Claire Olivier
Université de Limoges, France
clo70@orange.fr
CLIQUER : vers le livre augmenté de Jean-Philippe Toussaint /
CLICK: Looking for Jean-Philippe Toussaint’s Augmented Reality Book
Abstract: This article deals with Belgian writer and plastic artist Jean-Philippe Toussaint’s website www.jptoussaint.com, officially launched in November 2009. It analyses its composition, structure and functioning, which allow it to be defined as a digital palimpsest. This article therefore intends to show that this unique website is a veritable diffracted manifesto of Toussaint’s aesthetics.
Key Words: Website; Hypertext; Digital Palimpsest; Device; Metalepsis; Dawning Creation.
Considérons la trahison des images et la déficience des langues non comme un constat résultant d’une observation mais comme le postulat d’une démarche artistique. Cette représentation initiale fonde alors le système de l’œuvre que l’on pourrait dire « délivrée » par l’échec originel. L’échec ouvre le jeu. L’étymologie du terme[1] rappelle du reste fort bien que ce constat négatif est indissociable du processus de divertissement. Le cri du joueur révèle la menace et en appelle à la réactivité de l’adversaire.
Jean-Philippe Toussaint, créateur d’images visuelles comme scripturales, se rattache à plus d’un titre à cette « dynamique de l’échec ». Le jeu lui-même a pour l’écrivain un rôle fondateur car il désigne, d’une part, de manière éponyme son premier roman[2], et se réfère, d’autre part, à l’auteur de Fin de Partie[3] dont on sait l’influence décisive sur son travail d’écrivain. Les personnages qui déambulent dans ses romans comme dans ses films sont par ailleurs fréquemment confrontés aux constats répétés d’une aimable défaillance – la leur, celles des autres – d’une incapacité chronique, d’une inéluctable incomplétude du monde, constats qui n’ont rien de définitivement tragique mais animent le jeu burlesque qui fonde nos vies. Néanmoins, ce n’est pas cet aspect de son œuvre que nous nous proposons d’aborder ici. Il s’agit en effet d’interroger le statut du site de Jean-Philippe Toussaint[4] qui constitue le manifeste diffracté de son esthétique. Nous nous proposons en effet de montrer que les caractéristiques de ce site le désignent comme une réponse ludique à la défaillance assumée du créateur qui se sait condamné à une approche asymptotique du réel et se joue de cette distance toujours recommencée. L’adjectif[5] « ludique » s’impose car il implique un renoncement au pragmatisme, or le fond et la forme de www.jptoussaint.com dépassent la simple fonctionnalité du site d’auteur. La singularité[6] de ce support nous permettra dès lors de l’appréhender comme une représentation possible du « livre augmenté » dont Jean-Michel Devésa a posé l’hypothèse dans le texte introductif du présent volume.
Au préalable, il convient donc de préciser dans quelle démarche s’inscrit ce site en le distinguant d’autres postures d’auteurs.
Un palimpseste numérique : le refus de l’instantané
Dans son article « La Littérature contemporaine face au numérique : assimilation, résistance ou reconversion ?[7] », Alexandre Gefen présente les deux « tentations esthétiques contradictoires » que l’ère numérique propose à la littérature :
[…] d’un côté l’hypertexte tend à libérer le texte de la linéarité, en prolongeant le projet moderne de production d’une œuvre ouverte ; de l’autre, la diffusion instantanée et virale de l’information pousse le texte à la compacité, à l’efficace, à l’effet, quand ce n’est pas au recentrement autobiographique.
Or Jean-Philippe Toussaint se positionne très explicitement dans les différents entretiens[8] qui accompagnent le lancement de son site en rejetant la seconde « tentation ». Il refuse de s’inscrire dans la démarche du blog, l’instantanéité de remarques éparses ne l’intéresse guère tout comme il rejette une interactivité fondée sur un jeu de questions/réponses. Son collègue François Bon, s’il salue l’entreprise de Toussaint, s’étonne néanmoins de l’absence d’interactivité qu’il considère comme le fondement même de l’internet[9]. S’il est vrai que l’échange direct et explicite avec le lecteur est exclu, on peut en revanche objecter que l’interactivité est au cœur du fonctionnement du site. C’est d’ailleurs ici que nous revenons à cette notion d’« échecs » initialement convoquée : une partie se joue dont les règles sont multiples et mouvantes, parfois ignorées par ceux-là mêmes qui acceptent néanmoins le principe de leur existence. Le matériau proposé sur le site[10] questionne en permanence ses usagers, relance leur activité de lecteur, les sollicite comme auteur, bref, les pousse à avancer leurs pions. Clov ouvre la pièce Fin de Partie[11] en statuant sur une fin qui semble singulièrement se refuser :
Fini, c’est fini, ça va finir, ça va peut-être finir. (Un temps) Les grains s’ajoutent aux grains, un à un, et un jour, soudain, c’est un tas, un petit tas, l’impossible tas.
