Iacob Mârza
Université ”1 Décembre 1918”, Alba-Iulia, Roumanie
Identité et altérité à Blaj sous le « Vormärz » : le cas des écoles
Identity and Alterity in Blaj during the « Vormärz »
Abstract: The author examines Augustin de Gerando’s book La Transylvanie et ses habitants, I, Paris, 1845, which is a valuable source of information regarding the modern cultural dynamics of identity and alterity. The book describes the schools from Blaj (in the centuries before the 1848 Revolution). The French writer Augustin de Gerando married Countess Emma Teleki from Transylvania, where he eventually settled and wrote about his experiences. Due to his notes we have an interesting narrative and historical source, which offers us a convincing image, provided by an outsider, of the Blaj schools during the modern age (a presentation of the schools and of the education authorities, as well as the shock he experienced on making some close inspections there). The author also introduced unpleasant considerations on the Romanian elite, which can be explained by analyzing the relationship between the Romanians and the Hungarians in the years before the 1848 Revolution.
Keywords: Augustin de Gerando, 19th Century Habsbourg Transilvania, Romanian schools, minority / majority dynamics.
À une époque où l’enseignement moyen et supérieur dans la Grande Principauté de Transylvanie, est ravivé par l’assimilation d’idées modernes et par l’application de plusieurs réformes (Cluj, Sibiu, Braşov, Aiud, Beiuş, Sighişoara, etc.), sans laisser de côté l’intérêt pragmatique des citadins roumains ou des marchands de Braşov par rapport à l’école, on prend à Blaj d’importantes mesures de restructuration des institutions d’éducation. La fondation du lycée en 1831, institution d’enseignement supérieur similaire à d’autres lycées transylvains de tradition (dont les diplômes étaient reconnus par les autorités gouvernementales) ; l’attention accordée aux mathématiques et à la physique dans les programmes scolaires, à part l’étude de l’histoire, de la géographie et de la philosophie ; l’activité soutenue d’une pléiade d’enseignants patriotes qui ont commencé à donner leurs cours en roumain (Simion Bărnuţiu, Timotei Cipariu, Ioan Rusu et autres) les propositions de réformation de l’enseignement dans le domaine de l’organisation et du contenu ; les orientations de quelques érudits vers des collaborations avec des centres roumains d’une autre confession (Brasov, des villes du Banat) ; l’intérêt manifesté par rapport à la culture de la Valachie et de la Moldavie (la circulation des livres et des périodiques roumains ; les échanges épistolaires ; divers voyageurs et activités temporaires en dehors de l’arc des Carpates, etc.) mettent en relief un profil à part du centre scolaire de Blaj sous le « Vormärz »[1], plaidant pour une identité indiscutable avec des accents nationaux.
Une perspective moins connue – et qui n’a pas été mise en valeur de manière systématique avant ce moment – sur le centre culturel de Blaj sous le « Vormärz » avec comme point d’intérêt entre autres ses écoles et ceux qui les servent, nous est offerte par les relations d’Augustin de Gérando dans le volume La Transylvanie et ses habitants, I, Paris, 1845[2]. Dans le cas où, à partir d’un support documentaire qui peut soulever des discussions et envoyer à diverses connotations nationales, nous voulons obtenir une image plus complète sur les institutions scolaires dans les années précédant la Révolution de 1848-1849, les notes de voyage d’Augustin de Gérando (1820-1849) écrivain et politicien français établi en Transyilvanie par le mariage avec la comtesse Emma Teleki, doivent être interprétées comme source historique narrative intéressante[3] qui nous offre, d’une manière suffisamment convaincante, « l’image de l’autre » sur Blaj à l’époque moderne. Les clichés et les images qui se détachent du texte de l’écrivain français peuvent constituer, à la portée d’un certain horizon historiographique, autant d’éléments nécessaires contribuant à une compréhension plus nuancée de la situation de Blaj, important centre ecclésiastique et scolaire des Roumains transylvains de la première moitié du XIXe siècle, dans la direction de l’identification de quelques phénomènes d’identité et altérité.
