Author Archives: webmester
The Day of the Passion of the Men of Britain: Mistreţul ca o fantomă provocatoare de dezordine în literature welşă şi în poezia lui David Jones
Banshees irlandeze şi lumea subterană Tuatha De Danann
Corin Braga
Université Babes-Bolyai, Cluj-Napoca, Roumanie
CorinBraga@yahoo.com
Les Banshees irlandaises et le monde souterrain des Tuatha de Danann
Irish Banshees and Tuatha de Dananns’ Underworld
Résumé: Dans le folklore irlandais et écossais, les banshees sont des esprits, des fées ou des fantômes qui annoncent et/ou lamentent la mort des hommes. Le folklore chrétien les associe à des démons (parfois succubes) et à la sorcellerie. Leur nom, toutefois, bean sidhe, femmes des sidhe (ou tumulus funéraires) suggère une origine plus ancienne, dans la mythologie celtique païenne. Les sidhe et les cairns, hérités par les Gaëls indoeuropéens de la civilisation néolithique des mégalithes, sont, imaginairement, les entrées vers l’autre monde souterrain habité par le peuple magique des Tuatha de Danann. Seigneurs mythiques de l’Irlande préhistorique, les « fils de la déesse Danu » sont les ancêtres daïmoniques des Gaëls. Leurs femmes et filles, dames de féerie, sont des divinités du territoire et du sort. En tant que telles, elles leurrent les héros dans leur domaine, mais aussi consacrent les rois et les chefs. Leur aspect, soit terrifiant, laid et vieux, soit jeune, charmant et bénéfique, dépend de la qualité du héros qui, bon gré mal gré, est obligé d’avoir commerce avec elles. Notre travail se propose de démontrer que la banshee est une pseudomorphose chrétienne de cette figure celtique païenne.
Keywords: Irish mythology ; Tuatha De Danann ; Manannan Mac Lir ; Banshee.
Dans le folklore irlandais et écossais, les banshees sont des esprits, des fées ou des fantômes qui annoncent la mort des hommes. Elles sont des messagers de l’autre monde. L’apparition d’une banshee dans une maison ou un village est un mauvais pressage pour un des membres de la famille ou de la communauté. Plusieurs banshees rassemblées avertissent de la mort d’un grand personnage, un roi, un prophète, un saint. Elles sont donc une sorte de divinités du destin, à l’instar des Moïras grecques, plus précisément d’Atropos, la plus vieille des trois sœurs, qui coupe les fils des vies humaines[1]. Parfois elles apparaissent comme des laveuses, qui nettoient et blanchissent les habits teintés de sang des guerriers sur le point de mourir (Irlande) ou des morts ensevelis (Grande Bretagne). Des figures similaires apparaissent aussi dans le folklore allemand (les ”laveuses”) et français (les ”dames blanches”).
Appelées occasionnellement bean chaointe (keening women – pleureuses), les banshees ont aussi le rôle de lamenter les morts. Si pour les hommes simples le rituel funéraire prévoit la présence de pleureuses humaines qui psalmodient la caoineadh (’kweenyah’ – lamentation traditionnelle), quelques unes des plus fameuses familles historiques d’Irlande, les O’Grady, les O’Neill, les O’Brien, les O’Connor, ou les Kavanagh, bénéficiaient des services des pleureuses surnaturelles. Aiobhill était la banshee de la famille des Dalcassians du Munster du Nord, et Cliodna des MacCarthys du Munster du Sud. Des banshees en forme humaine faisaient partie de la cour et assistaient les rois d’Irlande. La sonorité de leurs plaintes funéraires allait d’un son bas et plaisant, entre le pleur d’une femme et le cri d’un hibou, jusqu’au claquement de deux planches heurtées l’une contre l’autre, ou un bruit très haut et strident, capable de briser le verre[2].
Le folklore chrétien identifie les banshees à des démons (parfois succubes) et à la sorcellerie. Il est parfaitement compréhensible que, en tant que personnages surnaturels préchrétiens, ayant commerce avec des héros païens, elles ont été associées aux figures négatives de la vision chrétienne du monde. Ainsi, elles sont une sorte d’anges gardiens des enfants non baptisés et des femmes pécheresses, et elles lamentent uniquement les âmes qui, ayant été reçues au paradis, échappent à leur emprise. Evidemment, il s’agit là d’un phénomène tardif d’acculturation et d’adaptation chrétienne hostile d’un matériel païen plus ancien.
À l’instar des sorcières, les banshees peuvent voler et prendre la forme de plusieurs animaux, comme le corbeau à capuchon, l’hermine, le lièvre ou la belette. Sous forme humaine, elles portent des habits paysans, blancs le plus souvent, et parfois une pèlerine rouge, verte, grise ou marron. Elles ont des cheveux longs, blancs ou blonds, dents noirs (en Cornouailles) et seins monstrueux, suggérant que, bien avant de devenir des harpies, elles avaient aussi une fonction maternelle et nourricière. Généralement elles sont vieilles et laides, mais elles peuvent se transformer aussi en des charmantes jeunes filles, surtout pour leurrer les humains[3].
Bien qu’assimilées dans le folklore chrétien, les banshees ont assurément une origine plus ancienne. Plusieurs hypothèses ont été avancées à ce sujet. Une de ces théories soutient que les trois formes de prédilection des banshees, une jeune fille charmante, une matrone nourricière ou une harpie terrifiante, correspondent aux trois apparences de la déesse de la guerre et de la mort, Badb, Macha et Morrigan. L’association des banshees avec Babd confère aux premières la possibilité de se transformer en corbeau, l’oiseau effigie de la déesse. Dans certains contes, une banshee est le premier aspect sous lequel se montre Morrigan, la terrible déesse irlandaise de la guerre.
Une autre possible ascendance des banshees est la déesse primitive de la terre et des eaux qui se retrouve sous les figures de Cailleach, Muilearteach (Irlande et Ecosse) et Black Annis (Angleterre). Cailleach, « la vieille femme », était la mère des géants Fomoré, êtres monstrueux qui habitaient dans les brumes du Nord et s’attaquaient périodiquement aux vagues d’habitants de l’Irlande. A face bleue et noire et bouche hurlante, elle était la patronne des animaux sauvages et des vents. Muillearteach avait la face bleue et grise, peinte de charbon, les dents rouges et un œil tout voyant. Elle voguait dans les montagnes sauvages et les marais et mangeait les enfants perdus qui n’étaient pas protégés par des charmes. Black Annis habitait une cave dans les Dane Hills du district de Leicester et attaquait les passants, spécialement les enfants[4]. Les banshees héritent cet aspect d’esprits des lieux, des arbres, des rivières et des pierres (plusieurs rochers in Waterford, Monaghan ou Carlow sont appelés « chaises des banshees »).
Toutefois, leur nom, ben síde (irlandais ancien), bean sidhe (irlandais moderne), bean shìth ou bean-shìdh (ecossais), femmes des sidhe (ou tumulus funéraires), suggère leur appartenance directe au aos si, le « peuple des sidhe », à savoir les Tuatha De Danann. Elles sont les femmes et les filles de ces seigneurs qui habitent le royaume souterrain qui double par-dessous la terre toute la surface de l’Erin. Les sidhe et les cairns étaient des constructions mégalithiques que les Celtes avaient héritées des habitants néolithiques de l’Irlande. Dans l’interprétation celtique, ils étaient les résidences ou les entrées vers les palais souterrains de ce peuple mythique qui fait figure non seulement de prédécesseurs, mais aussi d’ancêtres et d’esprits tutélaires des Gaëls[5]. Et, en effet, héritant à leur tour des Tuatha De Danann, les banshees sont des ”esprits familiers”, attribués aux familles ou clans les plus importants, mais relégués, avec l’introduction du christianisme, aux besognes négatives, comme l’annonce de la mort et le service funéraire.
Selon la chronologie mythique des invasions successives de l’île racontée dans Lebor Gabála Erenn (Le Livre des conquêtes de l’Erin[6]), une compilation amorcée après la christianisation, la tribu ou les « fils de la déesse Danu » seraient venus après trois autres vagues de migrateurs, les hommes de Partholon (ou Bartholomé), ceux de Nemed (le « saint »), et les trois tribus des Fir Bolg, Fir Gaillion et Fir Domnu. Pour se rendre maîtres de l’île, les Tuatha De Danann avaient dû vaincre autant les Fir Bolg que les monstrueux Fomoré, peuple aborigène vivant dans les brumes océaniques du Nord, dans deux batailles successives, portées à la même place, la campagne de Moytura (ou Magh Tuiredh). Puis ils furent à leur tour anéantis par une dernière vague d’immigrants, les Gaëls, le peuple historique des Celtes indoeuropéens.
Un autre récit présent dans le Livre de Fermoy, The Nurture of the Houses of the Two Milk-Vessels[7], raconte qu’après la défaite, les Tuatha De Danann ont dû se réfugier en dehors de l’Irlande, en deux territoires merveilleux : la tribu de Manannan Mac Lir, dans des îles magiques situées à l’Ouest ; la tribu de Dagda, dans un monde souterrain, situé en dessous de l’Erin. Chaque famille des Tuatha De Danann a pris en possession un des sidhe parsemés dans toute l’Irlande : Dagda, le père des Tuatha De Danann, est devenu le seigneur du fameux Bruig na Bóinne, que son fils, Oengus, lui prendra par une ruse ; à Bodb est assigné Sidh Buidb, sur le lac Loch Dergirt ; à Lugh, Sidh Rodruban ; à Ogma, Sidh Airceltrai ; Mider reçoit le Sidh Truin ; Sigmall, le Sidh Neannta ; Finnbarr, Sidh Meada ; Tadg Mór, fils de Nuada, premier roi des De Danann, Sidh Droma Dean ; Abartach, Sidh Vuide ; Fagartach, Sidh Finnabrach ; Ilbrec, Sidh Aeda Easa Ruaid ; Lir, fils de Lughaid, Sidh Finnachaid, « la colline de la plaine blanche » ; Derg, Sidh Cleitid[8].
Dans les récits irlandais, les îles magiques de Manannan Mac Lir et les palais souterrains des Tuatha De Danann sont nommés indistinctement Mag Mell, la plaine des délices, ou Mag Mór (grande plaine), nom général pour l’Autre monde celtique[9]. Presque tous les protagonistes des sagas irlandaises ont eu, à un certain moment de leur carrière héroïque, un contact avec le peuple enchanté des sidhe. Tous ont eu l’occasion, bon gré mal gré, de visiter le monde souterrain. Cu Chulainn, le champion de la Branche Rouge, du cycle d’Ulster ; les rois Conn, ses fils Art et Connla, et son neveu Cormac ; Finn, le chef de la chevalerie mythique du cycle de Tara ; d’autres héros ou anti-héros des traditions d’Erin, tous ont été exposés aux périls et aux charmes de l’autre monde.
Parmi les espèces littéraires dégagées par les compilateurs des premiers « livres » contenant les légendes irlandaises (comme The book of Leinster), deux se réfèrent à des voyages initiatiques entrepris par des héros gaëls dans ces places surnaturelles : les immrama, des voyages sur mer, qui mènent aux îles de Manannan Mac Lir ; et les echtrae, des aventures merveilleuses qui emmènent les héros au Mag Mell, dans ses variantes autant maritime que souterraine. Dans un autre travail, nous avons cru pouvoir dégager la structure narrative de ces espèces épiques. En approchant quelques-unes des echtrae les plus importantes, il nous est apparu possible d’isoler une suite de fonctions narratives : 1. la convocation du héros ; 2. le voyage au Mag Mell ; 3. le combat avec des ennemis surnaturels ; 4. le mariage avec une dame de féerie ; 5. le séjour dans l’autre monde ; 6. le retour en Erin. Ces six invariants épiques constituent une véritable ”morphologie” (comme dirait V. I. Propp) des echtrae[10].
Dans la plupart des echtrae, le héros humain est convoqué dans l’autre monde par une dame de féerie, une des femmes ou des filles des Tuatha De Danann. Le héros est invité à visiter le royaume enchanté d’une manière qui ne lui autorise aucun refus. Que ce soit un rêve, un enchantement, une demande d’aide ou une obligation exigée par la tribu, il ne peut se dérober à cet appel, sans inconvénient pour son prestige, sa santé ou le bien-être de ses compagnons. Les protagonistes ressentent l’obligation d’entreprendre telle excursion de beaucoup de manières, allant de la libre décision à la contrainte. Selon le degré de liberté dont disposent les personnages, il est possible de définir plusieurs types d’intrigues : le rapt, l’envoûtement, l’invitation, la demande d’aide, la recherche, l’agression.
Un rapt fameux est celui d’Aedh, fils d’Eochaid Lethderg, fils du roi de Leinster contemporain de saint Patrick[11]. Pendant que le jeune prince joue avec ses amis près du sidh de Liamhain Softsmock, il attire l’attention de deux dames de l’autre monde. Il s’agit de Slad et de Mumain, filles de Bodb et petites-filles de Dagda. Elles prennent le prince par les deux bras et l’emmènent dans leur palais enchanté. Aedh est obligé d’y rester pendant trois ans, jusqu’au moment où il a la chance de s’échapper du sidh avec cinquante autres jeunes prisonniers. Il va directement chez saint Patrick qui le prend sous sa protection contre le peuple de féerie et le restitue à ses parents.
Il arrive que la convocation soit moins violente, qu’elle agisse plutôt comme une incantation magique liant la volonté du héros. Dans un célèbre récit, Serglige Con Culainn[12], Cu Chulainn s’attaque à deux oiseaux enchantés, attachés par une chaîne d’or rouge, qui chantent divinement. En dépit des conseils de son conducteur de char, Laeg, et de sa maîtresse, Eithne, il leur lance deux coups de fronde et les pointe de sa lance, sans les toucher. Immédiatement après Cu Chulainn tombe dans un sommeil surnaturel et les deux oiseaux lui apparaissent en rêve sous la forme de deux femmes, habillées de vert et de pourpre, qui lui sourient et le frappent. Ce sont les filles d’Aedh Abrat, un seigneur de l’autre monde : Liban, la femme de Labraid, un des rois des sidhe, et Fand, la femme de Manannan Mac Lir. À son réveil, Cu Chulainn se retrouve dépourvu de son pouvoir héroïque et de toute énergie et tombe au lit. Après un an de maladie, il est visité par Oengus, un autre roi de la race magique des Tuatha De Danann, qui lui annonce que, pour récupérer sa force vitale, il doit aller chez les deux femmes du sidh.
Parfois, le châtiment magique prend la forme d’un envoûtement féerique. C’est le cas de l’invitation adressée par Mider, un des rois des Tuatha De Danann, à Etain, la femme du roi d’Erin Eochaid Airem[13]. Etain avait été originairement, dans l’autre monde, la femme de Mider, mais elle s’était réincarnée dans notre monde et avait épousé le roi d’Irlande. Pour la récupérer, le seigneur du sidh joue au fidchell (jeu d’échecs celtique) avec le roi d’Erin et la demande comme prix de la victoire. Comme elle hésite à le suivre, il lui chante des vers magiques, qui décrivent les délices de l’autre monde et exercent sur elle un effet anamnésique, lui rappelant qui elle avait été auparavant.
Arrivé finalement dans le Mag Mell, après un voyage magique et non dépourvu de périls, et ayant vaincu les gardiens ou les ennemis qui s’opposent à sa descente, le héros est invité à se marier avec la dame de féerie qui l’a convoqué. L’union a d’habitude une valeur politique. Oisin est tenté par Niamh avec la promesse d’être investi roi de Tir na n-Og, en tant que gendre du seigneur des immortels[14]. Laeghaire reçoit en mariage la fille de Fiachna, Der Greine (la « Pucelle du soleil »), et il reste à régner dans le sidh avec son beau-père. Cu Chulainn est aimé par Fand, la femme délaissée de Manannan, et c’est seulement l’intervention du seigneur de la mer, jetant l’oubli entre les deux, qui empêche l’intronisation du héros par une union maritale et détermine son retour en Erin. Finn, après avoir aidé le seigneur du Mag Mell à vaincre le « roi de Grèce », gagne l’amitié de la fille du roi, Tasha aux Bras Blancs.
S’étayant sur telles légendes, Frazer et d’autres analystes ont cru pouvoir rétablir un rite celtique (ou peut-être pré-indo-européen) de succession violente au trône, lié au culte de la Grande Déesse. Dans une conception de type supposé « matriarcal », la reine-prêtresse est le représentant du pouvoir sacré sur terre, le substitut de la divinité territoriale. C’est elle qui constitue l’axe organisateur de la communauté et du royaume, c’est d’elle que dépendent la fertilité et le bien-être de la cité. Les héros masculins ne sont qu’une sorte de satellite autour de la souveraine[15] et ne deviennent rois que s’ils sont élus maris par la reine : « La Souveraineté », commente dans ce sens Jean Markale, « incarnée par la Femme, se donne à celui qui est le plus qualifié pour la survie et l’expansion du groupe social dont elle est à la fois la mère, l’amante et la déesse »[16].
