Topographies du mal
De même que l’archétype du lieu idéal a engendré plusieurs avatars culturels (Paradis, jardin d’Éden, Âge d’Or, Champs Élysées, Îles des Bienheureux), le contre-type du lieu infernal a généré à son tour maints topoï comme le Ekur mésopotamien, le Shéol, le Hadès, le Tartare, l’Enfer, etc. Aussi bien, le complément humain de ces lieux surnaturels, l’utopie ou la cité de l’homme, a donné naissance à des contestations parfois véhémentes, aux antiutopies, cités de terreur et de cauchemar. Apocalypses, endroits eschatologiques, contrées et cités infernales, témoignent d’une fantaisie anxieuse, spécifique de notre culture ou peut-être de la condition humaine elle-même. On dirait que l’angoisse de la souffrance et de la mort jouit de la représentation imagée de ses frayeurs, pour les apaiser et pour les prendre sous contrôle.
Ces imaginaires du mal, dans toute leur richesse et diversité, ont fait le thème d’un Congrès international organisé les 4-6 octobre 2012 par Phantasma, le Centre de Recherches sur l’Imaginaire de la Faculté des Lettres de l’Université Babeş-Bolyai de Cluj, Roumanie. Le colloque s’insère dans un programme de recherche financé par CNCS (le Conseil National pour la Recherche Scientifique de Roumanie), Exploratory Research Project PN-II-ID-PCE-2011-3-0061, ayant pour titre « Antiutopias. Making and Unmaking the Reality – Assessing Possible Worlds ». Les actes du congrès ont été publiés dans deux numéros successifs des Cahiers Echinox : le premier volume a réuni les travaux portant sur les topographies infernales, alors que le volume présent est dédié aux topographies anti-utopiques.
Au congrès ont participé des spécialistes en littératures, en littérature comparée, classicistes, médiévistes, historiens des religions, philosophes, venus de plusieurs pays du monde: France, Italie, Espagne, Portugal, Belgique, Pologne, Afrique du Sud, Taiwan, Corée, Mexique, Brésil, Argentine et Roumanie. La rencontre a été aussi l’occasion d’une assemblée générale des Centres de Recherches sur l’Imaginaire. Au cours de la rencontre, un comité d’initiative, formé par Jean-Jacques Wunenburger, Philippe Walter et Corin Braga, a proposé la refondation du réseau CRI, sous le nom Centres de Recherches Internationales sur l’Imaginaire (CRI2i), fédéralisant l’activité des centres et des groupes de partout le monde et organisant un congrès annuel itinérant, tenu successivement en Europe de l’Ouest, de l’Est, en Asie, aux Amériques, en Afrique.
Corin Braga