Les représentations sur les écoles de Blaj sous le « Vormärz », telles qu’elles peuvent être rencontrées dans les relations de voyage d’Augustin de Gérando[4] que nous essayons d’interpréter ici et maintenant dans la perspective de recherches d’imagologie effectuées sur encore un autre centre culturel des dimensions de celui situé à la confluence des deux Târnave[5], doivent être rapportées, dès le début, au but suivi par leur signataire : la tentative de connaître le mouvement intellectuel roumain après avoir suivi un phénomène similaire pour les Hongrois de la Transylvanie, à Aiud[6]. En précisant que, à Blaj, se trouve la résidence de l’évêque gréco-catholique, Aug. de Gérando présente sans connaître de manière suffisamment claire – ce qui n’est pas une reproche – la situation scolaire des Roumains unis de la Transylvanie : « […] à Balásfalva, le travail analogue qui s’accomplit parmi les Valaques. C’est à Balásfalva que réside l’évêque du culte grec uni, et que se trouve le meilleur ou plutôt le seul collège qui appartient à cette communion. »[7] L’information est, en son essence, exacte si l’on tient compte du fait que, à Blaj fonctionnait, depuis 1831, sous la direction de l’évêque Ioan Lemeni, le seul lycée roumain soutenu par l’église gréco-catholique en Transylvanie, qui ne doit pas être confondu ni avec le gymnase, ni avec le séminaire théologique, tout comme l’on ne peut pas laisser de côté l’existence, depuis 1828, du lycée de Beiuş, fondé par l’évêque Samuil Vulcan[8].
En rapport direct avec la spécificité du centre ecclésial et culturel de Blaj et comme preuve péremptoire de l’horizon spirituel de facture romantique de l’auteur, Augustin. de Gérando se lance dans une longue digression sur le passé de l’Église gréco-catholique de Transylvanie. Les informations n’ont plus de rapport direct avec le but principal de l’investigation, raison pour laquelle ces questions ne seront pas discutées ici[9]. En faisant référence à la situation précaire sous rapport matériel de l’église, l’auteur note à un moment donné : « Trois cents élèves pauvres, qu’il doit pour la plupart nourrir, sont admis à Balásfalva, et l’entretien des quatorze cents paroisses répandues dans le pays est à sa charge »[10]. Le nombre des élèves, mentionné par le narrateur, même s’il doit être mis sous le signe de l’interrogation, aussi bien que l’indication de la tâche de l’évêché de les nourrir en grande partie, constituent, en leur essence, des données déjà acceptées par l’historiographie du thème[11].
En continuant de suivre les relations d’Augustin de Gérando, nous sommes confrontés à une série de considérations de nature historique, dans une vision romantique, sur l’élément roumain de Transylvanie, notamment des prêtres de campagne devenus « chefs nationaux » des paysans, vivant parmi eux, travaillant à côté d’eux, parlant leur langue, faisant partie de la même nation. Tout ceci fait comprendre à l’érudit français pourquoi les prêtres, conscients du rôle qu’ils devaient accomplir dans la voie des Roumains vers un futur meilleur, faisaient « l’objet de l’adoration populaire »[12] : « Aussi s’habituent-ils à regarder les popes comme leurs chefs naturels. Les popes vivaient parmi eux, comme eux, labouraient comme eux, parlaient leur langue, étaient de leur race : ils devinrent l’objet de la vénération populaire. Le clergé comprit admirablement ce rôle et l’accepta. Regardez ce paysan aux longs cheveux qui sort de sa chaumière : il ôte lentement son chapeau parce qu’il voit passer la voiture d’un magnat mais il fera un détour pour aller baiser la main de son prêtre […] Dans ce réveil solennel, le peuple valaque, qui hier encore était serf, ne peut être que le dernier venu. C’est à la voix de son clergé qu’il se mettra en mouvement. Il suivra ceux en qui il a foi depuis tant de siècles, et qui ne l’ont jamais abandonné. J’avais donc un désir légitime de visiter Balásfalva. Ce n’était pas une excursion motivée par une vaine curiosité : j’allais juger à la fois la tête et le cœur d’une nation. »[13]
Dans un contexte culturel pareil, au niveau de ses connaissances, Augustin de Gérando met en discussion la question des remous religieux des habitants de la principauté transylvaine, la propagation du culte gréco-catholique, les quatre points qui différenciaient l’Église orientale de celle occidentale (après le concile de Florence de 1439) les tentatives des princes du XVIIe siècle de convertir les Roumains au calvinisme, l’offensive de l’empire des Habsbourg sous rapport politique et religieux sur la Transylvanie et sa transformation en province soumise à la couronne des Habsbourg et l’union d’une partie de Roumains transylvains avec l’Église de Rome[14], etc.