Les devoirs de la reine comprenaient même une sorte de « prostitution royale » : elle était tenue de « proférer l’amitié de ses cuisses » aux héros errants, pour attirer les meilleurs guerriers au service de la communauté. La légendaire légèreté de moeurs de la reine Mabd ne serait que le résultat de l’évhémérisation d’une figure divine, celle de la grande déesse du pays censée prendre en mariage tous les rois successifs du royaume. Selon Frazer, l’élection du mari et du roi se faisait à travers un combat ou un duel entre les candidats, ou même entre l’ancien roi, devenu faible, et un plus jeune et vaillant prétendant. Ce schéma se retrouve dans le rituel de succession violente à la fonction de prêtre de la déesse Diane du temple de Némi[17].
Si c’est le père ou le mari, donc le roi en fonction qui sort vainqueur, il enrichira de la tête du vaincu sa collection de crânes plantés dans des pieux autour de la maison. Le fort de Morgan, le père de la fille recherchée par Art, est entouré d’un cercle magique de dépouilles des vaincus. Le thème de cette exposition macabre, ayant son origine dans le culte chamaniste des crânes, se rencontre aussi bien dans les contes de fées européens que dans ceux d’origine asiatique. Si c’est le prétendant qui gagne, la femme ou la fille n’aura presque jamais, aucune objection à se marier à l’assassin de son père ou de son mari, comme si la châtelaine était « obligée par la coutume […] d’entrer dans la possession du vainqueur comme prix de la victoire »[18], chose assez surprenante pour notre morale moderne.
Toutefois, quelques remarques correctives s’imposent. Dans les légendes irlandaises, beaucoup moins que dans les légendes arthuriennes, le thème de la succession élective au trône ne s’applique pas au monde des vivants. Dans les royaumes des Gaëls, l’héritage est patrilinéaire, de père en fils, l’exemple le plus fameux étant la dynastie Conn – Art – Cormac – Cairbré (le roi qui aurait décimé la milice des Fianna). De plus, le thème du mariage ne s’applique que d’une manière partielle aux echtrae qui narrent une descente dans le monde des sidhe. Les seigneurs Tuatha De Danann ne s’empressent pas de donner la main de leurs filles aux héros vivants et, quand ils le font, il s’agit soit d’une alliance politique, soit d’un amour spontané.
Le prototype mythique, le modèle divin, de la quête maritale surnaturelle, est offert par Oengus ou Angus. Bien qu’il soit le fils de Dagda, donc un Tuatha De Danann, Oengus n’est pas à l’épreuve des tentations des femmes de féerie. Un récit appelé Le rêve d’Angus raconte comment il fut visité une nuit par une jeune femme de rêve[19]. De même qu’Achille qui rencontre en rêve l’image de son ami mort Patrocle et tente vainement de le saisir, Oengus essaie sans réussir d’embrasser la femme merveilleuse qui s’évapore dans ses bras. La deuxième nuit la dame apparaît de nouveau et lui chante une mélodie envoûtante. L’amour fantasmatique continue pendant plusieurs nuits, épuisant les forces vitales d’Oengus. Quelques siècles plus tard (dans une chronologie mythique), Cu Chulainn expérimentera à son tour la langueur paralysante du contact avec les femmes du rêve. Oengus cesse même de manger, ce qui est un symptôme du dépaysement et du changement de condition qu’il est en train de subir.
Bien que les druides d’Ulster soient conscients des dangers des amours dans la surnature, ni la médecine de Diancecht ni la magie de Goibnu ne peuvent guérir le protagoniste. C’est alors à Dagda et à Bobd Derg, le grand roi des sidhe, d’intervenir, envoyant des émissaires chercher la jeune femme. La quête s’avère difficile, mais finalement Oengus est appelé à reconnaître son amante dans Caer, la fille d’Etal Ambuel, le seigneur du sidh de Uaman, dans le Connaught. La demande en mariage ne se passe pas sans entrave, parce que Caer est une femme-cygne, à l’existence amphibie, entre homme et oiseau, trait archaïque qui rappelle la condition semi-anthropomorphe du Roi de la forêt et de sa fille. Pour obtenir sa main, Oengus doit accepter de se métamorphoser à son tour en oiseau et de partager avec son épouse féerique les changements de forme humaine et animale.
Dans La visite de Laeghaire mac Grimthann’s au royaume enchanté de Magh meall[20], Laeghaire est lui aussi récompensé par Fiachna pour son aide par une alliance maritale. Le roi souterrain lui offre en mariage sa fille Der Greine, la « Pucelle du soleil », et la couronne du sidh. De plus, les cinquante guerriers qui l’accompagnent reçoivent chacun une épouse surnaturelle. Cette correspondance parfaite entre le groupe humain et le peuple féerique est une caractéristique des expéditions initiatiques, les équipages et les troupes qui escortent les héros en l’autre monde recevant sans faille un nombre égal de compagnes.
Mais la relation entre le héros et la dame de Mag Mell n’est pas toujours harmonieuse ou fortunée. Si le protagoniste n’est pas aimé, s’il n’est pas le bienvenu aux royaumes des sidhe, alors il risque de sombrer dans des maléfices d’une gravité égale aux délices proposés aux élus. Bien qu’il constitue une récompense pour l’aide donnée par Cu Chulainn à Labraid, l’amour entre le héros et Fand n’est pas légitime. Il est même adultère, vu que Cu Chulainn a abandonné sa femme Emer et que Fand avait fui son mari, Manannan, pour se réfugier chez sa sœur, Liban, la femme de Labraid. Emer, la femme jalouse de Cu Chulainn, vient accompagnée de cinquante dames de sa suite, pour tuer Fand, et ce n’est que grâce à la protection de son amant que la femme de féerie survit à l’attaque. Dans la dispute qui s’ensuit, Fand décide de laisser son amant à sa rivale, mais la rupture est tragique pour les deux : Fand plaint son désespoir au bord de la mer, alors que Cu Chulainn erre solitaire dans les montagnes, sans manger ni boire. Heureusement, leurs souffrances sont soulagées par des interventions magiques. Le roi Conchobar envoie ses poètes consoler Cu Chulainn, puis ses druides qui lui donnent, à lui et à sa femme Emer, une boisson d’oubli. De l’autre côté, Manannan vient reprendre sa femme et l’emmène en Tir Tairngirne, après avoir secoué son manteau magique entre Fand et Cu Chulainn pour prévenir toute autre rencontre entre les deux.
Cu Chulainn est tout de même heureux de pouvoir bénéficier de la sympathie et de l’oubli offerts par Manannan. Ceux qui ne réussissent pas à assouvir leur amour surnaturel ou du moins à l’oublier risquent de s’éteindre vivants, de mourir de langueur, leur force et leur désir de vivre épuisés. Ou, s’ils deviennent les rivaux d’un seigneur de l’autre monde, ils auront à affronter sa fureur magique. La seule solution est alors de tuer le concurrent ou le protecteur de la femme, comme c’est le cas pour Art, qui doit massacrer toute la famille de Morgan pour épouser sa fille.
La pire situation qui puisse survenir, est de ne pas être aimé par la fille et de violer brutalement son territoire. Alors la dame de l’autre monde se montre sous un visage différent, terrifiant, abominable. C’est ce qui arrive à Finn et à ses guerriers quand, suivant un gibier, ils s’enfoncent dans la cave enchantée de Keshcorran[21]. En termes chamaniques, la chasse d’un animal est le correspondant profane d’une chasse à l’âme. Suivre un animal insaisissable sur un territoire défendu symbolise une quête maritale malheureuse. Pour punir les transgresseurs, le seigneur du sidh envoie ses filles, qui n’ont pas l’aspect de belles épouses mais de sorcières effrayantes. Ces dames de cauchemar sont l’anamorphose de la dame de rêve. Elles ont les cheveux ébouriffés, les yeux chassieux et rouges, les bouches noires et difformes, les gencives parsemées de crocs venimeux, des cous d’autruche, les bras extraordinairement longs, les doigts tels des cornes de bélier parés de clous, les jambes squelettiques, couvertes de poils et de fourrure. Ce type de transformation est spécifique aux divinités du territoire, qui apparaissent au bon roi comme des jeunes filles ravissantes et au mauvais comme des harpies, suggérant ainsi l’état du royaume.
Pareilles aux sorcières de Macbeth, les trois banshees de Keshcorran font leurs maléfices à l’intérieur de la grotte, utilisant des baguettes magiques. Le sortilège qu’elles jettent sur les guerriers est une inversion en négatif des promesses de jeunesse éternelle. Sous le charme, Finn et sa milice expérimentent en effet une perturbation de la durée. Mais pour eux le temps ne se dilate pas, il se fige plutôt dans une immobilité létale. Les guerriers tombent dans une paralysie complète qui les laisse sans défense. Au lieu de les emmener dans la Terre des délices, leurs contre-épouses les abandonnent dans un ténébreux labyrinthe souterrain, où ils risquent de pourrir indéfiniment jusqu’à ce qu’un autre héros vienne à leur rescousse. La face maléfique de l’immortalité béate est le sommeil de mort.
Les deux valeurs symboliques contrastantes de la dame de l’autre monde sont mises en évidence dans Les Aventures d’Art fils de Conn[22]. Les intrigues des echtrae successives des rois Conn et Art sont agencées par deux femmes de Mag Mell, Bécuma et Delbchaem. En tant qu’adultérine, exilée du royaume de Manannan, Bécuma est la porteuse d’une influence maléfique. Elle prend la place, auprès du roi Conn, de la reine défunte, comme un esprit vampirique désireux de se substituer aux humains, comme un être de néant qui vient remplir les contours d’un être vivant disparu. La mort de la reine d’Erin a lieu simultanément avec la proscription de Bécuma dans l’autre monde, comme si ces évènements étaient les termes d’un échange pernicieux. Dans les religions archaïques, le couple royal était le garant de la fertilité du royaume ; de son activité sexuelle dépendait l’abondance et la vigueur des moissons, du bétail et du peuple. Il n’est donc pas étonnant qu’avec l’avènement de la nouvelle reine, qui se trouve dans la position d’une divinité bannie et exclue de ses prérogatives, Erin soit sevré de la source surnaturelle de vie et dévasté par la sécheresse et la stérilité. Prêtresse impure d’un principe divin corrompu, Bécuma est jugée responsable par les druides du miasme qui bloque les forces vitales de la nature végétale, animale et humaine.
Le remède proposé par les druides et les aventures qui s’ensuivent sont également instructifs. Sur le conseil des mages, Conn part chercher l’enfant d’un couple sans péché. Il le trouve dans Segda Saerlabraid, le fils de Daire Daire Degamra de Tir na nIngnadh (Terre des Merveilles) et de Rigne Roisclethan de Tir Tairngirne (Terre de promesse), conçu à l’occasion de leur unique relation sexuelle. L’excès de pureté (la naissance de Segda renvoie à une conception immaculée, sans contact sexuel) est destiné à compenser l’excès de sexualité, le principe de luxure transgressive, la sexualité pure, sans procréation, symbolisée par Bécuma (qui d’ailleurs ne donnera pas de progéniture à Conn). Bien que le roi d’outre-mer s’oppose au départ de son fils, Segda s’offre lui-même comme volontaire à l’appel de Conn. Arrivés en Irlande, malgré les réticences du roi, les druides se préparent à sacrifier l’enfant. Ce sacrifice rituel renferme un symbolisme précis. Agissant en concordance avec son statut de dame de l’autre monde, qui appelle ou envoie les héros dans une aventure initiatique, Bécuma avait demandé à Conn d’exiler son fils Art. Comme Bécuma incarne la personnalité négative de la femme surnaturelle, le départ d’Art a la signification d’une occultation funèbre. Or, Segda, le fils du roi de l’autre monde, est en quelque sorte un otage que les druides utilisent comme monnaie d’échange pour obtenir le retour du fils du roi de ce monde. Segda invité dans le monde des humains correspond à Art envoyé dans le monde des esprits, et le sacrifice du premier en ce monde devrait en principe correspondre au sacrifice d’Art en l’autre et à son renvoi chez les humains. Heureusement, le rituel d’échange ne devient pas sanglant. La mère de Segda, déguisée, apporte à la cour du roi une vache propitiatoire, du corps de laquelle sortent deux oiseaux, l’un à un pied (symbolisant Segda), l’autre à douze pieds (symbolisant les druides). Le premier oiseau vainc le deuxième, d’où la conclusion que le pouvoir magique de Rigne Roisclethan surclasse le pouvoir des druides. Comme conclusion à cette ordalie, la femme de l’autre monde demande le châtiment des druides, recommande l’éloignement de Bécuma et emporte son fils dans le Mag Mell.
En fin de compte, l’échange entre les deux mondes a tout de même lieu, puisque, sans autre explication, Art revient à la cour de son père. Ses démêlés rituels avec Bécuma continuent, cette fois par l’intermédiaire du jeu de fidchell. Après avoir perdu une première partie, Bécuma gagne la seconde et envoie Art dans une deuxième expédition métaphysique – la quête de Delbchaem, la fille de Morgan. Comme nous l’avons vu, ce voyage réserve de difficiles obstacles géographiques, naturels, animaliers et surhumains. Mais après avoir tué la famille de Morgan, Art réussit finalement à rencontrer son épouse de féerie. Il l’amène avec lui en Irlande et succède au trône de son père. Sur le conseil de Delbchaem, il chasse Bécuma du pays et la prospérité revient en Erin. Symboliquement, l’aventure suit le schéma des cultes de fertilité, conservé aussi dans les contes populaires ou les romans de chevalerie sur le Roi Pécheur. Le roi vieux et sa femme stérile sont remplacés par le roi jeune et sa femme féconde, ce qui rend la fertilité et la richesse à tout le royaume. Delbchaem incarne donc l’aspect bénéfique de la femme de l’autre monde, opposé à l’aspect maléfique de Bécuma. Mais toutes les deux ne sont, en dernière instance, que les faces complémentaires de la dame surnaturelle, la jeune fille et la vieille harpie.
En conclusion, les Tuatha De Danann qui règnent dans les sidhe et dont les banshees folkloriques irlandaises dérivent, se comportent comme des esprits des ancêtres et des daïmons qui contrôlent le bien-être des vivants. Si leur invitation a, dans un plan métaphorique liminal, la signification d’un appel de mort, elle est aussi bien une chance d’éviter la mort et de surpasser la condition commune. Le rapt, l’ensorcellement, le charme, l’invitation, la demande d’aide perpétrés par les habitants des collines magiques, d’un côté, ou l’invasion, l’expédition accidentelle, la quête et le voyage initiatique entrepris par les héros, de l’autre, sont l’expression de la fascination exercée par le monde des esprits sur celui des vivants. C’est que, au-delà du péril de mort supposé par le contact avec l’autre monde, le Mag Mell rayonne toujours de la promesse d’un pouvoir, d’une connaissance ou d’une condition surnaturelle à conquérir.
Bibliographie
D’Arbois de Jubainville, Henri, Cours de littérature celtique, tome V, Paris, Ernest Thorin éditeur, 1892.
Braga, Corin, Le paradis interdit au Moyen Age. La quête manquée de l’Eden oriental, Paris, L’Harmattan, 2004.
―, La quête manquée l’Avalon occidentale. Le Paradis interdit au Moyen Âge – 2, Paris, L’Harmattan, 2006.
Briggs, Katharine, An encyclopedia of fairies: Hobgoblins, brownies, bogies, and other supernatural creatures, New York, Pantheon, 1976.
Brun, Patrice, Princes et princesses de la Celtique. Le premier âge du Fer en Europe, 850-450 av.J.-C., Paris, Editions Errance, 1987.
Cross, Tom Peete & Slover, Clark H., Ancient Irish Tales, London, 1937.
Cuchulain of Muirthemne. The Story of the Men of the Red Branch of Ulster, arranged and put into English by Lady Gregory, With a Preface by W. B. Yeats, London, John Murray, 1902.
Dillon, Myles, Early Irish Literature, Chicago, The University of Chicago Press, 1948.
―, & Chadwick, Nora K., Les royaumes celtiques, Traduit de l’anglais, avec des textes originaux irlandais et gaulois par Christian-J. Guyonvarc’h, Edition augmentée d’un chapitre sur La Gaule dans le monde celtique par Christian-J. Guyonvarc’h et Françoise le Roux, Paris, Fayard, 1974.
Duval, Paul-Marie, Les Celtes, Paris, Gallimard, 1977.
Erickson, Carolly, The Medieval Vision. Essays in History and Perception, New York, Oxford University Press, 1976.
Frazer, James George, Le cycle du Rameau d’Or. Le roi magicien dans la société primitive, Traduction par Pierre Sayn, Paris, Paul Geuthner, 1935.
Graf, Arturo, Miti, leggende e superstizioni del Medio Evo, Roma, Plurima, 1989.