Sans doute s’agit-il bel et bien de constituer cet « impossible tas » en rassemblant sur une interface graphique ces icônes qui permettent l’accès à des entités éclectiques. Jean-Philippe Toussaint, interrogé par Laurent Demoulin[12] sur les principes qui ont présidé à la création du site, met en lumière une partie bien spécifique de ces apports, les différentes versions de ses œuvres les plus récentes : « En décidant de donner un accès libre à l’ensemble de mes brouillons sur le site, je donne en réalité accès à la genèse de mes livres.[13] » Certes, Toussaint parle d’un « accès » mais le geste nous semble avoir une toute autre envergure. Il fonde une structure nouvelle, délibérée. Tout comme Marie, la fameuse créatrice de la robe de miel, héroïne de son cycle Marie Madeleine de Montalte[14], pose sur le hasard le sceau de sa création[15], Toussaint transforme ses esquisses successives en matière, elles deviennent une écriture. Il fait une proposition, construit un dispositif par cette exposition aux regards potentiels du lecteur. « Potentiels », le terme a son importance : il suffit que ces variantes soient offertes à l’internaute, que cet espace soit désigné par l’artiste. Que le lecteur-navigateur en explore avec minutie tous les arcanes, in fine, cela le regarde. Cette mise en ligne des brouillons n’a rien à voir avec le remarquable travail effectué par Yvan Leclerc et son équipe de l’Université de Rouen qui permet de naviguer entre les différentes versions de Madame Bovary. La recension savante des manuscrits successifs dans le but de les rendre accessibles à tout internaute est une entreprise majeure qui reste extérieure à l’œuvre flaubertienne. Le parti pris de Toussaint, parce qu’il est celui de l’écrivain lui-même, se déploie sur son territoire et se rapproche des modalités de l’art contemporain qui favorise le jeu avec les frontières et les principes de la transgression[16]. Ce geste illustre tout à fait les propos d’Alexandre Gefen, selon lesquels « Internet encourage une littérature pensée comme programme, dispositif, installation, occasion ou laboratoire[17] ». Telle ou telle version rejetée participe de la trame finale, tout autant que celle retenue pour l’édition.
Dès lors se dessine, initié par Toussaint, un palimpseste numérique que l’internaute fait vivre au gré de ses démarches faisant sourdre ainsi une nouvelle temporalité[18] au cœur de laquelle s’érige « le livre augmenté » et plus encore peut-être le livre « augmentant ». Le site n’est pas conçu comme le réceptacle figé d’une production spécifique[19], l’écrivain revient d’ailleurs à plusieurs reprises sur son exigence de mouvement[20]. Comme nous l’avons évoqué précédemment, les différentes versions sauvegardées deviennent une écriture et l’analyse vaut pour la conception du site dans son ensemble. L’esthétique retenue qui favorise la motilité, l’espace, l’écart participe de la littérature telle qu’elle peut être notamment définie par Gilles Deleuze[21]. Ce « livre » en devenir se déploie dans l’association de matériaux composites eux-mêmes évolutifs. L’édition papier d’un ouvrage n’est qu’un des phénomènes constitutifs de ce « livre » encore trop proche de l’écorce[22], aussi faudrait-il lui préférer le terme d’œuvre rappelant que l’objet est toujours travaillé. Cette conception de l’œuvre-devenir que permet l’internet[23] fait directement écho au livre comme « agencement », comme « petite machine » dont parlent Gilles Deleuze et Félix Guattari[24]. Prime l’ensemble des connexions dans lesquelles interfèrent l’œuvre-devenir et son opérateur, lecteur-spectateur. D’une certaine manière, on ne s’est guère éloigné des propos de Roland Barthes cités quasiment en exergue de cet ouvrage[25] : Jean-Philippe Toussaint nous convie par la mise à disposition de son site à « lire en levant la tête » et cherche à favoriser l’« afflux d’idées, d’excitations, d’associations ». Au bruissement de la langue s’adjoint le clic qui ouvre d’autres voies de lecture et de réflexion.