La description du voyage d’A. de Gérando vers Blaj dans le chariot d’un paysan roumain, avec ses informations pittoresques visant certaines réalités géographiques et des mentalités typiques pour le « Vormärz » n’est pas dépourvue d’intérêt : « Pour me rendre à Balásfalva il me fallait quitter la grande route, ce que j’ai dû faire souvent, et m’engager dans un étroit chemin labouré d’ornières où j’aurais infailliblement versé si je n’avais eu la prudence de louer une voiture du pays. Je fis prix avec un cocher valaque, qui de soubresauts en soubresauts nous conduit, non sans peine, à Balásfalva. Notre homme déclara qu’il ne connaissait pas d’auberge où nous puissions descendre, ce qui ne m’étonna que médiocrement ; mais il se hâta d’ajouter que l’évêque était fort hospitalier. Il paraissait si flatté d’honneur de conduire sa voiture dans la cour de l’évêque, et de souper avec les gens de l’évêque, que je dus en passer par où il voulait. »[15]
La relation d’A. de Gérando se maintient tout aussi captivante lorsqu’il décrit son entrée dans l’immeuble du palais épiscopal où il aperçoit quelques jeunes prêtres et la manière de décrire une partie de l’intérieur du palais : « Il arrêta donc ses chevaux à la porte du palais épiscopal, et, sans attendre mes ordres, cria à tue-tête qu’un voyageur demandait à entrer. Il exerçait ses poumons dans une cour assez vaste, où se promenaient quelques jeunes prêtres fort graves. Un valet l’entendit, gagna l’appartement du maître, et rapporta l’ordre de m’introduire. On me fit passer par un escalier et des corridors, au bout desquels se trouvait une longue salle décorée des portraits des évêques grecs de Transylvanie. Cette pièce n’était éclairée que par la bougie que portait mon guide, et, à mesure qu’il passait, ces figures austères s’illuminaient et semblaient s’approcher. Le valet poussa la porte qui se trouvait au fond de la salle, et je me trouvai dans une chambre où étaient assis deux personnages. »[16]
L’intérêt de la relation se maintient dans la perspective de « l’image de l’autre » si nous avons en vue les principaux personnages ecclésiastiques qui y apparaissent, le voyageur français étant accueilli par l’évêque gréco-catholique Ioan Lemeni – il accomplissait aussi la fonction de directeur des écoles de Blaj – qui avait comme invité l’évêque orthodoxe Vasile Moga, dont la résidence était à Sibiu. Essayons de nous rappeler que, dans les décennies 4-5 du XIXe siècle se sont enregistré quelques actions politiques communes à Blaj et à Sibiu sur le compte des Roumains transylvains dirigés par les deux représentants du clergé suivant une réorientation politique nationale[17]. Nous donnons, une fois de plus la parole au narrateur : « Le visage vénérable de l’un était orné d’une longue barbe blanche. L’autre, à la physionomie vive et fine, avait une barbe grisonnante artistement coupée. Ce fut ce dernier qui m’accueillit. Il se leva, me tendit la main, ma présenta son collègue l’évêque d’Hermannstadt, et répondit affectueusement au compliment que je lui débitai en latin, attendu que je ne me sentais pas assez sûr de mon allemand ni de mon hongrois, et que je n’étais pas fort en état de lui parler valaque. Après les paroles indispensables sur la France et sur la Hongrie, sur les mauvaises routes et sur le beau temps, j’essayai d’amener la conversation sur un sujet qui me touchait beaucoup. »[18]