Green, Miranda, The Gods of the Celts, Totowa (New Jersey) & Gloucester, Alan Sutton, 1986.
―, Celtic Goddesses, Warriors, Virgins and Mothers, London, British Museum Press, 1995a.
― (éd.), The Celtic World, London & New York, Routledge, 1995b.
―, Mythes celtiques, Traduit de l’anglais par Marie-France de Paloméra, Paris, Seuil, 1995c.
Hubert, Henri, Les Celtes depuis l’époque de La Tène et la civilisation celtique, Paris, Albin Michel, 1950.
Hurlstone Jackson, Kenneth, The Oldest Irish Tradition : A Window on the Iron Age, Felinfach, Llanerch Publishers, 1999.
Kruta, Venceslas, Les Celtes. Histoire et dictionnaire des origines à la romanisation et au Christianisme, Paris, Robert Laffont, 2000.
Le Conservateur ou Collection de morceaux rares, & d’ouvrages anciens, élagués, traduits & et refaits en tout ou en partie, A Paris, Chez M. Lambert libraire, mars 1758.
Le Roux, Françoise & GUYONVARC’H, Christian-J., La civilisation celtique, Rennes, Editions Ouest-France, 1990.
―, Les fêtes celtiques, Rennes, Editions Ouest-France, 1995.
Lysaght, Patricia, The banshee: The Irish death-messenger, Boulder (Colorado), Roberts Rinehart, 1986.
Macalister, R. A. S., Lebor Gabala Erenn. The Book of the Taking of Ireland, 5 vol., Dublin, Irish Texts Society, 1938, 1939, 1940, 1941, 1946.
Mac Cana, Proinsias, Celtic Mythology, London, Newnes Books, 1983.
Mac Culloch, J. A., Celtic Mythology, London, Constable, 1992 (Ire éd. 1918).
Mackenzie, Donald A., Crete & Pre-Hellenic, Londres, Random House, 1996.
Mackey, James P. An Introduction to Celtic Christianity, Edinburgh, T & T Clark, 1989.
Markale, Jean, Lancelot et la chevalerie arthurienne, Paris, Imago, 1985.
―, L’amour courtois ou le couple infernal, Paris, Imago, 1987.
Megaw, J. W. S. & SIMPSON, D. D. A., Introduction to British Prehistory from the arrival of homo sapiens to the Claudian invasion, Leicester University Press, 1979.
Mey, Patrick, Saint Patrick (390-461). Nouveau druide ou apôtre éclairé ?, Spézet, Editions Coop Breizh, 1997.
O’Rahilly, Thomas F., Early Irish History and Mythology, Dublin, The Dublin Institute for Advanced Studies, 1946.
Old Celtic Romances, Translated from the Gaelic by P. W. Joyce, London, C. Kegan Paul & Co., 1879.
Patch, Howard Rollin, The Other World according to descriptions in Medieval Literature, Cambridge (Massachusetts), Harvard University Press, 1950.
Patrimoine littéraire européen, tome 3 Racines celtiques et germaniques, Bruxelles, Editions de Boeck, 1992.
Renfrew, Colin (éd), British Prehistory. A New Outline, London, Duckworth, 1974.
Revue celtique, tome XXVI, Paris, Librairie Emile Bouillon, 1905.
Rhys, John, Lectures on the Origin and Growth of Religion as illustrated by Celtic Heathendom, London, The Hibbert Lectures, 1898.
Rolleston, T. W., Celtic, Gresham Publishing Company, réimprimé par Senate, London, Studio Editions Ltd., 1994.
Romilly Allen, J., Celtic Art in Pagan and Christian Times, London, Random House, 1997 (Ire éd. 1904).
Ross, Anne, Pagan Celtic Britain, Studies in Iconography and Tradition, London, Constable, 1992.
Silva Gadelica. A Collection of Tales in Irish, With extracts illustrating persons and places, Edited from Mss. and translated by Standish H. O’Grady, London, Williams and Norgate, 1892.
Sjoestedt, Marie-Louise, Dieux et héros des Celtes, Rennes, Terre de Brume, 1993.
Sorlin, Evelyne, Cris de vie, cris de mort: Les fées du destin dans les pays celtiques, Helsinki, Academia Scientiarum Fennica, 1991.
Squire, Charles, Mythology of the Celtic People, London, Tiger Books International, 1998.
―, Celtic Mythology, New Lanark (Scotland), Children’s Leisure Products Limited, 1999.
Voyage, quête, pèlerinage dans la littérature et la civilisation médiévales, Sénéfiance no. 2, Aix-en-Provence, Edition CUER MA, 1976.
Wentz, W. Y. Evans, The Fairy-Faith in Celtic Countries, Oxford, Oxford University Press, 1911.
Notes
[1] Voir Evelyne Sorlin, Cris de vie, cris de mort: Les fées du destin dans les pays celtiques, Helsinki, Academia Scientiarum Fennica, 1991.
[2] Voir Patricia Lysaght, The banshee: The Irish death-messenger, Boulder (Colorado), Roberts Rinehart, 1986.
[3] Voir Evans Wentz, Walter Yeeling, The Fairy-Faith in celtic countries, its psychological origin and nature, Gerrards Cross, Bucks, C. Smythe, 1977; Katharine Briggs, An encyclopedia of fairies: Hobgoblins, brownies, bogies, and other supernatural creatures, New York, Pantheon, 1976.
[6] R. A. S. Macalister, Lebor Gabala Erenn. The Book of the Taking of Ireland, 5 vol., Dublin, Irish Texts Society, 1938, 1939, 1940, 1941, 1946.
[7] ”La nourriture de la maison des deux gobelets” (traduction de J. Guyonvarc’h), dans Patrimoine littéraire européen, tome 3 Racines celtiques et germaniques, Bruxelles, Editions de Boeck, 1992, p. 98-117.
[9] Voir, par exemple, Howard Rollin Patch, The Other World according to descriptions in Medieval Literature, p. 3, 27.
[12] The Wasting Sickness of Cu Chulainn and the Only Jealousy of Emer, in Cuchulain of Muirthemne. The Story of the Men of the Red Branch of Ulster, 1902.
[15] D’après les commentaires de Jean Markale, 1985, pp. 46-51, dans la mythologie celtique primitive, à l’inverse des autres mythologies indo-européennes, c’est la femme archétypale qui est identifiée au soleil, et l’homme à la lune.
Lamia: a Sorceress, a Fairy or a Revenant?
Stamatios Zochios
Université Stendhal, Grenoble III, France
stamzochios@gmail.com
Lamia: a Sorceress, a Fairy or a Revenant?
Abstract: This paper will examine the role of a specific fantastic being in the popular European body of myths. Originally a major figure of ancient Greek mythology, a beautiful Libyan queen transformed into a repulsive child-eating demon,Lamia penetrated the folk traditions of post-ancient world. Widely dispersed in oral literature, as a sort of sorceress or a fairy, she was identified with those women, young and old, ravishing and unsightly, who haunt the night with the rare desire for eating human innards. On the other hand, she could be a revenant, a female vampire that comes back from the dead in order to kill, to suck blood and particularly to mangle children’s flesh. In addition, she could easily turn up as a nightmare or a succubus, asking unbearable pressure on her victims’ chests or even having sexual intercourse with them. Thus, under a serpentine figure, with horse feet, irresistibly beauteous or irresistibly ugly,Lamia, representing an important piece of the ensemble of European demonic beings, adopted a large number of forms, manifesting different variants.
Keywords: Greek mythology;Lamia; Monster; Sorceress; Fairy; Revenant.
Introduction
An unwritten law concerning the study of imaginary beings in popular traditions, requires that the brave scholar who would embark on the holy grail’s quest for a supernatural being’s origin, has to face many secondary problems and a principal one: the close affinity between the general categories. In other words, the difficulty of saying definitively whether an imaginary being belongs to a specific group, such as fairies, elves, dwarfs, or revenants. In this pantheon of polygenetic and polyphyletic beings,Lamiais a queen. Our inquiry will try to cast light on her plurality of forms, mainly in medieval texts and glossaries.
Lamia as a beast or cetacean
First appearing a long time before the rise of Christianity, the name Lamia(in Greek Λάμια) was frequently used by the theologians of the first centuries. Saint Jerome, in his Vulgate, uses the term twice. The first reference is located in the Book of Jeremiah where is narrated that lamiae even being cruel, cover their nurslings with their breasts and nourish them.[1]
In this fragment, Lamiareplaces the Hebrew plural thannim whose singular form is than, signifying a cetacean, a large fish or a sea-dragon. It can also be found in the compound Leviath-thannim that means conjunctio draconum, a combination of dragons. The word is used in plural in the original text and so in the translation, lamiae. It is possible however that this plural form was not frequent in ancient literature. It seems that she principally defined a non-anthropomorphic monster, linked to the sea and the water. Greek writers such as Stesichoros[2] consider her the mother of Scylla, known to us mainly from Homer’s Odyssey as a beast fatal for sailors. This tradition, which depicts Lamia as a cetacean, seems to have survived until late, as the Encyclopédie Theologique of Migne[3] informs us. In Nice and Marseille fishermen drew out of the water lamias, in the stomach of which they found human remains; the famous sixteenth-century doctor and naturalist Guillaume Rondelet was a witness. In his commentaries on Isaiah, Albert the Great believes that she is a monstrum marinum.
In the same epoch, Thomas Cantimpratensis, in his thirteenth-century bestiary treatise Liber de natura rerum, mentions that lamia is a huge and cruel animal, which lives in the forest[4]. In this case she is either zoomorphic or a beast, but no more linked with the element of saltwater. In the same spirit, Martin of Braga, an author of the sixth century, transfersLamia from the marine environment to the forest as he links her with fresh water citing:
In the sea we call them (the demons who were cast out of heaven), Neptunes,
In the lakes, lanias (lamias),
In the fountains, nymphs,
In the forests, dianas[5].
The name lania or lamina is considered as a usual cacography of the original, which must not confuse us.
We have many reasons nevertheless to believe Lamia’s assimilation with the cetacean and the sea-dragon. Greek authors identified her with Delphyne, the serpent dragon and guardian of Delphithat was exterminated by Apollo. A Greek grammarian of the first Christian centuries, Antoninus Liberalis, identifies Lamiawith Sybaris, a δράκαινα[6]. Drakaina means female dragon. It is a question if this creature had human-like features. As far as Sybaris is concerned, though, we can answer in the affirmative. She was a dragon living in a cave, a beast seizing men, animals and children, and had anthropomorphic features. So did Campe, Ceto, Echidna, Poine and Python, female figures, drakaines, depicted either as cetaceans or as human beings with heads and torsos of women, but with lower bodies of a snake. Most of them were linked withLamia by many authors and for many reasons. They are also frequently linked with rivers or a geographic place in general. For instance,Sybaris, besides being a dragon, was also a river inItaly. More specifically, many were linked withDelphi or the surrounding area. Delphi was the most important Greek sanctuary and oracle, the center of the earth, guarded by a dragon – its genius loci in other words, which should be chased and killed by the hero, bearer of sunlight Apollo, who would render the place sacred and holy.
We are not sure if an etymological relationship really exists between Λάμια and Λαμία, a Greek city around Delphi, but it is possible. In any case, going back to the Vulgate, we can undoubtedly say that Saint Jeromehad many reasons to choose this translation for the Hebrew than.
Lamia as hybrid and as a vampire
Lamia was foremost a beast, and when she was not described as cetacean, she was a kind of Echidna, a hybrid with human-like features, usually seductive. In the commentary of Isaiah, except for being a monstrum marinum, lamia is represented as a beautiful woman with a tempting voice but she loses any serpent’s characteristic, as she is used as a synonym for Sirenae. These in their principal form were birds with the torso and the head of a woman. It is not rare to see Lamia related to a bird, mostly a screech owl, and the strix, a vampire-sorceress with a vague relationship to this species of bird. Another common description of lamia during the Middle Ages, evoked by authors such as Vincent of Beauvais and Bartholomeus Anglicus, is that of a hybrid woman with a horse’s body. This is either due to an assimilation of Lamia to hippopodes[7], a hybrid beast known to ancient authors as having horse hoofs, which passed to the medieval texts through the Roman of Alexander[8], or due to an assimilation of Lamia to Empusa. The latter was a beast or a vampire-woman with donkey’s feet; an onoskelis.
We notice that in all these cases, lamia is not an animal, but a monstrous hybrid which bears either feathers and hooves, or a snake’s tail and scales. It was this form that was later inherited by the Middle Ages. The archetypal narrative is well-known and tells the story of a beautiful queen ofLibya, loved by Zeus. The jealous Hera transformed her into her hideous appearance and killed her children or cursed her to bear dead sons and daughters. In addition she became an insomniac, found refuge in a cave – as all the females in the Echidna category – and finally became a vampire, killing human beings, seizing children and eating their flesh.
This type of Lamia, clearly more human, became quite popular in Ancient Greece. Authors such as Aristophanes, Pausanias, Aristotle, make reference to her, sometimes in a mocking spirit: Lamiahad already been reduced to a simple warning, along with other Greek female demons (Mormo, Karko, Gello); she had become a bogey. In this reduced form she arrived in Roman drama and literature and became such a common topos, that two hills of the ancient Sicilian site of Acrae, were named Λαμίας μαστοί, that is to say, Lamia’s breast. In addition, a fragment of Philostratus’ Life of Apollonius of Tyana presents her as a vampiric seductress. Robert Burton adopted this version in his Anatomy of Melancholy, first published in 1621, and John Keats was based on Burton’s reproduction for his famous poem Lamia.
All these documents cast light on this lamia’s type as a female vampire, a succubus and a strix, but they cannot answer the question of her origin. Going back to the Vulgate, we find as we have already indicated, a second reference, this time in the book of Isaiah, where we learn that lamia will lie down there (at the land of Edom) and will repose[9]. Here the word lamia translates the word lîlîth, the first woman of Adam, transformed into a furious demon of the night, a vampire seizing and devouring children, as documented in the Talmud, the Zohar and the alphabet of Ben-Sira.
It is thus possible that the myth of Lamiahas an oriental origin. The etymology of the name is not helpful, as it remains unknown. Excluding, first of all, the hypothesis of Isidore of Seville, according to which lamia or lannia derives from the latin verb lanio, “tear to pieces”, it is possible that the name is Greek. It could derive, as the dictionary of Souida rather paretymologically indicates, from λαιμός, which means neck. Its etymological connection with the king of Laestrygonians Λάμος, who was also carnivorous, and the fact that she is referred in some cases as a queen of this tribe of giant carnivals, makes the existence of a common root signifying carnivorous, sounding more plausible. However it would sound reasonable to suppose that the name is from a Babylonian-Assyrian origin, linked with the god Lamastu; a demon of sterility that seizes children and attacks pregnant women.
In any case, we cannot be absolutely sure of the affinity between Lamiaand Lilith, even if both are characterized by many common traits such as the vampirism, the desire for children’s blood and flesh, the long hair, remarkable breasts, and a connection with birds of prey, mainly the owl. This connection was not unknown to the Medieval West. Thomas Cantipratensis mentions that Lamia is this animal called lidit, and which according to Jewish people are furies, named Parcae.[10]
In this significant passage, three points concern us. Fist of all, the name lidit confirms the link between lamia and Lilith or here lidit, even if in this text it is an animal. Second, it is the point of fury, an impetus which is essential to this form of lamia and which determines a basic category of mythical women: a beautiful young lady or an ugly hag of a non-human nature, with a furious and demonic character, who causes death, pain, sterility, infertility: the striges, the furies or erinyes – eumenides, the graeae, the pacae, the fatae and so on. These malevolent traits can usually be accompanied by the manifestation of a benevolent behavior through which the deity or the supernatural woman brings prosperity to a field, a house or its inhabitants. The dualistic character it is quite common in these female entities, which seem to have their basis in the worship of the Great Mother. During the Middle Ages, they were called dominae nocturnae, night-women, shining mothers, bonnes-dames and were not irrelevant to lamia, as Hincmar of Reims, a ninth-century author, indicates: lamiae sive geniciales foeminae[11]. For Jacob Grimm, who evidently remarks the dualistic character, they were originally daemonic elvish beings, who appeared in woman’s shape and did men kindnesses. More specifically geniciales feminae is a name used for a category of female beings linked to birth, a usual motif in fairy-related narratives, and the fertility deity Geniscus. A seventh-century sermon however informs us:
There are some country people (rustici homines) who have a belief in certain women, because it is commonly said that they must be striges and able to harm infants and cattle, and the Dusiolus or Aquatiquus or Geniscus must too[12].
Thus, Geniscusis followed by striges, which means witches, and this escort can be found in medieval texts concerning Berchta, Holda, Satia, Dame Abonde, Herodiada, Diana and Befana. Moreover, they are malevolent, underlining this way the opposite principle; the malignant one.
