Anca Mitroi
Verne : Etranges mécanismes de l’amour
Chez Verne, nous dit François Derivery dans Pulsions et inscriptions. Dans deux romans de Jules Verne,
L’œil est l’organe primordial de la science vernienne. Les Voyages extraordinaires forment une œuvre du regard.1
Il est vrai que le visuel semble primer dans l’œuvre de Verne, qu’il s’agisse d’instruments optiques, de spectacle visuel, d’illusions et de trompe l’œil. Cet aspect visuel n’est pas sans rapport avec le côté théâtral, entendu, bien sûr, dans un sens large et, comme Daniel Mortier le suggère,
Débarrassé des redoutables séductions du lieu commun2
Ce que l’on remarque, toutefois, est que, dans la plupart des récits verniens, le spectacle, ce qui s’offre au regard du spectateur, entretient des rapports paradoxaux avec la voix. En d’autres termes, là où il y a spectacle, jeu ou piège du regard (images projetées pour créer un effet de réel, illusions optiques, jeux de miroirs, invisibilité) la voix semble avoir la fonction de rappeler la faillibilité de l’œil, de mettre en évidence les problèmes de la représentation visuelle, de souligner l’absence de l’être aimé ou la mort, et non la présence. On peut prendre comme exemple typique Le Château des Carpathes, où la voix de La Stilla est en quelque sorte le complément de son absence, ou une présence factice, sous forme d’illusion optique. Mais à part ces deux entités qui se complètent, à savoir la voix et la vue, Le Château des Carpathes attire l’attention sur un autre élément commun à plusieurs récits verniens, et qui s’imbrique dans le rapport entre voix et vue : il s’agit de la rivalité.
Nous savons bien que, comme Simone Vierne le souligne, ce qui unit pratiquement tous les textes verniens, c’est la quête3 : les personnages de Verne sont, tout comme les personnages balzaciens, complètement obsédés, accaparés par l’objet de leur recherche. Chez Balzac, ces personnages, victime de leur propre quête, cherchent l’absolu (comme dans La recherche de l’absolu), le bonheur (comme dans La Peau de Chagrin), la perfection musicale (dans Gambara) ou artistique (dans Le Chef d’œuvre inconnu). Cette quête dont l’objet est différent, a une conclusion néanmoins identique, car elle finit par détruire les personnages qui meurent fous, expirent au moment de la découverte de la pierre philosophale ou bien se suicident. On peut dire que, de ce point de vue, les quêtes dans les romans de Verne diffèrent : à quelques exceptions près, les personnages trouvent ce qu’ils cherchent, et l’histoire ou s’était tissé une petite idylle finit bien. Les amours naïfs, qui semblent souvent accessoires à l’histoire de la quête ou des découvertes scientifiques ou technologiques, servent de conclusion et couronnent la fin de l’histoire, comme si les héros suivaient le modèle des contes de fées. Mais la particularité de cette quête vernienne est aussi, comme nous avons dit, la rivalité : car les personnages balzaciens sont, le plus souvent, solitaires dans leur quête insensée, alors que les personnages de Verne sont hantés par la possibilité de perdre l’objet de leur quête au profit non d’une entité abstraite, mais d’un autre personnage, du rival. Comme si l’expédition, la recherche, la découverte scientifique n’étaient pas assez difficiles en elles-mêmes, celui lancé sur les traces du bonheur, de la gloire ou de la vérité est talonné en permanence par quelqu’un qui le poursuit de près et qui convoite le même objet (même s’il le veut pour des raisons différentes).
Souvent, cette rivalité prend la forme d’une rivalité visuelle. L’exemple comique (où la voix n’entre pas en jeu) serait, bien sûr, La chasse au météore : Dans La Chasse au météore, on peut voir une illustration de cette rivalité entre les sujets regardants: il s’agit encore une fois d’une quête et de compétition, et les deux familles sont rivales au point d’empêcher le mariage des deux jeunes amoureux, précisément à cause de cette inimitié visuelle, devenue une sorte de métonymie de la rivalité: il s’agit de qui a vu le premier l’astéroïde, Dean Forsyth ou Sydney Hudelson. Cette rivalité est déterminée par l’idée de la possession par le regard, où voir devient presque l’équivalent du verbe avoir. C’est-à-dire, le bolide est à moi si je suis le premier à le voir. Le problème est insoluble car tous les deux astronomes l’ont vu simultanément. Le dénouement heureux ne vient que lorsqu’il n’y a plus rien à voir : l’astéroïde explose et par cela passe du domaine du visible dans le domaine de l’invisibilité. Les deux astronomes n’ont plus d’objet visible à se disputer, par conséquent Jenny et Francis, la fille de l’un et le neveu de l’autre, peuvent se marier. 4
Cela veut dire que la quête aussi bien que la rivalité sont marquées par la vue, le désir de voir, la pulsion scopique, le jeu du regard, l’impossibilité de voir ou d’être vu. L’œil est l’instrument de la possession, et la dimension spectaculaire des récits de Verne se place sur cette coordonnée aussi :
la pulsion scopique où le sujet rencontre le monde comme spectacle qu’il possède,
dit Lacan dans son séminaire, « Les noms du père ».5 Or, nous pouvons remarquer que, de nombreux écrits sont marqués par ce désir de voir,6 de posséder par le regard, d’épier inaperçu des autres, ou, comme dans le Château des Carpathes, de transformer en spectacle, en expérience visuelle, la voix de la Stilla.