Le palimpseste digital se déploie également dans la multiplicité des langues[26] présentées. Cette dimension polyglotte participe de deux effets opposés pour les visiteurs : d’une part, elle remplit une fonction utilitaire, elle détermine une grande proximité pour celui qui maîtrise l’idiome, par l’accessibilité des différentes contributions des traducteurs ou universitaires, d’autre part, elle crée une familière étrangeté et s’inscrit dans une poétique. La métamorphose de l’œuvre traduite[27] s’affiche sous nos yeux, nous y reconnaissons certains traits mais l’essentiel nous échappe, de manière radicale quand ce sont les idéogrammes chinois ou japonais qui se présentent à nous. Cette Babel numérique rappelle la relativité des langues, leur impossible universalité, et les désigne comme des codes dont la plupart nous sont inaccessibles. Elle dessine une forme de vanité : « Souviens-toi que ce ne sont que des signes. » Ce rappel accompli, la partie peut continuer. Il convient de jouer avec ces signes, leur déficience participant de leur extraordinaire plasticité. En effet, cette « déficience » doit être comprise comme une « incomplétude » qui invite à poursuivre la tâche, à préciser, à creuser, à choisir dans les différentes potentialités offertes par cette langue d’ores et déjà modelée par l’auteur. C’est précisément le travail qu’accomplissent tous les traducteurs, mais c’est aussi celui que mène tout lecteur : il révèle en son for intérieur le texte littéraire[28] qui lui est proposé. Aussi peut-on concevoir la grande place accordée au travail de traduction sur le site www.jptoussaintcomme « réfléchissant » le geste de lecture auquel nous invite l’auteur[29]. Le clic sur le globe virevoltant de la page d’accueil nous mène à la partie intitulée « Traductions » qui ne se contente pas d’énumérer l’ensemble des éditions étrangères mais présente des documents[30] rendant compte d’une véritable réflexion sur l’incarnation du texte toussaintien dans différentes langues. Ce matériau proposé à l’internaute, y compris dans ses aspects très techniques[31], a nécessairement des vertus actives dans ce principe de déploiement du livre augmenté. Le texte s’entend différemment, ou simplement existe différemment par la simple mise en lumière de tel ou tel aspect, fut-ce une simple expression comme cette « disposition océanique » qui caractérise Marie dans Nue[32].
De surcroît, la présence de ces langues étrangères renvoie aux ouvrages mêmes de Jean-Philippe Toussaint, dans un effet d’écho. On pense bien sûr au recueil déjà cité Autoportrait (À l’étranger) ; l’écrivain y croque des situations où l’incompréhension devient le sujet même de l’échange[33]. Les narrateurs de ses fictions se trouvent à maintes reprises dans des situations de confusion, on se souvient par exemple de celui de Fuir qui, lors d’un séjour en Chine, ne parvient guère à saisir les propos échangés par les protagonistes autochtones. Ce décalage est tout naturellement source de comique ou d’inquiétude[34] mais participe également d’une irréductible distance, qui conduit le héros à une forme d’abandon, la défiance menant paradoxalement à une confiance de circonstances, une confiance « obligée ». Ce singulier consentement des narrateurs toussaintiens, de ceux-là mêmes qui portent le récit, nous ramène aux considérations liminaires de notre propos. On peut dès lors parler d’un consentement à la trahison des images et à la déficience des langues. Ce parti-pris doit être néanmoins signifié, c’est précisément à cela que s’emploie le site de Toussaint, notamment en mettant en exergue l’effacement des frontières entre fiction et réel.
La « petite machine » et les frontières abolies
Si la forme du blog tend à mettre en scène la parole des auteurs dans une chronologie, le site www.jptoussaint.com provoque lui des rapprochements, voire des télescopages temporels singuliers. Le planisphère sur lequel s’ouvre le site offre de prime abord une image du monde qui semble s’opposer à l’injonction de mouvement chère à Toussaint, mais dès qu’on y prête attention, on découvre que cette image en apparence figée opère elle-même une forme de glissement, en participant de l’effacement des frontières entre fiction et réel. Aux lieux géographiquement identifiables se mêlent en effet les titres des ouvrages du cycle de Marie. Cette métalepse liminaire constitue un modus vivendi implicite pour le visiteur : les frontières sont abolies car elles sont vaines. Les éléments soumis à sa connaissance sont inextricablement liés, l’espace offert à son regard est celui de la création. Quoiqu’ils soient d’origines fort diverses, les documents proposés sont ainsi indissociables des productions de Toussaint, y revenant inlassablement, les polissant, faisant apparaître leur trame, construisant une temporalité unique où les métamorphoses des œuvres peuvent se donner à voir en même temps que les matériaux de leur construction. La page consacrée à Faire l’Amour[35] dont la diégèse se situe pour l’essentiel au Japon s’ouvre sur les états du manuscrit scandés par trois temps[36]. L’internaute passe en un clic du Tokyofictif où évoluent les personnages à Ostende et Barcaggio, des lieux du texte à ceux de l’écriture. L’effacement de la frontière qui les sépare ne doit pas être perçu comme un accès au domaine privé, bien au contraire, il est affirmation réitérée que l’internaute est bel et bien accueilli dans l’espace intime de l’écriture, du livre augmenté.