Over time, these feminine figures lost their supernatural aspect, their original one – since they were mostly deities, and mutated into human beings. Thus, the terms fury, lamia, hag, strix, which essentially signified a deity or at least a demon, were used since the last centuries of the middle ages as synonyms for witch. This evolution explains the titles of treatises such as Molitor’s de Lamiis, Wier’s de Lamiis liber, and Meiger’s Panurgia Lamiarum, all of them basic manuals for the inquisitors, in where lamiae were judged and punished and had no divine nature.
Going back to the third essential point of Thomas Cantipratensis’ text, we see that lamiae are called parcae. The term is used here to signify a female figure between the Roman parcae or fatae, and the later fairies. This practice was common for the medieval writers, mainly ecclesiastics, who preferred the Latin form to the vulgar ones. Through this third point, however, lamia is linked with two elements: firstly, destiny and then the forest.
The Vocabularius ex quo, a fourteenth-century Latin glossary, informs us that Lamia is a genus monstris[13] which seizes and devours children and which is also a man of the woods (holcz man). Albert the Great calls her pilosus, that is to say hairy, an adjective which grosso modo defines two categories of supernatural beings: firstly the Faunus, and his relatives silenus, satyrus, silvanus, pan. Then, the wild man or woman, a hybrid between human and genius loci; a guardian of the forests. On this relationship between lamia and the forest man, the German glossaries of the middle ages are illuminating.
Lamia in the glossaries: a genius loci
As Jacob Grimm points out, in a twelfth-century glossary[14], wildaz wip stands for lamia, and in the same one, wildiu wip stands for ululae, funeral birds or owls, death-boding wives, in other words the klagefrauen, the klagenmütter, the winselmütter, all linked to Berchta. Another synonym for lamia is holzmuoja, holzfrowe or holzruna. In the thirteenth-century wildez wip is used as a synonym for merwip, merfraw or mermine, where menni or minni is rather linked to the ON, man, that is to say virgo. Merminne signifies the fairy and as mer reveals, frequently the ondine, undine. A fourteenth-century middle Dutch poem cites: Maren, heten wise hier Minne[15], connecting this way mare to minne. The plural merimanniu translates sirena or Scylla, and waltminne is equivalent to lamia[16]. This virgin and maiden of the forest, as walt means, is a kind of genius loci of feminine form, a matrona, a parca or fata, a nymph. Grimm moreover places these women of a higher, superhuman nature, wildaz wip or menni, minni, alongside the Scandinavian norn and valkyr, deities of destiny and the forest.
The lexicographers do not stop here. They use as a synonym for lamia, belewitte[17], which means bilwit – a genius loci or genius domesticus identical to pilwiz or bilwis[18], a German spirit of the forest with big toes, related to the mare or nightmare and to the German Trude, which equally was a witch with big toes. The latter, along with the gloss alb, which means elf and nightmare, are similarly considered as synonyms for lamia. Finally, for another glossary, lamia stands for nahtvrő, which can be translated as women of the night.
As we have already pointed out these kind of nocturnal female entities, well known across Europe, are also named shining mothers, dominae nocturnae, bonnes dames and in Hincmar of Reimslamiae sive geniciales foeminae, female figures assisting births, anonymous or having a name such as frau Perchta – which means shining, frau Holda, Satia, Abonde, and so on. They are all supernatural women of ambivalent character; benevolent and malevolent. It seems that lamia was gradually integrated into a similar cult. First of all we meet a type of benevolent fairy or mermaid in the oral traditions of southern France and northern Spain. Most importantly, an epigraph was discovered in a temple of Northumberland, dedicated to Lamiis tribus[19], the three lamias.
The Irish glossaries provide us with a clearer image of this integration. We have already examined the case where the term lamia is used to translate Lilith, in the passage of Isaiah. A ninth-century codex glosses this lamia as:
monster in female form, that is, a morrigan[20].
Another glossary of the tenth century, refers to Gúdemain .i. úatha 7 morrígnæ[21]. Uatha means horror, morrígnæstands evidently for morrigain, Gudemain however rests obscure. We have to consult another glossary of the same period if we want to cast light on this term, as it cites:
Gudomain, i.e. hooded crows, or bansigaidhe -women from the síd; lying wolves, that is, the false demons, the morrígna. Or “falsehood,” so that they (the bansigaidhe and the hooded crows) are not demons; “falsehood,” so that they are not demons of hell but demons of the air. They double the cries of the foxes, and they double the voices of the hooded crow[22].
It is possible that gu means false andmain has to do with man that we have already met in mine and minni. Gudomain, this synonym for morrigan and consequently for lamia, seems to be a fairy. That is confirmed by bansigaidhe, which can be translated either as “the woman of sid and siddhe”, a type of Celtic fairy, or as banshee. This latter, is another spirit of Celtic origin, which is called also woman of the hill and woman of the mound. It is sid, a fairy and a genius loci linked with nature, and finally a fata or norn of the Celtic folklore, a deity of destiny.
The description of gudomain as a wolf or crow is due to morrigain. Both animals represent two sacral beasts and are principal forms of her. Morrigain was actually a major war deity in the Celtic cult, the queen of Tuatha de Dannan, before being reduced to the form of a fairy. Morgan le Fay, that is Morgan the fairy, is a possible consequence of this transformation, integrated in the Arthurian cycle. Moreover, the Morgans were water spirits, fairies and generally genii loci of Wales, as was Mari Morgan in Brittany. As far as the etymology of morrigain is concerned, the specialists, more or less, agree: Rigan is the simple etymon and means queen. Mor, derives from a root which in Celtic texts can be found mainly in morrigan and fomoire and which derives, according to Pokorny and Stokes, from the same root as the English mare of nightmare, Norsemahr and mara, French mare of chauchemar and the Slavic mora, which are used as synonyms for lamia. Two well-known examples of this identification can be found in Otia Imperialia of Gervais of Tilbury. There the author makes two references to lamia. In the first case she is linked with the human-like dragon and the nightmare[23], in the second with the nightmare and the ladies of nights[24]. In the Glossarium mediae et infimae latinitatis of Du Cange we read: Lamia, genus monstri, Gall. Mare, vel animal[25]. In addition to this, the old French dictionary of Godefroy underlines that: Lamia, is a genus monstri gall – gallice that is commonly mare[26].
To conclude: Lamia was in her principal forms a beast, a cetacean or a female dragon with human-like features, which acted as a genius loci. The middle ages received this image, and eventually assimilated it to the fairies, the striges and the ladies of the night. She was, in a mysterious but apparently logical way connected to the nightmare as well. But the most important conclusion that can be drawn from the Irish and German glossaries is her affinity with the field and a specific place as genius loci.
Moreover, O’Mulconry’s glossary, in the thirteenthcentury, mentions that:
Macha, .i.e. a crow, or one of the three morrígna[27].
These three morrigna, as other glossaries inform us, are Morrigan, Macha and Badb- three related Celtic deities. What is interesting here is that neither the form of the crow that evokes Morrigan of Tuatha de Dannan, nor the reference to three morrigain, which can explain the lamiis tribus of the epigraph at Northumberland.
What is important here is the etymology of Macha and the fact that some specialists relate this name to the field and more specifically to the enclosure for milking cows, the enclosure around the house. Another synonym for lamia is hag, a term used to signify a sorceress acting as a nightmare. It constitutes an evolution of the Ghagazussa[28]. Its etymology is linked with the Gallic demon dusius or dusiolus, the Celtic sids and the Teutonic dis, maidens of fate and war. Hagazussa means the demon, or rather the genius, of the hedge. It is a spirit that lives in the enclosure field between the hedge and the house.
If such a hypothesis is true, it will be easier to prove the existence of a line connecting lamia to fairies, the three morigains, the hags, the nightmare, the ladies of the night and so many other members of a huge multilingual family which has at its core a specific category; the genius loci. This latter seems to be the reason for this affinity and the basis of the majority of the general categories.
Lamia according to Modern Greek traditions
It would be interesting now to examine Lamia’s evolution in the oriental part of Europe and particularly in this geographic part that is considered, even in an uncertain way, as Lamia’s birthplace; Greece. For this purpose, the important collection of Greek traditional narratives of the folklorist Nikolaos Politis will serve as our database. The part concerning Lamiais consisted of seventeen narrated texts – not many compared to those on other supernatural beings as the vrykolak or the fairy. Moreover, at a first glance, we may remark that for the agrarian common sense she stayed alive but, grosso modo, as a fairy’s synonym. The majority of specialists agree with the opinion thatLamia is an evolution of the Libyan queen. The truth, however, is not exactly that. For the culturally and historically isolatedGreece of all these centuries,Lamia presents a remarkable sequence with the characteristics presented above, even if it is a country geographically placed on the opposite edge of the Old Continent.
More specifically, according to a multitude of narratives, Lamiais represented alone or in a flock, as a seductive young woman sat on the riverside, combing her long blond hair with a gold or silver comb. The description is akin to these (concerning) of water-friendly fairies, nixies etc. Moreover, the combing motif is widespread. As far as the time of her appearance is concerned, she can be mostly met during evening or night, but quite often during noonas well, a phenomenon which classifies her in the category of the important, for the Greek territory, noonday demons. The fact of her appearance in triads, keeping a stick with which they beat and wash clothes on the riverside, playing common games such as chase, are all motifs that evidently classify Lamia in the category of the fairies or correspondent supernatural beings. A tradition from Peloponnese, explicitly informs: Lamia is the fairy queen. She lives on a mountain, close to the sea of Arcadia. The same narrative however continues: She causes a lot of trouble to the ships and all the seamen afraid of her because she provokes tempests and tornados[29]. These last elements discard lamia from what is already known, because they constitute a remembrance of the liaison between Lamia-Scylla and in general all these monstrous inhabitants of the sea, malevolent to the seamen.
This type of aquatic being which is of course not unknown in the Western European region (nix, siren, mermaid), has an Irish and Scottish equivalent which forms however a rather complicated case. It is called Merrow[30], which derives from the Gaelic murúch, or murrough, which is its Galloway synonym. Muir means sea and ogh means virgin. The form however which seems problematic is the Irish Moruadh or Moruach as mor is not identical to mer. The most possible is that the archetypal name, meaning the sea-maiden, was confused to deities’ names as Morrigain, which are composed of mor, closely connected to mare and nightmare. Merrow is an entity of water, mainly seawater, and music, as the Greek Siren. In Irish traditions, she finally transformed into a harp, which is the national instrument. She is mainly documented as a seductive woman who attracts human lovers and kills them under the surface of the water, violently pulling naughty children and woman who stand on the riverside doing their laundry. This last one reminds us of the medieval description of Gervais of Tilbury on the drac, by the common nix motif. Last but not least, Merrow can be described as a monster of huge dimensions, a description opposed to that of the beautiful, sweet-voiced hybrid, which is a siren’s equivalent. Thomas Moore reproduces popular knowledge in an artistic way, in a poem of his Irish Melodies, published in 1820:
‘Tis believ’d that this Harp, which I wake now for thee,
Was a Siren of old, who sung under sea;
And who often, at eve, through the bright billow rov’d,
To meet, on the green shore, a youth whom she lov’d[31].
Thus,Lamia– whether as a remembrance of the archaic cetaceans or not – is a genius loci which lives between mountain and sea, being a part of the natural elements. We cannot be definitely sure as about the extent of this revoking of archaic affinities, although it is quite possible that this is the case. A narrative from Zakynthos makes reference toLamia’s breasts:
She wanted to go hunting, however on the route a hunter shoots her and blesses her, preventing her so from her purpose. She made an oven, which could hold more than fifty people and after her full recovery, she went hunting. She captured a human crowd (choosing the fattest), she killed them hitting them with her breasts, and then baked them. This, as revenge to the hunter’s act[32].
The motif of baked or roasted victims can also be found in a fragment of De Universo, where William of Auvergne mentions that lamias and striges get into houses at night and seize children, ripping them apart or roasting them[33].
Another narrative cites that long time ago a Lamiawho lived in Doubri, in Arachova and each time that the Arachovians had a festival, they had to offer her a villager. After eating this person, she would not touch the participants of the festival[34]. These ransoms, a frequently used European motif, mainly linked to monstrous beings such as dragons, link Lamia to the Ancient Greek hybrids of the Echidna category. Neither the sea motif nor the one of the fatal breasts and the demand for annual ransoms, are motives related to the fairies’ category. They attribute to Lamia a relative independence, more distinguishable in the narrative below[35]. This one mentions that lamias of the sea dance and sing and jump on the waves, fly high in the air and then from the air fell into the sea. Most of all, they like tempest, and they get really pleased by charming traveling ships. Either with their songs, or their voices, they bring the ignorant seamen to reefs from where they cannot be saved.
There is no doubt on the correlation here between lamia – a siren, a goddess who was almost unknown during the neo-Hellenic period and whose heritage relates her to the characteristics of the mermaid, which in Greek is called γοργόνα. A tradition from the same region proves the reliability of such a connection. Lamiais described as a woman, with a nice body but with a very ugly part; her legs are not human, there are three or even more, and of many types: a copper, an asinine, legs of cattle or of a goat or human or everything else[36]. All these make reference to Empusa and this form of Lamia that has already been commented on above. Another point that surprises us is the usual appellation of Lamia as Lamna, which links the name to the ancient Greek λάμνα, meaning shark. This ν in the word also reminds us the medieval cacography lania and lamnia.
In any case, Lamia either as a remembrance of the archaic cetaceans or not, she is genius loci which lives between mountain and sea, being a part of natural elements. Like the ancient Greek lamia, she causes abstract diseases and strikes the domestic animals and herds.
Three important traditions from Lamίa, the territory usually regarded as Lamia’s birthplace, inform us that somebody saw in a cave a bunch of lamias, combing their pretty hair, that in a place called Lamia’s garden nobody dares to cut a branch of a tree or bring his herd inside, because the Lamias will get angry, and that finally in Gardiki – a village close to Phtiotis, there is a big tree where a lot of people, at nighttime, have seen a tall woman with long hair sitting inside the tree cavity; it was the lamia[37]. These three narratives combine the motif of combing with the category of genius loci as Lamia lives in a cave or more significantly in a tree. Her great size, a motif repeatedly used, evokes an archaic giant and, particularly, one of the Lestrigones and the Lamos family, with whom an etymological connection is possible. However the cycle of motives is similar to the one of western European traditions. The alternative elements, the variants, variegate, but the base seems for us stable and is located on the genius loci figure. A narrative from Peloponnese still mentions that the wife of a mule driver had lost four of children when they were three years old. They were strangled – crashed by Lamia while sleeping. In this text, which cannot be cited here because of its length, the supernatural demonic being is described as a very tall woman wearing a white dress, which means a domina nocturna acting like a nightmare[38].
This tradition which links lamia to the nightmare is not the only one, as an Athenian narrative recites:
The Mora (the Nightmare) is a lamna, rich and very strong. She walks around only during the night, and when she meets people sleeping, she sits on their chests and crashes them. And she is so heavy, that the victim moans as cattle. But if the person has not fallen deeply asleep, and seizes her bonnet, he can ask for whatever (in the world) he wants. She only needs her bonnet back.[39]
The latter is a text of great significance and one of the most important Greek narratives on nightmare. In here, Lamia is no longer a daytime demon; she is a nocturnal entity which walks and wanders, activities that apparently are neutral but which simultaneously evoke many malevolent beings, mostly the revenant and the east-European vrykolak. She is rich and powerful – as a deity and prosperity factor. She is as heavy as a nightmare. And most importantly, she wears a bonnet.
It would be impossible to extensively analyze here this bonnet’s significance, which is an element of great importance which can be found in many popular narratives in France, where the bonnet is worn by a sorceress who acts as a nightmare and, of course, in Greece, where the nightmare is a kid with a gold or red bonnet. We can simply claim that it is very possible that it stands for a sorceress’ caul, this atavistic characteristic, which gives the ability of astral projections. The sorceress’ soul leaves her body and travels, visits some victims’ houses, acting as a nightmare or participating in the Sabbaths. Thus, through this point, we may have a connotation of the affinity between lamia, the nightmare and the sorceress. Moreover, this prosperity and richness motif, which derives from the captivity of a supernatural being’s personal object, mostly an item of clothing or a wing, is commonly encountered in oral literature and it undoubtedly has a deeper meaning, linked to pagan religious practices and costumes aiming to richness.
The origin of this object may be found in another supernatural being whose worship was widespread in the Celtic religion; the genius cucullatus. It was a hooded guardian spirit, a home-sprite and genius domesticus or a genius loci which protected a specific place. Its phallic shape underlines its abilities to bring prosperity; it accompanies deities such as Mercury or Rosmerta – phalli or even female breasts frequently appearing through their hoods. Its cap maybe an archetype of the red, green and black dwarves’ or elves’ hats as their common basis; its spirit was linked to the territory and the natural elements, moreover to prosperity; the genius loci. Depicted as a child or a short-bearded man, it evokes the wood-folk and, of course, the childish appearance of the nightmare in another Athenian narrative, where it is depicted as a hooded child. InGreece, the nightmare – according to the oral documents – is mostly aLamia, who is generally described as a tall young woman, and a child. The narrative there constitutes an overlapping of different traditions.