Dans cette attraction pour le visuel, pour le spectacle qui s’offre au regard ou bien qu’on dérobe à l’insu de l’objet regardé peut-on voir la prééminence du visuel propre au 19e siècle dont parlait Max Milner7 ? Selon Milner, dans cette attraction pour le spectacle, pour le visuel, on retrace la fascination pour les découvertes et applications de l’optique : photographie, daguerréotypes, stéréoscopes. Vu son côté scientifique, Verne pourrait facilement être placé dans cette catégorie d’écrivains séduits par ces nouvelles conquêtes de la technologie.
Mais nous verrons que chez Verne, cette obsession du visuel, n’est jamais tout simplement une preuve de prouesse technologique ou anticipation scientifique. Elle renvoie, au contraire, à des mythes où le désir et la vue ou le regard s’imbriquent, qu’il s’agisse d’Œdipe, de Tirésias, de Narcisse, ou, selon la référence explicite de Verne, à la fable de Gygés et du roi Candaule. Lacan explique, toujours dans « Les noms du père » le conflit du sujet regardant et de son désir :
Il croit désirer parce qu’il se voit comme désirant et qu’il ne voit pas que ce que l’Autre veut lui arracher, c’est son regard. La preuve, c’est ce qui arrive dans le phénomène de l’Unheimlich : chaque fois que soudain, par quelque incident fomenté par l’Autre, cette image de lui dans l’Autre apparaît au sujet comme privée de son regard.8
Cette rivalité, cet « autre » hante les écrits de Verne, depuis les textes de jeunesse, tel Un prêtre en 1839, jusqu’aux derniers dont Le Secret de Wilhelm Storitz. Dans Un prêtre en 1839, la rivalité n’est que trop claire et d’ailleurs assez dépourvue d’originalité : Pierre, destiné à la prêtrise malgré lui, est subjugué par son obsession pour Anna dont Jules Deguay est également amoureux. Dans Le Secret de Wilhelm Storitz le malheureux Wilhelm et le peintre Marc Vidal se disputent la même belle femme, Myra.
Dans ces deux rivalités amoureuses (comme dans d’autres que l’on rencontre chez Verne) on peut identifier, bien sûr, plusieurs influences. Dans Un prêtre en 1839, Pierre est, sans doute, une réplique du sombre prêtre de Notre Dame de Paris, amoureux d’Esméralda mais voué à l’impossibilité de l’accomplissement de ses désirs. Le Secret de Wilhelm Storitz, s’il est en général considéré comme une réplique à L’homme invisible de Wells, n’est pas sans rappeler la rivalité amoureuse entre Dracula et du fiancé de Mina (dont le nom même évoque celui de Myra).
Peut-être moins évidente que dans d’autres textes, la pulsion scopique aussi bien que la pathologie du visuel se manifeste aussi dans Un prêtre en 1839. Pierre, brigand et prêtre défroqué, est une sorte de monstre, un quasi-cyclope, ayant un œil démesurément grand. Il sème la mort là où il passe et, comme la mort, il regarde ses victimes sans en être vu, il est présent tout en étant invisible.