Cette œuvre polymorphe prend du reste le parti de mêler les genres et les supports, par les effets d’adjonctions successives que permet l’internet. Elle présente cette structure du rhizome qui « a pour tissu la conjonction Et… et…et…[37] ». Précisons par ailleurs que ce « ET » fonctionne comme un principe actif, la matière originelle se trouvant transformée par ce mouvement d’adjonction. Pour revenir à la page consacrée à Faire l’Amour, elle offre au regard du visiteur des variations formelles, déclinées en autant d’adaptations qui correspondent à des collaborations, à des travaux de l’artiste lui-même. Chaque « ET » qui résonne en un clic structure une syntaxe nouvelle dans laquelle s’inscrit Faire l’Amour. Ces supports peuvent fonctionner sur le simple mode de la référence : c’est le cas du spectacle de Véronique Caye[38] mentionné par le biais de son affiche et d’un compte rendu journalistique. Très peu d’internautes ont eu l’opportunité d’assister aux différentes représentations à Saint-Ouen et Yokohama[39], aussi pourrait-on objecter qu’il est bien vain de citer ces événements passés, et qu’ils ont tout au plus une valeur informative. Indubitablement, il n’est pas permis de revivre cette proposition scénique de V. Caye, pour autant la simple citation de son existence sur le site convoque une virtualité de Faire l’Amour. La réalité scénographique des amours de Marie et de son compagnon échappe à nos yeux, elle n’en existe pas moins comme une potentialité de cette matière littéraire. Cette idée de potentialité nous ramène aux notions de processus, de devenir convoquées précédemment comme étant, selon Deleuze, le propre de l’écriture. Ces références à une réalité virtuelle de l’œuvre qui émaillent le site de Toussaint sont l’équivalent du geste de Denis Diderot mettant en scène dans Jacques le fataliste et son Maître un narrateur qui présente avec désinvolture les versions possibles des aventures des protagonistes éponymes. Chez Diderot comme chez Toussaint, la potentialité est partie intégrante de l’œuvre. Les romanciers des XVIIIe et XXIe siècles s’inscrivent dans une même dynamique littéraire en usant des outils propres à leur époque. Sur ce sujet, le journaliste David Caviglioli[40], dans un article où il commente précisément le lancement du site de Toussaint s’interroge pour savoir si « [l]e site internet [serait] l’avenir du livre, le prochain territoire des écrivains » pour conclure qu’il n’y a pas de différence de nature, qu’on constate en fait une continuité dans la pratique littéraire : « Pris dans le flot incessant des octets, on avait presque oublié que l’hyper-texte, après tout, est un texte comme un autre. »
D’autres réécritures du roman Faire l’Amour sont elles, par le choix des supports, directement accessibles via le site. Ainsi les quatorze clichés accompagnés du seul copyright « © Jean-Philippe Toussaint, Faire l’amour, une adaptation photographique » constituent une matière brute que l’internaute s’approprie en fonction de ses propres pérégrinations dans l’œuvre toussaintienne. Sa connaissance du roman le conduit à lire ses images nocturnes, de ce qu’on suppose être une ville japonaise, en relation avec l’histoire de Marie et de son compagnon ; mais la manière dont fonctionne cette « petite machine » reste énigmatique et spécifique à la réception de chacun. En outre, la présentation minimaliste de ce qui est désigné comme « une adaptation photographique », c’est-à-dire comme un travail artistique et non comme un corpus de documents, refuse toute glose qui viendrait orienter la réception de ces photographies. L’absence de contextualisation des images leur confère une présence directe[41], elles sont données à voir comme une variation photographique de Faire l’Amour et ne prétendent pas être autre chose. N’aspirant nullement à une quelconque transcription mimétique, refusant tout ancrage à une réalité définie, ces images ne sauraient trahir.
Avec la vidéo Faire l’amour, une lecture japonaise, c’est encore une autre matière qui est proposée. Outre le film de 23 min de Pascal Auger et Jean-Philippe Toussaint accessible en ligne, le site donne à lire, et à voir, la note d’intention rédigée par le vidéaste et le journal de bord du tournage[42] qui s’est déroulé à Tokyo au printemps 2005. Cet accès aux coulisses du projet et de sa réalisation est tout à fait représentatif de la démarche artistique de Toussaint qui participe d’une globalisation : se dessine en filigrane la présence d’une œuvre immatérielle faite d’échos, de modulations, de résonnances que font entendre les différentes réalisations. Aussi ce palimpseste digital se compose-t-il de voix, d’images fixes et mobiles, de textes de fiction, d’essai dans une recomposition[43]permanente. L’ambiguïté entre fiction et réel[44] dont nous avons précédemment parlé est un principe actif de cette vidéo tournée à Tokyo, sur les lieux que désigne la diégèse du roman. Le rôle qu’y tient Jean-Philippe Toussaint participe d’une confusion générique qui tour à tour amène le film sur le territoire du documentaire, de la fiction et de l’art contemporain. En effet, la plupart des plans cadre ce dernier en train de lire son récit[45], dans une chambre d’hôtel dont les baies vitrées deviennent l’espace de projection en trois volets d’images mobiles auxquelles le montage symétrique confère une étrangeté poétique et graphique. D’autres plans laissent découvrir sa silhouette appuyée contre ces immenses vitres, scrutant la nuit de Tokyo, comme s’il interprétait le narrateur du roman qui interroge simultanément son histoire avec Marie et les lumières nocturnes de Shinjuku. Toutes les figures de Toussaint se mêlent et revendiquent cette confusion même, cette dernière signifiant que la partie est toujours en train de se jouer. Il est impossible de trancher, de désigner, d’identifier ; en revanche nous pouvons voir et entendre.