Seven to eight centuries later, in totally different areas, the tradition was still alive. The relationship between lamia and the nightmare, which was not unusual during the Middle Ages, according to Gervais of Tilbury, had a similar function in the Modern Greek territory. The Greek variations of the already examined West-European traditions, concerningLamiaand her position in an ensemble which gathers multiple and various manifestations, confirm the significant spatial and temporal continuity ofLamia’s historical evolution through European popular and agrarian myths. The nexus seems identical and not hazardous.
Bibliography
Waldemar Deonna, De Télesphore au “moine bourru”. Dieux, génies et démons encapuchonnés,Brussels, Latomus, 1955.
Joseph Eddy Fontenrose, Python: a study of Delphic myth and its origins,California,University ofCalifornia Press, 1959.
Jacob Grimm, Teutonic Mythology,New York, Dover Phoenix Editions, 2004, in 4 volumes.
Angelique Gulermovich Epstein, War Goddess: The Morrígan and her Germano-Celtic Counterparts, Unpublished Thesis,University ofCalifornia, 1998.
Claude Lecouteux, Au-delà du merveilleux: Essai sur les mentalités du Moyen Âge, Paris, Presses de l’Université de Paris- Sorbonne, 1998,
Claude Lecouteux, « Lamia ou les métamorphoses d’un croquemitaine féminin au Moyen Âge », in Kaniskion Philias, Mélanges Michel Saunier, éd. E. Moser-Karagiannis, Athènes, 2003.
Bruce Lincoln, Death, war, and sacrifice: studies in ideology and practice,Chicago,University ofChicago Press, 1991.
Nikolaos Politis, Traditions,Athens, Grammata, 1994
Notes
[4] Thomas Cantipratensis, Liber de natura rerum, IV, 56, 1-7:Lamia, ut dicit liber rerum, animal est magnum et crudelissimum. Nocte silvas exit et intrat hortos et frangit arbores et ramos eius dissipat, et hoc per brachia forta nimis habilata ad omnem actum. At ubi homines supervenerint ad prohibendum, pugnat cum eis et mordet eos. Hoc autem est in morsu eius supra modum mirabile, sicut Aristoteles refert: homo sauciatus lamie dentibus non sanatur a morsu, donec rugientis bestie vocem audierit.
[5] “Et in mari quidem Neptunum appellant, in fluminibus Lamias, in fontibus Nymphas, in siluis Dianas, quae omnia maligni daemones et spiritus nequam sunt”. cf. J. Stoll, “Lamia,” Roseher, Lexikon, II. 1821.
[7] It is rather this figure that inspired Edward’s Topsell famous Lamia’s illustration in his 17th century History of Four- footed beasts.
[8] According to Claude Lecouteux the myth of Hippopodes was diffused by: Isidore of Sevilla (Etymologiae XI, 3, 25), Rabanus Maurus (De universo VII, 7), Ratramnus (Epistola de Cynocephalis), the Pseudo-Ovidius (De mirabilibus mundi, no 25), Lambert of Saint-Omer (Liber floridus, manuscript of Gand, fol. 53 ro), Bartholomeus Anglicus (De proprietatibus rerum XVIII, 46), Herbort von Fritzlar (Liet von Troye, v.14260) Cf. Claude Lecouteux, “Lamia ou les métamorphoses d’un croquemitaine féminin au Moyen Âge”, in :Kaniskion Philias, Mélanges Michel Saunier, éd. E. Moser-Karagiannis, Athènes, 2003, p. 57. 38.
[10] Hoc animal Hebraice vocatur lidit, et suspicantur Iudei unam fuisse de furiis, que Parce dicuntur, eo quod nulli parcant
[13]K. Grubmüller, B. Schnell, H.-J. Stahl, E. Auer, R. Pawis (eds.) ‘Vocabularius Ex quo’. Uberlieferungsgeschichtliche Ausgabe, 5 vol., Tübingen, 1988-89.
[15] Claude Lecouteux, Au-delà du merveilleux: Essai sur les mentalités du Moyen Âge,Paris, Presses de l’Université de Paris- Sorbonne, 1998, p. 103.
[20] Monstrum in femine figura .i. morigain Cf. Whitley Stokes and John Strachan, Ed., trans. Thesaurus Palaeohibernicus. 2 volumes.Dublin: Dublin Institute for Advance Studies, 1901.
[21] Ed. Sanas Cormaic: An Old-Irish Glossary. Anecdota from Irish Manuscripts 4.Halle: Max Niemeyer, Dublin, Hodges, Figgis, and Co., Ltd, 1912.
[22] Gudomain, .i. fennóga no bansigaidhe. ut est glaidhomuin góa, .i. na demuin goacha, na morrigna; no go conach demain iat na bansigaide go connach demain iffrunn iat acht demain aeoir na fendoga. no eamnait anglaedha na sinnaigh, ocus eamnait a ngotha na fendoga (Angelique Gulermovich Epstein , War Goddess: The Morrígan and her Germano-Celtic Counterparts, Unpublished Thesis, University of California, 1998, p.47.)
[25] Du Cange, Glossarium mediae et infimae latinitatis [online], available:
http://ducange.enc.sorbonne.fr/LAMA2
[26]Frédéric Godefroy, Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle [online], available: http://micmap.org/dicfro/chercher/dictionnaire-godefroy/
[27] Whitley Stokes, Ed. “O’Mulconry’s Glossary.” Archiv für Celtische Lexikographie, 1899. 1: 232-323, 473-481
Dame Abonde et les revenants dans le Roman de la Rose
Philippe Walter
Université de Grenoble 3, France
philippe.walter@u-grenoble3.fr
Dame Abonde et les revenants
dans le Roman de la Rose (XIIIe siècle) /
Becoming a revenant according to The Romance of the Rose.
Abstract: The word “revenant” does not exist in Medieval French. One speaks of “spirit”, thus suggesting that the disembodiment (the absence of carnal envelope) is characteristic of this entity composed of breath and air. Anyone can certainly become a spirit after one’s death but can also become one from one’s birth. Certain children are endowed with such powers in accordance with their rank of siblings (one must be the last born in the series of 3 or of 7). This belief has survived in witchcraft (le marcou). The paper will look at the conditions of the pneumatic life of the revenant, the nature of his skin and his aerial powers, paying more attention to the persistence of the beliefs in various geographical places in Europe and Africa as well as in various periods.
Keywords: Medieval Literature; The Romance of the Rose; Witchcraft; Journey of the soul; Werewolf; Sabbath.
Chacun peut devenir un revenant après sa mort, une fois que l’âme a quitté le corps et erre dans l’univers, mais il peut aussi l’être dès sa naissance. Pour cela, il faut au moins trois conditions : naître au bon moment dans la famille, savoir enlever ou retourner sa peau, bien connaître les caractéristiques magiques des jours de la semaine. On examinera ici les conditions concrètes de la vie pneumatique du revenant, la nature de sa peau et de ses pouvoirs aériens en étant attentif à la permanence de ces croyances dans plusieurs espaces géographiques d’Europe et d’Afrique sur plusieurs époques.
Un texte de la deuxième moitié du XIIIe siècle (datant d’environ 1277) extrait du Roman de la Rose de Jean de Meung fournit un portrait idéal du revenant médiéval. La première partie de cette œuvre due à Guillaume de Lorris (composée vers 1240) est un poème allégorique dont le thème principal est un art d’aimer conforme à l’esprit courtois initié par les troubadours.[1] L’œuvre se conclut abruptement sur la fragile conquête de la Rose par le poète-amant. En continuant ce roman plus de trente ans après sa composition, Jean de Meung réalise une véritable somme du savoir encyclopédique de son temps. Il oriente l’imaginaire amoureux de Guillaume de Lorris vers un rationalisme inspiré.[2] Il y insère divers développements à caractère didactique. Après l’évocation de l’alchimie, des corps célestes (astres et planètes), des phénomènes météorologiques (intempéries, inondations, arc-en-ciel, etc.), ce sont les problèmes d’optique qui sont traités (miroirs, loupes, lunettes) ainsi que les anomalies de la vision. S’enchaînent les questions relatives aux rêves et hallucinations, au somnambulisme et aux revenants. Le roman évoque alors les voyages aériens de certaines créatures fantastiques :
Dont mainte gent par leurs folies
Cuident estre par nuit estries,
Erranz avoecques Dame Abonde,
Et dient que par tout le monde
Li tierz enfant de nacion
Sont de ceste condicion,
Qu’ils vont .iij. foiz en la semaine
Si com destinee les maine.
Et par touz ces hostels se boutent
Ne cles ne barres ne redoutent
Ainz s’en entrent par les fendaces,
Par chatieres et par crevaces ;
Et se partent des cors les ames
Et vont avoec les bonnes dames
Par lieus forains et par maisons,
Et le pruevent par tels raisons
Car les diversitez veües
Ne sont pas en leur liz venues
Ainz sont leur ames qui labeurent
Et parmi le monde s’en queurent.[3]
La question des revenants accède au domaine de la littérature didactique et non plus seulement à la fiction.[4]Elle était probablement déjà l’objet de débats cléricaux depuis que l’aristotélisme[5] avait pénétré, dès la fin du XIIe siècle, dans les universités grâce à des traductions arabo-latines puis gréco-latines. Une nouvelle forme de rationalisme s’attaquait aux croyances et superstitions anciennes, largement répandues dans le peuple[6] et même chez les intellectuels. Les revenants existent-ils vraiment ? Dans son œuvre, Jean de Meung impose les figures allégoriques de Raison et Nature qui occupent le premier plan. Il dénonce les idées fausses répandues dans les mentalités populaires et défend une approche critique (c’est-à-dire non mythique) des phénomènes qu’il traite et en particulier celui des revenants. Une telle approche permet d’opposer la mentalité populaire (traditionnelle) qui s’est maintenue dans le folklore moderne et la réflexion des intellectuels empreinte de rationalisme.
Dame Abonde
Les plus anciennes mentions de Dame Abonde se trouvent chez l’évêque de Paris, Guillaume d’Auvergne (1180-1249), comme l’a bien noté E. Langlois.[7] On trouve dans son ouvrage l’explication de l’étymologie de son nom (Abonde apporte l’abondance dans les foyers) ainsi que l’évocation du rituel propitiatoire (un repas nocturne) lié à cette « dame de la nuit ».[8] La tradition semble bien être en relation avec des cultes de fertilité remontant aux antiques civilisations agro-pastorales.[9] Elle rejoint des cultes animistes[10] qui ont heurté la vision chrétienne du cosmos et de l’homme. Longtemps tolérée, elle fut combattue par l’Eglise qui instaura l’Inquisition et décréta la chasse aux sorcières vers la fin du Moyen Age.
Le culte lié à dame Abonde rejoint à la fois l’importante tradition des cohortes nocturnes[11] ou Mesnie Hellequin[12] ainsi que les chevauchées des sorcières au moment de leur sabbat. De nombreux textes sur ces chevauchées nocturnes ont été rassemblés par Du Cange dans son dictionnaire.[13] Dame Abonde en est l’une des guides en concurrence avec Diane, Hérodiade ou Holde. Raoul de Presles parle de « la mesgnee de Hellequin, de dame Habonde et des esperis qu’ils appellent fees ».[14] Jean de Meung emploie à propos d’Abonde l’expression de « bonnes dames ». Guillaume d’Auvergne parlait aussi de dominas ou dominas nocturnas, autant de désignations traditionnelles des créatures féeriques. Dans le Jeu de la Feuillée, contemporain du Roman de la Rose, les bonnes dames ne sont autres que les fées.
C’est donc bien la croyance au « double », bien remise en évidence par C. Lecouteux à propos des créatures féeriques,[15] qui articule l’ensemble de ces traditions. Le corps et l’âme possèdent une existence à la fois conjointe et autonome, l’âme (notre alter ego) pouvant temporairement (ou définitivement, lors de la mort) se séparer du corps. Les fées ne seraient alors que des âmes errantes, formes dédoublées de corps momentanément (ou définitivement) perdus. Le témoignage de Jean de Meung accrédite très clairement cette théorie.
Le septième fils (ou la septième fille)
Il existe une croyance traditionnelle largement attestée dans de nombreux pays d’Europe (Allemagne, France, Pays-Bas, Iles Britanniques) : le septième garçon d’une fratrie où il n’y a aucune fille est appelé « marcou » c’est-à-dire sorcier. Selon une étymologie populaire, il porte ce nom parce qu’il a des « marques au cou » (ou parfois sur une autre partie du corps). Cette marque est parfois une fleur de lys car, selon une ancienne tradition étudiée par l’historien Marc Bloch (1886-1944), les anciens rois de France (mais aussi ceux d’Angleterre) passaient pour guérir une maladie appelée les écrouelles ; il s’agissait d’abcès et tumeurs au cou. Le jour de son sacre, le roi de France touchait le cou des malades et pouvait parfois les guérir.[16] L’Eglise expliquait que ce pouvoir venait d’un saint nommé Marcou qui avait transmis ce pouvoir de guérison à toute la lignée des rois de France. Le sorcier possédait ainsi le même pouvoir que le roi, à moins que ce soit l’inverse et qu’on ait attribué aux rois un antique pouvoir de sorciers et qu’on ait christianisé son origine pour le rendre politiquement correct. Par la médiation de saint Marcou, il s’agissait à la fois de donner une origine divine au pouvoir de guérison et donc de transformer la magie profane en miracle. Le roi guérisseur pouvait ainsi légitimer son pouvoir sur les hommes grâce à une autorité de droit divin. C’est Dieu en personne qui agissait à travers lui. A l’évidence, le pouvoir surnaturel du sorcier concurrence celui du roi (qui est aussi celui de l’Eglise). Il est facile de comprendre alors pourquoi l’Eglise combattit de ce fait la sorcellerie. Elle était à la fois un déni de religion et un déni du pouvoir royal.
Le marcou peut aussi être une fille. En Bretagne ou en Angleterre, l’aînée de sept filles (sans aucun garçon né après elle) possède le don de sorcellerie. Elle est aussi prédisposée au somnambulisme. Pour les tsiganes, le septième fils est un bon guérisseur et la septième fille est douée pour dire la bonne aventure. Un roman tsigane (La Septième fille de Mateo Maximoff) reprend les mêmes données. Une sorcière sur le point de mourir veut confier ses dons à une jeune fille qui est la septième fille d’une septième fille. Une curieuse loi se révèle alors : « Pour rendre heureux un être, il faut qu’elle en détruise un autre ». Ailleurs, en Roumanie, le septième enfant est destiné à devenir vampire.[17] Le lien entre sorcellerie et revenants devient patent.
Dans le monde anglo-saxon, la croyance au pouvoir magique du septième fils est aujourd’hui perpétuée par la littérature fantastique. Selon la tradition populaire, le septième fils d’un septième fils est supposé posséder des pouvoirs magiques de guérison. Il est aussi censé devenir sorcier ou posséder un don de clairvoyance. Orson Scott Card (cycle des chroniques d’Alfin le Faiseur) a écrit un cycle de romans dont le premier s’intitule Le septième fils et date de 1987. C’est l’histoire d’une famille américaine pauvre et avec de nombreux enfants durant la conquête de l’Ouest. Elle cherche un nouvel endroit où s’établir. La mère est enceinte d’un septième fils d’un septième fils. Un garçon nommé Alfin doit normalement recevoir des pouvoirs fabuleux. Et c’est effectivement le cas, Alvin est doté de pouvoirs particulièrement puissants, c’est un « Faiseur ». En 1988, une chanson d’Iron Maiden a été tirée de cette histoire :
Here they stand brothers them all
All the sons divided they’d fall
Here await the birth of the son
The seventh, the heavenly, the chosen one
Here the birth from an unbroken line
Born the healer the seventh, his time
Unknowingly blessed and as his life unfolds
Slowly unveiling the power he holds
Seventh son of a seventh son
Seventh son of a seventh son
Seventh son of a seventh son
Seventh son of a seventh son.[18]
Une autre chanson de Willie Dixon chanté par Johnny Rivers évoque « The seventh son ».