La discussion sur la situation politique de la Transylvanie, la reconnaissance par l’évêque Ioan Lemeni du fait qu’il appartenait à une famille hongroise, la spécificité des voyages à aspects fort agréables et avec des choses difficiles à supporter, la conversation pimentée de latin sur diverses questions quotidiennes non exemptes de banalités, etc., constituent le sujet d’une autre partie de la relation d’A. de Gérando : « Nous parlions de la situation de la Transylvanie. Comme l’évêque s’étonnait qu’un étranger pût discourir sur des sujets aussi difficiles, je lui appris qu’attaché à une famille hongroise, j’étais presque citoyen de son pays. J’ajoutai que mes voyages ne laissaient pas que de m’être agréables, par la raison que les fatigues semblent plus légères quand on se trouve deux pour le supporter. ”Je suis accompagné, dis-je résolument, d’une personne qui ne me quitte pas. Où est-elle ?” demanda l’évêque. In curru, répliquai-je (j’ai dit que nous parlions latin), ”dans le char”, regrettant d’appliquer ce mot poétique à l’abominable carriole qui nous avait cahotés jusque là. J’attendais l’effet de ce mot décisif ; mais à ma grande surprise mon interlocuteur resta impassible. Il ne paraissait ni charmé ni embarrassé ; évidemment il n’avait pas entendu. Je pensai que les Hongrois, qui font plier à tous leurs besoins la langue de Cicéron, avaient pu imaginer une expression nouvelle pour signifier “voiture “, comme ils ont inventé le mot scalpetum pour dire ” fusil “. »[19]
Mais un passage d’intérêt maximal pour la problématique de base de cette recherche est celui où apparaît nominalisé le professeur de philosophie Iosif Pop[20], qu’il connaît à l’occasion de la visite du lycée : « Nous n’eûmes qu’à nous louer de l’hospitalité de Balásfalva. Dès le lendemain je visitai le collège, conduit par le professeur de philosophie, M. Joseph Papp, jeune homme plein de cœur et d’intelligence. J’ai dû beaucoup à ses bons et utiles renseignements et je me plais à le remercier de son chaleureux concours. M. Papp, que ses fonctions astreignent à un travail incessant, a trouvé moyen, dans ses moments de loisir, d’étudier les principales langues de l’Europe, et il parle français, italien, allemand, latin, hongrois, valaque et turc. »[21]
Après ce portrait intellectuel du professeur du lycée de Blaj dont la fin tragique surviendra en avril 1845[22], année pendant laquelle apparaîtra à Paris le texte d’A. de Gérando, nous pouvons prendre contact avec un autre fragment de très grande importance documentaire par rapport au profil des écoles de Blaj sous le « Vormärz », en suivant le fil de l’identité et de l’altérité des institutions qui s’y trouvent : « Comme tout ce qu’il y a d’intelligence chez les Valaques réside dans le clergé, il s’ensuit que le collège de Balásfalva est proprement un séminaire. Les jeunes gens qui y sont admis en sortent prêtres. Ils y entrent à huit ans, apprennent les langues et la liturgie ; après quoi on les marie et on leur confère l’ordination. Je parcours avec plaisir les salles d’étude et les classes, « écoutant cette douce langue valaque, qui me semblait harmonieuse comme le Vénitien. Je fus frappé de la physionomie intelligente de plusieurs d’entre les élèves. Parmi les professeurs, quelques uns me représentaient ce qu’ont dû être les bénédictins ; d’autres, au regard rapide, avaient une vivacité toute méridionale. J’ai dit que ce séminaire était la seule institution qui appartînt aux grecs unis ; j’ajouterai que deux élèves des plus distingués sont envoyés à Vienne pour y achever leurs études. »[23]