Cette actualisation de Faire l’amour nous donne à voir des images qui ne prétendent pas combler une déficience du texte. La coalescence éphémère des représentations visuelles et littéraires ne saurait mettre un terme à la dynamique de l’œuvre.
Les éléments que nous avons pu analyser à titre d’exemples à propos de la page consacrée à Faire l’amour sont des principes actifs que l’on retrouve dans tout le site. Sa longévité s’appuie sur ses métamorphoses perpétuelles qui font état des expériences artistiques de Toussaint, tout aussi variées que cohérentes. L’expérimentation, l’exploration, l’extension sont à l’œuvre, ou plus exactement sont l’œuvre. Aussi Toussaint semble reprendre à son compte les préceptes que Delacroix édicte dans son journal, la composition impliquant d’« associer avec puissance[46] ».
Cliquer, c’est œuvrer au livre augmentant, faire résonner des fragments, des petits riens, rassembler et laisser glisser les grains de l’impossible tas.
Notes
[1] Cf Cnrtl : Altération de eschac désignant à l’origine l’interjection d’un des joueurs avertissant son partenaire que son roi est menacé.
[2] Échecs, rédigé avant La Salle de Bain paru en 1985 aux éditions de Minuit, édition électronique accessible depuis 2012 sur son site, http://www.jptoussaint.com/cahiers-d-archives.html, édition critique établie par Laurent Demoulin.
[3] Voir à ce sujet l’anecdote relatée dans L’Urgence et la Patience, 2012, Editions de Minuit ; Pour Samuel Beckett, p. 87, « […] je lui proposais plutôt que de lui demander son avis sur un de mes textes, de faire une partie d’échecs par correspondance, dont l’enjeu serait la lecture d’une pièce de théâtre que je venais d’écrire. Je gagnais, il lisait ma pièce, et me donnait son avis. Il gagnait, je relisais ma pièce à tête reposée. Je terminais ma lettre ainsi : ‘au cas où, 1. e4’. Par retour de courrier, Samuel Beckett m’a répondu : ‘Les noirs abandonnent. Envoyez la pièce. Cordialement. Samuel Beckett’. » »
[4] www.jptoussaint.com lancé officiellement le 21 novembre 2009, voir à ce sujet la vidéo : http://www.meetingsaintnazaire.com/-2009-Se-donner-un-genre-.html#lancementsitetoussaint
[5] Cf Cnrtl : Ludique : Qui concerne le jeu en tant que secteur d’activité dont la motivation n’est pas l’action efficace sur la réalité mais la libre expression des tendances instinctives, sans aucun contrôle d’efficacité pragmatique.
[6] Singularité revendiquée par Toussaint lui-même de manière récurrente, lire entre autres ses propos dans le cadre du séminaire d’introduction à la génétique organisé par Anne Herschberg Pierrot (Master « Création littéraire » et Master « Littérature », Université Paris 8, 27 février 2014) : « Je dirais que mon site est une création à part entière autour du corpus d’un écrivain, et non pas un site d’écrivain où la recherche formelle ne serait pas au premier plan. », revue en ligne LITTÉRATURE, N° 1 – 2015 [consultation le 20 décembre 2015].
[7] Olivier Bessard-Banquy (dir.), Les Mutations de la lecture, Presses universitaires de Bordeaux, « Cahiers du livre », 2012 :
http://www.academia.edu/1471703/La_litt%C3%A9rature_contemporaine_face_au_num%C3%A9rique [consultation le 20 décembre 2015].
[8] Voir par exemple l’échange avec le journaliste Sylvain Bourmeau dans la vidéo précédemment citée.
[9] http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article1955, 1ère mise en ligne et dernière modification le 22 novembre 2009 : « Donc passer tout de suite au-delà de la formule actualité, agenda (qui y est très discret, de même que la page liens minimum, qui pourtant, dans notre petit monde Internet, est une façon de circulation, de don et contre-don…), ou bien l’auteur vous parle en direct. C’est bien l’œuvre qui est mise en avant, en conservant une nette séparation d’avec le web comme écriture. Le site reste la médiation du livre (éditions, traductions) et de sa réception (entretiens, articles). Est-ce que ce n’est pas nier la spécificité même de l’Internet, basée sur l’interactivité et l’échange direct ? » [consultation le 12 août 2015].