Ceci est aussi, bien sûr, le cas de Wilhelm Storitz, qui, doué de la capacité de se rendre invisible, regarde et poursuit Myra, l’objet de son amour, sans être vu à son tour. Il est intéressant de remarquer que, dans Secret de Wilhelm Storitz, Marc et Wilhelm, les deux rivaux, sont étrangement liés à la vue, au regard, même s’il s’agit de différentes approches de l’expérience visuelle. Marc est peintre, et c’est son regard qui fixe l’image de Myra dans un portrait comme pour lui donner de la réalité. Henry, le frère de Marc, connaît Myra d’abord en effigie. D’ailleurs, Myra, dont le nom renvoie au regard (mirer, se mirer, aussi bien que mirage) est vue comme presqu’iréelle. Paradoxalement, son futur beau-frère n’a aucune difficulté de croire à sa réalité jusqu’au moment où il la voit :
Mais j’en suis à me demander /…./ si Mlle Myra Roderich existe réellement !9
s’exclame-t-il, précisément après l’avoir vue, alors qu’avant de la voir, il pouvait très bien « l’imaginer », grâce au portrait fait par son frère. C’est comme si la représentation, le reflet de Myra étaient les seuls à pouvoir être vus. La comparaison a de quoi surprendre, mais Myra, dans cette particularité de se dérober au regard direct, rappelle d’une part, la Méduse mythique que l’on ne pouvait combattre qu’en évitant son regard et en regardant seulement son reflet. D’autre part, elle n’est pas sans rappeler l’image de la mort cachée dans l’anamorphose du tableau des Ambassadeurs d’Holbein. Lacan l’examine d’ailleurs à plusieurs reprises et le désigne comme support de la réalité cachée,10 et pour le lecteur du Secret de Wilhelm Storitz il s’agit de déterminer quelle est cette réalité cachée.
Dans sa jalousie, Wilhelm Storitz réussit à posséder Myra en la soustrayant à la vue des autres. Sa famille la croit perdue, alors qu’elle n’est qu’invisible, et donc doublement morte. En même temps, comme ils « ne voient pas » que leur fille est toujours là, dans sa chambre, on peut dire que les parents sont aveuglés : ils ne voient pas leur fille qui est néanmoins présente. Comme nous le savons, Myra était devenue folle à la suite d’une scène épouvantable qui avait eu dans la cathédrale, et, ayant perdu l’esprit, elle n’était plus qu’un corps sans âme. Elle gisait immobile, elle ne parlait plus, elle ne reconnaissait plus personne, elle ne semblait voir personne, mais elle était encore visible. Inerte, quasi-inanimée, elle s’offrait encore au regard de son fiancé et de ses parents. Lorsque dans une sorte de communion du néant Storitz lui fait boire la boisson dont il se servait lui-même pour devenir invisible, Myra disparaît dans le sens que les siens ne la voient plus, même si, comme la mort dans le tableau d’Holbein, elle est là dans un coin de l’image, absente et présente, elle peut les regarder sans qu’ils la voient.
Dans ce sens, elle est comme Storitz lui-même, qui regarde, voit, épie et surtout profère des menaces de mort sans qu’il soit vu. Le lien de Storitz à la mort passe par Myra : c’est au moment où il meurt transpercé par une épée, donc au moment où il ne peut plus être le sujet voyant, que le sorcier amoureux devient visible. Selon le principe des vaisseaux communicants, lorsque son malheureux amoureux meurt, Myra recouvre son esprit, même si elle reste encore invisible. Mariée invisible avec son fiancé peintre, elle demeurera invisible mais pourra être « revue » indirectement, dans le portrait fait par Marc avant leur mariage.
Mais les similarités entre ces personnages voyants, invisibles ou non, qui essaient de posséder le monde par le regard, ne s’arrêtent pas là. Un autre thème qui traverse leur histoire est celui de l’absence du père ; car Marc et Henri Vidal n’ont pas de père, tout comme Storitz. A l’autre extrême d’œuvre de Verne, dans le roman inachevé Un prêtre en 1839 les deux rivaux n’ont pas de père non plus. Pierre a perdu le sien aussi et a été élevé par des brigands, tout comme son rival, Jules Deguay, a élevé et formé par Joseph, le vieux sonneur de cloches.
Nous avons déjà dit plus haut qu’Un prêtre en 1839 doit beaucoup au roman de Victor Hugo, Notre Dame de Paris. Dans Notre Dame de Paris, la rivalité des amoureux, le désir, la pulsion scopique, l’exhibitionnisme du spectacle avec son contrepoids du voyeurisme ont comme toile de fond la cathédrale. Tel est le aussi cas du Prêtre en 1839, car Pierre, le prêtre défroqué devenu criminel attire la fille qu’il désire dans l’église où l’on avait annoncé un sermon, et il scie les piliers qui soutenaient la voûte pour que l’église s’effondre au moment où l’on sonne les cloches. De cette manière, l’église, au lieu d’être un lieu de salut, devient un lieu de convoitise et de désir amoureux un endroit épouvantable, meurtrier même, care des dizaines de fidèles sont écrasés par l’énorme cloche.
