credinţa şi de a-şi predica ideile revoluţionare, bucătarul rostea zilnic discursuri despre bucătărie, poezie şi legătura lor de nedezlegat, în faţa ospătăreselor, a oaspeţilor şi clienţilor de la conac, dar şi în faţa maidanezilor fătaţi lângă Dunăre, care îl ascultau întotdeauna cu ochii umezi şi c-o felie de friptură între dinţi.
Cu câteva luni înainte ca sculptorii să fie invitaţi la conacul de lângă Dunăre, bucătarul deja celebru în Europa luă parte la o expoziţie culinară, care avea loc într-o suburbie a portului Napoli. Deloc entuziasmat de reţetele italieneşti sau de fandoseala bucatelor franţuzite, care trebuiau mărite cu lupa înainte să le înghiţi, bucătarul dunărean intui că o ciulama din hribi uscaţi şi o plăcintă cu mere şi stafide vor fi pe placul juraţilor, ceea ce se şi întâmplă, mai ales că bucătarul francez fusese descalificat deoarece folosise chimen într-o reţetă fără chimen şi era cât pe ce să-i de-a duhul unui jurat cu multiple alergii. După ceremonia în care i se oferise titlul de master chef al anului, bucătarul dunărean fu invitat la castelul Dell’Ovo din Napoli unde era organizat aşa-numitul cocteil al gurmanzilor. Lungi discuţii plictisitoare despre efectul nociv al piperului negru în supele-cremă îi împăienjeneau ochii şi îl făceau să se gândească la ipohondria bucătarilor care, fanatici din fire, ajung să-şi suspecteze propriile mâncăruri de pestilenţă. Îi veneau în minte tot soiul de scenarii în care maeştri-bucătari erau internaţi la psihiatrie după ce se sminteau din cauză că sparanghelul nu făcea un unghi de 45º cu roşia coaptă sau că sosul de smântână şi verdeţuri se prelinse câţiva milimetri pe farfurie. Perfecţionismul în bucătărie, ca şi în poezie, distruge imaginaţia! Câţi poeţi compulsivi, atâţia bucătari nevrotici, îşi spuse el în gând, cu o uşoară precauţie pentru sănătatea lui mintală.
Când era hotărât să se furişeze de la cocteil şi să se îmbarce în primul avion către România, bucătarul dunărean zări la capătul sălii un domn în vârstă, cu ochelari rotunzi şi barbă stufoasă, în care îl recunoscu pe maestrul Sigarev, devenit celebru în întreaga lume cu o reţetă specială de raţă sălbatică la cuptor. Maestrul şedea singur la o masă şi sorbea un vin rosé, privind din când în când împrejur, timorat întrucâtva de mulţimea care punea la cale viitorul stomacal al omenirii. Ceva însă îl atrase magnetic la acest bătrân şi îl făcu pe bucătarul dunărean să se apropie de Sigarev:
– Am gustat şi eu la Paris din raţa dumneavoastră. Apoi m-am străduit de câteva ori să o prepar, dar mi-a ieşit ori prea coaptă, ori prea aromată, ori semăna cu raţele altora, spuse el fâstâcit.
– Raţa ca raţa, dar să vezi ce gustos e îngerul la cuptor, răspunse Sigarez cu seninătate.
Bucătarul se prefăcuse că nu aude ultima parte a replicii şi îşi continuă ideea despre raţe:
– Orice-ar fi, raţa e pretenţioasă la gătit. Sunt convins că v-a luat o viaţă întreagă să aflaţi ce-i poate pielea!
– Un înger face cât o mie de raţe! Am găsit unul în podul casei şi l-am gătit.