[10] Dont on peut distinguer trois orientations : la matière rattachée directement à l’écriture toussaintienne, brouillons et inédits ; la matière faisant état de la réception de l’œuvre, réception universitaire et médiatique ; la matière collaborative, pages gérées par les « correspondants » étrangers, traducteurs ou universitaires, et plus spécifiquement le projet Borges lancé en 2013 auquel on accède en cliquant sur l’icône de Saturne. L’interactivité est à l’évidence le fondement de ce travail collaboratif qui appelle les internautes à rédiger leur propre texte : « Dans La Vérité sur Marie, Jean-Philippe Toussaint évoque une nouvelle de Borges, L’Île des anamorphoses. En voici l’argument : « L’Île des anamorphoses, cette nouvelle apocryphe de Borges, où l’écrivain qui invente la troisième personne en littérature finit, au terme d’un long processus de dépérissement solipsiste, déprimé et vaincu, par renoncer à son invention et se remet à écrire à la première personne.»
Toute trace de cette nouvelle captivante semble s’être évanouie. Vous êtes écrivain, professeur, étudiant ou amateur de littérature ? Pourquoi ne pas la réécrire ? Ou imaginer son destin ? Nous vous proposons aujourd’hui de nous livrer votre propre version de cette nouvelle disparue. »
http://www.jptoussaint.com/borges-projet-appel.html
[11] Éditions de Minuit, 1957, p. 13.
[12] Universitaire belge collaborateur actif du site. C’est notamment lui qui s’occupe de la réception et de la sélection des nouvelles du projet Borges.
[13] Nrf, n° 610, La Mayonnaise et la Genèse, entretien L. Demoulin, 2014.
[14] Décliné en quatre ouvrages, I Faire l’amour, hiver ; 2002 ; II Fuir, été, III La Vérité sur Marie, printemps-été ; 2009, IV, Nue, automne-hiver ; 2013, Minuit.
[15] Nue, pp. 19 à 25. À la faveur d’un accident lors de son défilé au Spiral de Tokyo, où la mannequin trébuche et se trouve poursuivie par des abeilles, Marie s’empare de l’événement comme si elle l’avait parfaitement orchestré, elle le donne à voir comme tel au public. Elle soulève symboliquement le rideau et donne accès aux coulisses, en surgissant elle-même dans la lumière. Elle abolit, en son corps qui s’avance à son tour, la frontière entre l’incident et le geste artistique. « Marie avait assumé le hasard et revendiqué l’image » ; « l’image avait surgi, dans la réalité ou dans l’imagination de Marie, et elle se l’était appropriée : en se présentant sur scène, elle avait signé le tableau », p. 23.
[16].Voir à ce sujet Nathalie Heinich, Le Paradigme de l’Art contemporain, structures d’une révolution artistique, 2015, Gallimard Nrf, Bibliothèque des Sciences humaines, p. 50.
[17] « La Littérature contemporaine face au numérique : assimilation, résistance ou reconversion ? », option citée.
[18] Nouvelle temporalité qui s’inscrit du reste selon Jean-Philippe Toussaint dans une évolution plus générale, cf l’entretien déjà cité : « Jusqu’il y a un certain temps, les écrivains proposaient unilatéralement un ordre et une durée. Ils indiquaient là où il fallait entrer dans le livre et là où il fallait en sortir. L’évolution est telle qu’à l’avenir ce seront de plus en plus souvent les lecteurs qui produiront l’ordre et la durée des livres. Ils pourront choisir, selon leur bon vouloir, selon leur caprice, où ils désirent entrer et où ils désirent sortir des livres. Le lecteur aura en quelque sorte une pratique de cueillette, il piochera au hasard quelques pages ici et là, sans se préoccuper de l’ordre que l’écrivain mis tant de soin à établir.[…] À l’avenir, il me semble que la littérature sera de plus en plus consommée par fragments. »
[19] Voir à ce sujet les déclarations de Toussaint, LITTÉRATURE, N° 1 – 2015 : « Je n’écris pas pour Internet et je ne m’intéresse pas à une écriture qui serait destinée à Internet. C’est déjà une ligne de partage par rapport aux écrivains qui s’intéressent à Internet, et se demandent comment écrire et diffuser sur Internet, avec les exemples de François Bon, qui a été l’un des précurseurs, mais aussi d’Éric Chevillard qui produit, quotidiennement, des textes très courts, qui sont d’abord destinés à Internet. […] C’est très différent de ce que je propose moi-même, où ce qui m’anime est avant tout une recherche de forme spécifique à Internet. »
[20] Ibidem : « […] l’une des choses qui m’intéresse par rapport à cette réflexion sur le site, c’est de savoir comment faire en sorte qu’il ne reste pas immobile, comment faire en sorte qu’il soit en mouvement. L’immobilité me déplaît. La malle d’archives, j’aimerais qu’elle bouge toute seule, qu’elle grouille. »
[21] Gilles Deleuze, Critique et Clinique, Paris, Minuit, 1993 : « La littérature est plutôt du côté de l’informe, ou de l’inachèvement […]. Écrire est une affaire de devenir, toujours inachevé, toujours en train de se faire, et qui déborde toute matière vivable ou vécue. C’est un processus, c’est-à-dire un passage de Vie qui traverse le vivable et le vécu. L’écriture est inséparable du devenir. », chapitre 1, p. 11.