La situation scolaire de Blaj, telle qu’elle est relatée par le voyageur français, supporte quelques amendements, même si le texte est important dans la perspective de « l’image de l’autre » pour les institutions d’éducation qui s’y trouvent. La confusion entre lycée et séminaire, deux institutions indépendantes, même si conçues par les organisateurs « ab initio » dans une unité dialectique ; la mise en évidence superficielle du contenu de l’enseignement qui ne se limitait pas seulement à l’enseignement des langues et de la liturgie ; le fait de signaler le séminaire de Blaj comme seule institution de ce genre appartenant aux Roumains gréco-catholiques, etc., autant de stéréotypes erronés[24] qui doivent être compris en rapport direct avec les chances de documentation d’A. de Gérando, accompagné par le professeur Iosif Pop[25] pendant son séjour à Blaj. Évidemment, nous ne pouvons pas sous-estimer les appréciations correctes et favorables sur une réalité culturelle. En ce sens, se détache de loin la comparaison surprenante de la langue roumaine au vénitien grâce à son harmonie, les considérations sur les élèves aux physionomies intelligentes, l’impression laissée par les professeurs qui lui semblaient le prototype culturel des bénédictins pour cette époque-là, les boursiers à Vienne (dont le nombre était, évidemment, plus grand), etc.
À la fin des relations sur la visite à Blaj et la rencontre de quelques uns de ses intellectuels parmi lesquels A. de Gérando nomme seulement l’évêque gréco-catholique Ioan Lemeni et le professeur de lycée Iosif Pop, nous trouvons plusieurs appréciations du voyageur français clairement favorables dans les cercles officiels concernant les rapports entre les Roumains et les Hongrois en Transylvanie avant la Révolution de 1848-1849, de l’effervescence du journalisme à l’époque où les connotations politiques nationales ne sont pas absentes, ayant pour point de départ la polémique entre Gazeta de Transilvania et Erdélyi hiradó de la cinquième décennie, notamment entre les deux centres culturels, ecclésiastiques et politiques de la taille de Braşov et Cluj, de l’attitude des nobles hongrois par rapport aux Roumains en comparaison avec celle du patriciat saxon, de la pétition de 1791, Supplex Libellus Valachorum, adressée, au nom de la nation roumaine, par les évêques Ioan Bob et Gherasim Adamovici, par l’effort politique commun de 1843, provoqué par les remous politiques et les travaux de la Diète auxquels se sont engagés les évêques Ioan Lemeni et Vasile Moga[26], etc.
En fait, beaucoup des actions politiques et culturelles que le voyageur français présente d’un point de vue personnel qui va donner lieu à des discussions et même à des polémiques de la part de quelques intellectuels roumains – si nous pensons aux opinions de George Bariţ et Timotei Cipariu[27] ont eu comme point de départ la petite ville de la confluence des Târnave.
Notre tentative de surprendre des aspects de l’identité et de l’altérité à Blaj sous le « Vormärz » offerts par le cas des écoles, à partir des notes de’A. de Gérando, La Transylvanie et ses habitants, où nous trouvons d’indiscutables qualités mais aussi des défauts inévitables, nous conduit vers quelques conclusions. L’attitude de l’auteur français marié à une représentante de la noblesse hongroise de Transylvanie où nous trouvons une oscillation constante entre des images préexistantes et le choc des constats sur place[28] auxquels l’on ajoute, plus d’une fois, des informations inconfortables pour l’élite des Roumains transylvains sous le « Vormärz », explicables jusqu’à un certain point par les rapports entre les Roumains et les Hongrois dans les années qui ont précédé la Révolution de 1848-1849, indiquent de manière indiscutable des différenciations de civilisation aussi bien qu’absence de communication entre divers groupements ethniques dans un espace particulier et en différents moments historiques et politiques.