Luând ca pe un act de graţie ultima vorbă a acestui maestru nebun, care la senectute are viziuni cu îngeri, iar nu cu cratiţe, bucătarul dunărean îl salută pe Sigarev reverenţios şi, decis să nu mai participe degrabă la astfel de sindrofii, se grăbi să ajungă acasă. Pe avion, însă, medită la scurta conversaţie cu Sigarev şi înţelese doar atunci că aceasta nu era fără noimă şi că îngerii sunt soluţia pe care-o căuta cu privire la uniunea dintre poezie şi gastronomie. Ea nu se găsea în ceilalţi sau în recunoaşterea lor, ci chiar în el însuşi, dar numai atunci îi putu da glas:
– Pretutindeni îngerii iau chipul unor oameni şi chiar dacă vocile cuvioase spun despre ei că nu au sex (şi chiar îmi vine să le cred pe cuvânt dacă n-ar fi aproape toţi îngerii bărbaţi), sunt sigur că le place enorm să mănânce şi că asta e suprema lor îndeletnicire. Mănâncă tot ce prind şi-l lasă adesea pe Dumnezeu flămând. Chiar şi Diavolul a fost izgonit din ceruri fiindcă a râvnit la mâncarea preferată a lui Dumnezeu: Zucchini Risotto. Pe de altă parte, îngerii sunt revelaţia ultimă a unui poet şi aş crede că toţi poeţii au astfel de revelaţii dacă îngerii n-ar fi folosiţi tot la a treia poezie, de tot al treilea poet. O inflaţie şi un manierism de îngereală!
Bucătarul dunărean hotărî atunci că scoaterea îngerilor din zeflemea şi anonimat era posibilă doar dacă va construi un Înger Parc la conacul lui de lângă Dunăre. Era convins, de altfel, că Sigarev, în nebunia lui, avea puţină dreptate: îngerii nu au aripi înalte şi somptuoase ca ale lebedelor, ci tocmai aripi boante de raţă. Păcat însă că lui Sigarev îi trebui o viaţă de om să gătească raţe sălbatice ca să ajungă la îngeri!
La cină, bucătarul îi ademeni şi ospeţi pe cei şapte sculptori cu cele mai gustoase mâncăruri gătite de el: muşchiuleţ de porc în vin roşu, piure de castane, pandişpan cu vişine şi plăcintă de mere. Cu toţii începură să cânte şi să se veselească până noaptea târziu, căci carafele reci de vin alb erau fără fund. Lângă vişinii copţi de lângă conac, bucătarul le povesti atunci întâlnirea cu Sigarev şi cum prin ea se născuse fascinaţia lui pentru îngeri. Nu vru să-i constrângă defel, deşi îi era limpede cum ar trebui să arate Înger Parc. Le spuse doar atât:
– Aş vrea ca îngerii sculptaţi să fie şi bucătari şi poeţi, gurmanzi şi trupelnici, cu poftă de viaţă ca mine. Să fie păzitorii conacului.
– Cu destul vin şi mâncăruri pe măsură, nu încape îndoială că paiele şi fierul se vor îngeri, răspunse sculptorul-şef, făcându-le cu ochiul celorlalţi.
– Cum nu cred că îngerii sunt la fel, cu siguranţă unul va fi mai răsărit şi va veghea asupra celorlaţi, adăugă bucătarul. Vă las pe voi să ghiciţi care va fi acela.
Sculptorii nu pricepură de îndată care era rostul acestor cuvinte, dar aveau totuşi să se dumirească mulţi ani mai târziu.
În prima zi a şederii lor la conac, ei desenară câteva schiţe de îngeri, din care bucătarul alese doar trei. La indicaţiile sculptorului-şef, administratorul conacului luă schiţele cu pricina şi, în ziua următoare, se întoarse cu un camion plin de tablă de fier, paie şi sârmă. Aparatul de sudură fu coborât din mansardă, iar sculptorii începură să-şi lucreze instalaţiile. Primul înger, care avea să fie aşezat în faţa conacului lângă cuptor, era o femeie din paie, înfăşurată în sârmă ca într-un corset. Cu braţele tăiate şi fără cap, din femeie rămâneau doar fesele uriaşe, îngrăşate peste măsură. Pe această îngereasă gurmandă bucătarul o numi Muza Cuptoarelor. Al doilea înger era o pasăre din tablă neagră, cu aripile franjurate şi trup de om. Acesta îi fu cel mai puţin pe plac bucătarului, dar nu avu de ales, îl porecli Dezertorul şi ceru să fie aşezat pe malul Dunării. Al treilea înger era un polonic imens, înfipt în pământ, cu aripi boante la gâtlej. Pe acesta sculptorii îl puseră în drumul către ponton, iar bucătarul îl îndrăgi într-atâta încât îl numi Raţa Sălbatică.