Everybody talkin’ ’bout the seventh son
In the whole wide world there is only one
And I’m the one, I’m the one
I’m the one, I’m the one
The one they call the seventh son
I can tell your future, it will come to pass
I can do things to you make your heart feel glad
Look in the sky, predict the rain
Tell when a woman’s got another man
I’m the one, oh I’m the one
I’m the one, I’m the one
The one they call the seventh son.[19]
Un roman pour adolescents de Joseph Delaney, L’apprenti épouvanteur raconte l’histoire de Thomas qui voit et entend ce que le commun des mortels ne perçoit pas. Il devient l’apprenti de l’Épouvanteur. Ce maître très exigeant le teste dès la première nuit en l’enfermant dans une maison hantée… un autre roman d’Anthony Horowitz (L’île des sorciers) raconte l’histoire du jeune David envoyé dans une pension où se pratique la magie noire: vaudou, sorcellerie. Il apprend qu’il est le septième fils d’un septième fils et qu’il est donc un élu de la magie noire. Il devra faire son apprentissage pour lutter contre un rival secret. On croirait lire l’histoire de Harry Potter.[20]
Le Roman de la Rose n’évoque que le troisième enfant d’une série de trois mais il est évident que le motif fait aussi écho à de nombreux contes populaires ou c’est toujours le troisième frère qui réussit là où les deux aînés ont échoué. Ce dernier-né possède des dons particuliers. En regardant attentivement son itinéraire, on s’aperçoit qu’il est confronté à des épreuves qui supposent souvent un pouvoir magique, comme dans le conte dit du « Roi des poissons ». Ce conte sert de trame narrative au célèbre Conte du Graal de Chrétien de Troyes, le premier des romans du Graal au XIIe siècle.[21]
Le motif semble remonter à l’engendrement divin du héros tel qu’on le trouve par exemple dans la mythologie celtique. Le héros Cuchulainn a le statut de dernier-né ou d’enfant né le troisième : sa conception dure trois ans et nécessite trois gestations successives.[22]
Le vêtement-peau
Le mot « revenant » n’existe pas en français médiéval. On parle plus volontiers d’« esprit » suggérant ainsi sa désincarnation, c’est-à-dire son absence d’enveloppe charnelle et de peau. La caractéristique principale est que l’âme est faite de souffle et d’air.[23]On parle alors d’une nature pneumatique. Le lai de Marie de France intitulé « Bisclavret » raconte comment un mari se transforme en loup-garou à l’insu de tout le monde.[24] Il se rend régulièrement près d’une pierre creuse à côté d’un buisson. Il se déshabille et place ses vêtements sous le buisson. C’est alors qu’il devient loup-garou et se met à errer dans la campagne. En enlevant ses vêtements, il semble ôter sa peau, se désincarner. Il prend une forme inconsistante. Tout se passe comme si le vêtement était la véritable peau du revenant. D’ailleurs, en latin médiéval, le loup-garou se dit versipellis, celui (ou celle) qui retourne sa peau.[25]
On observera que le récit de l’homme qui enlève ses vêtements pour devenir loup-garou est en tous points comparable à celui de la femme céleste qui descend sur terre et enlève sa robe de plumes pour se baigner.[26] Les humains ne possèdent qu’un seul moyen de retenir sur terre la femme surnaturelle, c’est de s’emparer de leur habit de plumes et de ne leur rendre sous aucun prétexte. Le récit existe à de très nombreux exemplaires dans la littérature médiévale : on le trouve dans l’Edda où Wieland le forgeron et ses deux frères surprennent trois vierges au vêtement de cygne et leur volent leurs vêtements ; on le trouve aussi dans le lai de Graëlent[27] ou dans la légende du chevalier au cygne.[28]
Un autre lai de Marie de France (« Yonec ») présente un oiseau-garou ; c’est un être qui a aussi la capacité de changer de peau et qui peut alternativement avoir une forme humaine ou une forme d’oiseau. Un récit cachemirien de la même tradition indo-européenne permet de comprendre que cet oiseau est en réalité un vampire (ou un ogre).[29] Son meurtre par empalement (des tiges de fer ont été installées sur la fenêtre pour lui transpercer le corps lorsqu’il vient rendre visite à sa dame enfermée dans une tour) rappelle le rite bien connu d’élimination des vampires : on leur plante un pieu dans le cœur.[30] Chez les Yoruba, les sorciers et sorcières se métamorphosent la nuit en oiseaux au long bec recourbé ; ces oiseaux de proie se perchent sur le toit des maisons, non loin de leurs proies humaines. Devins et guérisseurs luttent contre les désordres engendrés par les maladies et la mort. Un bâton de fer, parfois avec une clochette surmontée d’un disque et de plusieurs oiseaux (parfois seize), leur sert d’exorcisme.
Cette nature pneumatique se retrouve également chez les sorcières qui peuvent voler dans les airs comme le rappelle Martin Le France au XVe siècle dans Le Champion des Dames :
Helas tu n’as parlé des masques :
Se ce sont varous ou luitons,
Se vont a pié ou sur bastons,
Se volent en l’air comme oysiaux[31] (livre IV, v. 17377 et suiv.)
J’entens des vielles cauquemares
Qui vont par rivieres et mares,
Champs et boys en mille manieres,
Et sont si soubtilles ouvrieres
Qu’elles entrent sans porte ouvrir.[32]
L’image des sorcières qui partent au sabbat juchées sur des manches à balais est célèbre.[33] Elle témoigne de la nature très particulière du corps des sorcières qui est immatériel et plus léger que l’air. A Oudewater aux Pays-Bas, dans la banlieue de Gouda, se trouve la Heksenhuis, une maison des sorcières qui est devenu aujourd’hui un musée de la sorcellerie. On y trouve une vieille balance aux sorcières (Heksenwaag) où l’on pesait, au Moyen Age, les femmes suspectées de sorcellerie. Celles qui étaient trop lourdes pour voler sur un balai obtenaient un certificat d’innocence (le dernier certificat délivré date de 1729). Les autres étaient brûlées. La femme, plus légère que l’air, ne pouvait pas avoir une nature corporelle normale. Elle avait une nature surnaturelle qui ne pouvait être que celle d’un esprit malfaisant, d’un fantôme ou d’un revenant.
Les trois jours hebdomadaires du revenant
Dans le Roman de la Rose, il est rappelé que le revenant manifeste ses pouvoirs trois jours dans la semaine. Cette vie intermittente du revenant qui dure trois jours par semaine est confirmée par le lai de « Bisclavret » où le loup-garou disparaît trois jours entiers chaque semaine (v. 25-26) Ni Marie de France ni Jean de Meung ne précisent quels sont ces trois jours. Ils étaient probablement trop connus à l’époque médiévale pour que cette précision apparaisse dans les textes mais cela n’est plus si évident de nos jours.
D’après le lai de « Bisclavret », on peut soupçonner qu’il s’agit de trois jours consécutifs. Il semble toutefois que le samedi fasse partie de la liste car c’est le jour du sabbat. On sait que Mélusine, ce jour-là, prend une forme animale (elle devient un serpent sur la moitié inférieure de son corps) et interdit à quiconque de la surprendre dans cette apparence. Le samedi est donc le jour de la « revenante » Mélusine. C’est le jour où elle reprend sa forme première de serpent et de poisson (car ce serpent se baigne).[34]
Le samedi est surtout connu pour être le jour de réunion des sorciers (le sabbat). Comme le loup-garou de Marie de France, les sorciers ont un double aspect : ils peuvent apparaître comme des personnes ordinaires mais, à certains jours, ils peuvent devenir des esprits qui hantent les airs et se rendent au sabbat en chevauchant un balai. En Roumanie, on pense que, le samedi, les âmes des morts reviennent chez elles, attendent un peu de nourriture puis repartent.[35] Sous leur forme maligne, les sorciers sont des démons et esprits aériens qui semblent avoir perdu leur enveloppe corporelle puisqu’ils voyagent dans les airs. Le vendredi passe aussi pour un jour de mauvais augure. On disait que si les sorciers et magiciens ne pouvaient accomplir de divination, les spectres et démons apparaissaient de préférence ce jour-là.[36]On s’interroge aussi sur l’interdiction médiévale et moderne de manger de la viande le vendredi. L’explication de l’Eglise paraît superficielle : il s’agirait de se souvenir de la passion du Christ et de se priver volontairement de cet aliment en mémoire de son sacrifice sur la croix. Une autre explication (bien plus païenne) pourrait se dissimuler sous cet interdit. Les revenants sont partout. Ils sont parmi nous et se nourrissent de chair humaine dans leurs sabbats (qui ont lieu le vendredi). Interdire la viande à tous les chrétiens le vendredi permet de détecter ceux qui transgressent cet interdit : ce seront nécessairement les sorciers cannibales, les vampires et les revenants. Le jeudi est aussi considéré en Europe comme un des jours du sabbat[37](on parle d’ailleurs de la « secte du jeudi »). Il faut s’abstenir de coudre ou de filer ce jour-là. On sait que les travaux du fil sont réservés aux fées filandières, divinités du destin comme les Parques, et qu’elles sont aussi des sorcières. Le filage, par son rythme alternatif, suppose un jeu avec le temps. Or, manipuler le temps peut être dangereux au moment où celui-ci a besoin de se reconstituer ou de se rénover. Le temps passe en effet par des périodes alternatives de destruction et de rénovation (aussi bien le temps annuel avec l’horloge des solstices, que le temps hebdomadaire avec le rythme de la semaine).
En Roumanie méridionale, c’est le jeudi qu’apparaît la Joimarita, femme hideuse et mauvaise, aussi grande qu’une meule de foin, possédant une tête énorme. C’est à la fois un monstre et un revenant. Elle apparaît le jour du Jeudi Saint pour surveiller les travaux de filage assurés par les femmes. Celles qui, le jeudi, n’ont pas filé tout leur chanvre, tout leur lin et toute leur laine sont impitoyablement punies (la Joimarita rompt les doigts de la fileuse, s’assoit à côté d’elle, file à toute allure puis cuit le fil et échaude la paresseuse.[38] Une jumelle mythique de la précédente (sainte Vendredi) joue exactement le même rôle le vendredi. Elle apparaît aux fileuses la nuit du vendredi ; elle les aide tout en voulant les punir et les faire brûler.[39] Il existait donc dans la tradition populaire des créatures comparables aux revenants qui étaient la personnification de certains jours de la semaine et qui punissaient les femmes qui n’avaient pas fini leur travail avant les jours critiques de la fin de semaine.
Les trois jours privilégiés des revenants sont justement la fin de la semaine : jeudi-vendredi-samedi. Ce sont des jours privilégiés pour l’errance des âmes. Elle ressemble à la Perchta austro-bavaroise.[40] Dans le calendrier chrétien, ces trois jours correspondent aux trois jours de la Passion du Christ au cours desquels les croyances et interdits relatifs aux revenants sont nombreux. Naître le jour du vendredi saint apporte des dons de clairvoyance et de guérisseur à l’enfant qui est destiné à devenir sorcier.[41] En Russie, on allume des feux le soir du samedi saint car il faut réchauffer les âmes des morts qui se lèvent et vont prier à l’église.[42]
Les trois jours hebdomadaires des revenants sont donc à replacer dans le cadre plus général des croyances au voyage intermittent des âmes que l’on pourrait retrouver dans l’ensemble de l’Eurasie. Peut-être faut-il également établir un rapport entre les sept jours de la semaine et le septième enfant d’une famille de sept garçons (ou la septième d’une famille de sept filles) dont le destin est de devenir sorcier ou sorcière.
Pour conclure, la mythologie des revenants relève du vieux fonds chamanique des civilisations et à des croyances relatives au voyage des âmes dont a bien parlé Mircea Eliade.[43] Sur ce point au moins, Le Roman de la Rose fait état de motifs mythiques qui s’inscrivent dans la longue durée de la civilisation européenne. Telle est bien l’importance de cet extrait du Roman de la Rose car le narrateur apporte un témoignage nuancé. Il reconnaît que la croyance aux revenants émane d’une voix populaire, collective et anonyme dérivant vers la superstition mais il propose en même temps une explication quasi anthropologique du phénomène en témoignant d’un souci de définition de l’irrationnel. Pour le narrateur, les pérégrinations nocturnes relèvent de l’activité onirique comprise traditionnellement comme une « extase », action d’être hors de soi, l’âme quittant provisoirement le corps pour voyager temporairement hors de lui. C’est l’expression même de la croyance chamanique.
Notes
[2] Badel, Pierre-Yves, « Raison “fille de Dieu” et le rationalisme de Jean de Meun », in Mélanges de langue et de littérature du Moyen Âge et de la Renaissance offerts à Jean Frappier, professeur à la Sorbonne, par ses collègues, ses élèves et ses amis, éd. Jean Charles Payen et Claude Régnier, Genève, Droz (Publications romanes et françaises, 112), 1970, t. 1, p. 41-52.
[3] Jean de Meung, Le Roman de la Rose, éd. d’A. Strubel, Paris, Livre de Poche (Lettres gothiques), 1992, v. 18429-18448. Traduction (Ph. Walter) : « Bien des gens dans leur folie croient être des striges (sorcières) errant la nuit avec dame Abonde. Partout sur la terre, on raconte que les troisièmes enfants d’une famille ont la faculté d’y aller trois fois par semaine, comme le destin les y entraîne. Ils s’introduisent dans toutes les maisons, ne craignant ni clés ni barreaux, et entrant par les fentes, chatières et crevasses. Leurs âmes quittant leur corps suivent la trace des bonnes dames, à travers les maisons et les lieux étrangers, et ils le prouvent en disant que les étrangetés auxquelles ils ont assisté ne sont pas arrivées tandis qu’ils étaient dans leurs lits mais que ce sont leurs âmes qui agissent et courent ainsi de par le monde.
[6] J. Agrimi, « Savoir médical et anthropologie religieuse. Les réprésentations et les fonctions de la vetula (XIIIe-XVe siècle) », in Annales E.S.C., 48, 1993, p. 1281-1308.
[7] Guillaume de Lorris et Jean de Meung, Le Roman de la Rose, éd. d’E. Langlois, Paris, Edouard Champion, 1927, t. 4, p. 314-316.
[8] Ph. Walter, « Récipients ouverts et découverts. Mythe et vaisselle au XIIIe siècle d’après Guillaume d’Auvergne », in D. James-Raoul et C. Thomasset éd., De l’écrin au cercueil. Essai sur les contenants, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2007, p. 173-188.
[10] Ph. Walter, « European forests, fairies and witches in medieval folklore », in Yoshinori Yasuda éd., Forest and civilisations, New Delhi, Roli Books, 2001, p. 129-141.
[12] K. Ueltschi, La Mesnie Hellequin en conte et en rime. Mémoire mythique et poétique de la recomposition, Paris, Champion, 2008.
[13] C. Du Cange, Glossarium ad scriptores mediae et infimae latinitatis, Graz, 1954, 5 volumes (1ère éd. Francfort sur le Main, 1681). Voir les articles Abundia, Diana, Hera, Holda. Voir aussi J. Grimm, Deutsche Mythologie (4e éd.), Berlin, Harrovitz et Grossman, 1878, t. 1, p. 220-237 et 882-886.
[16] M. Bloch, Les rois thaumaturges, Etude sur le caractère surnaturel attribué à la puissance royale particulièrement en France et en Angleterre (nouvelle édition), Paris, Gallimard, 1983 (édition originale : 1924).
[18] Ils se tiennent là tous bien frères, / Divisés, tous les fils s’écrouleraient / Ils attendent la naissance du fils, / Le septième, le sacré, l’élu / Voici la naissance d’une lignée ininterrompue. / Il est né le guérisseur, le septième, à son tour / Béni sans le savoir et alors que sa vie se déroule, / Révélant peu à peu le pouvoir qu’il possède / Septième fils d’un septième fils / Septième fils d’un septième fils / Septième fils d’un septième fils / Septième fils d’un septième fils.
[19] Tout le monde parle du septième fils / Dans le monde entier, il n’y en qu’un seul / Et je suis celui-là, je suis celui-là / Je suis celui-là, je suis celui-là / Celui qu’ils appellent le septième fils. Je peux prédire l’avenir, celui qui adviendra / je peux faire des choses pour que votre cœur se sente heureux / Voir dans le ciel, prédire la pluie / Dire quand une femme a eu un autre homme. Je suis celui-là, oh je suis celui-là / Je suis celui-là, je suis celui-là / Celui qu’ils appellent le septième fils.
[22] G. Dumézil, « Les transformations du troisième du triple », in Cahiers pour l’analyse, 7, 1967, p. 39-42.
[23] C. Lecouteux, Fées, sorcières et loup-garous au Moyen Age. Histoire du double, Paris, Imago, 1992.
[24] Marie de France, Lais, édition et traduction de Ph. Walter, Paris, Gallimard (Folio/classique), 2000.
[27] Les Lais anonymes des XIIe et XIIIe siècles, édition critique de P. M. O’Hara Tobin, Genève, Droz, 1976. Lais féeriques des XIIe et XIIIe siècles, traduction et notes d’A. Micha, Paris, GF-Flammarion, 1992, p. 19-61.
[29] Ph. Walter, « Yonec, fils de l’ogre », in D. Boutet éd., Plaist vos oïr bone cançon vaillant ? Mélanges de langue et de littérature médiévales offerts à F. Suard, Lille, Editions du Septentrion, 1999, t. 2, p. 993-1000.