[22] Cf Cnrtl, étymologies : Livre : Empr. au lat. liber, signifiant proprement « partie vivante de l’écorce » [sur laquelle on écrivait autrefois] et p. ext. « ouvrage ; division d’un ouvrage; recueil », œuvre : Du lat. opera, à l’orig. plur. de opus, operis « ouvrage, acte, travail ».
[23].« Si je mets malgré tout mes brouillons en ligne, c’est parce que j’ai toujours recherché une forme spécifique à internet, et une telle entreprise n’est évidemment possible que sur internet, jamais un éditeur ne pourrait publier une telle masse de documents, ni n’en aurait d’ailleurs l’envie. », La Mayonnaise et la Genèse, entretien avec L. Demoulin, 2014.
[24] Capitalisme et schizophrénie 2, Mille Plateaux, Minuit, 1980, introduction/ Rhizome, section initialement publiée en 1976, p. 10 : « Il n’y a pas de différence entre ce dont un livre parle et la manière dont il est fait. Un livre n’a donc pas davantage d’objet. En tant qu’agencement, il est seulement lui-même en connexion avec d’autres agencements, par rapport à d’autres corps sans organes. On se demandera jamais ce que veut dire un livre […], on se demandera avec quoi il fonctionne, en connexion de quoi il fait ou non passer des intensités, dans quelles multiplicités il introduit et métamorphose la sienne, avec quels corps sans organes il fait lui-même converger le sien. Un livre n’existe que par le dehors et au-dehors. »
[25] Cf Le Texte, l’image et la physique du temps réel, J.-M. Devésa citant en épigraphe R. Barthes, « Le Bruissement de la langue », en ouverture aux « Axes de réflexion » du présent ouvrage.
[26] Voir à ce sujet, Laurent Demoulin, « Dans le scriptorium de Jean-Philippe Toussaint », Textyles, 38, 2010, pp. 121-133 : « Ce nouveau portail s’ouvre sur une mappemonde illustrant le caractère international de l’œuvre de Toussaint, dont les romans sont traduits en plus de trente langues : en fonction des villes où vous poserez votre curseur, Paris, Francfort, Canton, Prague, Rome, Tokyo, la page qui s’ouvrira sera écrite en français, en allemand, en chinois, en tchèque, en italien ou en japonais. » Précisons également que le projet Borges appelle depuis 2014 à des travaux de traduction des nouvelles proposées dans cette constellation.
[27] Les simples variations des premières de couverture constituent des déplacements signifiants, sans qu’on puisse toujours en mesurer les enjeux lorsque nous ne connaissons pas les codes culturels du pays. Quoiqu’il en soit, on perçoit fort bien que le texte originel s’est « réalisé » dans la langue d’accueil grâce à ce nouveau travail d’édition. Du reste, même sans qu’il s’agisse de traductions, le passage de l’édition originelle à celle de poche participe d’une variation, d’autant plus que les ouvrages de Toussaint dans la collection « double » de Minuit présentent en première de couverture un cliché de l’auteur et différents addenda. C’est notamment le cas pour Autoportrait (À l’étranger), initialement publié en 2000 aux éditions de Minuit et réédité dans la collection « double » en 2012. L’ouvrage de poche s’ouvre sur un autoportrait photographique « au parapluie transparent, Kyoto, 2002 » et se présente comme une « édition augmentée d’une préface et d’un inédit de l’auteur ».
[28] Le texte est justement « littéraire » à partir du moment où il devient « étranger », voir à ce sujet la réflexion de Deleuze dans Critique et Clinique, (1993, Minuit) : « […] l’écrivain, comme dit Proust, invente dans la langue une nouvelle langue, une langue étrangère en quelque sorte. Il met à jour de nouvelles puissances grammaticales ou syntaxiques. Il entraîne la langue hors de ses sillons coutumiers, il la fait délirer. », p. 8, Avant-propos.
[29] Toussaint dans différents entretiens revient avec beaucoup de constance sur sa volonté de donner à penser au lecteur. Voir notamment à ce sujet son échange avec Arnaud Laporte sur France Culture dans le cadre de l’émission À voix nue (2014).
[30] Toussaint porte un intérêt particulier à ce passage d’une langue à l’autre comme en témoignent les sessions de travail auxquelles il participe qui, depuis 2000, se tiennent en Belgique au Collège des traducteurs de Seneffe. Des comptes rendus écrits, des réflexions, des vidéos sont accessibles sur le site. On peut certes percevoir une volonté de maîtrise dans cet accompagnement par l’auteur des traductions de ses ouvrages, mais il participe d’un geste de relecture de l’œuvre originelle à laquelle une résonnance nouvelle est conférée. D’une certaine manière, Toussaint orchestre le travail des traducteurs chacun interprétant ensuite le texte dans sa langue avec la virtuosité qui lui est propre.