L’identification, dans les notes d’A. de Gérando, d’autres images sur les Roumains et leur identité – avec référence directe aux écoles de Blaj sous le « Vormärz » donne lieu naturellement à des préjugés propre à la nation majoritaire – comme on l’a remarqué dans la littérature de spécialité[29] – mais confèrent aussi un plus d’authenticité et relativisme typiques pour une source historique pareille qui a fait appel au prêtre Urmösi Sándor et a été citée par Nicolae Iorga[30]. En dernière instance, dans le cas des observations d’A. de Gérando, nous sommes aussi devant un phénomène intéressant de relativisation des images sur l’autre à partir de la manière dans laquelle « un français lié par mariage à l’aristocratie » a perçu les problèmes qui ont préoccupé l’élite des Roumains transylvains dans les années précédant la Révolution de 1848-1849. Si quelques images surprises dans les notes du voyageur étranger confèrent un plus de couleur pour le profil intellectuel d’un centre culturel de la taille de Blaj sous le « Vormärz », d’autres renvoient au « bon sauvage roumain » si nous avons en vue l’entendement et même la sympathie pour le charretier (un cocher valaque) qui l’a accompagné pendant son voyage à Blaj.
Les notes d’A. de Gérando qui ont attiré l’attention à un moment donné à Nicolae Bălcescu, peut-être par les feuilles même de Bariţ (où l’on signale et l’on reproduit des fragments de La Transylvanie et ses habitants[31] présente un intérêt indiscutable pour ceux qui vont tenter une approche des aspects de la constitution de l’imaginaire social dans la Transylvanie de la première moitié du XIXe siècle en voie vers l’établissement de l’identité nationale[32]. Mais les notes d’A. de Gérando doivent être attachées et interprétées avant tout dans le contexte d’une évaluation historiographique située dans la perspective de quelques aspects d’identité et d’altérité du Blaj de l’époque pré-révolutionnaire avec des institutions et des personnalités qui ont eu un rôle indiscutable dans la renaissance nationale des Roumains transylvains[33].
Notes
[1] Iacob Mârza, Scoala si natiune, Scolile de la Blaj în epoca renasterii nationale, Cluj-Napoca, Dacia, 1987, pp. 44-45.
[2] Exemplaire consulté dans la Bibliothèque Nationale de la Roumanie, Philiale Batthyaneum, Alba Iulia, cote Q4 VIII 2 a.
[3] Des données biographiques sommaires, dans le contexte de la valorisation des relations sur Alba Iulia, chez Iacob Mârza, Augustin de Gérando sur Alba Iulia in Apulum, VIII, 1971, pp. 197-214. Voir aussi N. Edroiu, Călători străini despre răscoala lui Horea, in Apulum, XI, 1973, pp. 387-388.
[4] A. de Gérando, La Transylvanie et ses habitants, I, Paris, Au Compt. des Imprim. Unis, 1845, pp. 211-222 (Chapitre VIII. Enyed – Balásfalva).
[5] Des commentaires sommaires en marge de quelques fragments traduits, chez Ioan Georgescu, Blajul de altă dată, in Cultura creştină, II, 11, 1912, pp. 337-340.
[13] Ibidem, p. 213. Pourl’étape actuelle de l’historiographie sur les rapports politiques au XVIIIe siècle, l’union avec l’Église de Rome, l’instauration du régime autrichien, au diplôme de l’Union, etc, cf. David Prodan, Supplex Libellus Valachorum. Din Istoria formării naţiunii române. Nouvelle édition revue et corrigée, Bucureşti, Editura Ştiinţifică şi Enciclopedică, 1984, PP, 134-150 ; Mathias Bernath, Habsburgii şi începuturile formării naţiunii române. Traducere de Marionela Wolf . Prefaţă de Pompiliu Teodor, Cluj, Dacia, pp. 25-158.