[31] Martin Le Franc, Le Champion des Dames, édition de R. Deschaux, Paris, Champion, 1994, tome 4, v. 17377-17380. Traduction : « Hélas, tu ne m’as pas parlé des sorcières, s’il s’agit-il de garous ou de lutins, si elles se déplacent à pied ou sur des bâtons, si elles volent dans les airs comme des oiseaux. »
[32] Martin Le Franc, Le Champion des Dames, tome 4, v. 17385-17389. Traduction : Je veux parler des vieilles cauchemars qui se déplacent de mille manières sur les rivières, les étangs, dans les champs et dans les bois. Elles sont si habiles qu’elles entrent dans une maison sans en ouvrir la porte ».
[36] E. Mozzani, Le Livre des superstitions. Mythes, croyances et légendes, Paris, Laffont, 1995, p. 1763.
[40] M. Rumpf, Perchten-Populäre Glaubensgestalten zwischen Mythos und Katechese, Würzburg, Königshausen & Neumann, 1987.
[43] M. Eliade, Le chamanisme et les techniques archaïques de l’extase, Paris, Payot, 1951 (réédition : 1992). Même contesté sur certains points de méthode (définition du terme « chamanisme »), cet ouvrage livre une synthèse toujours exploitable de faits et de croyances relatifs au monde des esprits agissants sur la matière.
Fantômes, Revenants, Poltergeists, Mânes – CuprinsFantômes, Revenants, Poltergeists, Mânes – Content
2011 volumul 21 Fantômes, Revenants, Poltergeists, Mânes
Coordinator: Philippe Walter & Corin Braga
Editor: Phantasma. Centrul de Cercetare a Imaginarului
Editura: Fundaţia Culturală Echinox, Cluj-Napoca, Romania
ISSN 1582-960X (România)
ISBN 978-2-36424-248-7 (France)
Summary
Mitologie şi folclor
Philippe Walter, Dame Abonde şi spectrele în Roman de la Rose (secolul XIII) [11-19]
Stamatios Zochios, Lamia: vrăjitoare, zână sau fantomă?[20-31]
Corin Braga, Banshees irlandeze şi lumea subterană Tuatha De Danann [32-42]
Michael Hemsley, The Day of the Passion of the Men of Britain: Mistreţul ca o fantomă provocatoare de dezordine în literature welşă şi în poezia lui David Jones [43-57]
Torfi H. Tulinius, Fantomele în literatura medievală din Islanda [58-74]
Anna Caiozzo, Spirite şi apariţii în imaginarul musulman, de la literatura miracolelor la Edmond Doutté [75-87]
Shogo Kanayama, De la spiritele răzbunătoare la fantomele tragice. Viziunea despre fantome în cultura japoneză [88-96]
Sibusiso Hyacinth Madondo, Balada morţilor: ”Faţa de masă” de pe Table Mountain ca spirite ale morţilor[97-102]
Marie-Agnès Cathiard & Nicolas Abry, De la corpurile fantomă la corpurile imaginate. Între Africa şi Europa: unitatea cognitivă a răspunsurilor culturale la paralizia somnului [103-120]
Ionel Buşe, Creaturi fantastice în basmele româneşti : aspecte simbolice [121-133]
Eleonora Sava, Reprezentări ale strigoilor în cultura tradiţională românească [134-146]
Carmen Săpunaru Tămaş, Zburătorul: Amantul înaripat în mitologia românească [147-151]
Literaturi şi arte
Véronique Adam, Fantomele: Naşterea imaginaţiei raţionale [155-165]
Jean Marigny, Fantomele şi mitul inocenţei infantile [166-174]
Claudia-Simona Hulpoi, Morţii care ne bântuie. Rimbaud, Lautréamont şi naşterea Suprarealismului: o poveste cu strigoi ? [175-191]
Arnaud Huftier, Traducerea tradiţiei: Le Livre des fantômes a lui Jean Ray, sau cum să dai formă spectrelor războiului şi ale Bibliei [192-209]
Carmen-Veronica Borbély, Fantasme neo-gotice: Parodii ale “imaginaţiei nebune” în proza contemporană. The Nature of Monsters de Clare Clark (2007) [210-217]
Karen Ferreira-Meyers, Strigoii în literatura africană francofonă şi anglofonă: Solo d’un revenant de Kossi Efoui şi Till we can keep an animal de Megan Voysey-Braig [218-225]
Ilse Groenewald, Fantome, strigoi şi capete vorbitoare în Niggie de Ingrid Winterbach [226-232]
Giovanni Magliocco, Domnişoara Christina de Mircea Eliade. Avatarii vampirici ai animei [233-247]
Gisèle Vanhese, Tema fantomei şi spectralizarea povestirii în Biserica neagră de Anatol E. Baconsky [248-261]
Alexandra Stanciu, Între bântuire şi reprezentare. “Portretul” lui Thomas Owen, o povestire mediumnică [262-270]
Rodica Chira, Despre Le livre des ombres de Serge Lehman [271-277]
Ileana Alexandra Orlich, Fantome politice şi fantasme ideologice în The Cherry Orchard. A Sequel [278-283]
Katija Khan, Fantome, vrăjitoare şi magie în filmul nigerian Billionaire’s Club [284-291]
Aura Ţeudan, Între simptom şi spectru: O investigaţie în vizibil în filmul lui Giuseppe Tornatore Una pura formalità [292-301]
Gelu Teampău, Aspecte ale vampirului în cărţile de benzi desenate [302-317]
Patrick Pajon, Fantome şi semnificaţii ale morţii în era Internetului [318-324]
Laurenţiu Malomfălean, Fantome digitale. O atitudine spectrală în faţa vieţii [325-332]
Book reviews [333-382]
Fantômes, Revenants, Poltergeists, Mânes
Fantômes, Revenants, Poltergeists, Mânes
Fantômes et revenants présentent un défi redoutable à la théorie traditionnelle de la représentation poétique. Comment re-présenter (c’est-à-dire présenter à nouveau ou imiter par le biais du langage) ce qui n’existe pas et n’a jamais existé, puisque par définition ces créatures fantastiques sont invisibles ? En fait, il est paradoxal que cette non-existence ne signifie pas pour autant que personne n’ait vu de revenants ou n’ait cru en voir. La totalité des civilisations humaines connaît les fantômes, même si elles usent de noms différents pour les désigner.
Ces êtres fantastiques ont fait le sujet d’un colloque organisé par le Centre de Recherche sur l’Imaginaire de Grenoble les 11 et 12 octobre 2010 à la MSH-Alpes, la Maison des sciences de l’homme du CNRS. La stratégie scientifique du colloque visait l’affinement d’une donnée centrale du structuralisme anthropologique tel qu’il se pratique dans les centres de recherche sur l’imaginaire en France et à l’étranger : l’existence d’invariants formels (structures narratives) ou systémiques (combinatoire de thèmes mythiques, comme ceux isolés par S. Thompson dans son Motif-Index of folk-literature). L’enquête a été menée à partir de récits relevant d’un même registre de l’imaginaire : les histoires de revenants, fantômes et poltergeists. Il s’agissait toutefois de dépasser l’analyse archétypale (ou archétypologie) proposée jadis par Gilbert Durand pour viser des voies nouvelles au confluent de la psychiatrie et des sciences cognitives.
Le projet consistait à envisager ces créatures fantastiques que sont les fantômes, revenants et poltergeists de manière comparative à la fois en diachronie et en synchronie. Il s’agissait de dégager les motifs mythiques associés à ces figures et de s’interroger sur leur signification anthropologique. Existe-t-il, malgré la diversité et la variabilité des contextes culturels, des constantes méthodologiquement repérables dans la représentation de ces créatures fantastiques ainsi que des archétypes communs à la base des imaginaires africains et européens ?
Une des conclusions des travaux a été qu’il existe bel et bien des « images » et non des « représentations » de fantômes. Le colloque a permis d’entrevoir des convergences avérées de ces images, en dehors de toute influence culturelle directe. Des explications de nature neuropsychique à propos de cette convergence pourraient maintenant être explorées. Celles-ci feraient appel aux phénomènes hallucinatoires mis en évidence lors de l’expérience dite des corps fantômes (obtenue en laboratoire par stimulation de certaines zones du cortex), en anglais out of body experience. À terme, il serait alors possible d’envisager un « imaginarium » cognitif, c’est-à-dire un répertoire des phénomènes d’illusion mentale dus à des dispositifs psychiques particuliers.
Philippe Walter
Congrès international: Imaginaires du mal
“Babes-Bolyai” University, Cluj-Napoca, Romania
Phantasma. Le Centre de Recherches sur l’Imaginaire
APPEL
Congrès international
Imaginaires du mal
Du lieu infernal à l’antiutopie
Télécharger le Programme du Congrès
Comité d’organisation :
Jean-Jacques Wunenburger (Université Jean Moulin, Lyon 3, France)
Philippe Walter (Université Stendhal, Grenoble 3, France)
Corin Braga (Université Babes-Bolyai, Cluj, Roumanie)
Lieu et date : Faculté des Lettres, Cluj, 4-6 octobre 2012
Thème :
De même que l’archétype du lieu idéal a engendré plusieurs avatars culturels (Paradis, jardin d’Éden, Âge d’Or, Champs Élysées, Îles des Bienheureux), le contre-type du lieu infernal a généré à son tour maints topoï comme le Ekur mésopotamien, le Shéol, le Hadès, le Tartare, l’Enfer, etc. Aussi bien, le complément humain de ces lieux surnaturels, l’utopie ou la cité de l’homme, a donné naissance à des contestations parfois véhémentes, aux antiutopies, cités de terreur et de cauchemar. Apocalypses, endroits eschatologiques, contrées et cités infernales, témoignent d’une fantaisie anxieuse, spécifique de notre culture ou peut-être de la condition humaine elle-même. On dirait que l’angoisse de la souffrance et de la mort jouit de la représentation imagée de ses frayeurs, pour les apaiser et pour les prendre sous contrôle. Notre volume se propose d’explorer ces imaginaires du mal, dans toute leur richesse et diversité.
Réunion des CRII :
Le programme prévoit également l’organisation d’un congrès international sur ce thème, qui sera tenu les 4-6 octobre à la Faculté des Lettres de Cluj. Dans le cadre de ce congrès, nous voulons inviter les directeurs des CRI qui sont toujours en place en France et dans le monde, pour explorer la possibilité d’une relance du réseau de recherches sur l’imaginaire. Un petit comité d’initiative, formé par Jean-Jacques Wunenburger, Philippe Walter et Corin Braga, propose la refondation d’un organisme CRII (Centres de Recherches Internationales sur l’Imaginaire), fédéralisant l’activité des centres et des groupes de partout le monde et organisant un congrès annuel itinérant, tenu successivement en Europe de l’Ouest, de l’Est, en Asie, aux Amériques, en Afrique.
Langues :
Communications en français ou en anglais, 20 minutes par personne
Actes :
Les actes du congrès seront publiés dans les Cahiers Echinox, la revue de Phantasma, dans le volume 24, 2012 (Pour plus de détails, nous renvoyons au Menu Caietele Echinox, Calls)
Administration :
Les organisateurs du congrès pourront prendre en charge les frais de voyage (jusqu’au plafond de 500 Euros), l’hébergement et les repas des participants.
Pas de taxe de participation.
Contact :
Nous prions le directeur de chaque CRI et groupe de recherches sur l’imaginaire qui voudra bien adhérer à ce nouveau réseau de nous faire savoir son intention de participation ou, le cas échéant, de désigner un autre membre de son centre qui sera son porte-parole.
Confirmer la participation par email à l’adresse CorinBraga@yahoo.com
Sponsors :
Programme de recherche financé par CNCS (le Conseil National pour la Recherche Scientifique de Roumanie), Exploratory Research Project PN-II-ID-PCE-2011-3-0061.
Porté par Phantasma, le Centre de Recherches sur l’Imaginaire de l’Université Babeş-Bolyai de Cluj, le projet a pour titre Antiutopias. Making and Unmaking the Reality – Assessing Possible Worlds.
“Babes-Bolyai” University, Cluj-Napoca, Romania
Phantasma. Le Centre de Recherches sur l’Imaginaire
APPEL
Congrès international
Imaginaires du mal
Du lieu infernal à l’antiutopie
Télécharger le Programme du Congrès
Comité d’organisation :
Jean-Jacques Wunenburger (Université Jean Moulin, Lyon 3, France)
Philippe Walter (Université Stendhal, Grenoble 3, France)
Corin Braga (Université Babes-Bolyai, Cluj, Roumanie)
Lieu et date : Faculté des Lettres, Cluj, 4-6 octobre 2012
Thème :
De même que l’archétype du lieu idéal a engendré plusieurs avatars culturels (Paradis, jardin d’Éden, Âge d’Or, Champs Élysées, Îles des Bienheureux), le contre-type du lieu infernal a généré à son tour maints topoï comme le Ekur mésopotamien, le Shéol, le Hadès, le Tartare, l’Enfer, etc. Aussi bien, le complément humain de ces lieux surnaturels, l’utopie ou la cité de l’homme, a donné naissance à des contestations parfois véhémentes, aux antiutopies, cités de terreur et de cauchemar. Apocalypses, endroits eschatologiques, contrées et cités infernales, témoignent d’une fantaisie anxieuse, spécifique de notre culture ou peut-être de la condition humaine elle-même. On dirait que l’angoisse de la souffrance et de la mort jouit de la représentation imagée de ses frayeurs, pour les apaiser et pour les prendre sous contrôle. Notre volume se propose d’explorer ces imaginaires du mal, dans toute leur richesse et diversité.
Réunion des CRII :
Le programme prévoit également l’organisation d’un congrès international sur ce thème, qui sera tenu les 4-6 octobre à la Faculté des Lettres de Cluj. Dans le cadre de ce congrès, nous voulons inviter les directeurs des CRI qui sont toujours en place en France et dans le monde, pour explorer la possibilité d’une relance du réseau de recherches sur l’imaginaire. Un petit comité d’initiative, formé par Jean-Jacques Wunenburger, Philippe Walter et Corin Braga, propose la refondation d’un organisme CRII (Centres de Recherches Internationales sur l’Imaginaire), fédéralisant l’activité des centres et des groupes de partout le monde et organisant un congrès annuel itinérant, tenu successivement en Europe de l’Ouest, de l’Est, en Asie, aux Amériques, en Afrique.
Langues :
Communications en français ou en anglais, 20 minutes par personne
Actes :
Les actes du congrès seront publiés dans les Cahiers Echinox, la revue de Phantasma, dans le volume 24, 2012 (Pour plus de détails, nous renvoyons au Menu Caietele Echinox, Calls)
Administration :
Les organisateurs du congrès pourront prendre en charge les frais de voyage (jusqu’au plafond de 500 Euros), l’hébergement et les repas des participants.
Pas de taxe de participation.
Contact :
Nous prions le directeur de chaque CRI et groupe de recherches sur l’imaginaire qui voudra bien adhérer à ce nouveau réseau de nous faire savoir son intention de participation ou, le cas échéant, de désigner un autre membre de son centre qui sera son porte-parole.
Confirmer la participation par email à l’adresse CorinBraga@yahoo.com
Sponsors :
Programme de recherche financé par CNCS (le Conseil National pour la Recherche Scientifique de Roumanie), Exploratory Research Project PN-II-ID-PCE-2011-3-0061.
Porté par Phantasma, le Centre de Recherches sur l’Imaginaire de l’Université Babeş-Bolyai de Cluj, le projet a pour titre Antiutopias. Making and Unmaking the Reality – Assessing Possible Worlds.
Antiutopia-descriere
CNCS ROMANIA
EXPLORATORY RESEARCH PROJECTS – PN-II-ID-PCE-2011-3
Research Project
PN-II-ID-PCE-2011-3-0061
Antiutopias
Making and Unmaking the Reality – Assessing Possible Worlds
Director
Prof. Corin Braga
Babeş-Bolyai University
Scientific context and motivation.
Since their creation, utopias have been designed as imaginary – in vitro – explorations of alternative worlds and societies. Utopian authors used them in order to make and to unmake the current reality, to propose alternative models for the existing state of the European civilization, to investigate “les possibles latéraux” (F. Chirpaz, Raison et déraison de l’utopie, Paris, 1999) of the history. In recent times, extensive scholarship programs have been dedicated to utopian thought (Cf. the attached Critical Bibliography which supports the theoretical approach of this project). However, fewer studies have tackled the counter-part of utopias, their “dark side”, the anti-utopias, except for the small but representative corpus of modern dystopias (Orwell, Huxley, Zamiatin, Koestler, Zinoviev). The aim of this research is to document the critique of utopian optimism all along the history of the genre, with an original focus on classical, and on postmodern utopias.