În cele şapte zile cât poposiră la conac, sculptorii izbutiră astfel un mic Înger Parc de care bucătarul era mândru şi care înminuna conacul şi Dunărea. Nimănui nu îi mai era frică de inundaţii şi nici măcar sculptorii nu mai tresăreau la gândul că îngerii vor fi luaţi de viituri.
Obişnuit să citească ziarul de dimineaţă, sculptorul-şef se opri, în drum spre atelierul său, la un chioşc din centrul oraşului în care locuia. Trecură deja câţiva ani de când îngerii era înfiinţaţi la conac, iar prezenţa lor spori, de bună seamă, câştigurile şi prestigiul restaurantului de lângă Dunăre. Ca orice faţă bisericească, şi îngerii sculptaţi sunt în folos financiar, fie ei ciunţi şi diformi. Pe prima pagină a unui ziar central, sculptorul-şef citi un articol despre inundaţiile năpraznice din ultima vreme. Lângă fotografii cu case inundate şi câini înotând de zor prin apa mâloasă, sculptorul zări o poză cu un om care plutea pe Dunăre într-un polonic imens, sprijinit de nişte aripi de tablă:
– Ei drăcie, iată poanta cu raţa sălbatică!
Ştime Parc sau Poveşti Dunărene la Port CetateŞtime Parc sau Poveşti Dunărene la Port Cetate
Ştime Parc
sau
Poveşti Dunărene la Port Cetate
Iată că a fost – în cele din urmă – şi “Dinescu”, cum neoficial se mai cheamă atelierul de scriere creativă de la Portul Cetate. A fost şi s-a savurat pentru că altfel nu este omeneşte şi scriitoriceşte cu putinţă.
Un puternic sentiment de irealitate ne-a stăpânit din momentul lansării proiectului până în ultima zi de şedere. Pare improbabil să repeţi un “Dinescu”, dar când te afli la faţa locului ai impresia că de fapt nici n-ai plecat. Rulajul de îngeri, care de tinichea, care de paie, renovarile discrete sunt singurele dovezi că s-au mai scurs nişte ani. Să revenim la subiect.
Poveşti dunărene a fost tema acestui atelier şi am văzut-o ofertantă, mai ales că ştirile din ultima vreme ne făcuseră să aşteptăm un real diluviu pentru luna iunie. Potopul a rămas intr-un final în imaginarul nostru, Dunărea fiind mai cuminte ca de obicei, ba chiar destul de scăzută, pe motiv de caniculă.
Poveştile rezultate, în schimb, au mustit de înecaţi, ştime ale apei şi alte calamităţi, vădind într-o oarecare măsură prejudecata omului de sub munte despre viaţa la Dunăre. O parte din scrieri au poetizat urgia, altele au tratat-o cu umor, după temperamentul şi dispoziţia creatoare a fiecărui participant. Produsul final satisface o gamă largă de gusturi, în ciuda (sau chiar datorită) unei vagi aplecări spre cruzime a povestitorilor (povestaşilor).
Şi pentru că tot am vorbit despre povestitori, se cade să-i şi menţionăm aici, începând cu Ruxandra Cesereanu, iniţiatoarea acestui proiect. Printre “veterani” s-au aflat poetul Marius Conkan, Valentin Moldovan şi subsemnata. Pentru prima dată la Portul Cultural Cetate s-au aflat şi au scris Simina Raţiu, Lavinia Rogojină şi invitatul special al atelierului – Cosmin Perţa. Pentru o scurtă vreme, din partea Televiziunii Române, ne-a ţinut companie Vasile Hotea Fernezan.
Se cade întotdeauna când scrii la sau despre Portul Cultural Cetate să adaugi puţină culoare locală. Ne aşteptam pe undeva ca atmosfera celor o mie şi una de nopţi să se fi destrămat o dată cu atelierul omonim (petrecut între 2008-2009). Nici vorbă, Mircea Dinescu s-a arătat a fi acelaşi amfitrion generos, deşi mereu pe picior de plecare. Am avut parte chiar şi de un micro-recital Mambo Siria plătit cu două ţigări.