[17] Cf. les conclusions de Ladislau Gyémánt, Mişcarea naţională a românilor din Transilvania între 1790 şi 1848, Bucureşti, Editura Ştiinţifică şi Enciclopedică, 1986, pp. 119-335.
[20] Pour sa vie et son activité voir: Iacob Mârza, Cultură, religie şi destin la Blaj în « Vormärz » : profesorul Iosif Pop (1812-1845), Muzeul Naţional al Unirii, Bibliotheca Musei Apulensis, X, Universitatea « 1 Decembrie 1918 » ; Spiritualitate transilvană şi istorie europeană. Editori Iacob Mârza et Ana Dumitran, Alba iulia, 1999, pp. 463-468.
[21] A. de Gérando, op. cit., p. 218. Dans le contexte de la mise en évidence de l’attachement des Roumains pour la langue, comme une r2flexion de la culture romantique, A. de Gérando mentionne aussi l’intérêt de Iosif Pop pour la culture populaire : « M. Papp, de Balásfalva, nous a communiqué quelques chansons que nous nous empressons de reproduire à cause du mérite incontestable de la poésie et parce qu’elles ont un caractère national ; » A. de Gérando, op. cit., p. 341-342.
[22] Cf. pour quelques détails, Iacob Mârza, Cultură, religie şi destin la Blaj în « Vormärz » : profesorul Iosif Pop (1812-1845), in op. cit. pp. 463-468.
[24] Voir Iacob Mârza, Scoala si natiune, pp. 58-156 (Evolutia scolilor pâna la 1848. Profesorii, continutul învatamîntului)
[25] Considéré “comme un des jeunes genies de son temps” G. Bariţiu, Urmările primei publicaţiuni a lui Simion Bărnuţiu, in Observatorul, IV, 6, 1881, p. 22.
[26] A. de Gérando, op. cit., pp. 218-222. pour l’étape des recherches, cf. David Prodan, op. cit., passim, Ladislau Gyémánt, op. cit., passim.
[27] Reste édifiant, de ce point de vue, l’échange épistolaire entre Timotei Cipariu et George Bariţiu, notamment les lettres de Blaj, 13/25 février 1846 et 12/14 mars 1846, où nous trouvons reflétée l’attitude des érudits de cette région suite à l’intervention journalistique de George Bariţ vis-à-vis des observations partiales d’A. de Gérando (op. cit., p. 221-222 dont il est considéré responsable jusqu’à un certain moment, et le professeur Iosif Pop (trouvé en ce moment dans le groupement proche à I. Lemeni) ; la protestation du consistoire de Blaj contre le hongrois ; envoyé à la Diète en 1842 ; l’image déformée de ville de « l’Harmonie » qu’A. de Gérando confère à Blaj domin2 par la partie de l4évêque I. Lemeni ; l’interprétation fréquente des réalités politiques, culturelles et religieuses de la Transylvanie pré-révolutionnaire etc. Cf. George Bariţ şi contemporanii săi, Vol. IV, Ediţie de Ştefan Pascu, Iosif Pervain, Ioan Chindriş, Dumitru Suciu şi Ion Buzaşi. Coordonnateurs : Ştefan Pascu et Iosif Pervain, Bucureşti, Minerva, 1978, pp. 251-252, 252-253, 258.
[28] Des propos intelligents et modernes par rapport à cette recherche chez Melinda Mitu, Sorin Mitu, Românii văzuţi de maghiari. Imagini si clişee culturale din secolul al XIX-lea, Cluj-Napoca, EFES, 1998, passim.
[31] George Em. Marica, Studii de istorie şi sociologia culturii române ardelene din secolul al XIX-lea. Vol. III. George Baritiu – istoric, Cluj-Napoca, Dacia, 1980, p., 45, nr. 79.
[32] Des directions de recherche intéressantes chez Sorin Mitu, Geneza identităţii naţioale la românii ardeleni, Bucureşti, Humanitas, 1997, passim.