As I have shown in a previous work (C. Braga, Du Paradis perdu à l’antiutopie aux XVIe-XVIIIesiècles, Paris, 2010), utopias can be seen as the successor of the medieval topic of the Terrestrial Paradise. If, during the Christian culture of the Middle Ages, the Garden of Eden was presented as a lost paradise, closed by God after the original sin, during the Renaissance, the humanistic optimism led various thinkers and writers, starting with Morus, to the conclusion that men can replace the lost paradise with a city of men. Utopias are human-made ideal places, where people governed by reasonable and moral principles achieve a perfect society. Nevertheless, utopian optimism was soon challenged by several theoretical critiques and institutional attacks, formulated by Counter-Reformation theology, Cartesian rationalism and English empiricism. These ideologies addressed a series of decisive counter-arguments to the hope that mankind could by itself establish a perfect society and a paradise on earth. Starting with Joseph Hall (Mundus alter et idem, 1605) and Artus Thomas (L’Isle des Hermaphrodites, 1605), an important number of authors took on official and public censorship and reshaped their fiction into critiques of utopian visions. Instead of imagining ideal places, they began to conceive counter-utopian societies and terrestrial infernos.
So, the novelty of this research project is the thesis that counter-utopias appeared as a literary genre long before the dystopias of the twentieth century. We aim to draw a map (as comprehensive as possible) of the anti-utopian species, completing the latest achievements in the domain with analyses of classical and then postmodern dystopias (which develop in new and complex ways).The research will cast a new light on the functioning of European and human imaginaries. It will observe some inner processes of the history of ideas and concepts, and it will show how cultural paradigms change. This approach has wider implications, because it shows the mechanisms through which men assess the possible worlds created by fantasy, why they accept and enthusiastically adhere to some social projects, and why they reject and violently abhor other projects.
Objectives.
Historians of the European literature have distinguished between two main species of utopias: classical (16-18th centuries) and modern (19-20th centuries) (cf. M. Leslie, Renaissance Utopias and the Problem of History, Ithaca, 1998). We shall transpose and apply this distinction to the counter-utopian genre also. This will provide the two principal domains which constitute the principal objectives of our team research: classical dystopias and modern dystopias. Each of these domains will be divided in smaller classes of texts, which will constitute the secondary objectives of our research and will be explored by one or several members of the team. The divisions depend mainly on the type of ideologies and criticisms that engendered each subspecies of dystopias.
I. Classical dystopias.
I.1. Religious dystopias. The utopian genre, molded by More, Bacon, Andreae, Campanella and other thinkers and writers, was soon contested by the Christian establishment. After the Concile in Trent, the hard core of the Roman Church displaced the “Christian humanism” that made possible the apparition of liberal culture. The protestant churches also sought to displace the millenarian and utopian projects of their radical sects. Neither were the theocratic monarchies of the time willing to accept the indirect ironical critique that utopias pointed to the state. The religious censorship targeted the main topics of utopian thinking. Under the menace of entering the Index and being judged for heresy, many utopian writers adopted the view of the Christian dogma and began to criticize the genre by demonstrating its absurdity. A. Thomas, J. Hall, Jean de la Pierre, H. Bowman, J. Swift, B. Raguet or B. de Saint-Pierre are some of the first counter-utopianists which subverted the genre by imagining the infernal consequences of working out a utopian program.
I.2. Rationalist dystopias. The second critique of utopian thinking was perpetrated by rationalist philosophy. The fathers of the “new science”, Descartes, Malebranche, Spinoza, Leibniz, considered that imagination is the “mother of all errors” and “la folle du logis”. They downgraded all products of fantasy, myths, ”superstitions”, ”chimeras”, and utopias. The pejorative meaning of the word utopia (”illusory”, ”impossible”, etc.) is the result of the rationalist attacks launched by Thomas Browne, Leibniz, Pierre Bayle or Rousseau against utopian projects. The result of this rational critique was even more devastating than the effects of religious censorship. The same way that Cervantes made of a reader of chivalry romances a madman, many classical authors treated the utopian voyageurs as delusional. R. Brome, J. Swift again, G. F. Coyer or Marivaux replaced the utopian kingdoms with islands of fouls, while authors like B. Mandeville, S. Brunt, l’abbé Prévost, Tiphaigne de la Roche instrumented what R. Trousson calls “le proces de l’utopie au XVIIIe siècle”.
I.3. Empirical dystopias. The third attack against utopianism came from empirical philosophy. The “instauratio magna” proposed by F. Bacon and his successors Hobbes, Locke and Hume, the imposing of the pragmatic, experimental criteria for validating the truth also changed the fictional convention of the novel. The new “pact with the reader” supposed that the writer created the illusion of reality. The marvels of medieval literature, as well as the fantastic and extraordinary utopian voyages, were banned as improbable ”lies” and inventions. In order to preserve the plausibility of the story, utopian writers felt obliged to displace their ideal kingdoms to places more remote. As the ”blanks” of the maps progressively disappeared, the perfect cities began to fade away. Some of them were relocated on invisible, moving or submerged islands (Head, Morelly, Poe, Verne), or into the empty depths of the Earth (Holberg, Collin de Plancy, Casanova, Verne), or into the outer space (Godwin, Cyrano de Bergerac, Cavendish, Defoe, Voltaire, Verne, etc.).
II. Modern dystopias.
II.1. Scientist dystopias (1870-1914). The early-modern attacks against utopian projects were crowned by the modern ”death of God” and ”disenchantment of the world”. With the eclipse of the sacred, the fantastical and marvelous view of the world disappeared, and the ideal places crumbled down in a kind of ontological collapse. This situation can be sampled with the extraordinary voyages of Jules Verne, where almost every strange and wonderful place visited, be it natural or made by man, is in the end destroyed. In order to replace religious and magic values, modernity brought in its new promethean ideals, positivism, scientism, technology. So began a new era of the utopian thinking, in which human knowledge and technological progress became the mighty ”gods” of the legislators of perfect cities. However, philosophical distrust in man’s capacity of controlling nature and society nourished new forms of criticism also, and of modern counter-utopias. Many an author, starting with S. Butler and H. G. Wells, questioned the direction in which triumphant reason and technology led humanity. They imagined a future in which science and rationality massify and robotize people, and humankind, instead of evolving, is brought to a dead end, on the brink of involution and annihilation.
II.2. Social dystopias. The project aims to follow the methodology of Fredric Jameson (Reification and Utopia in Mass Culture, Social Text, No 1/Winter 1979) according to which modern counter-utopias are cultural features of the industrial hyper-rationalization, functioning as mainly characteristic for capitalism (an idea stated in Postmodernism, or The Cultural Logic of Late Capitalism). Following this suggestion, the research will analyze the social and economic determinism of modern dystopian imagination which is marked – as evidenced by classical texts (J. London, The Iron Heel, E. Zamiatin, We, A. Huxley, Brave New World, George Orwell, 1984 orAnimal Farm, etc.) – by authoritarianism, totalitarianism, oppression, social control, dictatorship or bureaucratization. Inevitably, the project will open towards the inherent socio-political reality of totalitarianism in the twentieth century (mainly fascism and socialism), but the focus will fall on settling the intellectual and social-utopian origins of the 19th and 20th centuries counter-utopias, strongly marked by the emergence of homo oeconomicus, which requires an interdisciplinary research of elements belonging to the social imaginary of the economy, following the line that links A. Smith to Marx.
Defined by the Frankfurt School (especially by H. Marcuse) as a fatal finality of the capitalist system, excessive bureaucratization is an inevitable ingredient of modern counter-utopias which are built on the logic of hyper-organized societies, derived from authoritarianism, anti-human and inhuman oppression, respectively hyperbolized social control.Classical counter-utopias of the nineteenth century and early twentieth century (such as The World as It Shall Beby É. Souvestre, When the Sleeper Wakes by H.G. Wells or J. London’s The Iron Heel) suggest the development of two specific lines of descendence, the utopian socialism, respectively the utopian hyper-rationalization of the eighteenth century.
Given that, as shown by K. Kumar, the purpose of any modern counter-utopia is satirical because it suggests the dysfunction of a society when its organization is taken to extremes (a phenomenon which is analyzed at social-economic level also by H. Marcuse in his One-Dimensional Man), the project aims to investigate both activist utopias of the nineteenth century (nihilism, anti-etatist Russian anarchism, salvation through exacerbation of the existential to the detriment of authority suggested by Nietzsche), as well as the link established between the systemic projections of counter-utopias – “perfect” societies based on eradication of human “error” and of the “intrinsic weaknesses that he embodies” – and the ideological utopias of the twentieth century, Leninism and socialism being, at this point, the most visible extensions. Ultimately, modern counter-utopias and dystopias emphasize the divide between social hyperorganization and human freedom. Consequently, the project aims to examine, eventually, the distinction between “closed societies” and “open societies” (as defined by K. Popper), the hyper-technologization of the counter-utopian dark imaginary and another aspect which must analyzed, namely the mechanical and industrial alienating imaginary of the expressionism (mostly cinematographic).
II.3. Postmodern dystopias. With postmodern relativism and “irrealism” (Searle, Goodman, Putnam, Maturana), not only human capacity of constructing ideal societies and perfect cities, but the concept itself of reality was questioned and deconstructed. The possible worlds became as real as the current reality, at least at the level of literature, arts and cinematic fiction. These parallel worlds are either superior to the one we are living in (which is a terrifying place, like in The Matrix,Dark City, etc.), or inferior, describing a nightmarish world we are heading to. Many dystopian (science-)fiction works imagine a future in which a disaster has already affected humanity. In the paper ”A World Neither Brave Nor New: Reading Dystopian Fiction after 9/11” (Journal of Literature and the History of Ideas, Volume 4, Number 1, January 2006), Efraim Sicher and NataliaSkaradol investigate the impact that September 11 had upon the conscience of the american public. In this tragic terrorist event, reality became a reiteration, an acting-out of a series of catastrophic movies made in Hollywood (the headquarters of the hyperreal, as Baudrillard put it).
Literary and cinematic experiences undergo a “pictorial turn”, to use Jacques Rancière’s term, as images are no longer qualified in terms of lack of consistency or excessive consistency. The term hints at a real historical turning point, a mutation in the mode of the presence of images themselves. Godard’s Histoire(s) du cinéma (1998) marks and announces the end of cinema, of a cinema conceived in terms of its utopic identity and function as a world where images (claim to) reflect the real. The new cinema rethinks and redistributes the relation between the image and the real, between lucid rejection and seduction of utopia. Alexander Sokurov, Gus Van Sant, Bela Tarr, Abbas Kiarostami, Jean-Luc Godard and the French cinema between 2007 and 2009 outline such positions. By analogy we will speak in similar terms of the visual artistic experiment of James Benning, Wang Bing, Philip Parenno, Apichatpong Weerasethakul, etc. All this against the background of a partage du sensible, within the context of an altered status of image and text as extensively analysed and illustrated by studies and books of the last decade belonging to such writers as Jacques Rancière, Jean Luc Nancy, the latest Derrida, Georges Didi-Huberman, Slavoj Žižek, Alain Badiou, etc. The micro-politics of the image crosses the epic in search of its own status between the real and the (counter-)utopia.
III. Synthesis.
After this historical panorama of the evolution of dystopias from the classical to the modern age (17th– 21st centuries), the final objective of our research work is to establish a typology and taxonomy of the utopian and anti-utopian genre. We shall be able to make categorical and functional distinctions between utopias – eutopias – dystopias – anti-utopias. These four terms describe four types of “possible worlds”. These alternative societies diverge from the “real world” (what Darko Suvin in La science-fiction entre l’utopie et l’antiutopie, 1987 calls “zero world”, and we call mundus) by a selection of its good (eu-) respectively bad (dys-) features (procedure called “utopian extrapolation” by Julien Freund, Utopie et violence, 1998), and by progressive degrees of probability, possibility and impossibility. Although a rich literature has been dedicated to this issue, our proposition aims at introducing a new systematization, an original synopsis, with logical and functional criteria, in the subspecies of the utopian/anti-utopian genre.
Team members
2 senior researchers
– Corin Braga, Prof. Babes-Bolyai University
– Ştefan Borbély, Prof. Babes-Bolyai University
5 young researchers
– Andrei Simut, postdoc, Babes-Bolyai University
– Aura Ţeudan, PhD student, Babes-Bolyai University
– Radu Toderici, PhD student, Babes-Bolyai University
– Marius Conkan, MA student, Babes-Bolyai University
– Olga Ştefan, MA student, Babes-Bolyai University
1 administrator
– Marius Podean PhD student, Babes-Bolyai University (economist).
Workplan
The research project starts from a previous PhD research of the team director, focused on the apparition of dystopias in early-modernity, and develops it to the whole period of time covered by the (anti-)utopian genre, up to the 21st century. The members of the team are called to amplify the core hypothesis and to complement with their specific competences the areas of research. The two senior researchers will assume the 2 major objectives and domains, and the young researchers will develop specific topics (secondary objectives) from the main domains.
The distribution of objectives and tasks is as follows:
A. Classical dystopias:
A1. Religious dystopias. Objective already tackled in Corin Braga, Du paradis perdu à l’antiutopie aux XVIe-XVIIIe siècles, Paris, 2010.
A2. Rationalist dystopias. Prof. Corin Braga &
A3. Empirical dystopias. PhD Radu Toderici
B. Modern dystopias:
B1. Scientist dystopias Postdoc Andrei Simuţ & PhD Simina Raţiu
B2. Social dystopias Prof. Ştefan Borbély
B3. Postmodern dystopias MA Radu Conkan
MA Olga Ştefan
PhD Aura Ţeudan
C. Synthesis and taxonomy: Prof. Corin Braga
All domains and subdomains of research will be tackled simultaneously by the respective senior or young researchers. The collaboration between the researchers, the exchanges of information, bibliographies, books, etc., will ensure the coherence of the teamwork. The final synthesis will sum up the theoretical results and case analyses from each field and will combine the diachronic, historical approach with a paradigmatic, morphological approach.
Foreword
Literature in the Digital Age
Our newest issue takes interest in the way the Digital Age changes our perspective on literature, as well as “the literary text”, altering its classic forms, functions and roles. Will this be the death of literature or only the dawn of a new epoch of reading? And how are we – as literary researchers – to cope with the alterations? The present-day development, at extreme speed, of digital technologies opens the field of literature and literarity to new forms of practice. Just as well, comparative literature and literary theory are bound to rethink their themes, methods and concepts. Not only theoretical disciplines of literature are subjected to this kind of alteration, but also literature itself, since critics, theorists and the reading public warn against “the demise of literature” in the digital age. The closing of the age of Guttenberg has instilled a very visible anxiety regarding the end of poetry, the end on the novel, the end of theoretical thinking in their traditional meaning. As an alternative to this Apocalypse of print, some theorists, critics or artists have already found solutions of “escape”. New forms of literary practice access digital resources and force the boundaries of “literature” to expand to visual, cybernetic, and hyper-textual territories. How will comparative literature and literary theory respond to these new practices? Will the theorists and critics consider “old” theories fulfilled by the “empowerment of the reader” very much in the same way every Messiah fulfils a given prophecy? Will they feel the need to forge new concepts and new methods? Or will they seek entirely different perspectives to which traditional methods can be adjusted? Alternative conceptual and methodological discourses emerge in present-day discourses on literature, springing from totally different points of view. The expansion of literature beyond the paper-written support and the expansion of digital media to the realms of literature engage writers and researchers of the literary field in a rethinking of their own creative identity and of their disciplinary approach.
This volume tries therefore to chart and possibly evaluate the current state of area studies, with special attention to two specific levels of literary research. The first level is that of the recent developments in the disciplinary “upgrading” in the fields of comparative literature, literary theory, literary critics or even media theory. Entirely new challenges present themselves to academic literary disciplines. How does the global expansion of information affect the definitions and concepts of our disciplines? Does network interactivity request a re-appropriation of the writer-work-reader relationships? How are literary disciplines altered by the migration of literature and fiction to media supports? Is there a movement of resistance to these media in literature and how does it function? Researchers of comparative literature give their answers to this kind of problems in the section entitled Upgrading a Discipline. The second level is interested in the latest practices and alternative theories that do not yet belong to the paradigmatic, traditional description of “literary disciplines” or even to the classic concept of “literature”. Does “digital poetry” assume a definition, is there a digital novel and a digital prose? Will poetry, novels, the performative arts or scientific discourse fundamentally change in this age or will they merely adopt new forms to universal, timeless contents? A large number of studies are dedicated to this kind of questions in the second section of the volume, entitled The Digital Galaxy. The last section comprises a series of texts, based on a creative workshop led by Ruxandra Cesereanu using The Arabian Nights as a pretext for prose writing, about the new epic turn in the twenty-first century. Scheherazade and her sisters and storytelling helpers appear as inspiring figures for postmodern narrative. As usual, the volume is completed by a series of Reviews about journals and books that focus on imagination topics.
It is our hope that this collective research will bring together a community of researchers and artists with common interests, catalysing their communication beyond the restrictive limits of this incidental collaboration, with a strong belief in the Protean powers of the literature of all ages.
Mihaela Ursa