Nu vom uita nici câinii conacului, care ne-au umplut nopţile cu un alt fel de recital, pentru a dormi pe urmă zi-lumină în gropile răcoroase săpate printre straturi. Negruţa, potaia iubitoare de struguri, a avut un soi de fan club pe durata şederii noastre.
Drept încheiere pot să spun că a fost un atelier mai potolit decât cele din anii trecuţi, poate din pricina căldurii intense (poate pentru că am mai îmbătrânit şi unii dintre noi). Având drept singură constrângere tema dunăreană, s-a scris, stilistic vorbind, mai liber. Dar, cel mai important lucru, am regăsit ceva din dinamica fostelor ateliere de proză, fapt care sperăm să reiasă şi din noile povestiri scrise la Cetate în anul şi vara de graţie 2014, luna iunie.
Suzana Lungu
Povesti dunarene – Polul Cultural Cetate: galerie fotoPovesti dunarene – Polul Cultural Cetate: galerie foto
Pour une rhétorique de l’imaginaireFor a Rhetoric of Imagination
Possible worlds: Fantasy, Science-Fiction
Possible worlds: Fantasy, Science-Fiction
The possibility to build other worlds, different from those we live in, is emphasised in two important streams of modern literature: fantasy and science-fiction. Fantasy literature became famous in the second half of the 20th century. Developing the theoretical hallmark set by J. R. R. Tolkien in his essay “On Fairy-Stories” (1947), researchers like C. N. Manlove, W. R. Irwin, Eric S. Rabkin, Roger C. Schlobin, Brian Attebery, Rosemary Jackson, Kathryn Hume, and more recently Lucie Armitt and Farah Mendlesohn tried to define this type of literature, by establishing its historical and cultural roots, and disclosing fictional/ rhetorical/ imaginary mechanisms that enable the construction of “secondary worlds” (in Tolkien’s own words). There are still questions that need answers and any theoretical contribution and attempt to clarify concepts in this field are welcome. How do space and time function in fantasy fiction? Which methods and concepts work best to interpret this type of fiction? How far can we go to establish its roots? How did the narrative structure of fictions about possible and impossible worlds change throughout time? What kind of relationship can emerge between fantasy literature, the digital environment that creates alternative worlds, and the filmic portrayal of well-known stories such as Alice’s Adventures in Wonderland, The Lord of the Rings, The Chronicles of Narnia, The Neverendig Story, Harry Potter, and so on? What relevance does fantasy literature have for the modern and postmodern individual?
In what concerns the science-fiction literature, the volume envisages papers focusing both on different subgenres of SF and on the borderline works between SF and other genres. The first category includes articles that discuss and analyse works by the so called ‘Hard SF’ authors (such as, but not limited to, Isaac Asimov, Philip K. Dick, Kurt Vonnegut), ‘soft’ and social SF that revolve around themes connected to economics, social sciences, political science, psychology and anthropology (Arthur C. Clarke, The Strugatsky Brothers, Stanislaw Lem, Janusz Zajdel), utopian / dystopian fiction (developed by or related to George Orwell, Yevgeny Zamyatin, Doris Lessing, Aldous Huxley or Karel Capek), Cyberpunk, Biopunk, Steampunk and Dieselpunk fiction (William Gibson, Steve Stiles, Bruce Sterling, Neil Stephenson, Pat Cadigan, and others), feminist SF (Ursula Le Guin or Margaret Atwood), time travel narratives similar to those written by H.G Wells, uchronias and alternate history novels (Ward Moore, Philip K. Dick or Murray Leinster), superhuman or apocalyptic Science-Fiction (Olaf Stapledon, A.E van Vogt, George R. Steward or Ridley Walker) or Space Opera (L. Ron Hubbard, Edward E. Smith or Joss Wheedon). Bordeline SF includes horror stories by authors that have incorporated in their narratives science fictional elements (such as Mary Shelley or Edgar Allan Poe), works that combine SF with fantasy elements (Ann McAffrey), or with mystery (Kurt Vonnegut and others). The volume also focuses on several forms of contemporary art and media, different from literature, that have incorporated fantasy and SF topics: movies, comics, pop music, computer games.
Marius Conkan & Niculae Gheran