[31] L’utilisation du plus-que-parfait dans La Vérité sur Marie, session 2010, le point virgule dans Nue, session 2014.
[32] Session 2014.
[33] Autoportrait (À l’étranger), Minuit, 2000 : « Nara capitale historique du Japon » pp. 77-78 de l’édition de poche, 2012, dans le passage qui suit, Toussaint chemine aux côtés d’une admiratrice qui ne maîtrise pas totalement le français : « Non, non dit-elle, en fait, je vous imaginais plus petit, plus intelligent et plus bleu. Plus petit et plus bleu ! […] Non, non, plus blanc, elle voulait dire plus blanc (plus pâle, quoi). J’avais mal entendu (elle prononçait ‘blanc’ comme ‘bleu’, ce qui pouvait prêter à confusion, évidemment). »
[34] Voir notamment Fuir, Minuit, 2005, pp. 32-33 de l’édition de poche, 2009, où la communication avec Zhang Xiangzhi, qui fait office de guide pour le narrateur, est par exemple symptomatique d’une ambiguïté permanente : « Je ne comprenais pas grand-chose à ce qu’il me racontait, son anglais était rudimentaire, souvent inspiré de la structure monosyllabique du chinois, l’accent difficile à comprendre, il prononçait forget comme fuck (don’t fuck it, m’avait-il par exemple recommandé avec force à propos du billet de train – no, no, don’t worry, avais-je dit) » et, plus loin, pp. 33-34 : « il se mit à hurler dans l’appareil, de courtes rafales de mots chinois, brèves scansions de syllabes crépitantes qu’il lâchait à un rythme de pistolet mitrailleur. »
[35] Premier volet du cycle de Marie, Minuit, 2002, 2009 pour l’édition de poche augmentée d’un entretien avec Laurent Demoulin.
[36] Première ébauche (2000), Février 2001 (Ostende), Fin juin 2001 (Barcaggio).
[37] Mille Plateaux, Capitalisme et schizophrénie 2, Minuit, 1980, p. 36.
[38] Le travail de Véronique Caye, depuis la fondation en 1998 de sa compagnie Le Laboratoire, Victor Vérité, s’articule autour de la rencontre de différentes disciplines artistiques, théâtre, danse, littérature. Cette metteuse en scène s’inscrit dans une démarche de « prolongement » que Toussaint lui-même valorise dans son propre parcours, et ce plus spécifiquement dans le cadre du cycle de Marie. Le lieu culturel « Mains d’œuvres » qui a accueilli le spectacle en janvier 2007 est du reste tout à fait représentatif de cette perspective d’hybridation. La présentation de l’artiste sur le site dédié met ainsi l’accent sur « l’exploration scénique des écritures contemporaines, au moyen de recherches visuelles et sonores qui, loin d’illustrer le texte en deviennent un prolongement plastique. », http://www.mainsdoeuvres.org/archives/article57.html [consultation le 24 décembre 2015]
[39] Du 25 au 27 janvier 2007 à Saint-Ouen, Mains d’œuvres ; du 09 au 11 février2007 à Yokohama, Red Brick warehouse Number 1.
[40] Article de David Caviglioli : http://bibliobs.nouvelobs.com/actualites/20091125.BIB4476/jean-philippe-toussaint-lance-son-site-internet.html. [consultation le 12 décembre 2015].
[41] Semblant ainsi reprendre à leur compte la fameuse formule de l’artiste minimaliste Donald Judd : « What you see is what you see. »
[42] Textes et photographies de Toussaint.
[43] Les propos de Pascal Auger mettent ainsi l’accent sur ce travail de « re-création » : « Ce n’est pas une illustration du récit que nous envisageons, mais une re-création de ce récit sous la forme d’une lecture in situ, dont les images, arrangées en triptyque, prennent leur nécessité dans l’histoire telle qu’elle est racontée dans le livre, ainsi que dans l’esthétique classique du Japon. »
http://www.jptoussaint.com/documents/1/1a/Fairelamour-Pr%C3%A9sentation.pdf
[44] Dans son journal de bord, Toussaint fait justement état d’une rencontre entre la fiction et la réalité au début du tournage : « Qu’importe, nous partons en métro à Shinjuku vers le premier lieu de tournage, et nous nous apprêtons à tourner la première scène du film devant les portes du Century Hyatt, où la réalité va rejoindre la fiction. »
[45] Parfois du reste avec une certaine maladresse – maladresse de la voix un brin affectée, maladresse de ses regards adressés à la caméra… gaucherie de certains gestes…
[46] Cité dans La Main et le Regard, 2012, Louvre/éditions, Le Passage, p. 21 : « Car qu’est-ce que c’est que composer ? C’est associer avec puissance. »