Il n’est pas sans intérêt de souligner que cette cloche porteuse de mort et non de vie ou de rédemption, est, comme dans le célèbre poème de Baudelaire, fêlée. Jules Verne répète, d’ailleurs, plusieurs fois sur la même page, ce syntagme, « cloche fêlée » et insiste sur la description de l’église quasi-abandonnée, du clocher en ruine et du son aigre qu’elle produisait. Dans Le Secret de Wilhelm Storitz, nous remarquons la même place centrale qu’occupe la cathédrale, l’église en tant que théâtre, en tant que lieu de rivalité. Lorsque Henry vient à Ragz pour assister au mariage de son frère de la belle Myra, celle-ci lui montre la ville et surtout les clochers de ses églises :
« Et nos églises, reprit Mademoiselle Myra, voyez-vous nos églises, et leurs clochers pleins de sonneries et de carillons ? Vous entendrez cela le dimanche ! Et notre cathédrale de Saint Michel, apercevez-vous sa masse imposante, les tours de sa façade, sa flèche centrale qui monte vers le ciel comme pour conduire la prière. »11
Henry, le futur beau-frère, est vraiment perdu dans l’admiration de la cathédrale, car à la différence de l’église à la cloche fêlée, les églises et les clochers de Ragz sont encore intacts. Mais la fonction de la cloche et de l’église sera bafouée par Wilhelm Storitz, l’invisible génie maléfique. C’est ainsi que l’église, comme dans Un prêtre en 1839, deviendra, d’un lieu d’asile, de paix spirituelle et de salut, un lieu redoutable. Qu’est-ce qui avait opéré cette transformation ? Wilhelm Storitz, désireux d’empêcher à tout prix le mariage de Marc et de Mira, interrompt la cérémonie du mariage, vole la couronne de la mariée, profane l’hostie et sonne les cloches pour dissiper les invités. Les cloches sonnées par des sonneurs invisibles se font entendre plusieurs fois et sèment la panique et la confusion dans la petite ville,
Qu’on n’oublie pas, d’autre part, l’horreur que pouvait inspirer à cette ville si religieuse le scandale dont la cathédrale venait d’être le théâtre. Le plus abominable des sacrilèges y avait été commis12
Le personnage qui épouvante la ville entière se fait délibérément entendre, car il sait qu’il ne peut pas être vu. Pour provoquer encore les habitants de Ragz, Storitz se moque des rituels, car au moment du mariage, c’est la mort qu’il annonce avec le son des cloches :
Dix heures et demie venaient de sonner, lorsqu’une sinistre volée de cloches, un funèbre glas, retentit, une sorte de tocsin d’épouvante13
La conséquence est la même que celle du sabotage de l’église dans Un prêtre en 1839 :
Les églises n’offraient même pas un asile où l’on pût se réfugier après ce qui s’était passé à la cathédrale14
Que fait Storitz dans les clochers où il tire les cloches pour proclamer la mort ? Sonneur invisible, acteur paradoxal car il se donne en spectacle tout en restant inaperçu, et voit ses spectateurs sans être vu par eux, Storitz affirme son existence, sa présence, tout en étant invisible15.
Cette manifestation nous renvoie encore une fois au texte de Lacan, Les Noms du père :
Ce nom dans l’Exode au Chapitre VI, l’Elohim qui parle dans le buisson ardent qu’il faut concevoir comme son corps, qu’on traduit par la voix et dont on n’a pas voulu vous expliquer qu’il est bien autre chose, ce Dieu parlant à Moďse lui dit à ce moment :
« Quand tu iras vers eux, tu leur diras que je m’appelle Je suis, Ehyé, Je suis ce que je suis»16
Défiant les spectateurs avec son invisibilité, en sonnant les cloches, en laissant des signes de sa présence, c’est comme si Storitz disait : « Je suis là ». Il s’empare de l’église pour affirmer son existence, à l’instar d’un dieu maléfique ou négatif. Sa voix, résonne comme la voix « fêlée et chevrotante /…/ cassée, frêle, grêle, aigre» de la cloche fêlée décrite dans Un prêtre en 1839.
Dans ce sens, les deux textes que nous avons discutés, si éloignés dans le temps, s’apparentent. Le regard, l’invisibilité, l’illusion optique se complètent avec la voix qui trompe, la voix qui annonce la mort ou la voix venant d’au-delà de la tombe, et tout cela sous le signe de l’absence du Père. Si la voix sacrée, ou la voix du Père, ou bien « père symbolique » en termes lacaniens, affirme sa présence, et la présence, la vérité et la vie en général, la voix dans ces récits verniens est là pour souligner, au contraire, l’absence. Dans ce défi lancé à partir du vide, il y a tout le poids de l’absence du père, et, dans le cas de Storitz, l’affirmation non de la vie, mais de la mort. Dans ces textes, l’Eglise qui était censée être le centre de l’existence humaine, devient une simple mise en scène, un décor, un centre vide qui peut facilement être démantelé ou même usurpé par un faux démiurge comme Storitz, œil voyant et invisible. Trompé et édifié à la fois, le lecteur-spectateur, lui, se sent guetter par l’anamorphose du coin du tableau, mais ne peut rien voir, à moins qu’il ne voit comme Myra, qu’il ne peut plus se voir. tandis qu’il entend le « bruit silencieux »17 de la cloche fêlée. L’œil qui guette sans être vu, le regard qui ne voit pas, la voix qui vient du vide, le jeu des présences invisibles, tout cela se retrouve déjà dans ce « bruit silencieux » du premier roman vernien. Verne explique ce paradoxe de la présence absence, de la voix audible et absente, qui n’arrêtera pas de le hanter :
silencieux en effet, car chaque individu se plaçait, se disposait en silence et cependant le bruit se fourvoyait et se faufilait de tous côtés, parcourait les sombres arcades, les voûtes surbaissées,faisait parfois résonner les tremblants vitraux du temple séculaire18
Notes
1. François Deriverey, Pulsions et inscriptions. Dans deux romans de Jules Verne, E..C Editions, 1992, p. 27.
2. Daniel Mortier, « Le récit et le spectacle. Verne et le théâtre » in Modernités de Jules Verne, Paris, Presses Universitaires de France, 1988, p. 107.
3. Simone Vierne, Jules Verne, mythes et modernité, p. 44.
4. Jules Verne, La Chasse au météore. Version originale. Suivi de Edom. Postface de Olivier Dumas. Bruxelles Grama, Le Passé futur, 1994.
5. Jacques Lacan, Les noms du père, Transcription de la séance du 20 novembre 1963, http://perso.wanadoo.fr/espace.freud/topos/psycha/psysem/nondup/nomsdup.htm
6. Voir aussi Christian Chelebourg, Jules Verne. L’œil et le ventre. Une poétique du sujet, Paris, Lettres modernes, 1999.
7. Max Milner, La Fantasmagorie, Paris, Presses Universitaires de France, 1982.
8. Jacques Lacan, op. cit.
9. Jules Verne, Le Secret de WIlhelm Storitz, Paris, Gallimard, 1985, p. 94. Cette étrange question qu’Henry se pose, les lecteurs pourraient se la poser aussi. Même avant de devenir invisible à cause du savoir maléfique que le médecin Otto Storitz avait transmis à son fils, on a de quoi douter la visibilité de Myra. Car pourquoi Marc aurait-il refusé quel l’on prenne une simple photo de sa future épouse, comme Henry l’avait demandé ? « Et, cependant, il eût été facile,n’est-il pas vrai,de la placer, revêtue de sa plus jolie toilette, dans une pose gracieuse, quelques secondes seulement, devant un objectif. J’aurais pu l’admirer de visu pour ainsi dire, si Marc m’eût envoyé sa photographie…. » se demandait Henry (27). Il reçoit, bien sûr, le portrait de Myra peint par Marc, mais il ne faut pas oublier que les portraits de Marc étaient considérés « plus vrais que nature. »
10. voir Jacques Lacan, Le Séminaire XI, Paris. Seuil, 1973.
11. Le Secret de Wilhelm Storitz, ed. cit, p. 92.
12. Ibid., p. 227.
13. Ibid., p. 236.
14. Jules Verne, Un prêtre en 1839, Paris, Le Cherche Midi Editeur, 1992, p. 184.
15. La relation entre la vue et la mort est illustrée dans l’échange de la vie et de la vue de Storitz. Vivant, Storitz peut voir sans être vu. Mort, il est visible mais ses yeux ouverts ne voient plus. « Il n’y a là plus qu’un cadavre, la figure convulsée, les yeux ouverts, le regard encore menaçant, le cadavre visible de l’étrange personnage que fut Wilhelm Storitz » (277). En quelque sorte, inversement, Myra, au début de son invisibilité semble ne pas voir, car elle doit être conduite à travers sa propre maison comme une non-voyante : « Marc avait trouvé la main de Myra, et il l’entraînait doucement, comme s’il eût conduit une aveugle » (288).
16. Jacques Lacan, op. cit.
17. Un prêtre en 1839, ed. cit., p. 11.
18. Ibid., p. 13.